Karma come over (Vasily & Silène)

La rentrée n’avait pas aidé Silène à se ranger. En fait, il avait gardé toutes ses mauvaises habitudes. A sortir tous les soirs. Si bien qu’il aurait été assez incapable de dire quel jour on était précisément. Oh nul doute, que pour ses résultats scolaires, il allait dans le mur. Mais il n’avait pas la tête à se soucier de ça. C’est vrai, quoi, à quel moment on se soucie de son futur quand y’a une chance sur deux pour que dans quelques mois on se retrouve morts dans une guerre civile ? Parce qu’il s’en était pas remis de ce qu’il avait vécu avec les Death Wing, et la destruction de Poudlard n’avait fait qu’attiser ses peurs. A quoi bon s’emmerder à être sérieux quand on peut plutôt profiter du peu de temps qu’on a encore à vivre ? Le choix était vite fait pour Silène. Il aurait le temps de revenir dans le droit chemin si tout finissait par s’arranger ! En attendant, il avait une vie à vivre, et un trou dans le coeur à remblayer. Et ça, c’était vachement plus complexe à faire que ce qu’il pensait ! Il avait passé tellement de temps à espérer connaître l’amour… C’était à chier. Être aussi bien et finir aussi mal quand la personne se casse. Putain de lâche ! Ouais Rufus, c’est toi que j’insulte dans ma tête ! Parce que j’aurai jamais le coeur à t’insulter en face…

Du coup, puisqu’il était en solitaire, Silène s’était rendu à son QG. A savoir, le Griffon Joyeux. Franchement, il faisait une bonne part du chiffre d’affaires de ce bar. Vraiment. Il faudrait qu’il demande à avoir des réductions pour sa fidélité à l’occasion, sur un malentendu, ça pourrait marcher ! Mais là, il avait pas envie de négocier ! Il prit simplement le cocktail magique spécial du bar, qui ce soir là prit une couleur violette des plus jolies une fois dans ses mains.

Il s’adossa un peu au comptoir après avoir remercié son pote le barman, et jaugea les gens présent dans le bar. Il n’y avait pas une foule, mais quand même, les tables étaient bien remplies, et quelques personnes dansaient dans le fond du bar sur une musique pop acidulée. Il n’avait pas trop envie de danser. Il allait plutôt chercher à se poser avec quelqu’un… Oh. Ce mec là-bas, il l’avait déjà croisé sur le campus. Et aussi vite fait au Chaudron Baveur. Il était barman. Ouais, Silène se souvient toujours de la tête des barmen, c’est hyper utile de les repérer ! Faut toujours bien se faire voir d’eux pour espérer des verres gratis ! En plus, celui-là de barman était mignon. Alors, ça justifiait qu’il essaie de s’en approcher ! Oui, oui.

“Salut ! Je peux m’asseoir ?”

Sans vraiment attendre sa réponse, il s’asseyait dans la chaise libre à côté de lui.

“Je sais pas si tu te souviens de moi, Silène, on s’est déjà croisé à la fac… Et en soirée, j’crois. Mais j’ai un doute… En même temps avec l’alcool, j’ai du mal à être certain de mes souvenirs de soirée… Pas toi ?”

Oui, Silène était passé maître dans l’art d’aborder un presqu’inconnu comme si c’était un pote. Et spoiler, la plupart des temps, ça marchait super bien…

C’était chouette de pas se faire envoyer paître ! Et même de se faire accueillir par un beau sourire, c’était son jour de chance ! Il n’aurait pas misé sur une telle réussite. Tant mieux ! Il n’allait pas passer la soirée en solo finalement. Et il ne put s’empêcher de lever un sourcil en voyant que l’autre l’avait repéré. Wow. Soit il était vraiment très repérable, soit il avait carrément plus que ses chances.

“Oui, c’est ça, en vétomagie, je viens de passer en quatrième année… Vasily ! Je crois que j’ai déjà entendu ton nom effectivement ! Hey, tu sais, oublier les gens, ça permet de les rencontrer une seconde fois, c’est plutôt cool… Sauf quand ils se vexent mais bon...”

