Baking Vs Brewing [Nathanael & Jesus]

Ça l'apaisait quelque peu, de savoir que c'était au moins un mariage d'amour. Même s'il n'en était pas moins réticent à cette pratique. Mais il savait qu'il lui faudrait passer au dessus de ça et de bien d'autres choses s'il voulait exercer dans ce métier. Et puis on ne lui demandait pas de célébrer la messe non plus. Juste de l'aide pour le gâteau. C'était dans ses cordes, il semblait.

Il testa avec le glaçage. Ca équilibrait un peu plus, c'est vrai. Mais il trouvait tout de même que ça manquait un peu de sucre et lui fit remarquer à nouveau.

"Même si je sais que c'est mes goûts, hein."

Précisa-t-il tout de même. Parce qu'il retenait la leçon et il était attentif. Bien plus qu'il ne l'avait été en cours de métamorphose ou toute autre matière barbante.

"Au milieu, ça rajouterait un peu de texture et ça permettrait de faire ressortir le goût. Et de contrecarrer l'acidité !"

Il fit quelques remarques sur le reste du projet avant de retourner servir quelques clients. Et retourna auprès de Nathanaël pendant un moment de creux, tout en jetant un oeil sur le comptoir, s'interrompant de temps en temps pour servir un client. Les décorations, c'était un truc qu'il ne connaissait pas du tout. Oh, il avait soigné la présentation de ses tartes. Mais de là à faire des fleurs en sucre ou en pâte d'amande, il n'en était pas là. Mais il suivit attentivement les gestes de Nathanaël et tenta quelques décors et fioritures plutôt réussis pour un premier essai, avec la poche à douilles. Pas de doutes, Jesus était plus manuel qu'intellectuel.

"Et vous avez du mérite de tout gérer à la main... Les clients le remarquent pas assez !"

Il le pensait. Même s'il ne partageait pas tout à fait ce point de vue. Il était de ceux qui pensaient que si la magie pouvait aider, aucune raison de s'en priver. Et s'en servait tant qu'elle pouvait lui être utile. Mais il n'en avait jamais été privé. Et pouvait concevoir que ça changeait radicalement votre point de vue sur la question.

"En tout cas, si vous avez besoin de magie, vous pouvez m'demander !"

Peut-être que Nathanaël avait besoin de plus de temps, pour ça. Et il pouvait l'entendre, faute de le comprendre réellement. A force, il avait bien l'espoir de lui montrer que sa magie pouvait l'aider pour certaines choses. Tout en conservant le côté manuel que le pâtissier semblait apprécier.

Jesus retourna à son poste, servit quelques clients. Jusqu'à se figer, en voyant arriver une tête qu'il n'aurait jamais imaginé croiser ici. Ça faisait à peine plus d'une semaine depuis la dernière fois. Et Jesus en avait encore les images bien en tête. Heureusement que Nathanaël, depuis la cuisine, ne pouvait pas voir son visage qui virait au rouge bordeaux.

"Loïs ? Qu'est-ce que..."

Qu'est-ce qu'il foutait là ? Quelle question à la con. Il venait pas acheter de la charcuterie, hein... Jesus se flanqua une baffe mentale et attrapa une boite pour placer les parts de tarte. Hé. Ho. C'était quoi ces mains qui tremblaient là ? Merlin... Il manqua de renverser la première part et s'y reprit à deux fois pour la deuxième. Les chouquettes, c'était un peu plus facile. Il les emballa. Et glissa une petite buchette en chocolat dans une petite pochette, pour se faire pardonner de sa maladresse. Et peut-être un peu pour lui faire plaisir. Il mettrait des sous de sa poche dans la caisse, pour ce petit cadeau.

"Bon appétit !"

Lui glissa-t-il en lui tendant le paquet, avec un clin d’œil. Il devint encore plus rouge lorsqu'il remarqua que la cliente suivante n'avait pas perdu une goutte de ce qu'il se passait. Pourvu qu'elle ne connaisse pas le pâtissier et qu'elle ne balance pas !

