La vengeance est un plat qui se mange sans fin. (Nate & Ernie)

La routine des cours s’étaient installé depuis septembre. Il avait fini par s’habituer au bruit de la MUL. Il avait fini par se conformer un peu au programme prévu. Même si certains pans étaient abordé sous un angle plus fantômatique. Et en même temps, les fantômes n’étaient-ils pas les parfaits témoins de l’histoire ? Les cours d’Ernest étaient souvent agrémentés d’entretiens qu’il avait pu enregistré avec des spectres. Cela rendait tout cela plus vivant. Paradoxalement. Mais bon, il y avait aussi des choses moins intéressantes. Comme les devoirs à corriger. Ernest n’avait pas trouvé de méthode pour éviter d’y passer des heures tard le soir. Il fallait le voir à son bureau, à se laver les mains entre chaque parchemin -voire plus-, à râler devant les approximations de ses élèves, à râler devant leurs écritures illisibles, à râler tout court parce que ça lui faisait perdre du temps. Il était connu pour noter assez sévèrement ses élèves, mais justement. Il n’était pas le genre qui balance les copies dans un escalier et note en fonction de la chute sur les marches. Pourtant, ça lui aurait fait gagner du temps.

Pourtant, il y avait une copie qu’il ne pouvait pas noter à sa juste valeur. S’il s’était basé sur ce qu’il y avait dedans… C’était probablement la meilleure copie de la promotion de Magie avancée. Mais… Non. Clairement, il ne noterait pas aussi bien M. Fowler. Oh non. Ernest n’oublie jamais. Et il était hors de question que Nathaniel Fowler ne bénéficie pas de ses défaveurs. C’était le prix à payer pour l’avoir violenté quelques fois. Pour avoir fait de ses journées à Ilvermorny un cauchemar éveillé. Déjà que partir là-bas n’avait pas été simple pour Ernest. Loin de sa famille, loin de ses rituels, loin de sa jumelle pour plusieurs mois. Pire période de sa vie. Il eut un soupir, ce n’était quand même pas dans sa nature d’être injuste comme ça… Mais ce n’était que justice de lui faire payer. Il trouva à gribouiller des choses sur le parchemin, maculant de rouge les paragraphes, commentant abruptement les faiblesses -difficiles à trouver- de son essai. Ce n’était pas bien, mais c’était nécessaire. Un mal nécessaire.

Il avait rendu ces fameuses copies après un cours sur la fondation d'Azkaban. Un sujet complexe et éreintant pour Ernest. Rien que de penser à toute la crasse qu’il devait y avoir là-bas…. Il en avait la peau qui le démangeait. Cela avait dû être un peu étrange pour ses élèves de le voir se gratter les mains jusqu’au sang tout en parlant des épidémies qui avaient pu ravager la prison au XVIeme siècle. Un cours vraiment éreintant. Il dicta quelques recherches qu’ils devaient faire pour préparer la suite du cours. Il se désinfecta les mains, pestant intérieurement de s’être fait aussi mal. Heureusement que Jolene lui avait préparé un onguant pour ce type d’urgence. Il s’appliquait sa crème quand il réalisa qu’un élève était toujours dans la salle. Il releva la tête.

Ugh. Fowler. Il fronça un peu les sourcils. Cela lui donnait un air plus sévère, plus sec.

“Le cours est fini, vous savez. Vous n’avez pas un autre cours ? Je pensais le programme de magie avancée plus chargé…”

Il le regardait avec une once de mépris peut-être. En tous cas, il était évident qu’il ne portait pas le blond dans son coeur. Et en même temps, Ernest n’était pas connu pour sa franche camaraderie avec les élèves. Il était toujours assez distant. Mais là… C’était plus que de la distance. Et en même temps, il ne méritait pas moins que ça.

C’était fou comme le sourire de cet élève l’horripilait. Il avait envie de lui arracher. De lui faire ravaler. De lui frapper le visage contre le bureau. Est-ce que c’était excessif ? Oui, totalement, mais Ernest avait encaissé toute sa vie, ces images vengeresses, c’était un exutoire, une façon de tenir le coup. Heureusement qu’il n’avait jamais eu la force physique pour les même en application. Et utiliser la magie pour ça… ça aurait été déshonorant pour la magie. Ernest avait trop de convictions sur ce qui était bien ou non. Mal noter cet élève… C’était mal aussi, mais entre ça et lui exploser le portrait, il y avait un monde. Il avait choisi la vengeance la plus noble. Il n’allait pas le violenter. Il allait juste… Pointer toutes ses faiblesses intellectuelles, aussi minimes soient-elles ! Et y’en avait pas tant que ça… Mais il trouverait. Toujours. Quand on veut trouver une faiblesse dans une rédaction, on la trouve, dans la logique, dans la rédaction, dans la justesse des dates et des réflexions.