Même s’il fait genre, Silène a très bien entendu le compliment. Donc c’est bien qu’il a grave ses chances. Wow. Allez, Sisi, c’est ta soirée-là ! Un si beau garçon qui t’a repéré comme ça, ça arrive pas tous les soirs ! Il sourit au russe. C’est russe Vasily, non ? ça sonne russe en tous cas ! Il sirote un peu de son cocktail.

Rolala. Trop de compliments et de sous-entendus. Vraiment. Il reste un peu surpris, cela se voit à son léger temps d’arrêt, la paille encore coincée entre ses lèvres. C’est quand même pas souvent qu’on regrette de pas l’avoir abordé plus tôt. En général, c’est plus lui qui va vers les autres. Il est plutôt conscient que son charme tient plus à son bagou qu’à son physique de demi-allumette efféminée. Mais il se resaisit. Tout sourire.

“Assez souvent, oui… Au moins ici les gens sont plutôt ouverts… T’es sûr de pas partir avec le nez cassé si tu dragues un mec… C’est plutôt cool, tu crois pas ? Et… Je fais si peur que ça ? Franchement, t’es le premier mec que je croise qui ose pas venir me voir ! Promis, j’ai jamais mangé personne…”

Enfin… Tout dépend comment on voit le fait de manger quelqu’un mais disons qu’il a jamais mangé qui que ce soit sans consentement dirons-nous. Il rit un peu. Petite gorgée de cocktail. Franchement, c’était pas lui, Vasily le draguait ? Silène était si peu sûr de lui qu’il se demandait s’il ne se faisait pas des idées. Si ce n’était pas une blague qu’on lui faisait. Faut croire que sa rupture avec Rufus ne l’a pas aidé à se sentir comme une bombe de sex-appeal.

“Franchement, je vois pas trop ce qu’on pourrait penser en négatif de toi… Mais je vais chercher maintenant si tu veux…” taquina-t-il amusé. “Et merci… J’suis pas sûr de réussir aussi bien cette année… Mais bon… On verra bien !”

Fallait pas lancer ce genre de challenges à Silène. Il allait avoir un petit carnet et noter tous les défauts du beau brun. Même s’il en voyait pas encore. Et qu’il avait pas envie de les voir trop vite. Il avait envie de passer une bonne soirée, et la passer avec monsieur Parfait. C’est toujours plus facile quand on connait pas les gens de les idéaliser. Après, on tombe vraiment amoureux quand ce sont les défauts qui font battre le coeur. Et ça… Ouais, non, il en avait pas envie. Rufus avait eu ce privilège, et ça le laissait beaucoup trop comme un con sans lui, maintenant.

Il sirotait encore un peu. Mais il ne s’attendait pas à ça. Pas à entendre qu’il était trop bien pour monsieur Parfait. Il s’étouffa à moitié avec sa paille, et se renversa la moitié de son cocktail dessus, et l’autre partie sur le brun. Qui parlait justement de lui payer un verre. Merde. Il posa en catastrophe son verre sur la table. Et attrapa une serviette qui traînait sur la table pour tamponner le tee-shirt de l’autre garçon. Ok. A quel moment il avait perdu le contrôle sur ce début de soirée qui commençait si bien ? En plus, il toussotait encore à moitié. Il avait le cocktail qui lui piquait le nez. Et il rigolait quand même à demi. C’était absolument n’importe quoi. Vraiment.

“Désolé… C’est… C’est juste que c’était… C’était beaucoup trop drôle que tu dises que j’étais… trop bien pour toi…”

Il ne put s’empêcher de pouffer en le disant. Sa main tamponnant encore le tissu. Ce qui visiblement servait pas à grand chose. Il releva un regard désolé vers le brun.

“Tu comprends sans doute mieux pourquoi ça me fait rire en voyant la catastrophe que je suis vraiment…” ajouta-t-il désolé, et malgré tout amusé.

En même temps, c’était sa marque de fabrique d’être un boulet. Leur premier vrai soir avec Rufus… RAH ! Non, non, non, tu arrêtes de penser à Rufus ! Focus on Vasily ! Regarde comme Vasily est beau, surtout que t’es tout près de lui, là ! Profite ! Enfin, éloigne-toi un peu… Pis, vire tes mains de son torse aussi… Et trouve un truc drôle à dire…

“Tu… Tu veux toujours m’offrir un verre ? Je crois que tu peux là… J’ai bien vidé celui-ci… Désolé pour le tee-shirt…”

Sourire vraiment désolé.