~

Jesus prenait ses aises, au fil des jours. Le pâtissier semblait lui faire un peu plus confiance, aussi. Est-ce qu'il finirait par lui confier d'autres tâches que la caisse ? On n'en était pas encore là... Jesus l'avait aidé tant qu'il le lui demandait pour le gâteau de mariage, livré en temps et en heures. Bientôt, il faudrait qu'il reprenne le sujet, avec le pâtissier. Ca serait compliqué pour lui de rester après la rentrée s'il n'était pas rémunéré. Même s'il préférait largement ce qu'il faisait là à son travail dans les cuisines de la MUL. Mais on n'y était pas encore. Le tintement de la porte le sortit de ses pensées. Une silhouette familière apparut.

" Good afternoon. I'll have the lemon pie please. oh and can I have a word outside ?"

Il ne fallut pas longtemps pour que les joues de Jesus virent au cramoisi à nouveau. Il servit la part de tarte -avec plus de dextérité- dans une petite boite, passa derrière pour prévenir Nathanaël qu'il s'absentait un court instant. C'était pratiquement l'heure de la pause, ça tombait bien ? Et il sortit un peu trop naïvement, pensant réellement que Loïs avait quelque chose à lui dire. Quelques secondes plus tard et ils transplanaient chez l'animagus.

"Quoi, là ? Mais je bosse !"

Il ne protesta pas longtemps. Loïs savait très bien le faire taire. Nathanaël comprendrait qu'il avait eu une urgence, hein ? Une douche rapide et il transplanait à nouveau devant la pâtisserie, les joues toujours aussi rouges. Mais c'est juste parce qu'il faisait chaud, n'est-ce pas ? Et absolument pas pour ce qu'ils avaient fait... Il rentra par l'arrière, rejoignant Nathanaël en pleine pause déjeuner.

"Désolé. Il avait besoin d'un truc et..." Ne précisons pas que le truc, c'était lui.

"Ca n'arrivera plus, promis ! Bon appétit !"

Et Jesus avait encore l'espoir que Nathanaël ne remarque rien. Ah, la naïveté...

~

Une bonne dizaine de jours s'étaient écoulés, sans que Jesus n'ait pu aborder la question de son avenir potentiel dans la pâtisserie. Chaque jour, il préférait laisser passer un peu plus de temps pour pouvoir prouver à Nathanaël qu'il pouvait lui être utile. Aujourd'hui, comme la veille et l'avant veille, il s'était levé avec l'idée que ça serait le bon jour. Pour lui en toucher un mot. Il ferait ça à la pause...

Jesus était du côté de la salle, pour passer un coup sur les quelques tables après qu'un couple de clients soit partis, lorsque le tintement de la porte l'interrompit. Il leva les yeux. Loïs. Il n'avait pas très bonne mine. Mais il suffit que Jesus croise son regard pour qu'il rougisse à nouveau. Non, il n'était définitivement pas prêt à assumer quoi que ce soit au grand jour. Et il n'avait vraiment pas le temps pour lui, là... Jesus fit le tour du comptoir, s'apprêtant à lui dire mais Loïs lui coupa tout élan.

" Good morning sirs, I'm here to buy cakes for my dear friend. the Charlotte here will do, thank you. "

Oh, Loïs n'était venu que pour acheter des tartes ?

"Bien sûr !"

Il emballa la charlotte aux fraises, sans chocolat supplémentaire cette fois. Et lui tendit la boite, clairement déçu et presque vexé -comme d'habitude, vous me ditez-.

"Bonne journée Loïs !"

Le salua-t-il tout de même, en le regardant sortir de la boutique. Est-ce que son regard était descendu sur l'arrière train de ce client-là ? Cette fois, il n'y avait personne pour le remarquer, il avait bien le droit, hein...

Une fois que le stress du mariage était passé, les choses avaient plus ou moins repris leur court. Nate trouvait toujours, même si le jeune homme faisait des efforts, que Jésus était sacrement têtu dans sa façon de faire les choses. Parfois cela dit, il se disait que c'était peut être lui qui était trop buté. A faire les choses toujours de la même façon. Il était curieux, pourtant, et toujours soucieux d'améliorer ses recettes mais dans une certaine mesure. Peut être que les idées de Jésus bousculait un peu trop rapidement.

Petit a petit, il le voyait prendre ses marques, par contre. Là où Nathanael ne transigeait jamais, c'était la façon dont on s'adresse a un client. Et autant il ne souhaitait pas vexer le garçon -Nathanael, celui qui ne voulait blesser personne et qui finissait toujours par le faire- autant pour ça, et la présentation lorsqu'il servait les gens, il faisait les remarques dans détour. Aussi en l'entendant être particulièrement familier, il avait tendu l'oreille.

