*Insérez ici un titre de votre choix qui envoie du pâté* [Octavrina]

Les semaines n'arrangeaient rien à l'affaire. Ca faisait maintenant plus de deux semaines qu'on l'avait jeté du Ministère sans aucune considération. Et il passait par des phases, à la manière d'un deuil, en quelques sortes. Celui de son poste bien placé au Ministère. Il n'avait pas tout à fait enterré la phase de la colère, ceci dit, même s'il comprenait bien que ce genre de décision était irréversible. Et dans tous les cas, il n'avait pas envie de ramper devant ses anciens supérieurs pour qu'ils lui attribuent un autre poste. Il avait encore un peu de dignité.

Ou du moins, le pensait-il. Son appartement n'aurait pas tout à fait été d'accord, si on lui avait demandé son avis. Habituellement ordonné et toujours impeccable et propre, c'était un beau chaos qui régnait dans le grand 4 pièces d'Octave. En temps normal, c'était un bel appartement, aux pièces encadrées de moulures et boiseries. La décoration était sobre, quelques beaux objets et artefacts magiques exposés sur des étagères, deux parchemins rares accrochés dans des cadres, un vieux papier peint qui assombrissait les pièces et donnait un certain cachet aux espaces. Mais aujourd'hui, on ne voyait rien de ça.
Sa chambre était un tel désordre qu'il s'était résolu à dormir dans la chambre d'amis. Qui n'était pas beaucoup plus épargnée. Quand au séjour, n'en parlons pas. Heureusement qu'il n'avait pas beaucoup d'appétit et qu'il ne mangeait pas souvent chez lui, déjà comme ça la vaisselle s'accumulait et les quelques emballages de nourriture en livraison s'empilaient dans différents coins.

Il ne s'était même pas habillé de la journée, c'est dire l'état de motivation qui était le sien. Il avait passé la matinée à dormir, l'après midi à somnoler en terminant un roman. Et autant dire qu'il ne s'attendait absolument pas à ce qu'on frappe à la porte. Ca l'interrompit, à deux pages de la fin de son roman. Il l'ignora d'abord, terminant le paragraphe. Et leva les yeux au ciel lorsqu'on insista.

Il était en boxer et en robe de chambre. La grande classe. A la hâte, il fit venir à lui une tenue un peu plus digne, enfila pantalon et chemise, remit sa cape et expédia ses vêtements de nuit dans un coin du canapé avant d'aller à la porte.

"C'est pour quoi ?"

Il s'écarta et ouvrit la porte en reconnaissant la voix d'Irina. Qu'est-ce qu'elle faisait ici ? Il ne l'avait jamais vue par ici, de souvenir. Il fronça les sourcils.

"Qu'est-ce qui t'amène, Irina ? J'étais... occupé !"

Il se tenait sur le pas de la porte, tenant la porte derrière lui, pour qu'elle ne voie pas tout du désastre qu'était son appartement.
Quelqu'un d'attentionné verrait sans mal que quelque chose n'allait pas. Il cachait le désordre de son appartement. Pas celui de son apparence. Ses cheveux emmêlés et attachés en arrière, là où ils étaient habituellement soigneusement coiffés. Sa barbe de quelques jours qui poussait dans tous les sens, sans qu'il n'aie envie de faire quoi que ce soit pour l'arranger. Et sa chemise même pas passée dans son pantalon, que sa cape ne couvrait pas. Il était parfaitement en accord avec son appartement.

Irina faisait partie du peu de personnes qu'il estimait particulièrement. Suffisamment pour qu'il se sente mal à l'aise, de la trouver alors qu'il était dans cet état pathétique. Au point d'en oublier les bases de la politesse. Il se sentit particulièrement gêné, lorsqu'elle lui demanda ce qu'il n'avait su proposer de lui-même. Il s'écarta, un peu maladroit et lui fit signe de la main.

"Bien sûr, ne reste pas sur le palier. Ne prête pas trop d'attention au désordre, je t'en prie."

Il la laissa entrer, attrapa sa baguette pour faire quelques sorts rudimentaires, expédier le bordel dans un coin de sa chambre à l'abri des regards, nettoyer de façon sommaire l'appartement. Les coussins sur son canapé s'alignèrent de manière presque parfaite, les plaids se replièrent avant qu'il ne propose à Irina de s'y installer.

"Je n'ai pas grand chose mais je te sers quelque chose à boire ? Du café ? Du thé ?"

Occupé à lancer différents sorts, il s'occupa manuellement de préparer les boissons. Et se raidit à l'évocation du Ministère. Le sujet était encore frais et sensible. Il lâcha un long soupir en revenant. Une jolie théière dans laquelle infusait du thé au jasmin dans une main, des tasses dans l'autre, il déposa le tout sur la petite table basse. Et tiqua en entendant parler de son remplaçant.