C’était quand même un sacré bon cocktail de gaspillé sur un tee-shirt qui n’en demandait pas tant. Vasily était trop indulgent. Trop gentil. Adorable à rire avec lui plutôt qu’à l’insulter. C’était vraiment un type charmant. C’était tellement improbable de lui plaire à lui. Sérieusement. Il rigola à demi mais une part de lui-même continuait de ne vraiment pas comprendre ce qui se passait. Pire que cela, il devenait méfiant. Un poil de paranoïa. En même temps, en ces temps troublés, c’était pas si improbable. La paranoïa, hein, parce que la drague par Vasily, c’est toujours improbable, Silène n’en démordra pas !

“Je crois que ton tee-shirt n’est pas de cet avis… S’il le pouvait, je crois qu’il protesterait !”

Mais il ne peut pas. Quoique, ça serait pas étonnant qu’un connard de sorcier en manque d’inspiration ait fait ce genre de connerie, genre emprisonner mémé dans un tee-shirt pour qu’il ait une conscience. Franchement, il aurait le courage de chercher, il trouverait bien un connard dans ce genre dans les bouquins d’histoire de la Magie.

Et en plus, il lui offrait vraiment un verre. C’était un ange sur terre. Silène resta incrédule, à le regarder aller au bar. C’était… Ahurissant. C’était quoi cette soirée ? Franchement, il se sentait… Dépassé par tant de chance. C’était un canular ? Quelqu’un allait finir par sortir, et lui lancer un gros : “Ahaha PRANK !” Franchement… C’était déconcertant. Silène ne savait même plus très bien comment se comporter. Et c’était Vasily qui s’étonnait de le voir encore là ? Vraiment le monde à l’envers cette soirée.

“Ahh… J’y avais pas pensé, mais pourquoi tu as encore ton tee-shirt sur les épaules alors ?” souffla-t-il avec un air taquin.

Il eut un petit rire.

“Ceci dit, j’en ai mis autant sur le mien je crois… C’est peut-être une manoeuvre pour qu’on enlève tous les deux notre tee-shirt !”

Petit mouvement de sourcils avant d’éclater à nouveau de rire.

“A ce plan complètement foiré, du coup ?”

Il leva son verre pour porter toast. Puis en but quelques gorgées. Sans doute pour noyer sa parano. Il posa le verre sur la table. Histoire de pas le renverser à nouveau. Ce serait franchement dommage. Il reporta son regard vers Vasily. Roh cette gueule d’ange quand même. Qu’est-ce qu’un mec pareil lui trouve ? Franchement avec un tel regard et un si beau sourire, on met pas tous les gens ici présents à genoux ?

“T’avais prévu de faire quoi après ? T’as envie de danser ? Promis, je fais gaffe à tes pieds si on danse !”

Bon, ça voudrait dire siffler le verre avant d’y aller, ça lui faisait pas vraiment peur. Il avait déjà dansé dans des états bien plus déplorables, et bizarrement, c’était pas si catastrophique.

Déranger les autres clients du bar en se mettant torse nu ? Oh, l’excuse bidon ! Franchement, ils auraient pas dérangés grand monde… Ils auraient même fait plaisir à quelques vieux habitués pas trop dans la fleur de l’âge pour pécho en manque d’amour !

“C’est pas grave, j’attendrai qu’on ne gêne plus aucun client pour voir mon plan s’accomplir…” lança-t-il avec un air de défi et un petit clin d’oeil.

Ils trinquent et après cela, Silène sirota son verre. C’était vraiment une bonne soirée. Franchement, il n’aurait pas pu imaginer mieux ! C’était la soirée parfaite ! Alors autant lui faire honneur à cette soirée ! Plus encore si Vasily acceptait de danser avec lui. C’était jour de fête ! Pour une fois qu’il tombait sur quelqu’un qui n’avait pas peur de danser en public ! C’était rudement chouette !

“T’en fais pas, j’ai les pieds solides !” lança-t-il tout joyeux.