Manifestement, il connaissait le garçon. Et il ne fallait pas être legilimen pour deviner plus ou moins ce qui se passait entre ces deux là. Du coup, seconde fois que Nathanael aperçu la chevelure brune, il comprend qu'il n'a pas besoin de s'inquiéter. Nate n'avait jamais vu le garçon dans sa boutique. Ce qui renforce ses soupçons, finalement assez mal fondés. Par contre quand son apprenti vient réclamer sa pause cinq minutes avant la fermeture, il se retient de faire une remarque. Ça n'est pas des façons, voyons, de faire passer le travail en second comme ça. Il a un air un peu réprobateur en le voyant partir, avant de se dire que c'était quand même mignon, la jeunesse.

Pendant ce temps là, le représentant ministériel s'attèle à correctement dépiotter l'apprenti pâtissier, et à consommer chez lui en toute hâte avant de le laisser repartir. Nathanaël avait depuis le temps revu les suspicions de clientes les plus observatrices, et en l'absence du garçon (il lui accordait ses weekend) Nathanael ne pouvait qu'eluder, ne souhaitant ni infirmer ni confirmer quoi que ce soit. Il faisait pareil pour lui même, de toute façon. Il lui dit une petite remarque sur la ponctualité quand Jésus revint, les joues un brin fumantes, mais n'évoque rien d'autre de la journée.

La dernière fois, par contre, il commence à se demander si ce manège ne va pas un jour mal tourner. Surtout s'il lançait des regards pareils a chaque fois que le garçon était la. Malgré la visite de son ami (amant ?) l'humeur de Jésus n'avait pas l'air au beau fixe. Une fois le dernier client de la matinée servi, Nate ferma la porte et tourna l'écriteau, pour revenir les servir tous les deux, comme ils le faisaient parfois quand l'autre ne sortait pas pour sa pause déjeuner. Comment... Aborder ça.

« He seems nice. »

Il dit, servant la part de tarte courgettes et tomates cette fois. Il avait eu l'impression que le garçon n'avait pas adoré la précédente. Il faisait des essais.

« Your friend. You can go out for lunch if you want to meet with him, you know. »

Discrétion, bonjour. Quoi, il avait peur que ce jeune couple batte de l'aile ! Si, a cause de lui, Jésus passait tout son temps a travailler au point que son petit ami doive venir incognito acheter des tartes pour le voir... Nate essayait de ne pas trop le regarder jusqu'ici, pour ne pas l'accabler. Mais il leva les yeux, pour se montrer sincère.

« I know I was a bit upset last time, because you took off with almost no warning but... If you need to leave early sometimes, we can arrange that. »

***
IL a l'air gentil.
Ton ami. Tu peux prendre une pause déjeuner si vous voulez vous voir, tu sais.
Je sais que j'étais agacé la dernière fois, parce que tu n'avais pas prévenu avant de filer mais... Si tu as besoin de plus de temps, on peut arranger ça.

Comme tout bon adolescent qui se respectait -oui, à 24 ans-, Jesus était persuadé que Nathanaël n'avait rien remarqué. Ou au moins qu'il ne se doutait pas de ce qu'il pouvait y avoir entre lui et ce client aguicheur qui venait de partir. Il n'y penserait même pas, n'est-ce pas ? Parce que Loïs était un garçon, et lui aussi. Et les gens normaux s'imaginaient plus volontiers une amitié qu'autre chose, entre deux garçons. Enfin. Il essayait de s'en persuader. Même s'il avait les joues encore bien colorées lorsque Nathanaël marqua la pause. Jesus vint s'installer sur la petite table à l'arrière, qu'ils utilisaient pour manger le midi. Et fronça les sourcils en se demandant de quoi le pâtissier voulait parler, d'abord. Hein ? Qui ça ?

Et puis ses traits se tirèrent vers l'arrière alors qu'il poursuivait. Le rouge de ses joues, qui se dissipait lentement, revint aussi vite qu'un troupeau d’éruptifs lancé en plein galop. Son ami ? Minute. Quoi ??

