Follow my lead (Mthunzi & Livio)

Mthunzi ne savait pas bien ce qu’il faisait. Pourquoi il était venu. L’endroit lui était toujours sympathique. Le Scamander Park, c’était l’équivalent d’une maison accueillante pour le métis. Mais il aurait très bien pu s’y rendre seul comme il l’avait fait maintes fois avant. Seulement, là, devant l’entrée, il attendait. Il ne savait même pas exactement qui. On lui avait bien décrit le fameux Livio, mais il ne l’avait jamais encore réellement croisé. C’était vraiment une idée idiote que d’avoir accepté ce rendez-vous. Il avait l’impression qu’on se foutait un peu de lui. Et qu’on se foutait plus encore de ce garçon qu’on voulait lui refourguer pour tromper l’ennui. Il n’avait pas vraiment apprécié la façon dont ses cousins lui avait vendu le dit jeune homme. Il y avait un truc de pas très sain dans leur façon de faire… Mais le seul moyen qu’il avait de vérifier s’il y avait quelques chose de négatif dans ce rendez-vous arrangé, c’était d’y aller et voir.

Il avait donc transmis son point de rendez-vous et son horaire. parce que quitte à souffrir un rendez-vous, autant que ce soit dans un endroit qu’il aimait et qu’il connaissait déjà bien. Il flânait régulièrement dans le parc. Avec la nostalgie du temps où il avait pu y travailler comme soigneur. Ici ou dans d’autres parcs, il savait que ses chances d’emploi étaient maintenant réduite à zéro, voire négative. Il y avait peut-être un fond de masochisme dans ces visites répétées. Et l’illusion de combler le trou béant qui était né en lui quand il avait quitté les animaux de la MUL. Les Death Wing n’avait absolument pas comblé ce manque. En même temps, les Death Wing à part lui apporter des emmerdes… Mais n’allons pas faire du mauvais esprit, c’est une chose merveilleuse de s’apercevoir que dans un groupe d'extrémistes, on passe pour un mec plutôt mesuré et sympathique. De fait, on lui confiait pas vraiment de mission d’importance. On se méfiait toujours de lui. On le chaperonait… ça avait un côté mignon. Il avait une personne à emmerder en permanence, c’était plutôt cool.

Il finit par apercevoir un jeune homme qui correspondait aux descriptions. Il avait effectivement une chevelure pas banale. Mais c’était une belle crinière. Mthunzi se demandait s’il avait déjà vu une crinière aussi jolie, et à part les licornes, il n’avait pas grande concurrence en fait. Mthunzi s’avança vers lui. Il était habillé sobrement, il aurait même pu passer pour un moldu avec son ensemble noir, redingote en cuir, la seule touche de couleur tenait en une echarpe en wax aux couleurs vives et motifs bariolés.

“Bonjour, tu dois être Livio ?”

Son accent s’entendait encore, l’Afrique du Sud ne l’avait pas complètement quitté.

“Mthunzi. J’espère que tes cousins ne m’ont pas fait passé pour un désespéré, ou qu’il ne t’ont pas forcé à venir.”

Son ton n’était pas forcément très chaleureux mais il n’était pas non plus froid, juste très neutre.

“Tu es déjà venu ? Si tu veux je peux servir de guide… C’est un peu ma spécialité… Les animaux je veux dire, pas les visites…”

Mthunzi commença à avancer, tenant la porte d’entrée du bâtiment au jeune homme. Il ne savait pas vraiment ce que les autres avaient dit à Livio.

Quel âge pouvait bien avoir Livio ? Mthunzi n’en savait rien. Il paraissait surtout candide. Ou c’était sa peau d’albâtre, et sa chevelure d’un blanc féérique qui rendait son âge difficile à déterminer ? Le fait était qu’il paraissait beaucoup trop innocent pour fréquenter des Death Wings. C’était vraiment beaucoup trop bizarre comme rendez-vous arrangé.