Il siffla la fin de son verre d’une traite, et attrapa la main du brun. Il le suivit avec entrain, sautillant et dansant déjà à moitié. La musique était un titre outrageusement kitsch, un tube d’eurodance des années 90’s d’origine moldu, et c’était absolument parfait pour se déhancher. Silène avait lâché la main de Vasily, mais il n’avait pas laissé beaucoup d’espace entre eux. C’était un peu l’excuse au rapprochement la danse. La bonne excuse pour poser sa main sur son torse en chantant assez faux le “freee from desiiiire” de la chanson. Et en profiter ensuite pour s’accrocher avec la discrétion du félin à son cou pour se déhancher à la même cadence que lui. Jusqu’à ce que la musique change.

“Oh ! Je l’adore !!” trépigna-t-il en entendant la nouvelle chanson.

Il aimait tellement cette chanson qu’il ne lui fit pas l’outrage de la chanter, oui, il savait danser, mais chanter, c’était pas forcément son fort. Il se détacha un peu de Vasily pour faire un playback d’enfer. Théâtral à souhait. En même temps, il avait passé l’été à performer comme drag-queen dans une boîte à Ibiza, ça laisse forcément des traces ! Et puis, qui ne se la jouerait pas dramaqueen sur Sweet dreams, sérieux ? Bon avec le verre enquillé un peu vite, il finit par trébucher et atterrir sur Vasily en rigolant. Il se redressa, et emporté par l’euphorie du moment n’hésita pas une seconde et embrassa Vasily. Oh quoi, il avait attendu au moins une chanson ! Et c’était un tout petit baiser, même pas long ! Il se recula, et sourit à l’autre danseur, recommençant à danser comme si de rien n’était !

Sa maladresse n’avait pas l’air de vraiment gêner Vasily. Heureusement parce qu’il en ratait vraiment pas une quand il buvait ! En même temps, il avait la tête qui tournait un peu. Tout n’était plus tout à fait net, et en même temps, il aimait ça. Il aimait ce léger flou qui rendait la réalité moins pénible. Tout était plein d’une certaine euphorie quand il était dans cet état. Et rien n’avait plus vraiment d’importance. C’était l’avantage de l’alcool. Sinon, il n’en boirait pas tant. Franchement, on se détruit pas le foie pour rien, faut bien un retour sur investissement !

Tu ris de l’air hébété de ton compère de soirée. Il s’y attendait pas à celle là ! Tu te sens comme un gamin, pas vrai Silène ? T’es perché sur un nuage. Tu penses à rien. T’es bien. Juste bien. T’oublie le reste. C’est fou comme il est beau, Vasily. Et comme il se rapproche. Oh. Cette fois, c’est toi qui est pris à ton propre jeu. Pas que ce soit déplaisant. Non. C’est même plutôt agréable. Carrément agréable de se perdre contre ses lèvres. De fermer les yeux et apprécier les sensations. De jouer le jeu. D’approfondir, parce qu’il n’est pas farouche le Silène. Il n’attendait que ça avec sa provocation première. Il est heureux qu’on lui réponde. Qu’on ait envie de lui encore. Que quelqu’un lui offre encore ses lèvres. Il est pas condamné à rester seul. Il se sent vivant. Un soupir passe ses lèvres quand celles du garçon le quitte. Il rouvre les yeux, s’attendant presque à voir Rufus. Il reste hébété une seconde en voyant Vasily. Il se maudit intérieurement d’avoir encore pensé à ce crétin.

Il se force à sourire le plus naturellement possible. Que le trouble de ses pensées ne soit pas perceptible.

“Je comprends… C’était rudement mieux ! Je peux même pas ajouter que t’embrasse mal dans la liste de tes défauts…”

Il eut un léger rire et reprit la danse. Probablement pour faire le vide dans sa tête. Parce que malgré l’alcool pour oublier, Rufus était un salopard bien trop persistant. Silène finit par s’approcher de Vasily.

“Je vais reprendre un verre et sortir prendre un peu l’air…” lui dit-il simplement avec un sourire.

Il n’allait pas se barrer comme un voleur. Et il n’allait pas obliger le garçon à le suivre. C’était à Vasily de choisir. Dans tous les cas, il reviendrait le voir. Il passa au comptoir et le barman qui le connaissait bien n’eut même pas besoin de l’entendre pour lui donner son cocktail habituel. Il sortit du bar. L’air s’était rafraîchi dehors. Il avait peut-être besoin de se rafraîchir un peu les idées. Il en savait trop rien. C’était fou d’être autant en bordel en dedans. De pas réussir à pleinement profiter d’un si bon moment. Sérieux, Silène, c’est quoi ton problème ? T’es vraiment qu’un con. Tourne la page. Si tu y tenais tant que ça à ton Rufus, pourquoi t’as pas eu les couilles de le suivre chez les moldus ? Il but son verre d’une traite, et s’attrapa une clope, pour l’allumer entre ses lèvres.