"Loïs ? Non non, je vais pas..."

Haha. Déjeuner avec Loïs à midi. La bonne idée.

"Attendez, c'est pas du tout ce que vous croyez ! On est pas... je le connais juste... comme ça !"

Oh bordel. C'était exactement ce que Nathanaël croyait, pourtant. Sauf s'il s'imaginait que Loïs était son petit ami. C'était loin de ça. Il était quoi ? Il ne savait même pas. Un plan cul de temps en temps, quand l'animagus en avait envie et seulement là ? Autant dire qu'il assumait ça encore moins qu'il assumerait d'avouer qu'il avait un petit ami.

"J'suis pas..." Quoi ? Gay ? On en était encore là ? Au point que même prononcer ce mot-là à voix haute pour nier en bloc, ce soit compliqué ? "Comme ça hein ! Allez pas croire..."

Oui, Loïs l'avait travaillé au corps. Mais l'acceptation devant d'autres personnes, on n'y était pas encore. Particulièrement devant son patron. Qu'est-ce qu'il allait penser de lui ? Jesus voulait qu'il l'apprécie, qu'il le trouve utile. Il allait le trouver ridicule ou quoi, s'il le pensait gay ! C'était hors de question ! S'il savait comme ses joues rouges, son regard fuyant, son ton ferme et son air sur la défensive parlaient pour lui...

"C'est juste un... une connaissance. Il m'a un peu aidé, quand je testais des recettes." Tu parles d'une aide, hein...

"Mais j'vais pas... ça se reproduira pas, de toute façon, vous en faites pas."

Est-ce qu'il avait l'air déçu, en disant ça ? Il essayait de ne pas le montrer. Et il voulait que Nathanaël sache qu'il pouvait compter sur lui. Le planter pour aller se faire Loïs avant la pause midi, ça ne lui ressemblait pas tellement. C'est que l'animagus savait quand même sacrément y faire -et qu'il ne l'avait pas laissé trop réfléchir-. Et voilà qu'il regrettait que Loïs ne soit pas revenu pour ça... C'était vraiment le foutoir, dans sa tête !

Nate essayait de se montrer le plus subtil et le moins indélicat possible, concernant la situation, ne sachant pas a quel point le jeune homme voulait... S'afficher ou non. Sortir du placard ou non. Mais aussi discret qu'il pense l'être, au moins la moitié de la clientèle devait être au courant maintenant. Et non, ces regards, clins d'oeils, rougissements ne passaient pas inaperçus, même quand on n'était pas aussi observateur que le pâtissier. Ah, la jeunesse. Non, Nate ne pensait pas une seconde qu'il se trompait sur son assomption. Il savait. Mais... il ne voulait pas particulièrement s'immiscer. Juste dire à Jesus "hey, c'est ok, tout va bien" peut être. Le reste ne lui plut pas beaucoup, du coup.

Il haussa un sourcil. Pas "comme ça" ? Ouh... C'était douloureux à entendre, ça. Bien sûr, Jesus ne pouvait pas deviner que c'était assez blessant à entendre, faisant partie de la part des gens "comme ça". Ca n'était pas nouveau. Ni une surprise, vraiment, juste... Déplaisant. Il ne fit pas de réflexion immédiatement, mais ça n'était pas l'envie qui lui manquait. Il continuait son déjeuner, tandis que l'autre jeune homme se justifiait et creusait sa tombe de plus en plus.

« Pardon. J'ai du me tromper, alors. »

Il dit sur un ton qui disait plus qu'évidemment (plus évident que ça ça aurait été avec un écriteau et des trompettes) qu'il ne le croyait pas du tout. Il hésita, reprenant une bouchée de tarte courgette, avant de continuer.

« Mais saches simplement que... s'il s'avérait que tu as envie de passer du temps avec un ami, à midi, ou un soir, sur le temps de travail, n'hésites pas à m'en parler. »

Il posa une seconde, pondérant sur la suite. Il avait vraiment insisté sur le mot "ami", n'étant pas certain que la subtilité passe avec celui là. Et puis il se lança à l'eau.

