Fresh Air [Noah & Octave]

Quel que soit leur échelon, ils n'étaient que des pions pour le ministère. Oh, ça n'avait rien d'une découverte pour Octave. Il avait la sensation d'en être un depuis qu'il avait commencé à y travailler. N'y avait-il pas déjà été placé comme une pièce d'un jeu, par pure stratégie de la part de son frère. Celui-là allait être ravi de la nouvelle, lorsqu'il l'apprendrait. S'il n'en était pas à l'origine...

Il commença à ranger ses affaires. Ça ne faisait que quelques mois qu'il occupait le bureau. La décoration était restée sommaire. Comme s'il avait toujours su qu'il ne resterait pas. Enfin, il n'avait pas tellement de photos à exposer. Il y en avait bien une de son fils, Calixte, dans les bras d'Hermance. Il n'avait même pas trois ans sur la photo. Octave attrapa le cadre, sourit en voyant le petit tirer les cheveux de sa mère et le rangea, face cachée, dans son sac. La pile de dossiers, laissée par son prédécesseur, était toujours là. S'y ajoutaient les très nombreuses lettres envoyées après l'explosion de Poudlard. Certains manifestaient du soutien dans ces temps difficiles. Mais la plupart faisaient surtout part de réprimandes en tout genre. Il n'était pas responsable de la sécurité de Poudlard. Mais les délégations étrangères s'adressaient à eux. Enfin, c'était du passé maintenant. Il laisserait ça dans les mains d'un autre. Chacun ses problèmes.

On lui avait laissé trois semaines pour terminer ce qui était en cours et déguerpir le plancher. Et il n'arrivait toujours pas à réaliser pleinement. Ces derniers mois, il avait consacré sa vie au ministère. Ce qu'il allait faire à présent ? Il n'en avait pas la moindre idée... On lui avait donné des noms, bien sûr. Certains de ses collègues, plus ou moins proches, lui avaient manifesté de la sympathie. Par ici, on avait besoin d'un comptable. Ailleurs, d'un conseiller. Il avait décliné certaines offres, récupéré d'autres parchemins sans grande conviction.

La porte de son bureau se referma toute seule, derrière lui. Il n'était pas le seul à s'être fait remercier après l'exposion de Poudlard. Son supérieur était sur le même bâteau et d'autres collègues avec lui. Le ministère était en crise. Tout le monde savait depuis longtemps que tout n'était pas tout propre dans ces couloirs. Mais l'attentat avait révélé au grand jour les allégeances de nombreux collaborateurs du ministère. Comment avait-on pu laisser passer ça ? Devant les nombreuses protestations et révoltes, on avait fait tomber des têtes. C'était tombé sur lui. Ca aurait tout aussi bien pu être quelqu'un d'autre.

Il salua les quelques personnes qui avaient son amitié et passa les portes du Ministère, la gorge serrée. Il n'avait pas envie de rentrer chez lui. La soirée était déjà entamée lorsqu'il arriva sur le chemin de traverse. Un petit bar où il était déjà quelques fois fut sa première halte. Il se prit une bière puis une deuxième, les savoura en observant la foule autour de lui. Et il aurait peut-être enchaîné s'il n'avait pas repéré des collègues à lui, en train de le regarder et de discuter. Oh, il n'avait vraiment, vraiment pas envie de ça. Alors il se traîna jusqu'au bar suivant. Puis celui d'après. Il se fit offrir un verre de tequila par un inconnu et retrouva brièvement le sourire. Et puis celui-ci disparut.

Il avait épuisé une bonne ruelle de bars, lorsqu'il se décida à prendre l'air. Ses pas n'étaient plus tout à fait droit. Il avait envie de frais. La nuit n'était pourtant plus caniculaire. Mais il crevait de chaud, la faute à l'alcool autant qu'au tissu épais de sa robe de sorcier.
Il marcha, pas vraiment droit, jusqu'à trouver une immense oasis de verdure. Des plantes partout. C'était parfait. Il s'y promena, s'émerveillant de cette nature foisonnante en pleine ville. Jusqu'à trouver une cascade. Ou peut-être était-ce une fontaine, il ne savait plus bien. Peu importe. Il ne réfléchit pas avant d'ôter ses chaussures, sa cape, remonter son pantalon et plonger ses pieds dedans. L'eau est presque glacée et ça fait un bien fou. L'obscurité était presque totale. La lune n'était encore qu'un fin croissant dans le ciel. Il leva les yeux et s'allongea au bord de l'eau, ses pieds toujours plongés dans le cours d'eau glacé. Ne plus penser à rien. Juste le bruit de l'eau et le frémissement des feuilles dans le vent.

Il aurait pu s'endormir ici. Confortablement posé, il ne pensait plus à rien et ça faisait un bien fou. Bercé par le bruit du cours d'eau et les lointains bruits de la ville, il se sentait bien. Sa journée désastreuse totalement rayée de sa mémoire.