“Tu en veux une ?”

Il proposa à Vasily une cigarette.

“Désolé, j’avais besoin de sortir un peu… J’ai… Je dois avoir un peu trop bu… C’était con de reprendre un verre…”

Il se sentait un peu idiot. Non. Carrément idiot. Il tira nerveusement sur sa cigarette. Comme si la fumée pouvait combler le vide en lui. Mais non. Personne pouvait.

“Errer jusqu’à chez toi, ça te dit toujours ? Si je suis avec toi ?”

Vasily a choisi de le suivre. C’est adorable. Il est tellement prévenant. Tellement gentil. C’était vraiment étrange comme ces petites choses lui semblaient si injustes. Il ne méritait pas ça, lui qui était pas foutu de penser à lui quand il l’embrasse. Penser à un autre. Putain. Qu’est-ce qui ne va pas dans ta foutue tête Silène ? Il sourit à Vasily. Il se détestait vraiment de pas réussir à simplement profiter du moment. De ce bon moment.

“Merci… Oui… ça va passer… Je crois… Je crois que c’est juste le bruit… J’ai du un peu trop bouger… Je sais pas, mais c’est rien de grave…”

Il sourit encore pour le rassurer. Il souffla sa fumée. Non. La cigarette ne l’aidait pas vraiment à se calmer. Il se sentait coupable. Et en même temps, il ne pouvait pas s’en vouloir. Que peut-il contre ses sentiments ? Que peut-il faire pour l’oublier ? Vraiment ? Qu’on lui donne la formule magique pour réussir à oublier ces quelques mois où il avait été plus heureux que jamais, histoire de ne plus souffrir maintenant de l’absence. Du manque. Il inspira à nouveau. La fumée lui brûle un peu la gorge. Il attrapa sa baguette dans sa poche et fit léviter son verre pour qu’il retourne se poser au bar comme un grand. Il avait une note, le barman savait qu’il paierait la prochaine fois.

Tant que je suis avec toi, tout me va… Les mots de Vasily lui font relever la tête. Ces mots sont bien trop forts. Il ne veut pas les entendre. Pas encore. Pas dans sa bouche. Pas maintenant. Il ne peut pas lui dire. Mais… Ses yeux trahissent peut-être son trouble, son sourire se figea un peu.

“D’acc… D’accord… Je te suis…” murmura-t-il un peu troublé.

Son sourire revint, pour faire semblant que tout allait encore bien. Il ne voulait pas pourrir la soirée de Vasily. Il avait l’air de tellement être heureux de ce qui se passait. Et lui… Il s’en voulait de ne pas se sentir aussi bien qu’il aurait dû.

“Oui, oui… ça devait être le bruit…” Il eut un petit rire. “T’es bête ! T’as pas mauvaise haleine… T’avais le goût du cocktail, c’est tout !”

Il termina sa cigarette, il l’écrasa et rangea le mégot dans son cendrier de poche. On peut être fumeur et un peu consciencieux. Il marchait assez droit. L’air frais le vivifiait. Il se sentait un peu mieux. La bonne humeur de Vasily lui ôtait un peu de sa culpabilité sans doute.

“Par contre, si on s’embrasse à nouveau… T’auras l’impression de lécher un cendrier… Je t’emprunterai peut-être une brosse à dents pour t’épargner ça…”

Il sourit taquin.

“T’habites loin du campus en fait… Tu fais comment pour t’en sortir ? Entre les cours, ton boulot et tout ? T’es vachement courageux…”

Il était sincère. Silène se sentait souvent injustement privilégié. Les gens comme Vasily, c’était eux qui méritaient le respect. Les vrais héros. Lui, il avait juste une grande gueule.