« Il n'y a pas de mal à ça... Encore moins ici. »

Il parlait pour lui, bien évidemment. Mais il parlait pour Hyacinthe. Il parlait pour que Jesus comprenne qu'il était libre d'être lui même, ici, si c'était ce dont il avait besoin. Il y avait une infime partie pour que tout ça soit un malentendu, et que Nate vienne de faire son coming out, le premier depuis son frère vraiment, à quelqu'un de totalement fermé et homophobe. Mais il était temps, peut être, de s'y mettre, il se dit en finissant de manger.

L'air sévère de Nathanaël, tombé d'un coup, le mettait un peu mal à l'aise. On aurait dit ses profs de Poudlard, et leur regard de désapprobation devant toutes ses conneries. Quoi, il avait dit quelque chose qu'il ne fallait pas ? Le pâtissier était vexé parce qu'il reniait ce qu'il s'était imaginé ?

"Ouais. Vous imaginez pas des trucs..."

Tiens, ça faisait longtemps qu'il n'était pas ressorti, ce refrain là. Quand il n'avait plus Isleen dans les pattes pour lui dire à longueur de temps qu'il était gay, Jesus arrivait presque à changer de disque ! Mais il n'en fallait pas beaucoup pour qu'il se remette en mode "repeat".
Il l'avait dit avec beaucoup moins de véhémence que s'il s'était retrouvé face à Isleen. Parce qu'il respectait le pâtissier. Sans se douter un seul instant que le respect, il était en train de le piétiner avec des rangers. S'il avait été un brin plus attentif et surtout moins sur la défensive, il aurait pu comprendre des choses. Dans la manière dont le pâtissier amenait la conversation.

Parce qu'il voyait bien que Nathanaël était sérieux, encore plus que lorsqu'il lui expliquait comment fonctionnait la caisse ou pourquoi utiliser une spatule à bout rond plutôt que carré. Jesus passa sa main dans ses dreads. Avec tout ça, il n'avait pas bien d'appétit pour entamer sa tarte, qui trônait, entière, sur son assiette. Il la regarda, cherchant sa réponse dans les graines de tomate. Ça remuait, dans son ventre. Parce qu'il avait l'impression de se faire accuser d'un truc et de se faire traîner dans les sables mouvants de la honte. Quand Nathanaël essayait juste de lui tendre une main sur laquelle il crachait sans s'en rendre compte.

"Non mais j'vais pas passer de temps avec..."

Nathanaël l'écoutait-il seulement ? Il venait de dire que ce n'était qu'une connaissance. Pas son petit ami ou on ne savait trop quoi. On ne passait pas du temps avec une connaissance. Ok. ll l'avait pourtant fait. Quoi, il fallait qu'il soit cohérent dans sa défense, en plus ?

"Pas de mal à quoi ?"

Lui, prendre Nate pour un con ? Non, c'était lui-même qu'il trompait, en premier.

"Non mais c'est lui, il..." Ah. Ça y est. Il commençait à trop en dire. Quand je vous disait que Jesus ne tournait sa langue dans sa bouche que trop rarement.
Mais il sentait le besoin de se justifier. Peut-être pas pour la raison que Nathanaël voyait, non. Il ne voulait pas que le pâtissier pense qu'il faisait passer ses amis ou un hypothétique relation qui n'existait bien sûr pas avant son boulot. Peut-être encore moins qu'il ne voulait que Nate pense -ou apprenne- qu'il était gay.

"J'suis désolé, si vous avez eu l'impression que... J'prends ça au sérieux, vous savez ! J'aurais pas dû m'absenter pendant le travail. Vous avez raison d'être en colère."

Il avait les yeux baissés, reconnaissant sa connerie en regardant toujours le morceau de tarte, intact, qui le dévisageait -si, parfaitement-. Est-ce qu'il avait compris que là n'était pas la raison de la colère de Nate ? Allez savoir...

C'était dommage, ce qui se passait là. Mais il ne pouvait pas faire grand chose de plus, et surtout, ce n'était pas sa place. Déjà qu'il avait lamentablement manqué ça avec Hyacinthe -oh, il lui avait dit plusieurs fois qu'il pouvait aimer qui il voulait, et qu'il serait toujours son petit frère adoré. Mais il avait du s'y reprendre à plusieurs fois, manquant le coche plusieurs fois. Nathanael, mais peut être les McDougalls en général, n'étaient pas les plus doués pour bien s'exprimer sur ces sujets.