Et puis des bruits de pas humain le sortirent de cette agréable torpeur. Il ne bougea presque pas, seule sa main fit un léger mouvement en direction de la poche intérieure de sa veste, pour attraper sa baguette magique. Au cas où. Même alcoolisé, certains réflexes restaient intacts. Surtout ces temps-ci.

Aussi, il fut plus que surpris d'entendre une voix l'appeler par son nom. Toujours allongé, Octave pencha la tête en arrière pour voir qui pouvait bien l'emmerder à une heure pareille. Si vous avez déjà ingurgité de grandes quantités d'alcool en peu de temps sans manger, vous vous doutez que pencher la tête d'un coup n'a rien d'une bonne idée. Il sentit son estomac se manifester. Et l'oublia aussitôt alors que son regard tombait sur un visage connu. Et à l'envers. Il se tortilla, tourna les épaules pour le regarder à l'endroit, toujours allongé sur le sol.

"Noah ? C'est toi ?"

Ca ne faisait pas tout à fait une éternité qu'ils ne s'étaient pas vus, mais presque. Octave l'avait aperçu de loin, à Poudlard. Mais ils ne s'étaient pas adressé la parole. Un moment, ça lui était passé par la tête. Et puis l'explosion avait tout balayé, ça y compris.

"J'savais pas que ... c'est toi, surtout... qu'est-ce que tu fais là ?"

On ne parlait pas tout à fait du même "là", bien sûr. Octave se demandait simplement pourquoi il retrouvait une vieille connaissance par ici. Lui, ça faisait des années qu'il était là, rien d'anormal. Quant à ce qu'il faisait dans ce parc... il n'avait pas interprété la question comme ça.

Lui, bourré ?

"Nooooon ?"

Il avait clairement l'intonation d'un gamin qu'on reprend alors qu'il a fait une connerie. Intonation que l'on retrouve chez un mec bourré, mais quel hasard.

"Et toi ? T'es bourré ?"

Quoi, ça ne fonctionnait pas, de détourner l'attention ?

"Viens, installe toi !"

Il passa sa main sur l'espace à côté de lui, au bord de la fontaine. Ils étaient bien ici... Octave croisa ses bras derrière sa tête et riva le regard vers le ciel, sans trop se préoccuper de voir si Noah s'installait ou pas. Toutes ces étoiles, c'était un truc qui l'avait toujours fasciné. Ils étudiaient l'astronomie à l'école mais ce qui l'intéressait, c'était ce qu'il y avait plus loin. Ce sur quoi ni moldus ni sorciers n'avaient d'emprise.

"Tu crois que... plus loin... là bas... il y a d'autres planètes avec de la magie ? Une planète où tout est magique ?"

Ça serait formidable. Est-ce qu'ils auraient les mêmes problèmes qu'eux ? Hiérarchiseraient-ils aussi leur sang, s'ils n'étaient qu'entre sorciers ? Il aimait bien l'idée que ça leur dépasse. Que la magie n'ait pas plus de réponse que la science moldue sur ce sujet.
S'il s'écoutait, c'est ce qu'il aimerait faire, là maintenant tout de suite, de sa vie. Partir explorer d'autres mondes et trouver d'autres civilisations. On dit merci l'alcool.

"Ils sont peut-être moins cons qu'ici... C'est pas difficile, remarque. On en tient une couche... Tu trouves pas ? "

Comme si ce constat requérait un avis d'expert. Il soupira. Sa journée se rappelait à lui et ce n'était pas vraiment pour lui plaire. Non, il préférait penser aux étoiles. Et que Noah les regarde avec lui.

Alors il vivait pas loin... C'était marrant quand même. Qu'est-ce qu'il foutait par ici ? Aux dernières nouvelles, Noah n'habitait pas sur cette île là.. Faudrait qu'il éclaircisse ce mystère. C'était quand même une drôle de coïncidence.

"On t'as forcé ?"

C'est la raison qui lui vient légitimement à l'esprit. Lui, il avait été forcé de venir par ici, pourquoi pas d'autres ? Évidemment, aucune autre raison ne serait valable, maintenant tout de suite.

Et puis son esprit dériva sur d'autres sujets, alors qu'il s'allongeait à nouveau, les yeux rivés sur la voûte céleste. L'alcool aidant, il aurait pu rester là pendant des heures, à observer le mouvement presque imperceptible des étoiles autour d'eux et quelques lueurs plus rapides, de diverses technologies moldues.

L'idée qu'il y ait une planète pleine de magie lui plaisait vraiment bien. Oh, il savait qu'il ne l'atteindrait jamais. Il avait suffisamment de notions en science pour ça. Malgré tout l'alcool qui se promenait dans son sang.

"Il n'y aurait peut-être pas de sorciers ... Juste des créatures magiques, des plantes magiques... Oh ! Une planète entièrement remplie de plantes magiques, ça te plairait ça, non ?"