Le professeur s’adosse à son bureau, ses bras se croisant sur son torse. Son langage corporel parle plus que lui. Il se referme. Il dresse ses barrières avant même que les attaques n’arrivent. Nathaniel n’allait pas l’avoir cette fois. C’était révolu l’époque où il était perdu et loin de chez lui. Ici, c’était son lieu de travail, son pays, sa salle de cours, ses règles. Qu’importait ce que pouvait dire le blond, c’était lui qui était le maître des lieux. Il était garant de l’autorité. Son regard est perçant, posé sur l’élève. Cherchant à comprendre quel cinéma il lui jouait.

“Oh, que me vaut cet honneur ?” ironisa-t-il piquant avec un sourire forcé, pas le moins du monde chaleureux.

Il fronça les sourcils en l’entendant. Bon… Il s’était aperçu que sa moyenne baissait mais… Il ne l’accusait pas lui. C’était une manoeuvre pour l’amadouer ? Ses yeux se plissèrent un peu. Il n’était pas dupe. Même si sa demande de cours, ou de devoirs supplémentaires lui firent lever les sourcils. Vraiment, il lui demandait un cours particulier à lui ? C’était une blague ? Ou… Il faisait comme s’ils ne le connaissaient pas ? Oh, mais très bien, lui aussi pouvait jouer l’ignorance. Mais oui. Ils allaient la jouer comme ça. Mais avant ça, Ernest attrapa un peu de solution hydroalcoolique pour l’étaler nerveusement sur ses mains.

“Serait-ce juste vis-à-vis de vos camarades ? Pourquoi devriez vous bénéficier de ce temps en plus ? De ce suivi plus particulier ? N’y a-t-il pas parmi vos camarades des élèves plus en difficultés qui mériteraient ce temps ? Si vous avez des arguments imparables je pourrai peut-être songer à vous aider. Allez-y, mais ne tardez pas trop, mon temps est précieux.”

Il le darda d’un regard sévère. Rancunier aussi. Mais puisqu’ils jouaient les ignorants, il allait ignorer ça aussi ? Il commença à ranger son bureau. Qu'il n'aille pas croire qu'il allait juste l'écouter, comme transit par sa parole. Non. Il avait autre chose à faire. Il n'avait pas le moins du monde envie d'être convaincu. Il voulait juste le voir s'enliser dans une argumentation qui ne pouvait pas tenir la route.

Ernest avait rangé toutes ses affaires pendant qu’il parlait, refermant dans un claquement sa sacoche. Il était agacé par ne serait-ce que sa voix. Mais l’entendre fayoter comme ça, quelle indignité. Vraiment, c’était d’un pathétique. Ernest n’en retirait aucun plaisir, aucune gloire. C’était juste ridicule. Il eut un soupir à la fin de sa tirage, le toisant dubitatif. Lui refuser la possibilité d’avoir un court, ça ne lui procurerait finalement qu’une vengeance limitée. Est-ce que le professeur songeait à une machination cruelle ? Oui. Est-ce qu’il était fier de lui ? Pas le moins du monde. Il se sentait un peu sali d’avoir envie de faire du mal comme ça. ça ne lui ressemblait pas, et en même temps, il ne pouvait retenir cette pulsion.

“Si vos études sont votre seul moyen d’accomplissement… Votre vie doit être bien triste.” commenta-t-il d’abord d’un ton froid, un peu cassant. “Je sais d’où vous venez, je lis toujours les dossiers de mes élèves.”

M. Wojciechowski avait pourtant été un élève brillant, mais il n’avait jamais placé sa réussite scolaire comme accomplissement. Avoir une famille, pouvoir veiller sur sa soeur, être encore en vie, ça, c’était important. Les études, c’était presque accessoire. C’était plaisant d’avoir réussit, mais… De là à en faire un but et un accomplissement. Et en même temps, un prétentieux pareil ne pouvait être que d’une grande vanité, non ? ça allait pas mal avec le personnage qu’il avait croisé à Ilvermorny.

“Vous voulez aider vos camarades ? Alors je n’hésiterai pas à transmettre votre nom à M. Page et M. Aadar pour qu’ils vous comptent parmi les élèves volontaires du club de soutien scolaire.”

Il avait un sourire un peu amusé en disant cela. Clairement, imaginer cet égoïste fini en train d’aider des premières années, c’était jouissif. Au moins, cette vengeance ne serait pas faite que de choses négatives. Si ça pouvait lui apprendre à aider son prochain au lieu de le frapper. Ernest allait le surveiller. Pour qu’il fasse ça bien. Qu’il aide vraiment.