Comme là. Clairement, il y avait quelque chose. Une partie de Jesus avait envie d'en parler. Peut être qu'il n'avait personne à qui en parler. Son début d’explication, et la façon dont il s'était dégonflé pour ensuite bifurquer sur l'importance de son travail ici, honteux. Ca n'était pas ce que Nate voulait comme résultat... Il soupira, se demandant par quel bout aborder tout ça. C'était bon de voir qu'un peu de plomb se trouvait dans cette cervelle, après tout. Il fit signe à Jesus de manger, et se leva de table deux secondes. Enfin, du coin de table qu'il leur allouait au repas dans son domaine de prédilection qu'était sa cuisine. Il revint avec une petite bourse, peu après.

« Ca n'est pas grand chose, mais je tenais à ce que tu aies quand même quelque chose pour m'avoir aidé ici. »

Il la posa sur la table à côté de Jesus avant de retourner leur faire deux cafés à la machine, puis se rasseoir devant lui. Au taux horaire sorcier, c'était sans doute honteux. Mais la boutique tenait tout juste la tête hors de l'eau, il ne pouvait vraiment pas faire mieux...

« Si tu veux continuer le mois prochain, tu es le bienvenu. »

Aucune mention d'autres tâches, cependant. Il trouvait toujours que Jesus n'était pas prêt. Ou bien, peut être que c'était lui qui n'était pas prêt, qui sait, c'était bien probable aussi. Mais il voulait saluer son implication et son travail, et tous les compliments du monde ne valaient pas un salaire. Un salaire, comme Nathanael l'avait vite compris, c'était dire a l'autre "ton travail ne vaut pas rien". Même si en l'occurrence, si on s'arrêtait aux quelques pièces dans la bourse, il ne valait pas grand chose... Nate finit son café en la compagnie du jeune homme. Il était pensif. Le garçon avais sans doute mieux à faire sur de déjeuner en tête à tête avec lui, même si ça permettait a l'un de mieux connaître le métier, et a l'autre de lieux connaître l'apprenti. Ce qui était important, pour le pâtissier. Il posa sa tasse, prêt a se remettre aux fourneaux. Mais il ne voulait pas rester sur cette note amer d'un peu plus tôt.

« Écoute, Jesus. »

Il avait dit, sur un ton qui relevait plus de celui du grand frère.

« Je suis désolé tout a l'heure. C'était un peu déplacé en tant que... Patron. »

Urgh, ça faisait bizarre.

« Mais je suis passé par là. Crois moi, et... J'aurais aimé avoir quelqu'un a qui parler de ça. »

Il conclut, se disant qu'il ne pouvait pas faire beaucoup plus. Il se leva pour débarrasser des affaires, notant que Jésus n'avait pas beaucoup mangé, et qu'il préférerait finir seul probablement.

« Et je tenais à te remercier pour ton travail. Prends ton temps et reviens quand tu auras fini, d'accord ? »

Après une discussion pareille, difficile de trouver l'appétit. Jesus regarda sa part de tarte toujours entière, en prit un morceau plus pour faire plaisir au pâtissier et faire honneur à sa cuisine que par réelle faim. Il n'en avait avalé que deux petits morceaux, passés avec un verre d'eau, lorsque Nathanaël revint. Jesus le regarda, en fronçant les sourcils, avant d'attraper la bourse et de le remercier. Il n'avait toujours pas eu l'occasion d'entamer cette conversation. Et autant dire que ce midi, ça lui était sorti de la tête.

Il ouvrit la bourse, regarda le contenu. Ce n'était effectivement pas grand chose mais ça l'aiderait à tenir un peu. Et il n'en fallait pas beaucoup plus que d'entendre Nate lui proposer de rester pour qu'il ait le sourire aux lèvres.

"Carrément que j'veux continuer ! Merci Nathanaël !"

Il referma la petite bourse et la glissa dans la poche de son pantalon; fier. Si Nathanaël le payait, même si peu, c'est qu'il reconnaissait qu'il était utile et ça lui faisait vraiment plaisir. Ça montrait que tous ses efforts n'étaient pas vains. Mais surtout que le pâtissier les remarquait -tout comme il remarquait d'autres choses, qui lui faisaient nettement moins plaisir-.