Il se tourna vers lui, pour chercher son approbation. Octave se souvenait de sa passion pour les plantes, comment l'oublier ? Ça l'avait toujours fasciné. Lui, il était capable de faire crever une plante rien qu'à la regarder. Celles chez lui n'avaient perduré quelques mois que grâce à quelques sorts qui prolongeaient artificiellement leur vie.

"Si c'est pour avoir la même merde qu'ici, c'est pas la peine !"

Et soudainement, l'idée lui plaisait beaucoup moins. Alors qu'il s'était mis à imaginer des sorciers de toutes les couleurs, de toutes les formes, avec une multitude de bras et sans jambes, comme les araignées. A moins que ça soit l'inverse. Il essaya de se représenter la bestiole.

"Les araignées, c'est des bras ou des jambes qu'elles ont d'ailleurs ?"

Il demanda, comme si le rapport entre tout ça était évident. Oh, il se rendait compte que l'alcool l'avait bien attaqué, quand même. De là à prendre conscience qu'il bassinait son ex avec des histoires d'araignées alors qu'il aurait juste pu se soucier de le retrouver ? Nah, il verrait ça plus tard.

"Non ! Même pas ! Impossible de trouver du bon vin français par ici.. Tu connais des adresses ? J'ai juste pris une bière. Ou... peut-être deux."

Ou quatre, cinq, et on oublie les verres de tequila. La suite, de toute façon, il ne s'en souvenait plus. Et il se sentit soudain désolé pour Noah.

"Désolé, c'était dans des bars. Sinon je t'aurais volontiers passé la bouteille. Mais... j'en ai pas !"

Et c'était pas plus mal pour lui, il avait déjà bien assez bu. Même s'il se serait bien pris un petit dernier pour la route. Ou deux petits derniers, pour pas qu'il se sente seul.

"Tu devrais mettre tes pieds dans l'eau. Elle est super bonne, ça détend à fond, tu verras !"

Ça serait quand même dommage que Noah ne profite pas de ça -et on souhaitera bien du courage à ce dernier pour ramener Octave à la raison-. Est-ce qu'il allait falloir qu'il mette le botaniste dans l'eau par la force ? Par la chaleur qu'il faisait, c'était beaucoup trop agréable de sentir le courant entre ses doigts de pied.

Pourquoi vouloir se relaxer ? Quelle question absurde ! Qui voudrait rester tendu comme une baguette en plein sort quand on pouvait se dorer la pilule -sous la lune, parfaitement-, les pieds dans l'eau ? Enfin, Noah n'était pas trop difficile à convaincre. Il savait goûter aux bonnes choses, il se rappelait.

"Tu vois ? Elle est super bonne !"

Et pour preuve, il donna un petit coup de son pied contre celui de Noah. Bon, ok, elle était un peu fraîche, en réalité. Mais l'air était lourd, presque étouffant. La température n'était presque pas retombée malgré la nuit tombée.

"Maintenant, je le suis !"

Détendu, ça, il l'était certainement plus que plus tôt, dans la journée, lorsqu'il avait replié ses affaires. Oh, bien sûr, il y avait eu un certain soulagement en passant pour la dernière fois les portes du Ministère. Mais... non, ne pensons plus à ça.

"Un hamac c'est bien ! Mais on n'a pas les pieds dans l'eau.. Et puis... j'en ai pas vu, ici !"

Il ne doutait pas que Noah puisse en faire apparaître un par magie, entre deux arbres. Mais pourquoi faire ?  Il soupira et leva les yeux vers le ciel à nouveau. Il était certain qu'en regardant bien, ils verraient des étoiles filantes.

"Tu veux pas plutôt chercher des étoiles filantes ? Oh, là, reg..."

Ah non. Il s'interrompit. C'était juste un avion moldu. C'était nul, le ciel envahi par les moldus. On prenait les trucs pour des merveilles et non. C'était juste une vulgaire boite de métal.

"Je te suis dans le hamac, si tu me promets qu'on y sera mieux qu'ici. Je peux te faire confiance ? "

Il lui donna un petit coup de coude, en se penchant un peu vers lui. Il savait que Noah avait du goût pour les petits coins de paradis. Et qu'il était doué pour les dénicher. Sans se douter qu'il s'agissait de la forêt tropicale qui servait d'appartement au brun. A regrets, Octave sortit ses pieds de l'eau, les fit glisser sur l'herbe pour les sécher un peu -parce qu'il n'était pas bien capable de lancer un sortilège pour le faire, dans son état- et remit chaussettes et chaussures, avant d'attraper sa cape. Il tenta de se relever. C'était pas bien droit. Pourquoi ça tournait plus qu'avant ? En se tournant un peu sur le côté, il parvint à s'asseoir. Et retomba. Ca allait être compliqué.

"T'es sûr que tu préfères pas regarder les étoiles d'ici ?"