"Ils n'ont pas perdu de temps. J'ignorais que j'avais déjà un remplaçant."

Et il ignorait encore son nom, pour le moment. Il ne serait pas déçu de la surprise, en temps voulu... Le thé infusé, il servit leurs deux tasses, proposa cuillère et sucre à Irina pendant qu'il attrapait sa tasse. Il souffla sur le liquide, encore brûlant.
Et leva un visage, intéressé et intrigué par cette invitation à laquelle il ne s'attendait pas le moins du monde. Il sourit, touché qu'Irina ait pensé à lui. Dans son état, il ne se sentait pas vraiment en état de quoi que ce soit. Mais il appréciait le geste. Et de la belle musique, ça ne se refusait pas...

"Avec moi ? C'est adorable Irina !"

Au point d'en avoir le sourire aux lèvres. Oui, dans toute cette tourmente, ça lui faisait plaisir qu'elle l'air invité.

"C'est quand ? Je serai ravi de venir, si tu veux bien de ma compagnie. Elle n'est pas des plus joyeuses ces derniers temps. J'en suis désolé."

Il attrapa sa tasse, but une partie de son thé, maintenant qu'il était à température acceptable.

"Mais tu connais ma situation. Je ne vais pas t'accabler avec ça. Comment tu vas, toi ?"

A côté de sa harpe, des partitions étaient tombées au sol. Il n'avait même pas pris la peine de mettre la housse, ce qu'il faisait habituellement sans faute. Et qu'il corrigea d'un sort envoyé en direction de la harpe. Les partitions se remirent sur leur pupitre, la harpe fut emballée. Il avait vraiment honte de tout ça...

Impossible de ne pas remarquer la crispation soudaine d'Octave, lorsqu'Irina mentionna le nom de son successeur au poste de sous directeur. Il serra les dents. Une sacrée coïncidence... C'était surtout un sacré coup du sort.

"Caesar. Caesar Sylvanet, c'est lui qu'ils ont mis à ce poste ?"

Il rongeait son frein, alors que ses doigts se crispaient sur la tasse, jusqu'à la faire trembler. Il s'en fallut de peu pour que le liquide ne se renverse sur lui. Caesar, bien sûr. Comment n'avait-il pas compris plus tôt ? Instantanément, il lui parut évident que son évinction n'était pas uniquement dûe à l'attaque de Poudlard. Ca n'était qu'un prétexte. Tout comme celui d'apaiser les représentants des ministères des autres pays. Il laissa échapper un long soupir. Caesar n'en finirait donc jamais d'avoir de l'emprise sur sa vie.

Heureusement, Irina avait eu le bon goût de lui changer les idées en lui proposant une invitation à l'Opera. Elle le connaissait bien. Suffisamment pour savoir ce qui pouvait lui remonter le moral et lui faire du bien. La preuve, on était passé d'un visage crispé et défaitiste à un semblant de sourire. Oh, on n'était pas sur une bouche qui s'étirait jusqu'aux oreilles mais c'était déjà une petite victoire.

"Ça fait bien longtemps qu'on n'a pas eu de soirée entre amis, c'est vrai."

Il faut dire que ces derniers temps, jusqu'à ce qu'il quitte son poste, il avait été bien occupé. Et il savait qu'il en allait de même pour Irina. Chacun se débattant avec sa vie, il devenait difficile de trouver du temps commun.

"Je n'ai plus un planning très chargé, c'est plutôt à toi de me dire. La semaine prochaine ? Quand tu peux..."

Lui, il se réjouissait déjà. Ça ferait un petit peu de divertissement dans sa semaine.

"On m'a parlé d'un bon restaurant qui vient d'ouvrir à côté du chemin de Traverse. Si ça te tente, avant la représentation..."

Il serait ravi de l'inviter à diner. Et ça le changerait des ... hm... du pas grand chose qu'il se cuisinait ces derniers jours.

"Tu étais à Poudlard, toi aussi ? Je ne t'ai même pas vue. C'était une telle agitation, un tel chaos. Heureusement que tu n'as pas eu plus. Là dessus, je peux m'estimer chanceux aussi. J'en suis sorti presque indemne."

Mais ça n'était pas vraiment ce qui le préoccupait. Il voyait bien qu'Irina semblait intacte, si blessures elle avait eues, elles avaient depuis été guéries. C'est plutôt de sa vie dont il se souciait. Son mariage dont il était question depuis un moment, entre autre. Le moment était peut-être mal venu pour aborder le sujet. Et il ne voulait pas la mettre mal à l'aise, notant qu'elle avait d'ailleurs détourné la conversation. Il sourit, à la proposition.

"Avec plaisir. Je n'ai pas touché à la harpe depuis un moment et je n'ai pas encore eu l'envie de m'y remettre. Mais l'orchestre reprendra en septembre, il faut que je travaille le piano. Tu sais, si tu veux te joindre à l'orchestre, je suis certain qu'ils seraient ravis."

