Elekeiz Palcego | Tom Hiddleston

Tocotoc.
Tocotoc.
Dans un rythme douloureusement régulier, mes doigts heurtent le dessus du bureau usé par une succession de générations de professeurs avant moi.
Cette fine cacophonie trahit mon énervement, cet agacement qui rend à fleur de peau la moindre contrariété.
À dire vrai, énervement n'est pas le mot juste. Non, l'ennui est plus approprié. Ce monde est ennuyeuse, ma vie est aussi soporifique que regarder un moldu se croire utile. La paix nous a rendus amorphes, trop heureux de nous embourber dans un monde trop lisse pour daigner brusquer son prochain. Si je le pouvais à cet instant, je baillerai à m'en décrocher la mâchoire, mais ce ne serait pas correct. Le politiquement correct me faisait gerber mais même moi j'étais victime de ses futiles apparences.
La jeune femme en face de moi me parle, balbutie quelques borborygmes que j'ai déjà abandonné depuis longtemps à comprendre, ni même à m'y intéresser. Quelques hochements de tête, pour la forme et elle déblatère son monologue dont je me contrefous. C'est une sang-de-bourbe et si personne ici ne connaît réellement mes opinions, elle me fait perdre mon temps en ajoutant une couche d'ennui à ma paresse.

Assez.

- Bien bien bien mademoiselle. fis-je en lui coupant la parole en joignant mes propos d'un geste horizontal de la main. Aussitôt le silence se fit. Vous ne comprenez pas ma notation et c'est là tout le problème. Commencez par comprendre ce que je vous enseigne avant de chercher à analyser ce qui vous dépasse. Vous ne pourrez que progresser ainsi. Au moins n'était-elle pas une cracmol, positive Elekeiz. Vous pouvez disposer. Le visage rougi par l'exercice, l'élève se lève sans s'élever dans mon estime avant de quitter mon champ de vision.

Tocotoc. Tocotoc. Tocotoc. Tocotoc.

Il fallait que ça change. Il fallait que mes recherches servent à quelque chose. Ces éléments prometteurs qui n'attendaient qu'une terre fertile pour germer à un avenir meilleur. Si vis pacem, para bellum.

Cette paix illusoire n'avait que trop duré.
Je ne me considérai pas comme un belliciste, bien au contraire. J'avais à cœur plutôt de tendre vers l'évolution et cette évolution nécessitait des sacrifices certains. Je n'inventais rien, la Nature avait toujours agi ainsi et personne ne le remettait en cause. Les forts, les faibles et le lien hiérarchique qui se devait d'exister entre les deux. Seuls les aveugles seraient assez bêtes de penser que nous étions tous égaux. Cela en serait presque risible si ça n'était pas aussi pitoyable. Nous nous devons, pour les générations futures, tendre vers une société où le talent et la noblesse seraient enfin reconnus. Les pécores n'en seront pas désemparés pour autant : Ne dit-on pas "Bienheureux sont les ignorants" ? Laissons les dans leur crasse bêtise et bâtissons un système où nous ne serions plus enfermés par la bonne conscience, les principes moralisateurs ou je ne sais quel carcan de faiblesse. Nous sorciers sommes une branche de l'humanité qui stagne là où nous aurions dû déjà évoluer vers d'autres sphères.

Je suis perturbé dans mes pensées par la sonnerie de la prochaine heure de cours. Lâchant un long soupir, l'ennui reprend sa duveteuse place dans mon existence. Mais là, à la frontière de mon inconscient, le voilà écorné par une détermination qui petit à petit gagne du terrain. Les rumeurs sur ces anarchistes, les Deathwings, peut-être devrai-je m'y intéresser. Non pas que je cautionne tous leurs agissements, mais ils ont le mérite de donner un violent coup de pied dans une fourmilière amorphe.

Foutu ennui. Qu'il crève.