Il parvint à terminer la moitié de sa part, dans le silence, décida que c'était suffisant pour aujourd'hui et attrapa la tasse de café. Au moment où une phrase qui semblait bien trop sérieuse le coupa dans son élan. Oh, il n'aimait pas du tout ces mots là. Ni le ton... Mais il releva le visage. Prêt à l'écouter, se demandant ce qu'il avait pu faire de travers et qui nécessitait ce genre de conversation. La vérité était toute autre. Et s'il s'apprêtait à répéter une fois encore que ça ne se reproduirait plus et qu'il avait eu raison de le réprimander -mais cette fois, il avait pesé ses mots, laissant le temps au pâtissier de finir- , tout élan fut coupé sous son pied alors qu'il entendait Nate... se confier ?

Il reposa sa tasse sur la table. Leva le regard vers le pâtissier, interrogateur. Il ne s'attendait pas à ça. Du tout.

Woh. Est-ce que ça voulait dire que Nathanaël était gay, ça ? C'est qu'il en mettait du temps, mais il finissait quand même par additionner 2 + 2, le Jesus. Il regarda Nathanaël, le dévisageant comme s'il découvrait un nouveau visage. Et c'était le cas. Il ne l'imaginait simplement pas comme ça. En grande partie parce qu'il avait encore du mal à se sortir de la tête l'image négative qu'il gardait des gays. Celle qu'on lui avait foutue dans le crâne depuis qu'il était gamin et qu'il avait lui-même entretenue. Mais il avait quand même assez d'intelligence (oui) pour ne pas faire de remarque là dessus. Il savait bien qu'un "oh, je ne vous aurais jamais cru comme ça" ne serait pas du meilleur effet.

Le temps qu'il trouve quelque chose d'intelligent à dire -parce qu'il cherchait, là-, Nathanaël décida de le laisser terminer son repas seul. Après avoir balancé une bombe pareille... Jesus ne put que hocher la tête.

Il ne termina pas d'avantage son assiette. D'un geste de la main, il fit venir à lui un tissu pour emballer le reste et envoya leurs deux assiettes se nettoyer. Il prit son temps, pour finir son café. Le temps de réfléchir. Même si c'était peine perdue. Il y avait trop de trucs à la fois dans sa tête et il n'était pas le plus fort pour faire le tri dans tout ça.

Il retourna auprès de Nathanaël après de longues minutes de réflexion infructueuse. Clairement mal à l'aise. Et s'éclaircit la gorge en arrivant à son niveau.

"Pardon, si j'ai dit des trucs... je ne voulais pas vous blesser ou quoi. J'avais pas compris. Que vous étiez..."

Gay ? Allez Jesus, c'est qu'une seule syllabe, c'est pas si difficile à prononcer. Il avait vraiment du mal à sortir, ce mot là, quand ça n'était pas pour tout nier en bloc devant Isleen. Il expira. Et attrapa une ficelle d'emballage qui traînait là, pour jouer avec, l'enroulant entre ses doigts. Parce qu'il ne savait pas bien faire de ses mains, là. Ni de lui tout entier, d'ailleurs.

"Comme moi ?"

Et ça ne semblait pas beaucoup mais pour Jesus, c'était déjà un gros pas en avant de dire ça.

"Comment vous avez su ?"

Pour qui ? Il laissa la question ouverte, volontairement ou non. Allez savoir.

Nate avait noté l'air un peu déçu du garçon en voyant le contenu de sa bourse, mais outre culpabiliser un peu plus, il ne pouvait pas faire grand chose. Malheureusement, même si l'aide de Jésus était précieuse, et que grâce a lui Nathanael ne se tuait plus autant a la tâche, ça ne décuplait pas assez les bénéfices pour permettre de le payer. Mais son air enjoué ensuite l'avait finalement soulagé. Que c'était compliqué, de gérer des extras... Pourtant, il avait élevé un gosse, ça ne devrait pas être aussi dur...

Nathanaël était en train de sortir les nouvelles tartes du four, et de découper celles qui avaient suffisemment refroidit pour les ranger dans la vitrine. Il entendit Jésus revenir plus qu'il ne le vit, dans son dos et quand il entendit la suite il ne put s'empêcher de sourire, touché. Il le fit disparaître pour afficher un air plus neutre face au jeune homme qui hésitait. Malgré tout bienveillant. Il continuait son manège tout en lui répondant.