Demanda-t-il tout de même, pour essayer de se racheter une dignité. Parce que bien sûr, Noah n'avait pas remarqué qu'il avait trop bu ni qu'il venait de se ramasser. Il avait la discrétion d'un homme bourré. Et puis il faisait noir...

Ce hamac avait intérêt à valoir le coup. Parce qu'il venait de se vautrer lamentablement en tentant de se lever et il avait bien l'impression que Noah l'avait remarqué. C'était pathétique, comme son état. Il s'en rendait compte, bien que lointainement. Heureusement, il ne réalisait pas entièrement la situation. Voir Noah à ses côtés lui semblait aussi étrange que banal. Comme s'ils étaient revenus des années en arrière. Avec un peu plus de retenue.

Il protesta, pour la forme, lorsque Noah tenta de l'aider. Et essaya de se défaire de son bras. En vain. Le temps que sa main arrive sur celle de Noah, ils transplanaient et se matérialisaient dans un tout autre environnement. Une forêt vierge. Ou presque. Des plantes partout. Le premier réflexe ? Regarder au dessus d'eux, pour voir si on y distinguait aussi bien les étoiles. Et il fronça les sourcils, prêt à protester. Les arbres gâchaient la vue. Splendide, par ailleurs. Mais les étoiles perçaient à peine à travers tout ce feuillage. Il se retourna vers Noah. Et comprit, en distinguant quelques éléments plus manufacturés. En dépit des apparences et de la moiteur ambiante, ils n'étaient pas du tout dans une forêt tropicale.

"Noah.. où est-ce que tu m'as emmené ? C'est... chez toi ?"

S'il y avait bien une chose qu'il ne pourrait oublier, c'était la passion des plantes pour Noah. Mais de là à s'imaginer qu'il vivrait dans une véritable forêt ? Ça ne pouvait être que chez lui... Et ça lui correspondait à merveille.

"C'est... c'est tellement toi !"

Il accompagna sa remarque d'un geste pour pointer Noah de sa main. Histoire d'insister là dessus. Et puis tenta de se relever. Cette fois, il y avait un gros tronc auquel s'accrocher. Il s'y agrippa et parvint à se mettre sur ses deux jambes. Et tournoya. Une mauvaise idée, très certainement, vu tout l'alcool qu'il avait dans le sang. Mais il y avait des plantes absolument partout. C'était assez incroyable ! Il finit par se raccrocher à l'arbre avant de perdre l'équilibre à force de tourner et regarda encore pour trouver le meilleur endroit.

"Là haut ! Ou bien ... le meilleur endroit que tu aies pour voir les étoiles !"

C'était ça que Noah lui avait promis, non ? Il regarda le hamac se nouer à deux arbres, monta dedans, les membres un peu tremblants. Sobre déjà, il n'était pas bien amateur de grandes hauteurs et trucs instables. Et l'alcool le désinhibait autant qu'il anéantissait son équilibre. Un bon retour au point zéro, donc. Il s'appuya contre Noah pour réussir à s'asseoir puis s'allonger sur le hamac. Et pointa le tissu qui se repliait contre lui.

"Tu montes ?"

A son tour, il tendit la main à Noah, qui n'en avait probablement pas besoin. Il avait plus l'habitude et moins d'alcool dans le sang. Il attendit que Noah se soit installé pour se rappeler qu'il avait sa cape qui lui tenait chaud. Et il gesticula pour s'en débarrasser et la faire passer par dessus bord. Avant de s'installer un peu mieux, croisant ses bras derrière sa tête, le regard rivé vers le ciel. Noah n'avait pas menti. La nuit était belle d'ici aussi. Ça devait être fabuleux, de pouvoir admirer ce spectacle toutes les nuits depuis la verrière. Il soupira d'aise. Le hamac se balançait légèrement entre les deux arbres, faisant tourner sa tête. Il ne se sentait pas spécialement stable, là dedans. Mais c'était agréable malgré tout. Et puis il se sentait particulièrement bien, là, aux côtés de Noah.

"Noah ? Je peux te poser une question ?"

Il gesticula, s'installant un peu mieux, le regard toujours rivé vers le plafond de verre, à l'affut d'une étoile filante. Il attendit que Noah acquiesce pour continuer.

"Comment ça se fait que tu sois là ? T'es plus en France ?"

Il se tourna brièvement vers lui. Peut-être qu'il redescendait un peu et qu'il commençait à se rendre compte que c'était bizarre, de retrouver Noah, après toutes ces années.

Il fallait qu'il l'entende pour se rendre compte à quel point il lui avait manqué, ce joli rire franc et sincère. Son départ précipité, Octave ne s'était pas tellement rendu compte de tout ce qu'il avait perdu en partant. Il n'en avait pas eu le temps. Ni le choix, d'ailleurs. Même ivre, il n'avait pas le rire aussi facile que Noah. Mais ça faisait du bien, de le voir comme ça. Sa façon si naturelle de prendre les choses comme elles venaient. Il se surprit à sourire, en le regardant.
Des années après, ce simple son faisait remonter avec lui bien des souvenirs qu'il avait oubliés.