“Je peux considérer que si vous aidez ainsi vos camarades, il n’est pas si injuste de vous accorder quelques heures de mon temps.” reprit-il du même ton, son sourire s’effaçant aussi vite qu’il était apparu. “Vendredi soir, 20h, à la bibliothèque dans la deuxième salle d’études.”

Le ton était sec, presque autoritaire. Ernest ne laissait pas de choix. S’il voulait un cours, c’était à ce moment-là et à aucun autre.

“Je ne tolère aucun retard. Et ne me remerciez pas, ce n’est en rien une faveur. Au revoir, M. Fowler.”

Il lui désigna la porte. Sans un sourire, sans plus de formalité. Il attendit qu’il sorte pour verrouiller la porte derrière eux. Il n’était pas certain d’avoir pris la meilleure des décisions en accordant ce temps à Fowler. Rien que d’y penser, il en était fatigué. Et il s’en voulait probablement un peu d’abuser de son pouvoir de professeur. Mais après tout, ce n’était pas lui qui avait commencé cette guerre, non ? Il ne faisait que… se venger. Jolene ne serait vraiment pas fière de lui si elle savait ce qu’il était en train de faire… Mais… Elle n’en saurait rien.

Est-ce que rendre heureux Nathaniel Fowler était dans ses objectifs ? Pas du tout. Ernest avait repensé à sa réactions tous les jours. Ce n’était pas logique tout ça. Il avait l’impression de voir une personne tellement différente de celle qui l’avait si mal traité pendant ces quelques mois. On peut changer, ok, mais à ce point ? Il y avait quelque chose de vraiment dérangeant. Alors Ernest avait profité de ses heures sur le campus pour se renseigner, pour observer en buvant son café, pour laisser ses oreilles traîner dans les couloirs. C’était fou tout ce qu’on entendait sur lui. Mais c’était surtout ce qu’il voyait qui le surprit. Voir Fowler traîner avec cet élève bègue. C’était anormal. Et quelque part, Ernest avait peur pour cet élève. On ne peut pas faire confiance à Fowler. ça, Ernest n’en démordait pas. Sa méfiance n’en était qu’accrue. ça ne pouvait être qu’une façade. Cela cachait quelque chose.

Le vendredi était arrivé, et Ernest avait eu la confirmation que le blond s’était inscrit au club de soutien. C’était vraiment, vraiment, vraiment beaucoup trop louche. Le professeur avait dû se résoudre à donner le cours personnalisé. Il n’avait pas vraiment travaillé dessus. En fait, il avait vraiment espéré que Fowler se décourage. Qu’il ne vienne pas. Lui, il avait bien envie de ne pas y aller. Mais c’était sa crédibilité de professeur qui était aussi en jeu. Il ne voulait pas perdre son poste. Peut-être qu’il essayait de lui faire commettre une erreur pour le dénoncer ensuite à la direction ? Ce serait vraiment une fiente de hibou si c’était son plan ! Et en même temps, est-ce que ce serait si étonnant que ça venant de lui ? Non, pas le moins du monde ! Heureusement que personne ne l’avait vu faire les cent pas devant la bibliothèque, son café à la main à se demander s’il devait ou non y allait. C’était un peu ridicule.

Il finit par passer le seuil du sanctuaire du savoir. Il s’arrêta saler Hope et lui rendit quelques livres emprunté un peu plus tôt dans la semaine. Est-ce qu’il repoussait la confrontation avec Fowler ? Oui, totalement. Son courage s’éffilochait un peu. Mais il devait se ressaisir et y aller. Il passa la porte. Il regarda sa montre. Il était en retard de deux minutes. Hors de question qu’il s’excuse. Oh non.

“Bonjour, M. Fowler.” lâcha-t-il poli, mais sans un sourire. “J’ai vu que vous aviez suivi mes consignes, les élèves en difficulté vous en seront reconnaissants. Du moins, je l’espère.”

Il posa sa saccoche sur la table, et en sortit une liasse d’articles spécialisés. Quoi, l’histoire de la Magie aussi a ses débats et ses publications spécialisées, et oui ! Les articles traitent tous des cramols. Un sujet grandement politique et très difficile à traiter sans prendre partie. Est-ce que c’était fait exprès ? Oui. Est-ce que ça avait un rapport avec le fait que le frère aîné des Mc Dougall ? Possiblement. C’était une façon détournée de savoir ce que Fowler en pensait. Il était sûr que sa synthèse laisserait transparaître un point de vue. Sa façon d’agencer ses idées. D’introduire le sujet, le conclure. Tout écrit laisse paraître son auteur.

“Commencez par lire ça. L’idéal serait que vous en fassiez une rapide synthèse. Avec une introduction et une conclusion. Que je puisse voir comment vous travaillez.”

Ok. Ils n’étaient pas là que pour une heure vu la quantité de travail que ça représentait.