“Ne sois pas enchanté en me rencontrant. Sinon tu vas être déçu sur la durée.” lâcha-t-il en levant un sourcil.

Hm. Voilà le pot aux roses. On lui avait refourgué le pauvre garçon sans qu’il sache rien. C’était pas très étonnant venant de ses cousins, mais quand même. Aussi peu de respect pour un membre de leur propre famille, il ne comprenait pas. Même sa famille était plus compatissante avec lui. C’est pour dire. Il grogna du coup en l’entendant, pas un grognement agressif, juste agacé.

“Pas de signore, s’il te plaît. Mthunzi, ça suffit. Vraiment.”

Il plongea son regard dans celui du plus jeune, cherchant à comprendre ce qui se passait en lui. Il n’avait pas l’air à l’aise. Et en même temps qui le serait. Franchement, ses cousins étaient des fucking tarés. Au moins, il allait avoir le plaisir de découvrir ce parc, c’était un endroit sympathique. Il guida le caucasien vers le bâtiment qui correspondait aux contrées européennes.

Il s’accouda sur la rambarde à côté de Livio. Il conserva quand même un peu de distance. Histoire de ne pas oppresser le plus jeune de sa présence. Il n’était pas un monstre. Ou du moins, pas à ce point.

“Travaillait.” corrigea-t-il.

Son ton était triste.

“J’ai travaillé ici. Il y a quelques années. J’étais soigneur au département africain, on y passera. Ils avaient besoin de mon expertise pour certains spécimen venant d’autres réserves.”

Il soupira. Cela lui manquait vraiment.

“Tu ne regardes pas au bon endroit… Regarde le tronc de l’arbre, là-bas…”

Il attrapa dans la poche intérieure de sa veste un binocle qu’il posa sur le nez de l’italien. Délicatement. Le verre était enchanté et grossissait énormément. Comme des jumelles. Livio devait enfin voir distinctement des Botrucs sur le tronc de l’arbre. Une colonie de Botrucs

“Ils ne se montrent pas souvent… Mais ici, ils savent que personne ne viendra les déranger. Si jamais tu dois braquer une banque un jour, ou organiser des cambriolages, je ne peux que t’encourager à t’en faire des amis. Aucune serrure ne leur résiste.” expliqua-t-il en maintenant le binocle sur son nez.

Puis il récupéra l’objet. L’enclos suivant était amusant. Du moins, plus interactif. Il fit signe au jeune homme de le suivre. L’enclos était toujours celui d’un sous-bois européen. On pouvait admirer plusieurs petits animaux qui ressemblaient à de grosses loutres.

“Le chartier. Nommé comme ça… Pour son langage. Je te laisse découvrir. Et après… Tu me diras ce que tu fais dans la vie ?”

Il laissa le jeune homme écouter ce que les animaux se disaient. De ce qu’il entendait, ils étaient en train d’insulter leurs mères et quand ils virent que Livio les regardait, ils se mirent à l’insulter lui et se jetèrent sur la barrière qui était sécurisée magiquement. Heureusement.

“Ils sont vraiment trop agressifs et vulgaires, tu crois pas ?” plaisanta-t-il, content de sa petite blague. “Promis, ce ne sont pas mes animaux totems.”

Le recul que Livio avait eu quand il avait posé le binocle sur son visage n’avait pas échappé à Mthunzi. Il était comme un animal craintif. S’il y avait quelqu’un pour pouvoir décrypter ce genre de comportement, c’était lui. Il en avait soigné des animaux traumatisé, il avait approché des animaux sauvages, méfiants. En fait, c’était presque comme un défi. Il aimait cela. Il aimait se faire adopter. C’était assez éclairant sur ses besoins affectifs.

“On les voit rarement. Ils savent se faire discrets. Seuls ceux qui savent où les trouver les voient bien souvent.”