Le hamac et son équilibre précaire le ramenèrent à la réalité. Il se cramponna à la toile, puis à Noah puis au hamac à nouveau. On ne pouvait pas dire qu'il se sentait vraiment à son aise, même lorsque le botaniste l'avait stabilisé. Ça et sa tête qui tanguait, ça s'additionnait plus que ça ne s'annulait. Mais une fois allongé, calé contre Noah, il se sentait un petit peu mieux. Jusqu'à ce que le hamac se mette à bouger et s'élever dans les airs. Il laissa échapper un petit bruit de surprise et agrippa, une main au hamac, l'autre au bras de Noah, tandis que les cordes se tendaient vers le haut. Il ne reprit sa respiration qu'une fois le hamac stabilisé et relâcha ses appuis, avec méfiance. Bien vite, la conversation et la vue dégagée sur la voûte céleste lui sortirent du crâne cette impression de vertige. Tant qu'on ne regardait pas en bas... Il cala ses bras derrière sa tête à nouveau, bien moins gêné par la proximité de Noah qu'il l'aurait été en étant sobre.

"A la MUL ? Toi ? " Il fronça les sourcils. Essayant d'imaginer le Noah vadrouilleur qu'il avait connu, à la MUL. Un peu de réflexion et il aurait trouvé sa réponse, sans nul doute.

Il rit un peu, lorsque le botaniste railla son accent. On reconnaissait toujours l'accent français dans ses mots. Nous savons tous ici combien il peut être difficile de s'en défaire. Il avait abandonné l'idée et ça faisait longtemps qu'il avait choisi de porter avec fierté cette différence plutôt que d'essayer en vain de la camoufler. Malgré ça, son accent et son vocabulaire s'étaient grandement améliorés avec les années. Il en perdait parfois ses mots dans sa langue natale.

"Je m'adapte aux coutumes locales... pas comme toi et tes [insérez une différence de prononciation anglais britannique/anglais américain que la joueuse ne connait plus] ou tes [idem, différence de vocabulaire]"

Il se moqua un peu, lui donna un coup de coude amical. Et reposa sa tête sur la toile, dans un soupir.

"La vie en Grande Bretagne... c'est plutôt d'la merde, pour être franc."

Et vulgaire. Ça ne lui ressemblait pas tellement, d'employer ce genre de vocabulaire, même s'il semblerait plus que soft dans la bouche d'autres personnes. Il fronça les sourcils, tourna un peu la tête et se raccrocha au hamac, se mettant à trembler à nouveau un peu en voyant le vide sous la toile. Heureusement, la canopée masquait partiellement le sol et la hauteur entre eux et la terre. Le temps de se calmer un petit peu, il regarda le ciel. La vue était magnifique et il ne regrettait pas d'être là, malgré le vertige. Malgré les quelques lumières de la ville, on devinait des constellations, une lumière plus forte qui devait être Jupiter, un bout de voie lactée. Il resta comme ça quelques secondes, à se noyer dans les étoiles avant de se tourner vers Noah.

"Si j'avais su... c'était une connerie, de partir. Je ne suis même plus au Ministère. Ils m'ont jeté dehors. Comme une vieille goule. Tout ça... pour quoi ?"

Il secoua la tête. Whoh. Mauvaise idée. Il s'agrippa à Noah et au hamac à nouveau. Non, le hamac et l'alcool, ça n'était pas le plus heureux des mélanges.

Non, il avait du mal à voir quoi que ce soit de positif. Il s'en voulait autant qu'il en voulait au ministère, à son frère, à la Grande Bretagne, à la terre entière... Pour ces petits jeux politiques, il avait mis sa vie entre parenthèses, pendant beaucoup trop d'années. Il s'était laissé porter. Et à quoi bon, vraiment ?
Il ne secouerait plus la tête mais l'intention était là. Ça le désolait.

"Ça va... ça tangue un peu, j'ai pas l'habitude de la hauteur comme ça..."

Et comme un homme bourré n'apprend jamais de ses leçons, il jeta un coup d'oeil vers le bas, juste pour appuyer ses propos. Il commençait à s'y habituer. Et il n'avait presque pas gesticulé, cette fois. Il regarda, les arbres se balancer lentement, animés par le moindre mouvement d'air. Il n'en revenait pas d'être dans un endroit pareil. Et puis il se retourna vers le ciel à nouveau, tout doucement, pour ne pas faire tanguer le hamac.

"Non ! C'est bien ici, on voit mieux les étoiles."