Il lui avait déjà proposé de se joindre à l'orchestre, quelques années auparavant, lorsqu'il l'avait découvert. Mais il comprenait les réticences à se mêler au commun des moldus. Lui-même n'était pas encore tout à fait à son aise dans ce milieu même si la musique l'aidait à passer ces différences.

"Je songe à reprendre de manière plus professionnelle. Maintenant que je suis... déchargé de mes obligations..."

Mais c'était plus des pensées en l'air qu'autre chose. Il était tellement habitué au travail au Ministère. Ca allait être difficile de tourner la page.

Pour l'instant, Irina avait réussi à faire diversion. Lui faire mettre l'information de côté. Il lui faudrait du temps, plus tard, pour la digérer. Pour prendre la pleine mesure de tout ce que ça signifiait et impliquait. L'emprise que Caesar avait sur sa vie, sans même l'avoir croisé depuis des années. Il s'efforça de ne pas y penser. Cette seule nouvelle avait de quoi lui plomber le moral pour les semaines -mois ?- à venir. Autant repousser un petit peu...

Et puis la jeune femme lui donnait de quoi se réjouir un peu. Il était flatté qu'Irina ait pensé à lui pour cette sortie à l'Opera. Et qu'elle accepte le restaurant avant. Ca s'annonçait comme une bonne soirée à venir. Au moins une, dans la semaine qui suivrait. Il valida la proposition du samedi soir et se nota dans un coin de sa tête qu'il faudrait qu'il réserve le restaurant. Et une bonne table, tant qu'à faire.

"C'est terrible oui. Tu connaissais des personnes touchées ?"

Lui, non, personne de proche. Il avait vu passer quelques noms familiers, au Ministère. Mais c'était d'avantage sur le plan professionnel que cet évènement dramatique l'avait affecté.

"Je comprends, bien sûr. On se fera notre session d'orchestre personnelle dans ce cas."

Et un duo juste tous les deux, ça lui allait très bien aussi. Même s'il appréciait l'orchestre, il pouvait comprendre. Et puis de son côté, il ne craignait pas de manquer de temps dans les jours à venir. Et d'ailleurs...

"L'idée m'a traversé l'esprit. Seulement enseigner le droit et la musique, c'est bien différent..."

Et encore, ce n'était que des interventions l'une ou l'autre fois dans l'année qu'il faisait. Il n'était pas professeur dédié.

"J'ai pensé à me rapprocher de la MUL. Je sais qu'ils ont une chorale mais je ne suis pas certain que la musique y soit enseignée..."

Si toutefois il était légitime à l'enseigner. Il avait beau avoir appris et pratiqué le solfège avec toute la rigueur que la discipline demandait, il n'avait jamais enseigné autrement que par quelques petits cours particuliers lorsqu'il était étudiant pour se faire de l'argent de poche.

"Est-ce que tu connais des gens à qui je pourrais en toucher un mot ?"

Il savait qu'Irina connaissait bien la MUL même si elle n'y était arrivée que récemment. De son côté, il connaissait quelques têtes mais ses interventions restaient limitées et ses relations avec les responsables de l'université aussi. Enfin encore faudrait-il qu'il se décide à aller réellement dans cette direction. Et pas que par dépit. Pour l'instant, il n'était sûr de rien.

Est-ce qu'il ferait un bon professeur ? Irina semblait en être d'avantage convaincue qu'il ne l'était lui. Il y réfléchirait, toutefois. Son avenir lui semblait tellement flou et obscur pour le moment. Il s'en sortait pourtant plutôt bien lorsqu'il faisait des interventions à la MUL. Mais c'était juste ça. Des cours de temps à autre, sans tout ce que la profession impliquait derrière.

"Je vais y réfléchir. C'est gentil de ta part de le proposer, ça peut être une bonne idée."

D'autant qu'il savait qu'Irina avait beaucoup de contacts à la MUL. Et que ça serait l'opportunité de se détacher du Ministère et de mener sa propre vie, loin de Caesar. Encore fallait-il y être prêt...

Ils finirent le thé, parlant de choses et d'autres, esquivant le sujet du travail tant que possible pour en rester sur quelques banalités. Avant de conclure sur leur rendez-vous du samedi suivant.

~~

Ce rendez-vous à l'opera lui donnait au moins l'occasion de prendre soin de lui et de se changer les idées. Rasé de près, les cheveux propres et coiffés -l'indispensable n'était pas une évidence ces derniers jours-, les vêtements repassés et impeccables, on n'aurait presque pas dit qu'Octave traversait un gros passage à vide en le voyant. Seules ses cernes et sa mine un peu fatiguée et terne trahissaient son état. Malgré les traits tirés, il était réellement ravi d'aller à l'opéra en compagnie d'Irina. Et son sourire était sincère lorsqu'il la retrouva.