Le voir rire était gratifiant. Il était vraiment mignon quand il avait cet air. Dommage que la peur revienne si vite dans son regard. Le métis en était désolé. Il ne savait pas ce que sa famille lui avait fait avant, mais il était clair que c’était vraiment des fils de Quintaped. Mthunzi se permettrait sans doute de leur toucher deux trois mots à l’aide de ses poings. Mais n’anticipons pas, revenons au charmant tableau de cet jeune homme émerveillé par les chartiers. Haha. Il n’était même pas offusqué. Dommage !

“C’est un animal qui apprend seul à parler… Mais essentiellement des insultes. On ne sait toujours pas comment ils font. Et ils sont aussi très agressifs.” Et Mthunzi eut une petite moue, plutôt affirmative. “Hm, oui, pour tes cousins, ça serait un cadeau gentillet. Mais même un chartier ne mérite pas de subir tes cousins, de ce que je comprends.”

Il lui lança un regard entendu. Il ne répèterait pas ça à ses cousins. Ce serait leur secret. Ils continuèrent d’avancer d’un pas tranquille. Mthunzi avait son regard qui allait ça et là, observant les animaux avec intérêt. Il lui était déjà arrivé de signaler des comportements étranges ou des blessures discrètes à des soigneurs. C’était sans doute pour ça qu’ici on ne le chassait pas comme ça pouvait arriver dans d’autres lieux. C’était son coin de calme, de paradis. Il écoutait aussi son compagnon de sortie. Maquilleur et modèle. Hm. ça ne parlait pas vraiment à Mthunzi. Pour lui, c’était un travail de bonne femme ça. Oui, sa misogynie n’était pas une découverte. Son regard se porta sur un fléreur allongé paisiblement. Et lui ?

“Hm, pas grand chose de vraiment intéressant. Paraît que pour le Ministère je suis terroriste potentiel, ça limite mes offres d’embauche, en toute honnêteté. Je sers d’expert quand faut identifier des ingrédients d’origine animale, pour l’instant. Je me débrouille. Rien d’intéressant. On me laisse plus approcher d’animaux potentiellement dangereux. Donc… Je suis condamné à être simple visiteur dans des lieux comme celui-là. C’est bizarre d’être de ce côté de la barrière pour être honnête.”

Il resta pensif, à observer l’animal silencieux. Il eut un petit soupir, et reprit silencieusement la route. Il allait changer de pavillon, arrivant dans celui dans lequel il avait travaillé. Son coeur se serra un peu. Il connaissait encore des animaux ici. C’était douloureux d’être côté visite, même s’il n’en laissait rien paraître. Il riva son regard sur Livio.

“Je sais pas ce que tes cousins t’ont déjà fait, mais… Je te ferai pas de mal. Détends-toi. Si je fais un truc qui te déplais, tu as juste à me dire non, ou stop, et j’arrêterai. Tu peux même partir si tu ne veux vraiment pas rester avec moi. Je trouverai ça moins vexant que de te voir autant sur la défensive.”

L’autre garçon avait l’air de se détendre quand même un peu. Mthunzi allait presque croire que sa compagnie n’était finalement pas si désagréable. C’était assez agréable comme sensation. Même si au fond, il savait bien que s’ils s’étaient croisés dans la rue, Livio ne serait pas venu vers lui. Tout cela était orchestré en sa faveur et d’une façon très déplaisante. Cela rendrait l’instant un peu moins appréciable, plus amer. Le métis n’était pas dupe. Il regarda l’autre garçon alors qu’il lui proposait du travail. De ce qu’il comprenait, c’était bien trop lié au monde moldu. Il sourit par politesse.

“Je ne suis pas certain que dans mon cas ce soit vraiment envisageable. Je te laisse imaginer la tête de tes cousins si je me retrouve à être une égérie dans le monde moldu. Vraiment, ça me causerait plus de problèmes qu’une vie économe.” expliqua-t-il posément. “Mais si cela t’amuse de me maquiller, je pourrai t’accorder ce plaisir dans la sphère privée.”