Et puis avouons-le, la présence de Noah n'était pas pour lui déplaire. C'était agréable, de le sentir juste là, contre lui. Ça semblait aussi familier qu'étrange. Mais il n'avait pas besoin de se poser de questions, là. Il souffla, s'appliqua à ne plus bouger, même pas un orteil, comme Noah le lui conseillait.

Il se fit silencieux, lorsque le botaniste changea de sujet de conversation. Là dessus, c'était le néant. Les choses s'étaient précipitées. Il n'avait rien vu venir, avant l'attentat de Poudlard. Et il préférait penser que ça n'avait pas été prémédité de la part du Ministère. Depuis, les journées s'étaient enchaînées pour tout boucler. Et il avait préféré se plonger là dedans que de réfléchir à cet avenir incertain. Sa main se serra soudainement sur le bras de Noah.

"Oh, regarde ! Juste là ! Elle a filé.."

Une étoile filante. Il espérait que Noah l'avait vue. Elle avait disparu si vite qu'il n'avait même pas eu le temps de faire un vœu. Pendant un instant, il s'était émerveillé, comme un gamin qui découvre le ciel hors de la ville, pour la première fois. Et puis la lumière imprimée dans sa rétine disparut. Et il repartit dans ses pensées.

"Pour être honnête, j'en ai pas-une-seule. Mon plan, c'était de rester au Ministère et ..." Long soupir. "J'avais pas vraiment de plan B. Je ne pouvais pas deviner... Tu crois que j'aurais dû ?"

Si Noah voulait lui faire oublier sa rancœur, le sujet était mal choisi. Bien sûr, il avait toujours en tête de retrouver Hermance, de récupérer son fils. Mais ça semblait encore plus inatteignable que le reste. Il ne savait pas encore que quelques jours plus tard, il serait chez lui à se morfondre sans savoir comment sortir de cet état. Mais ça se profilait déjà.
Il finirait par trouver, il s'était toujours débrouillé. Il lui faudrait juste du temps pour faire face à ce nouveau coup dur.

"Et toi ? Tu m'as pas dit.. La MUL ? T'es définitivement installé ici alors ? C'est quoi tes plans à toi pour le futur ?"

Il leva sa main vers le ciel. Se projetant vers le futur lointain. Le hamac bougea un peu mais il commençait à s'y accoutumer. A lâcher prise.

Là où Noah voyait l'étendue des possibles, il ne voyait que le néant, l'inconnu qui l'attendait et l'effrayait, il fallait bien le dire. Ce n'est pas par hasard qu'il s'était retrouvé à boire, ce soir là. C'était difficile, de se retrouver confronté d'un coup à sa vie dénuée de sens. A l'inconnu. Et on comprenait bien que Noah et lui ne voyaient pas les choses de la même façon.

"Ouais... je suppose..."

Il ne voulait pas le contrarier. Mais il était loin d'en être convaincu. En France, il ne retrouverait rien de ce qu'il avait laissé. Si c'était pour croiser des fantômes, ça ne valait pas la traversée. Apprendre, partir en voyage, tout le reste... Peut-être l'envisagerait-il plus tard. Lorsqu'il cesserait de broyer du noir.

Il sourit, songeant qu'il reviendrait peut-être chez Noah. C'était bon de le savoir près. Et en même temps, une fois la soirée décuvée, il se raviserait probablement. Mais pour l'instant, l'idée lui plaisait. Et au milieu de toute cette déprime, c'était déjà une petite étincelle.

Le ton de Noah avait l'air tellement léger et égal, en parlant de sa vie aussi. Tous les deux s'étaient laissés porter. Il avait fait avec ce que la vie lui proposait, lui aussi. Ou ce que son frère lui laissait, plus exactement. Et on ne pouvait pas dire que ça lui avait vraiment réussi.

"J'aimerais avoir ton optimisme, Noah. Je l'ai toujours admiré. Et ... envié."

Parce qu'il ne savait pas encore ce qu'il cachait. La vie, à l'écouter, paraissait tellement simple. Mais il ne s'attendait pas du tout à ce que Noah retourne le sujet de la sorte. Et se retourna vers lui, un peu trop violemment. Oups, le hamac. Il tangua un bon coup.

"Heu... tu veux vraiment..." ... Parler de ça ? Maintenant ? Noah avait l'air sérieux, pourtant. Alors tout bourré qu'il soit, il trouva bonne l'opportunité de se taire et de l'écouter. Et sa gorge se serra. D'une façon bien différente, ça faisait écho à sa propre histoire de famille. Il ne pouvait que le prendre à cœur. Gesticulant un peu -il commençait à s'habituer au hamac qui bougeait en retour- il passa son bras autour des épaules de Noah. Et le rapprocha contre lui.

"Je suis désolé Noah... Pourquoi t'as pas..."

Quoi, commencé par ça ? Lui parler de sa femme qui gardait les filles loin de lui, comme sujet d'introduction ? Oui, c'était déplacé...

"J'ai pas les idées très claires là... tu sais... et ça fait longtemps que je n'ai pas fait ce genre de droit mais elle ne peut pas..."