“Vous n’avez rien de prévu pour la soirée, j’espère ? Pas de petite-amie à aller bécoter ?”

Le ton était assez froid, sarcastique. Mais quelque part, ça ne sonnait pas très naturel. Il but une gorgée de son café. La soirée allait être longue pour lui aussi.

Est-ce que c’était une lueur de colère qu’il lisait dans le regard de son élève ? Ohhhhh… Il avait fait mouche ? Oh ! Il avait réussi à emmerder Nathaniel Fowler ? Le monstre avait finalement sa copine comme talon d’Achille ? C’était si facile que ça ? Une part de lui se réjouissait de l’information. Mais une autre, moins émotive, se disait que c’était bizarre parce qu’il ne l’avait vu en présence d’absolument aucune fille tout au long de sa filature… Observation, pardon. Il jubilait quand même un peu intérieurement de cette demie victoire.

Il marqua un temps d’arrêt, ses yeux trahissant sa surprise. Son petit-ami. Oh. ça cadrait un peu mieux avec les observations. Mais… ça ne cadrait absolument pas avec ses souvenirs à lui. Quoique. Être homosexuel n’empêche pas d’être un crétin arriéré qui tabasse des gens. ça doit juste être moins fréquent.

“Oh. Tant mieux pour lui alors. Dommage pour vous.” plaisanta le professeur un peu déstabilisé.

Merde. Tu deviens presque sympathique Ernest, ressaisis-toi ! Il but une nouvelle gorgée de café et se sortit de quoi écrire lui aussi. Il devait rédiger un article sur l’influence des lieux sur la réminiscence de fantômes, exposant ses dernières hypothèses sur l’influence de potentiels des courants telluriques dans tout cela. Une théorie dont il n’était pas très sûr, il cherchait des avis, de spécialistes. Il se sentait à vrai dire un peu seul face à ses recherches. Il jeta un oeil au blond. Il était silencieux et si studieux. C’était vraiment étrange de le découvrir sous ce jour-là. Cela laissait Ernest vraiment dubitatif. Est-ce que l’amour l’avait transcendé pour le transformer en quelqu’un d’autre ? Franchement, qu’on lui présente ce petit-ami pour qu’il lui donne l’explication. Vraiment. Fallait percer ce secret pour l’appliquer à tous les crétins de son espèce.

Il eut du mal à se concentrer sur ses notes. Ce n’était déjà pas clair dans sa tête, mais avoir l’autre homme dans la même pièce que lui, ça renforçait son trouble. Il raturait plus qu’il n’écrivait. C’était vraiment désagréable de le voir rédiger calmement et lui-même bloquait sur des détails. Il s’énervait tout seul. Il finit par tout poser et juste finir son café en grignotant des cookies édulcorés. Quelle purge. Pire soirée de la semaine. Du mois. Peut-être même de l’année.

Mais du coup, s’il avait pas une petite-mie, mais un petit-ami, qui ça pouvait être ? Il ne l’avait guère vu qu’avec McDougall Junior. Il fronça les sourcils. Déjà qu’il soit ami avec un bègue, c’était bizarre, mais là, c’était un scénario de science-fiction. C’était vraiment trop bizarre. Et pourtant c’était la seule chose logique. Par Merlin. Pas le frère de son pâtissier préféré quand même. C’était inhumain de faire ça aux McDougall ! Ils méritaient pas un Fowler dans la famille. Il était perdu dans ce constat quand son élève parla, le faisant un peu retomber sur terre.

Froncement de sourcils. Non. Il voulait pas de remerciements. Il eut un grognement.

“Mon petit-ami est décédé depuis que je suis né alors il m’en veut pas trop que je vous consacre une soirée…”

Le pire, c’était que dans ce sarcasme-là, il y avait un fond de vérité. Même si en réalité, c’était plutôt un ex-petit-ami fantomatique.

“Et vous êtes masochiste à tenir à ce point à me remercier pour ma présence.”

Il termina son cookie et se désinfecta les mains. L’odeur de désinfectant était loin d’être agréable pour tout personne autre qu’Ernest. Il essaya de se remettre à son article, plutôt que de réfléchir à la possible relation entre McDougall junior et lui. Il arriva à poser quelques idées, mais Nathaniel avait fini son travail. Il avait été rapide. Il prit le papier de Fowler. Il le lut une première fois en diagonale, juste pour voir ce qu’il avait écrit. Et… ça ne ressemblait pas à ce qu’il s’attendait à lire. C’était agréablement surprenant. Et déroutant.

“Vous travaillez vite.” constata-t-il d’un ton neutre.

Il relut sa copie et n’y trouva pas de défaut majeur. C’était la tuile pour lui.