Ok, peut-être qu’il était un peu touché par la naïveté de Livio. Il lui rappelait son cousin avec sa gentillesse désintéressé, à lui proposer ces opportunités alors qu’ils ne se connaissent qu’à peine. Il y a quelque chose de bon qui transpire de ce garçon. C’est touchant. Beaucoup trop fragile aussi. ça, Mthunzi le sait bien, les gens comme ça finissent brisés. Parce qu’il est impossible d’être toujours là pour les protéger.

Le rouge soudain des cheveux de l’autre garçon surpris Mthunzi. Oh. Un métamorphomage un peu trop sensible. C’était plutôt une mauvaise chose pour lui. Il était complètement transparent. Tous ses troubles intérieurs transparaissait. Une proie si facile. C’était dramatique.

“Je ne tiens pas à savoir, mais ils ne te feront rien en mon nom. Je te le garantis. Et s’ils le font, ils auront un ennemi.”

Les excuses le firent tchiper. Elles l’énervaient. Elles n’avaient pas lieu d’être.

“Ne t’excuse pas. Je ne mérite pas tes excuses. Elles n’ont pas lieu d’être. Ne t’excuses pas d’être toi-même.”

Il s’arrêta de marcher, allant vers la première loge. S’il ne voulait pas partir, alors, ils pouvaient continuer. Mais il s’en serait voulu de faire subir cette visite au plus jeune. Il ne voulait pas qu’on ait une mauvaise image de ce havre de paix et de bienveillance qu’était le Scamander Park.

Comment ils avaient exposés ça ? Hm. Il ne voulait pas blesser Livio maintenant qu’il le découvrait si naïf et si candide. Il ne voulait pas salir un peu plus cette rencontre qui aurait pu être belle en d’autres circonstances. Il prit quelques secondes pour rassembler ses pensées. Le but n’était d’innocenter ses connards de cousin mais… Il ne voulait pas passer pour aussi connard qu’eux.

“Ils m’ont dit que quelqu’un souhaitait me rencontrer. Et qu’il risquait de me plaire et m’offrir une bonne compagnie… C’est à peu près comme ça que tu m’as été présenté. J’admets qu’ils ont pas mal insisté pour que j’accepte de te rencontrer. Sans doute qu’il me voie comme quelqu’un de pas  très courtois. Ce que je collerai sur un léger fond de racisme. Mais ce n’est qu’une intuition.”

Il marqua une petite pause.

“J’aurai eu connaissance de ton existence, j’aurai été intéressé.” compléta-t-il avec un sourire rassurant.

Il regarda la loge devant laquelle ils s’étaient arrêté, et son sourire s’agrandit. Il ne fallut pas longtemps pour que les volatile de la loge se rapprochent en le voyant. Ses petits chouchous étaient toujours là. C’était un mélange de plumes colorées qui se posaient devant eux. Des roses, oranges, violets, verts. Les focifères. Ces animaux magnifiques, malheureusement mutiques.

“Nous sommes obligés de leur faire un sort de mutisme. Leur chant est incroyablement beau, mais il a raison de notre esprit très rapidement.”

Il posa sa main contre la vitre, son regard perdu dans la contemplation de ces animaux.

“Mon oncle a élevé la plupart de ces oiseaux-là. Ils ont failli causer ma mort quand j’étais enfant… Je les aime énormément.”

Il eut un rire amusé. Quel masochiste, il faisait.

“J’en ai encore deux chez moi, mais ils sont un peu triste ici… Le climat ne leur plaît pas vraiment.”