Vasily semble tellement enthousiaste et heureux. C’est fou. C’est surprenant. Il n’a pas l’impression d’être de si bonne compagnie pourtant avec ses sautes d’humeur et son alcoolisme. Pourtant dans le regard de Vasily, il se voit comme quelqu’un d’extraordinaire. C’est vraiment très étrange. L’autre garçon n’avait pas l’air de se rendre compte qu’il était au contraire plus que courageux. Il était clairement plus méritant que la plupart des étudiants de la MUL. Pour lui, c’était plus un Gryffondor que ceux qui foncent tête la première dans la bagarre. Le courage, c’est pas la stupidité.

“Oui, j’ai une chambre… Avec des colocataires. Certains sont plus sympas que d’autres, mais… C’est cool. Au moins, quand je fais la bringue, j’ai moins de marche pour aller comater en cours…” lâcha-t-il en rigolant.

Il sourit au brun, et il s’approcha un peu de lui, attrapant doucement son bras. Pour marcher en lui tenant le bras. Parce que ce serait plus agréable ? Peut-être aussi parce qu’il avait envie de sentir qu’il était pas seul. C’était toujours le même paradoxe. Ne pas vouloir être seul, finir par penser à Rufus et dérailler. Seulement, il avait pas envie de décevoir Vasily. Il avait l’air tellement content de passer la soirée avec lui.

“Tu as tort… T’es bien plus courageux que plein de gens. Le Choixpeau, il paraît qu’il se trompe jamais. Je crois pas que le courage, ça s’résume à être le mec stupide qui fonce tête la première, ou être le mec qui prend des risques inconsidéré pour rassurer sa virilité, tu vois ? T’es plus un héros en te battant pour ton indépendance que ces pauvres nazes.”

Son regard traîne sur la Tamise. C’est joli par ici. Il était pas sûr d’y être déjà passé par là. Pourtant, ça faisait un petit moment qu’il zonait à Londres. Déjà trois ans. Il avait l’impression que le temps passait trop vite et à la fois si lentement. C’était bizarre.

“C’est joli par ici… Je crois que j’étais jamais venu par ici… C’est chouette comme endroit !”

Il sourit à Vasily, et déposa un baiser dans son cou. Il avait glissé sa main le long de son bras, ses doigts s’entrelassant avec ceux de Vasily dans sa poche de veste. Oui, Silène n’avait pas cessé d’être tactile. Il aimait toucher. Il aimait sentir la peau des autres contre la sienne. Comme pour se persuader de sa propre existence. Pour se rassurer. Pour ne pas se sentir seul. Pour oublier qu’on finit toujours par être abandonné.

“Merci de passer la soirée avec moi…” murmura-t-il d’une voix à peine audible.

Il semblait tellement peu sûr de ses propres qualités. C’était assez fou. Pourtant, c’était assez évident ce qu’il disait. Il pouffa un peu en l’entendant dire qu’il faisait des choses stupides. Qui n’en faisait pas ? Franchement, il serait mal placé pour parler. Après tout, c’était qui le mec qui envoie chier des terroristes et qui les provoque en robe et en talons aiguilles ? Bon ok, il avait arrêté de le faire assez vite. Mais il avait été assez con pour le faire une fois de trop.

“On fait tous des trucs stupides, t’en fais pas !” qu’il le rassura avec un sourire.

Lui le premier. La preuve, il s’approchait d’un garçon beaucoup trop gentil, beaucoup trop mignon. Il allait forcément le blesser. Parce qu’il sentait bien que Vasily était trop sous son charme. Le genre d’effet qu’on fait pas souvent. Et quand on le fait, c’est rarement réversible. Et… Et il le savait Silène, qu’il était pas près d’offrir de la stabilité à qui que ce soit. Pourtant, il l’avait pas mis en garde. Il l’avait pas repoussé. Parce qu’égoïstement, ça lui faisait du bien qu’on le regarde comme ça. Avec des yeux presque amoureux.

“C’est normal, l’alcoolique du coin est à ton bras…” plaisanta-t-il à moitié.