De son autre bras, il passa machinalement la main vers ses poches, se rendant compte que sa cape n'était plus là.

"Mes cartes de visite sont tombées je crois. Avec ma cape. De toute façon, elles étaient au nom du Ministère."

Et ça le fit rire. Momentanément. Avant qu'il ne reprenne son sérieux.

"Je connais des gens en France. Ils pourront peut-être t'aider ? Je leur demanderai. Rappelle-le moi."

Il posa sa tête contre l'épaule de Noah, en soupirant. Il ne voyait plus vraiment le ciel, comme ça. Un peu les arbres, en contrebas, à travers le tissu du hamac. Mais il voulait soutenir Noah. Lui montrer qu'il n'était pas tout seul face à ça. Ou peut-être qu'il voulait juste lui-même, se sentir un peu moins seul.

"Elle te les enlèvera pas, d'accord ? On la laissera pas faire !"

Il avait déjà perdu son fils et la blessure était encore grande ouverte. Il ne laisserait personne enlever ses filles à Noah.

Quand on ne s'attardait plus sur le hamac qui se balançait au gré de leurs mouvements, c'était agréable d'être là. L'alcool l'aidait à se sentir plus léger, malgré les sujets difficiles. Et la présence de Noah était réconfortante. Il soupira d'aise, dans ses bras, blotti comme comme il avait pu l'être des années plus tôt.

Les petites oscillations du hamac se faisaient plus agréables, maintenant qu'ils ne bougeaient plus. La respiration régulière de Noah l'apaisait. Il trouva le sommeil sans peine. Lourd et sans rêve, digne d'une fin de soirée trop alcoolisée.

Avec la brise, le soleil qui tapait sur ses paupières encore fermées, le mouvement un peu chaloupant, il avait l'impression d'être sur un bateau. Avant de rouvrir les yeux. Ouh. La lumière du soleil était douloureuse. Il les plissa, dévisageant, avec un air encore bien endormi, son hôte. Il lui faudra quelques secondes pour se rendre compte que ça n'était pas un rêve étrange et se rappeler qu'il avait bien passé la nuit à côté de Noah. Il posa sa main sur son front, pour le regarder sans être ébloui par le soleil. Les souvenirs lui revenaient, les uns après les autres.

"Bonjour" Les mots sortirent en français, naturellement. " Non, c'est le soleil, je crois..."

Mais surtout les mouvements du hamac, en réalité. Sa gorge était bien sèche, rendant les mots difficiles à articuler. Là, tout de suite, il rêvait d'une bonne bouteille d'eau bien fraîche. Il étira ses bras, ses jambes, interrompit violemment le mouvement pour se raccrocher au hamac en le sentant bouger. Oh. Il ne fallait pas plus que ce mouvement rapide pour réveiller sa tête, qui jusqu'à présent frappait en sourdine.

"J'ai un peu mal à la tête... Et soif. Peut-être juste de l'eau, pour l'instant."

Il envisagerait peut-être autre chose, après s'être avalé un bon litre d'eau. Si la nausée le quittait. Il hocha mollement la tête, assurant à Noah qu'il le rejoindrait. La tentation était grande de se rendormir pourtant. Mais une envie pressante le décida à se débattre avec le tissu du hamac, s'entortiller dedans et parvenir à s'en extraire. Il tomba sur le sol, quelques centimètres plus bas, et se releva lentement. Dans sa tête, ça cognait de plus en plus fort. Il n'avait pas du tout bu d'eau, la veille. Erreur fatale.

Marche après marche, il descendit le grand escalier en vis qui menait jusqu'à l'appartement -si on pouvait appeler ça ainsi- de Noah. Il s'étira à nouveau, une fois arrivé en bas, bailla un grand coup et s'approcha de son hôte pour lui demander la direction des toilettes.
Il profita du passage au petit coin pour faire une toilette rudimentaire devant le lavabo, histoire de se rafraîchir un peu. Et se pencha pour engloutir de l'eau jusqu'à avoir l'impression qu'il en était rempli.

Et il ressortit quelques instants plus tard, se passant la main sur son visage, pas vraiment frais comme un gardon mais les idées un peu plus claires. Malgré la bonne nuit de sommeil, on ne pouvait pas dire qu'il soit en pleine forme. Merci l'alcool... Mais il n'avait pas l'impression d'avoir de trou de mémoire. Il ne se souvenait plus très bien de comment il était arrivé ici, chez Noah. Mais il se rappelait parfaitement et avec soulagement qu'il n'avait pas dérapé avec lui, la veille.

"Tu parlais de quelque chose pour la tête ?"

Dans son état, ça ne serait pas de refus. Octave bailla un grand coup et s'assit sur l'un des tabourets, accueillant avec gratitude le remède que Noah lui donnerait.