Mthunzi allait peut-être regretter sa proposition. En vrai, il n’avait jamais vraiment été maquillé. Il ne savait pas bien pourquoi il avait proposé ça. C’était sans doute parce que Livio avait l’air si malmené par ses cousins. Il ne devait pas avoir grand monde pour l’aider à se sentir légitime. C’était assez triste. Et Mthunzi n’aimait pas ça. Il ne méritait pas d’être dévalué. Il semblait humainement bien plus valide que tous ces connards de chez les Death Wing. Il acquiesça pour confirmer. Oui, il se laisserait maquiller. Cela restera entre eux deux. ça avait l’air de vraiment réjouir l’italien. Mthunzi ne pouvait pas lui refuser maintenant qu’il voyait la joie que ça lui procurait. Il lui faisait penser à son cousin. Cette façon se s’émerveiller, de sourire à la vie. C’était étrangement plaisant.

“Tu es quelqu’un de sympathique. Ton sourire m’apaise. Je ne sais pas s’il faut quelque chose de plus. Et puis, on peut dire du mal de tes cousins. ça donne beaucoup de charme à ce rendez-vous, tu ne crois pas ?” s’amusa le métis.

Et puis, Livio était quelqu’un de très charmant. Beau. Mais Mthunzi ne pensait pas forcément toujours avec ses instincts primaires. Il n’aurait sans doute rien refusé à Livio, si c’était ce qu’il voulait. En l'occurrence, il ne forcerait aucun rapprochement vu la situation de leur rencontre. Sans doute qu’il ne se passera rien, et ce n’était pas un problème.

Ils regardaient les oiseaux. Pas avec le même émerveillement, mais le même bonheur. Mthunzi aurait aimé passer de l’autre côté de la vitre, pour gratouiller la tête de ses petits chouchous. Mais ça, il n’en avait plus le droit. C’était triste. Il posa lui aussi la main sur la vitre, d’une façon moins enfantine. Plus mélancolique. Il eut un léger sourire quand l’autre se réjouit de sa survie. Il ne le connaissait pas encore assez qu’il était heureux de ça.

“Te réjouis pas trop, tu me connais encore mal.”

Il ne pouvait s’empêcher de calmer toute personne qui l’estimait un peu trop. C’était comme une mécanique défensive. Il le faisait depuis tout jeune. A force d’entendre qu’il n’était rien, il avait fini par en être persuadé. Il préférait éviter que les autres croient un peu trop en lui.

“Les climats chauds, voire désertiques. Ici, il y a trop de pluie, il fait trop froid. ça le déprime. Et en même temps, qui ne serait pas déprimé par cette météo merdique… J’aimerai vraiment pouvoir partir quelques jours en Afrique du Sud. Ou même au Congo. N’importe où, mais pas ici…” souffla-t-il avec un soupir.

Ses doigts glissèrent sur la vitre. S’ils faisaient de bons animaux de compagnie ?

“Je ne suis pas sûr qu’un animal puisse se juger sur sa capacité à rester avec nous. C’est réducteur. Ils ont leur indépendance, certains sont plus câlins que d’autres. Ils ont des caractères assez différents d’un individu à l’autre. Mais si tu cherches l’affection et le réconfort, un chien, c’est plus fiable. Ceux que j’ai adopté, ils avaient perdu leurs parents. Je les ai nourri, et finalement, ils n’ont jamais été capable de partir vivre la vie sauvage. J’aurai préféré pourtant qu’ils aient goût à la liberté.”

Il reprit doucement le chemin. Les autres enclos contenait des animaux plus imposants, plus dangereux aussi. Il laissa Livio s’arrêter pour regarder chacun d’eux. Les nundus étaient impressionnants, même avec cet air calme. Mortelles créatures.

“Quand on voit les animaux de ce pavillon, on a pas forcément envie de venir chez nous… Je t’assure que la brousse n’est pas si mortel que ça… On tombe rarement face à un Nundu… En tous cas, j’ai jamais croisé personne à qui ce soit arrivé encore vivante pour en parler…”

Petit rire. Blague de magicozoologiste.