Ils continuent d’avancer. Silène laisse son regard se balader un peu partout. Mais au bout d’un moment, il finit par capter le regard sur lui. Il croise ses yeux. Il haussa un sourcil, se demandant s’il avait un truc sur le visage, ou quoi. Mais visiblement non. C’était bizarre d’être regardé comme ça. Avec une telle intensité. C’était ce genre de choses qui lui faisaient se dire qu’il faisait une vraie grosse connerie en marchant main dans la main avec lui. Est-ce que Vasily le regardait vraiment depuis longtemps ? Est-ce que… Non, non, c’est vraiment improbable que quelqu’un nourrisse à son égard des sentiments. Ce serait vraiment improbable. Qui tombe amoureux à notre époque, sérieux ? C’est désuet d’être amoureux.

“Ah… Ok… Ben… De rien…” bafouilla-t-il un peu pris au dépourvu.

Ils continuèrent de marcher. Et Silène ne trouva rien à dire. Il était un peu troublé en fait. Il avait peur que ses craintes soient fondées. Il aimait pas cette idée. Vraiment. Il cherchait juste un mec mignon avec qui passer une soirée. Rien de plus. Et il voulait pas donner de faux espoirs ou quoi. Mais en même temps, il ne voulait pas que ça s’arrête. C’était un beau merdier en perspective. Ils finirent par arriver à destination. L’appartement de Vasily. Enfin de sa famille probablement.

“Et… Du coup, tu vis avec tes parents ? Ils vont rien dire… Que je sois là, je veux dire ? Si je les croise, je dis quoi ? Que je suis juste un ami ?” demanda-t-il alors qu’ils n’étaient pas encore rentré dans l’appartement.

Histoire de pas faire de gaffes.

Hey, il pourrait se vanter d’être un alcoolique de bonne compagnie, charmant et même avec un certain esprit. Mais il n’était pas sûr que ce soit un lot de grandes qualités si elles étaient accolé à l’alcoolisme. C’était un peu comme si tout s’annulait. Il était juste pas trop chiant quand il avait bu. C’était la morale de l’histoire. Au pire, il se mettait à chialer. Souvent, il rigolait. Il n’était pas spécialement différent quand il buvait. Juste une version plus amnésique de lui-même. Demain, il se souviendra peut-être même pas de tout ce qu’ils ont dit là.

“Oh. ça veut dire qu’on est que tous les deux ? Chouette...” murmura-t-il étonné, et soulagé en même temps.

Au moins, ça évitera les malaises au réveil. Genre le café en tête à tête avec toute la petite famille alors qu’il s’était envoyé en l’air toute la nuit avec le fils prodige. Ouais, c’était top de pouvoir éviter le malaise de cette scène. Enfin, c’était pas dit qu’ils s’envoient en l’air, hein. Il forcerait pas Vasily à quoi que ce soit. C’était juste un scénario envisageable. Il monta les escaliers avec Vasily. Et franchement, il avait pas mal perdu en cardio, parce que même deux étages, c’était déjà limite trop pour lui ! Ou c’était l’alcool qui rendait tout plus compliqué ? Il s’appuie contre le mur, le temps qu’il ouvre la nouvelle porte. Pas essouflé, mais pas bien non plus.

“Et dire que… Je comptais me remettre au Quidditch…” plaisanta-t-il en rigolant.

Il entra dans l’appartement. Il trouvait pas ça si mal. En même temps. Avec son père, ils avaient jamais vécu dans un palace. Leur appartement était même plutôt vétuste. Seulement c’était chez eux. Il avait aimé le parquet qui craque. La peinture des WC qui s’écaille. Et la fuite dans le couloir. Ici, c’était sans doute mieux. Mais plus impersonnel.

“C’est bien… C’est chez vous. Pas besoin d’avoir quelque chose de grandiose pour vivre bien.” commenta-t-il de façon sans doute un peu creuse. “Oh, oui, je veux bien un verre d’eau.”

Il s’avança, et se déchaussa dans l’entrée. Il laissa ses chaussures. Et… Oh manger.

“Oh… T’aurais un truc sucré à grignoter ? Ou non ! Un truc gras ? Oh mieux ! Un truc gras et sucré ? Je… Je crois que j’ai oublié de manger depuis ce matin…” Il eut un petit rire. “Merde… C’est bizarre de dire qu’on oublie de manger, non ? Tu vas vraiment me prendre pour un timbré…”

Il préféra suivre le brun plutôt que de l’attendre dans le canapé.

“Si je mange un truc, tu peux peut-être éviter de me prêter ta brosse à dents… ça enlèvera le goût de clope… Je pense…”