La représentation terminée, ils se mirent en route vers le petit restaurant dont on lui avait dit le plus grand bien. De la cuisine française, un petit retour aux sources.

"Je ne m'attendais pas à ça, je dois avouer !"

Il commença, alors qu'on préparait leur table. La mise en scène était bien plus moderne qu'il s'y attendait. L'histoire avait été transposée de l'époque médiévale à un monde contemporain, illustrant l'affrontement de familles de sangs-purs. On leur fit signe de suivre le serveur et ils purent tous deux prendre place. La table était bien dressée, on sentait que la décoration était soignée dans les moindres détails.

"Je ne peux pas m'empêcher d'y voir une certaine critique envers les grandes familles... même si ça reste une interprétation... Qu'en as-tu pensé ?"

Ils échangèrent, en attendant qu'on leur apporte le menu, qu'il se ferait un plaisir d'expliquer à Irina si certains plats de la cuisine française lui échappaient. Mais il la savait femme d'une grande culture et il ne doutait pas qu'elle avait déjà mis les pieds dans un restaurant français. Peut-être même plus que lui.

Les scènes de l’opéra, notamment les dernières, lui restaient encore en tête. Les thèmes récurrents aussi mais surtout la mise en scène. Tout avait été travaillé. Et même s'il trouverait à redire sur certains aspects, il avait vraiment apprécié le spectacle.

"C'était audacieux, ça m'a beaucoup plu."

Il lui sourit. Il lui était reconnaissant de lui avoir proposé ce spectacle. Il se doutait bien que l'invitation était un prétexte pour l'aider à sortir, à tourner la page et il appréciait cette main tendue avec pudeur, qui prenait soin de s'habiller de faux prétextes pour ne pas le froisser. Et puis voir des œuvres d'art, ça faisait toujours du bien. Ça redonnait un peu foi en l'humanité, de voir qu'on était capable de faire de grandes choses. Et pas que de s'entretuer. Il soupira, repensant aux récents évènements qui entachaient le monde sorcier.

"Moi aussi... pas facile d'oublier.. ça mettra du temps... Mais j'espère aussi. On ne peut pas les laisser gagner ou prendre le contrôle de la culture.."

Il disait ça avec conviction, bien qu'il n'aie aucune ambition de s'engager dans la guerre qui se profilait. Il n'avait pas vraiment de prise de position claire à ce propos. Il ne cautionnait pas les horreurs commises et il avait été aux premières loges. Même s'il n'avait pas été blessé, sa vie avait changé par leur faute. Et en même temps, certaines rencontres l'avaient fait réfléchir. Au point qu'il envisage de rejoindre les Deathwings ? L'idée lui avait traversé l'esprit. Quelques bonnes nuit de sommeil avaient évincé cette idée au loin. Mais pour l'instant, il n'était sûr de rien les concernant. Enfin. Le menu qu'on leur apporta permit de changer un peu le fil de cette conversation. Il opta pour le filet de saumon aux asperges et détailla à Irina ce qu'il connaissait des deux plats sur lesquels elle hésitait avant de passer leurs commandes, en français. Il en profita pour commander leurs deux verres de vin et rendit les cartes au serveur.

"Avec plaisir ! Je ne connais pas du tout la gastronomie russe... A part le bortsch mais je suppose qu'elle ne se limite pas qu'à ça !"

Et même ça, il le connaissait surtout de réputation. Mais il ne demandait pas mieux que de tester, surtout accompagné d'une spécialiste ! On leur apporta un amuse-bouche, des petits toasts ainsi que leurs verres de vin.

"J'ai repensé à ta proposition, tu sais, concernant la MUL et Poudlard..."

Il déplia sa serviette, l'installa sur ses genoux avec minutie.

"Je t'en remercie encore mais je vais devoir décliner. Je ne pense pas être fait pour l'enseignement. J'ai entendu parler d'un théâtre qui recherche un nouveau directeur... je dois les rencontrer la semaine prochaine."

Et s'il était, fidèle à lui-même, toujours d'un ton égal, son sourire s'élargissait et ses yeux brillaient rien qu'à le mentionner. Il essayait de ne pas se réjouir trop vite, rien n'était joué, loin de là. Mais le projet l'intéressait vraiment et il espérait faire bonne impression.

"Ça serait une façon de s'assurer que... quelques soient les temps qui courrent, la culture ait sa place quelque part."

Et voilà qu'il s'avançait déjà trop. C'est qu'en ce moment, ses journées n'étaient pas bien remplies. La moindre petite chose pouvait prendre en peu de temps une importance capitale. Il s'en remettrait, si ce projet n'aboutissait pas. Mais il espérait vraiment que ça soit le cas.