Le contact de la main pale sur la sienne le surprend. Il ne retira pas sa main, mais il regarda cette main posée sur la sienne. Il ne sait pas bien comment interpréter ce geste. Fait-il pitié à Livio ? Il a du mal à comprendre. Ou alors c’est pour lui offrir du réconfort ? De la compassion ? Paraît-il si faible ? Il n’aimait pas ce trouble. Ne pas savoir précisément ce qui motivait l’italien. Il priait qu’il ne fasse pas cela juste parce qu’on le lui avait tacitement demandé. Vraiment.

“Le ministère me laissera pas partir. Si je pars, je serai un fugitif partout où j’irai. Je n’en ai pas envie.” expliqua-t-il calmement.

Il écouta les autres paroles. Il n’était pas vraiment d’accord, il n’avait jamais vraiment pensé ce qui l’entourait pour son utilité. Sans doute parce qu’on n’avait eu de cesse de lui répéter comme lui était vain et inutile. Les relations qu’il avait eu, dans sa famille, avec les quelques personnes qu’il avait ou estimait n’étaient pas motivés par l’utilité. Il ne pensait pas les choses comme ça. En fait, il se laissait beaucoup porter par le hasard, par le plaisir, et par la curiosité. Il trouvait un intérêt en quiconque et en quelqu’animal que ce soit. En réalité, l’intérêt n’est pas dans l’objet étudié, mais dans le regard qui est porté dessus.

“C’est comme ça qu’on veut que tu penses surtout…” commenta le métis, un peu détaché. “Rien ne t’oblige à continuer de vivre avec des êtres humains… A choisir, les VeaudeLune sont plus sympathiques…”

Il sentait bien l’amertume venant de Livio. Mais que pouvait-il faire ? Il n’était pas son sauveur. Enfin pas qu’il sache. Il pouvait peut-être l’aider à se libérer de certains carcans, mais il ne faisait pas de miracles. Il avait tendance à laisser des gens tristes et blessés derrière lui. Alors ce n’était peut-être pas une bonne idée de se proposer pour l’aider à gérer sa vision du monde. Les actes concrets seraient risqués pour lui. Sa vie de famille puait. Encore plus que la sienne alors… Il ne pouvait pas faire grand chose pour l’aider, non ? Prendre sa main et lui dire que les choses allaient s’améliorer, c’était mentir. Si Livio n’était pas prêt à se battre pour sa liberté, alors il resterait esclave de sa servitude.

Il sourit quand l’autre évoque son envie de voyage. Il ne l’imaginait pas trop dans les coins reculés, mais après tout, les villes d’Afrique du Sud n’étaient pas si différentes de celles d’ici. Mais imaginer le métamorphomage dans une réserve avec tout ce que cela a de spartiate, c’était un peu drôle. Livio ferait sans doute un bon touriste, mais pas un très bon habitant de ce genre d’endroit.

“Si tu protèges bien ta peau, y’a pas de raison que tu puisses pas apprécier... “

Il fronça les sourcils en entendant la suite. Putain. ça l’enrage d’entendre un truc pareil. Livio est comme un animal en cage, à deux doigts de dépérir à cause de sa captivité. C’est du moins ce qu’il laisse paraître.

“Peut-être que ça te donnerait une bonne raison de t’en libérer. J’ai un oncle qui a plein de créatures charmantes pour t’aider à te débarrasser des corps.” lâcha-t-il pragmatique.

Aucune pitié ne transparaissait dans ses paroles. Éliminer des nuisibles, ce n’était pas un soucis. Vraiment, son manque d’empathie était parfois bien utile. Et il en avait assez entendu pour pouvoir juger et condamner ses cousins à finir déchiquetés ou piétinés par une créature.

“De rien, c’est un plaisir pour moi d’avoir un peu de compagnie pour venir ici… Et puis, si je t’ai donné des envies de libertés, je n’ai pas perdu mon temps.”

Il continua d’avancer, mais l’heure avançant, les autres pavillons étaient fermés pour cause de soins aux animaux. Ils avaient donc fait le tour de ce qu’ils pouvaient voir pour le moment. Ils revinrent vers le hall d’entrée. Mthunzi hésita une seconde, puis proposa.