“Votre introduction annonce trop votre conclusion. On sait ce que vous voulez nous dire dès le début… On vous demande pas d’écrire un roman à suspense mais la rhétorique veut que vous gardiez ça pour la fin. Et votre synthèse, elle appuie énormément sur les améliorations des droits des cracmols et leur utilité au sein de la société magique, c’est louable, mais dans le développement, vous devez parler de tous les faits, même ceux déplaisants pour votre conclusion. Mais votre conclusion est pas mal. Même si un peu utopiste. Je ne crois pas que les cracmols soient un jour considérés à l’égal des sorciers. Sinon, qu’est-ce qui différenciera alors un sorcier d’un moldu ? Vous voyez ? Le monde Sorcier ne veut surtout pas affronter ses contradictions et se plaît dans ses injustices.”

Son ton était amer. Ernest voyait ce monde à distance. On voit tellement plus les vices de loin, ou au regard du passé. Tout ne fait jamais que se répéter.

“Je m’égare. Revenons à votre copie. Recherchez plus de neutralité dans les développements. Ou faites passez vos idées plus subtilement. Là, on croirait qu’un Grapcorn se retrouve chez un apothicaire. ça manque de finesse. Vous voulez essayer de modifier ça ?”

Oh non. Un sourire de Fowler. Bienvenue dans la quatrième dimension Ernest. Il t’a souri. Il est même reconnaissant. Tout cela n’a aucun sens. Il était en train de vivre dans une réalité parallèle ? Ou de rêver ? Il fronça un peu les sourcils. Carrément perturbé par tout ça. Il hocha la tête, le laissant récupérer sa copie. Il s’aspergea une nouvelle fois les mains de désinfectant. Les frottant un peu plus nerveusement que d’habitude. Il ne comprenait vraiment pas ce que Nathaniel Fowler cherchait. Il voulait le rendre fou ? Ou c’était un leurre ? Pour l’amadouer et ensuite le poignarder dans le dos ? Il avait l’impression qu’il ne pouvait en être qu’ainsi. Et c’était dérangeant. Il se sentait en sursis, menacé quand même.

“Faites donc. Je reviens.”

Il avait besoin d’un autre café. Voire de deux ou trois. Il alla voir Hope. Elle allait probablement pouvoir le ravitailler. Il quémanda une ou deux sucreries avec sa tasse de café. Il n’avait pas mangé depuis le midi, ça aurait été vraiment stupide qu’il fasse une hypoglycémie en plein cours particulier. Surtout avec lui. Vraiment, il n’était pas en confiance. Il remercia Hope pour son soutien, et repartit dans la salle d’études. Heureusement que personne ne les voyait tous les deux à bafouer allègrement les règles de l’endroit. Chut. Il avait le droit, il était diabétique. Il revint silencieusement dans la pièce et se remit à sa place. Il avait abandonné l’idée d’avancer son article tant que le blond serait là. Il sirota son café et mangea les quelques bonbons que la bibliothécaire lui avait offert. Il espérait que cela suffirait pour qu’il ne tombe pas dans les pommes dans les heures à venir. Il réfléchissait à ce qu’il allait pouvoir se faire à manger en rentrant chez lui quand le blond lui rendit à nouveau sa copie.

“Je vais regarder, oui.”

Il eut un soupir en commençant la lecture, son verre de café à la main. Il eut un claquement de langue en lisant quelques formulations maladroite. Il lui avait dit de nuancer son propos mais pas d’en faire de la soupe non plus ! Sa copie avait tout perdu de sa saveur, de son originalité. C’était presque moins bon ? Ernest eut un profond soupir. Il ne savait même pas comment expliquer, et son cerveau était en manque de sucre. Les friandises avaient pas l’air de suffire, il se sentait un peu dans le coton. Il attrapa deux bonbons qu’il goba pour s’éviter un drame, il l’espérait.

“Je crois que… On s’est mal compris. Vous avez tout édulcoré, c’est trop. Vous avez un soucis avec la mesure, non ?”

Il se massa la tempe. Il était fatigué, et il avait mal au crâne avec sa glycémie en berne. Mais il n’allait pas craquer. Il serait pas le premier à craquer ce soir. Oh non.

“Si vous faites un mélange de vos deux essais, ce serait parfait. Votre premier plan avait bien plus d’originalité, celui-là, il est digne d’un étudiant de première année qui ne fait qu’appliquer les consignes à la lettre. Par contre, oui, là vous synthétisez tous les points de vue. Il faut prendre le meilleur des deux. Et doser. Vous essayez à nouveau ?”

Dis que tu ramèneras ça au prochain cours. Fais-moi cette faveur-là. Mais rien dans son attitude ne voulait montrer cette pensée.