"C'est toi qui m'as ramené hier soir, n'est-ce pas ? Merci ! J'ai les pensées un peu confuses mais... je crois bien que c'était agréable."

Et il avait bien dormi, tout contre Noah. Il n'en ressentait pas encore de gêne. Parce que ça avait semblé trop naturel pour ça, la veille.

"Désolé si... j'espère que je n'ai pas été... pénible. Je n'aurais vraiment pas dû boire autant hier soir. J'ai eu de la chance de tomber sur toi."

Dans l'appartement, le soleil tapait moins fort. Sa tête, elle, cognait toujours. Mais ça ne l'empêchait plus de regarder autour de lui. De se rendre compte à quel point cet endroit était singulier et extraordinaire.

"C'est toi qui a fait tout... ça ?"

Il était tout aussi émerveillé que la veille. On ne distinguait plus les étoiles maintenant bien sûr mais toute la vie qui s'éveillait autour d'eux, les fleurs aux couleurs vives, les lianes qui s'enroulaient autour du mobilier, des arbres, qui serpentaient entre les allées. C'était magique. Dans tous les sens du terme.

La préparation d'herbes n'était pas du meilleur goût mais une fois la sensation désagréable passée, elle lui fit le plus grand bien. Il l'avala à petites lampées, refroidissant le liquide entre deux en soufflant dessus. Et avala dans la foulée le grand verre d'eau fraîche. Avec toute cette eau, c'était un peu moins le désert dans sa trachée. Ses cordes vocales ne semblaient plus fusionnées l'une à l'autre. Il remercia Noah en posant le verre à côté de lui, après l'avoir rempli à nouveau.

Et l'appétit vint, non pas en mangeant, mais en regardant avec envie toute la nourriture posée sur la table. Son ventre se manifesta le premier, dans un gargouillis qu'il n'aurait pu masquer. Un peu gêné, il posa la main sur son estomac, comme pour le faire taire. Et il s'intéressa de plus près à ce que Noah leur avait servi.

"Si j'avais su je ne serais pas resté !"

Il lui fit un sourire. Oh, voilà qu'il se lançait dans les blagounettes du matin. Noah n'avait rien à excuser. La table était bien garnie. Et avec tous ces fruits, pas besoin de jus d'orange. Il s'attrapa une nectarine et mordit dedans avec appétit, lorgnant déjà sur le reste du petit déjeuner. C'est que tout cet alcool, ça l'avait creusé. Il n'avait pas beaucoup mangé, la veille. Avait-il mangé d'ailleurs ? Il n'en avait pas souvenir. Il se rappelait juste avoir pris quelques verres. Juste deux ou trois...

Il termina sa nectarine, se lécha discrètement les doigts du jus qui avait coulé dessus et reposa le noyau dans son assiette avant d'entamer les œufs brouillés. Et de se prendre un toast à la confiture.

Contrairement à un certain apprenti pâtissier, il ne s'offusquait pas qu'on se moque un peu de lui. Ça l'amusait, même, lorsque ça restait bienveillant comme l'était Noah. Il ne se souvenait pas vraiment avoir été obsédé par les étoiles. Il se rappelait les avoir regardées, admirées et voilà tout.

Il se prit un second toast, en écoutant Noah.  Et croqua dedans, prit le temps d'avaler pour ne pas parler la bouche pleine et mettre des miettes partout.

"Tu as su t'installer ! On dirait que c'est toi qui es là depuis des années !"

Quand on voyait son appartement à lui, bien trop triste et austère, même pour lui..

"J'étais... dans un parc moldu ?"

Il n'en avait pas souvenir. Son visage se fronça un peu alors qu'il tentait de se remémorait. A quel moment était-il passé dans le monde moldu ?

"J'étais parti prendre l'air. J'ai..." Il s'interrompit, en soufflant. Il ne savait pas très bien ce qu'il avait pu dire ou ne pas dire la veille. Habituellement, il ne s'épanchait pas tellement sur sa situation. Mais l'alcool aidant, allez savoir...

"Je crois que j'étais parti pour prendre un verre, en partant du Ministère. Ils m'ont jeté dehors.."

Ah ça, quand on ne se souvient plus, on radote... Il termina son toast, ramassa les miettes qui étaient tombées sur la table.

"Ils font une grande purge. Tu en as peut-être entendu parler. Ils veulent marquer le coup et apaiser les esprits, après ce qu'il s'est passé à Poudlard. Il faut croire que je ne leur étais pas tellement indispensable."

Et on sentait dans sa voix toute la lassitude qui tombait d'un coup. Il en avait encore le cœur lourd. Il faut dire que ça venait à peine de devenir concret, dans sa tête.

"J'avais besoin de marquer le coup. Voilà. C'est acté."

Et la joie de vivre venait de se barrer avec. Il attrapa un abricot, le fit rouler entre ses doigts et le reposa, se ravisant. Non, il n'avait plus tellement faim, en fait.