“Tu veux passer la fin d’après-midi avec moi ? La soirée ? Je n’ai rien de prévu… Il vaut mieux qu’on évite les lieux publics si tu veux pas te faire insulter parce que tu traînes avec un assassin… On peut aller chez moi, mais c’est un appartement vraiment miteux…”

Livio n’était pas prêt à se libérer. Il n’était pas prêt à payer n’importe quel prix. Cela devait vouloir dire que son quotidien était encore supportable. C’est à ça qu’on mesure le désespoir non ? Est-ce qu’on a encore quelque chose à perdre, encore quelque chose qui nous retient ? Mthunzi a beau fanfaronner, il pourrait tout aussi bien essayer de trahir les Death Wings, pour retrouver plus de libertés. Mais il tient trop à sa vie. Même moisie pour la risquer à ce point. Il est quand même mieux vivant et exploité par ces cons, que morts et libre.

Mthunzi ne s’attendait à rien. Que Livio décline ou non, ce n’était pas si grave. Oh bien sûr, il passait un bon moment et c’était rare depuis quelques temps, mais il n’en était pas à forcer la main de qui que ce soit. Il se contenta de sourire quand Livio avoua n’avoir aucun plan.

“Hm… Je suis pas sûr que changer de tête te protège des attaques plus violentes… Des fois on fait pas que mal me regarder…”

Et peut-être aussi qu’il n’aidait pas vraiment en jouant de temps en temps de la provocation… Peut-être aussi que c’était lui que ça dérangeait d’être dévisagé en permanence. Il préférait de plus en plus sortir sous polynectar. mais là, il n’avait pas prévu de doses. Alors, la promenade dans Londres, ça paraissait assez compromis pour eux. Vraiment, il n’avait pas envie de prendre de risques en présence de l’italien. Il semblait bien trop fragile pour ça. Et Mthunzi était bien éduqué, il savait que les choses fragiles étaient souvent précieuses.

“Chez toi, c’est mieux.” conclut-il sans trop réfléchir. “J’attendrai sur le pallier, ne t’en fais pas.”

Il sourit en ajoutant cela. ça le faisait rire intérieurement. Livio verrait le taudis dans lequel il vit, il ne s’embêterait pas à ranger. Et puis, Mthunzi avait connu des logements sommaires, voire pas de logement du tout pour observer certains animaux en pleine nature. Vraiment, c’était drôle de s’en faire pour un peu de désordre en sa présence.

“Cela te donnera l’occasion de me maquiller avant que je change d’avis…” souffla-t-il d’un ton vaguement blasé.

En réalité, il avait juste envie de faire plaisir au métamorphe. Il commença à marcher, attendant les indications de son compagnon. Ou alors, ils n’avaient qu’à transplaner ? Il ne savait pas ce que Livio préférait. Il lui laissait le choix. Il lui proposa de prendre son bras. Il avait encore souvenir de sa tentative de rapprochement pendant la visite. C’était sa façon de montrer qu’il l’avait bien vu et noté.

Mthunzi sentait qu’il allait vite regretter d’avoir accepté pour le maquillage. Mais bon… Si ça faisait plaisir à l’italien. ça ne devait pas être si terrible si les filles faisaient ça tous les jours. Oui, c’était clairement misogyne de penser ça, mais que voulez-vous, on parle de Mthunzi, là. On ne refait pas une éducation en un claquement de doigts.

“Me fais pas répéter, je pourrai changer d’avis…” souffla le métis, toujours aussi blasé.

Il dit cela juste avant qu’ils transplanent dans le hall d’immeuble de Livio. Il rendit au plus jeune son sourire. Restant bien sagement sur le paillasson. Il avait bien dit qu’il lui laisserait le temps d’arranger son intérieur, alors, il allait patienter bien sagement. Il laissa son regard courir sur les murs, essayant de trouver un intéret dans la décoration environnante mais… Il n’en trouva pas. Vraiment, il n’avait que peu d’intérêt pour ces choses là. Lui, il préférait vivre en pleine nature avec un confort minimaliste, voire douteux. Peut-être pour ça qu’il arrivait à vivre dans son appartement merdique et insalubre sans trop de mal. Et parce qu’il avait pas d’autre choix aussi.