Dio mio ! Il n'abandonne donc jamais ? Pour qu’Ernest en soit au stade de jurer en italien dans ses pensées, c’était qu’il était au bout du rouleau, vraiment. Quand il en serait au polonais, ce sera la fin de sa patience pourtant assez légendaire. Il eut un soupir et riva son regard vers sa montre. Il avait faim. Il était si tard. Il réalisait qu’il n’avait probablement pas assez mangé le midi. Les minutes lui semblaient maintenant des heures. C’était compliqué de se concentrer. Il sentait que sa tête commençait à tourner malgré ses efforts pour essayer d’absorber du sucre. Il s’y était pris trop tard. Comme un débutant. Parfois, il en voulait vraiment à ses géniteurs de lui avoir transmis cette maladie. Enfin, la base. Sans doute qu’il devait remercier les traumatisme de l’enfance pour son déclenchement, mais passons. C’était un sacré fardeau à porter. Présentement, il s’en serait bien passé. Heureusement, Nathaniel semblait ne se rendre compte de rien. Il devait s’injecter son glucagen avant de tomber… Il avait sa dose injectable sur lui. Il devait juste…

“Foutu serin…” marmonna-t-il avant de sentir son corps basculer sans son consentement.

Non. Non. Non. Il ne devait pas perdre conscience. Pas ici. Pas maintenant. Pas avec lui.

“Ma seringue… Mon sac…” réussit-il à dire dans un souffle avant de s'écraser par terre.

Il n’arriverait pas à se piquer. Mais… Qu’au moins Fowler puisse appeler quelqu’un. Ou le faire. Mais… Il aurait préféré qu’il appelle juste Miss Lavellan. Il perdit connaissance alors que le blond était juste au dessus de lui. Visiblement paniqué. Ironique. Quand ils le frappaient, ça l’avait jamais gêné qu’il soit par terre… Ironique oui.

Quand il rouvrit péniblement les yeux. Il vit juste Fowler au dessus de lui. Bien trop proche de lui. Il remarqua sa manche relevée. Il l’avait touché. Il se redressa. Péniblement. Il s’adossa au pied d’une chaise. Sa tête continuait de tourner et ses oreilles bourdonnaient un peu. Et Fowler l’avait aidé. Peut-être même sauvé. Foutu karma.

“Dans...Dans mon sac… Une boîte avec du sucre… Donne-la moi…” demanda-t-il d’une voix faible.

Il devait encore prendre du sucre. Dès que le blond lui donna la boîte, il croqua les morceaux de sucre. C’était désagréable de manger comme ça le sucre en morceau. Mais il n’y avait pas beaucoup plus efficace pour faire remonter en flèche sa glycémie. L’injection n’était qu’une amorce tant qu’il ne pouvait pas manger. Il observait Nathaniel avec méfiance. Pourquoi n’avait-il pas appelé à l’aide, bordel ? Il se grattait le bras que Fowler avait touché. Il ne pouvait pas supporter que quelqu’un l’ait touché. Encore moins lui.

“Le… Le cours… est fini… Fowler… Vous… vous pouvez partir…”

Il savait qu’il était encore faible, mais Nathaniel en avait assez vu. Il ne voulait pas plus lui offrir le spectacle de sa faiblesse physique.

“Je peux me débrouiller seul maintenant.” reprit-il d’une voix plus assurée, plus sèche.

Il se servit de sa baguette pour faire descendre son sac de la table. Un sortilège informulé. Bien obligé d’apprendre ça pour palier à sa faiblesse récurrente. Il fouilla dedans, attrapant l’appareil moldu qui lui permettait de gérer au mieux ses dosages d’insuline. Les sorciers ne faisaient pas mieux pour ça. Comme quoi, le meilleur n’est pas forcément du côté des sorciers… Il se piqua le doigt pour poser du sang sur le capteur de l’appareil, sans se soucier de Fowler. Il devait gérer ses priorités… Que Fowler foute le camp n’arrivait pas encore en premier.

Qu’est-ce qu’il lui faisait Fowler, là ? Il lui sortait la carte de l’étudiant dévoué ? A d’autres. Vraiment. Il faudrait plus que ça pour le convaincre qu’il n’était pas un sombre connard. Et non, il n’allait pas lui dire merci. Il avait à peine racheté le quart du tiers de ce qu’il lui avait fait subir avant. Alors non, les compteurs n’étaient pas remis à zéro parce que sur un malentendu il avait l’air gentil et compatissant. Ernest connaissait son vrai visage, et c’était pas celui de l’étudiant qui se soucie des autres. Oh non.

“Je suis sûr. Et je ne veux pas.” lâcha-t-il sans même le regarder.

Il essayait de comprendre où il avait merdé dans son traitement. Pour le moment, il préférait couper toute son insuline. Son boîtier de contrôle émettait de petits “bips” alors qu’il pianotait dessus. Il releva la tête en l’entendant encore. Il était vraiment casse-pieds. Et encore c’était la version polie. Il se retint de dire quelque chose comme “oh vraiment ? Tu pensais pas pareil à Ilvermorny.” ou encore “c’est marrant, ça te coûtait moins de me voir allongé par terre y’a trois ans”. C’était trop tôt pour lâcher ça. Et puis, il voulait savoir pourquoi Nathaniel avait réclamé ces cours. La vraie raison. Parce que oui, il doutait toujours de ses motivations. Pour lui, il y avait toujours autre chose. Pour lui, Nathaniel voulait toujours lui faire du mal. Tout ça, toute cette attitude, ce n’était qu’un masque sur son horrible et véritable nature.

“Si vous voulez aider, vous passez à l’infirmerie et vous faites prévenir Miss Jolene Wojciechowski que j’ai fait un malaise, elle sera autrement plus qualifiée que vous pour gérer mes problèmes de santé. Sans vouloir vous manquer de respect, bien sûr. A moins que vous soyez médecin ?”

Même aussi faible il ne pouvait s’empêcher d’être cassant et sarcastique.

“Bonne soirée, M. Fowler.” conclut-il en se relevant péniblement, s’asseyant sur la chaise la plus proche. “Revenez au même horaire la semaine prochaine.”

Parce qu’il n’allait pas s’avouer vaincu. Il n’allait pas rester sur cet échec. Il ne voulait pas être celui qui avait perdu la guerre. Parce qu’il y avait forcément une guerre. Seulement, de la guerre ouverte, ils étaient passé à la guerre froide. Il n’était pas dupe. Il ne le serait jamais. Et ce n’était pas un bon jeu d’acteur qui le ferait douter. Non. Il n’était pas né de la dernière pluie. Fowler n’avait pas pu changer à ce point. C’était forcément un leurre. Un piège dans lequel il n’allait pas tomber. Il n’était pas si naïf.

“Et refaites votre essai correctement.” ajouta-t-il sèchement.

Ce cours particulier lui laissait une putain d’amertume en bouche. Ironique vu tout le sucre qu’il venait de gober. Il n’arrivait pas à comprendre ce qui se passait dans la tête de Fowler. C’était illogique ce qui s’était passé ce soir. Ce qu’il avait fait. Ce qu’il continuait de faire. C’était vraiment n’importe quoi. Et en même temps, une infime part de lui-même se demandait s’il ne faisait pas fausse route. S’il n’y avait pas une once de sincérité dans les actes de Fowler. Mais non. Non. Non. Cet élève était un putain de harceleur. Son passe-temps, c’est de martyriser les gars comme lui, pas de les sauver. Alors… Il n’allait pas se laisser avoir par son petit numéro.

Inutile de vous dire que la semaine avait été compliquée. Il n’avait fait que penser à Nathaniel Fowler. Et ça, déjà, c’était une sale nouvelle. Sauf quand Livio était passé chez lui, là, il avait surtout pensé à Livio. Beaucoup trop pensé à Livio. Mais le reste du temps, Fowler s’était incrusté dans ses pensées. C’était littéralement la chose la plus désagréable qui soit. Enfin, sans doute pas la plus désagréable, mais c’était une chose désagréable parmi d’autres. Alors, quand il arriva dans la bibliothèque, il était d’une humeur massacrante. Il sourit tout de même à Hope… Ah non. C’était McDougall Junior qui était là. Dommage. Il aurait bien demandé à Hope de lui donner de quoi tenir le coup, à savoir une poignée de bonbons. N’allez pas imaginer autre chose, il ne buvait pas d’alcool lui. Mais il savait où Hope avait sa réserve. Quoi ? Son nez était plus développé sur sa forme d’animagus et il l’avait reniflé une fois. Il eut un geste de tête pour Mc Dougall Junior et alla dans la salle d’études. Au moins, Fowler aurait son copain à proximité pour aller chouiner dans ses bras. Parce que c’était fini la diplomatie.

“Bonsoir, Fowler.” lâcha-t-il en passant la porte.

Fallait-il préciser que son ton était tout droit sorti de l’ère glacière ? Non, vous l’aviez deviné. Il posa son sac sans grande délicatesse sur la table. Il s’assit avec un soupir à bonne distance de Fowler. Il n’était pas en retard cette fois. Il sortit de son sac un thermos de café sucré, et de quoi se nourrir amplement. Oh, cette fois, il n’allait pas tourner de l’oeil.

Il récupéra la copie de Fowler et la lut rapidement.