Mais par contre, quand un petit chat passa la tête dans l'entrebâillement de la porte, Mthunzi fut de suite plus intéressé. Il s’accroupit pour pouvoir la caresser sans lui faire peur, lui faisant sentir ses mains alors qu’elle tournait autour de ses mollets. Il lui gratte délicatement la tête, jouant un peu avec ses oreilles. Elle devait sentir qu’il lui ressemblait un peu sous une autre forme. Entre félins, ils se reconnaissaient ? Elle ne devait pas beaucoup tenir à son territoire pour l’accepter si facilement. Ou alors elle manquait de compagnon de jeux ?

Il était occupé à faire des caresses au chat quand la porte s’ouvrit à nouveau. Il sourit à Livio, d’en bas, continuant de papouiller la minette.

“Il semblerait oui, qu’on se soit adoptés…” avoua-t-il amusé. “J’ai de la chance… C’est souvent quitte ou double avec les félins et moi…”

Il laissa la chatte rentrer dans l’appartement et la suivit. Il avança doucement dans l’appartement. C’était plutôt moderne et spacieux. Bien mieux que chez lui. Ils avaient vraiment bien fait de plutôt venir ici. Il ôta son manteau et le posa sur le bord du canapé.

“C’est sympa chez toi… Mieux que mon appartement… On a bien fait de venir ici… Et puis Spooky est mignonne…”

Il s’assit dans le canapé. Après tout, s’il devait se faire maquiller, autant être installé confortablement…

L’endroit était plaisant. Et puis, il n’allait pas faire sa vie ici, non ? Livio s’en faisait beaucoup pour pas grand chose d’après lui. Ou alors c’était lui qui avait cessé de s’en faire pour tellement de choses ? Possible aussi. Il se détachait petit à petit de toutes les considérations matérielles. Cela n’avait plus vraiment d’importance. Il regarda Livio s’envoler chercher son matériel. Il ne perdait pas de temps. Mthunzi en profita pour caresser le chat et jouer un peu avec. Et puis, le canapé était plutôt confortable, il n’allait pas se plaindre.

Il leva un sourcil en voyant tout ce que le fatra qu’il ramenait. Il allait juste le maquiller avec tout ça ? Que le visage ? parce qu’il semblait avoir de quoi lui peindre le corps tout entier là… Cela laissait Mthunzi un brin dubitatif. Mais après tout, pourquoi pas… Il l’observa avec un brin de perplexité.

“Hm… Carte blanche… J’y connais rien alors…” souffla-t-il sans grande conviction.

Il laissa le métamorphomage s’entraîner sur son bras. Et le laissa s’installer comme il voulait. C’était assez étrange comme position. Du moins, pour ça. Pour dire vrai, Mthunzi avait du mal à se concentrer sur le fait qu’on le maquille. Parce que Livio était très beau, et très proche. Trop proche pour qu’il reste insensible à ses charmes. Vraiment. Rester immobile et fermer les yeux quand on a un si beau visage devant le sien.

“Pas autant que le tien, Livio.” constata-t-il juste en réponse.

Il le laissa travailler néanmoins. Mais quand l’oeuvre fut achevée, plutôt que de se mirer dans un miroir, il préféra embrasser délicatement le maquilleur. La suite se fit naturellement… Et ne s’acheva pas si vite. Mthunzi s’excusa d’avoir un peu effacé le maquillage en riant un peu après leurs ébats. Il resta là. Quelques heures. C’était agréable cette pause dans la complexité de sa vie. Peut-être qu’il reverrait Livio. Peut-être pas. Mais il espérait avoir semé dans sa tête un vent de liberté…