“Bien. Vous avez amélioré votre synthèse. Si je devais le noter.. Hm… Vous auriez un “Effort Exceptionnel.” C’est déjà pas mal. Vous voulez pas juste revoir vos objectifs ? Après tout, vous n’avez peut-être pas les capacités pour le niveau que vous visez. Ce ne serait pas un drame. Tout le monde ne peut pas être un génie. Je suis sûr que votre petit-ami vous aime comme vous êtes. Je ne voudrai pas vous faire perdre votre temps en efforts inutiles.”

Il fit glisser jusqu’à lui sa copie. Est-ce que sa copie était vraiment mauvaise ? Non. Elle était très bonne. Mais, il n’était pas vraiment là pour l’aider. Et cette semaine à être parasité par les souvenirs lui avait rappelé pourquoi il avait accepté. Lui, et ses “copains” l’avait détruit. Il allait lui rendre la monnaie de sa pièce.

“Mais si vous avez du temps à perdre... Vous seriez capable de rédiger quelque chose sur la coopération internationale magique sur le volet de l’instruction supérieure ? C’est votre sujet du jour. Je suis sûr que monsieur Mc Dougall peut vous indiquer où trouver la documentation adéquate pour parfaire vos connaissances.”

C’était fou comme Fowler gardait son sang froid. C’est vrai, qui de normalement constitué se laisserait insulté de la sorte pendant un cours même pas obligatoire ? Ernest en était sûr maintenant, il y avait quelque chose qui ne tournait pas rond. Il ne se serait jamais laissé parler comme ça à Ilvermorny. Alors qu’est-ce qui avait changé ? Son regard scrutait les moindres de ses expressions. Et il ne laissait rien transparaître. C’était frustrant. Il ne lisait peut-être qu’une légère incrédulité face au sujet qu’il avait donné. C’était peu comme réaction. Ernest plissa un peu le regard. Il était vraiment désappointé par tout ça. Il était presque content de sentir comme une pointe de colère en l’étudiant. Allez. Allez. Frappe-moi. Révèle ta vraie nature. Je suis sûr que McDougall Junior va adorer me voir sortir la gueule en sang. Allez. Craque. Craque. Cra…. Et merde ! C’était raté.

“Super, faites ça. Ravi d’apprendre que vous avez du temps à prendre avec moi.”

Le sarcasme, toujours. Son meilleur ami. Il s’assit plus confortablement, se sortant son thermos de café et de quoi manger. Est-ce qu’il faisait exprès de ne rien faire ? Oui. Pour que la situation soit encore plus intenable pour l’élève. Pression psychologique, tout ça. Il avait pas besoin de frapper pour faire mal lui. Le pouvoir de l’esprit. Et ouais. On peut être Poufsouffle et être un génie du mal, ok ? Enfin, bon, il avait quand même un peu mauvaise conscience de faire tout ça, mais c’était nécessaire. Pour protéger les autres élèves. Pour… Pour se venger. C’était moche comme sentiment mais… Il ne pouvait pas nier que ça le portait. Sans ça, il aurait sûrement avoué à Nathaniel que sa copie valait largement un “Optimal”. Mais non. Hors de question qu’il lui avoue ça. Il méritait tout ce qui lui arrivait. Et il pensait pas à sa dramatique et niaise histoire d’amour avec McDougall Junior. Franchement, ce gamin n’avait aucun sens de la survie ou quoi ? C’était évident que Fowler se servait de lui. Pour quoi, il en savait rien, mais c’était évident.

Il sortit de son sac de quoi manger. Il s’était prévu une vraie débauche de sucre. Provenance directe de chez McDougall Senior. Pas meilleur pâtissier en ville, que voulez-vous ! Est-ce qu’il laissait intentionnellement l’emballage de la pâtisserie en visuel ? Oui. Pour que Fowler puisse remarquer qu’il connaissait au moins un minimum la famille de son charmant alibi. Oui, c’était juste un alibi ce McDougall. Une façon de faire croire qu’il avait changé. C’était stupide. Il se sortit aussi de quoi passer le temps. Est-ce que c’était une console de jeu portative moldue ? Oui, totalement. Il avait investi dans une switch dernièrement. Il aimait bien les jeux videos. Les sorciers ne faisaient pas aussi bien… Il resta tranquillement à jouer -non sans exagérer sur le bruit des touches pour agacer son élève-, mangeant ses pâtisseries avec la même nonchalance. Il aurait pu ne pas être là que ça aurait été pareil pour Fowler. Non, ça aurait été plus agréable. Plus tranquille.

Au bout d’une heure, il rangea toutes ses affaires.

“Je vais vous laisser travailler, je suis attendu. Bon courage. Oh, et je pense que toutes les informations dont vous avez besoin sont dans le troisième livre de votre pile. McDougall vous a bien conseillé, mais il a vu un peu large pour une simple petite dissertation de 6eme année. Bonne soirée. Même heure la semaine prochaine ? Sauf si vous préférez abandonner ?”