« J'ai aimé quelqu'un... Assez tôt, dans ma vie. C'était un garçon brillant. »

Il répondit, se rendant compte que c'était peut être la première fois qu'il disait les choses aussi clairement a haute voix. Ça faisait du bien, étrangement.

« Ça ne m'a pas empêché d'essayer de nier en bloc pendant des années mais au fond, je savais. »

Aujourd'hui, ça paraissait tellement idiot de s'être fait souffrir autant. De s'être détesté pour les pulsions et les sentiments qu'il ne pouvait pas empêcher. Et qu'il n'aurait pas dû essayer de taire, d'ailleurs. Il avait mis son célibat -hors aventures sans lendemain- sur le dos du manque de temps, mais savait très bien que ça n'était pas que ça maintenant. Il avait eu honte de lui. Sans doute autant que ce garçon avait honte. C'était triste, pensait Nate, et s'il pouvait faire quelque chose pour arranger ça... Enfin, il n'allait pas lui raconter toute sa vie sexuelle non plus hein.

« C'est une rencontre récente qui a un peu tout changé. »

Un sourire, un peu triste, tirait ses traits sérieux. Malgré la tristesse qui emplissait le cœur du pâtissier au souvenir d'Arthur, il était reconnaissant. C'était grâce a lui qu'il avait enfin accepté, et embrassé qui il était. Il n'aurait voulu renié ce qu'ils avaient partagé pour rien au monde.

Quand on pose une question, on doit s'attendre à recevoir une réponse, disait-on. Eh bien aussi curieux qu'il soit, Jesus ne s'attendait pas du tout à ce que Nate se confie sur ce pan là de sa vie. Déjà qu'il le découvrait avec grande surprise. Il le regarda faire, découper les tartes, sans oser proposer de l'aide, cette fois. Pour ne pas l'interrompre et ne pas lui redire à chaque fois. Il se contenta de glisser ses mains dans ses poches et de l'écouter. Il ne connaissait pas grand chose de son tuteur. Celui-ci s'était toujours montré très discret sur sa vie personnelle. Et Jesus pensait s'être lui-même montré discret -mais non-.

Il ne savait pas trop quoi dire, en l'écoutant raconter ça. On ne pouvait pas dire que ça fasse vraiment écho avec sa propre vie. Il n'avait pas l'impression. Il n'avait pas été amoureux d'un garçon brill... Hm. Bon, d'accord, ça y faisait terriblement écho. Est-ce qu'il regrettait de ne jamais avoir essayé de se réconcilier avec Morpheus ? Non, c'était du passé tout ça. N'est-ce pas ? Ils avaient eu des mots si durs, l'un envers l'autre. Et puis, c'était il y a longtemps...

La ficelle cassa entre ses doigts. Il la regarda et fit un nœud avec les deux morceaux, continuant à jouer avec. Il avait regretté ce qu'il s'était passé. Mais la dispute avec Morpheus l'avait fait grandir. C'est grâce à lui qu'il avait compris. Et des années plus tard, cessé de rejeter ce qu'il était. De lui à lui-même. Envers les autres, ça restait à venir.

Il soupira. Et reposa le bout de ficelle rafistolé sur le comptoir, avant de s'approcher du pâtissier. C'était la première fois qu'on lui parlait comme ça. Il y avait bien eu Isleen, pour lui rabâcher en boucle qu'il était gay et se marrer comme une otarie mais on ne pouvait pas dire que ça l'avait aidé à accepter quoi que ce soit, plutôt l'inverse. Mais là, c'était sincère. C'était la première fois qu'il avait une vraie conversation sur le sujet. Sans qu'il se sente agressé. Qu'on lui racontait une histoire qui résonnait si fort avec sa propre vie. Il aurait pu dire la même chose, s'il avait eu les couilles de le faire. Sauf pour la partie sur la rencontre récente. Oh, il y avait bien Loïs. Mais c'était ... pas pareil que ce qu'il percevait dans la voix du pâtissier. Il le regarda, le visage froncé, essaya de lui sourire en retour. Il ne fallait pas être devin ni même fin analyste pour comprendre que ça n'était pas une histoire joyeuse. Jesus s'approcha et posa sa main sur celle du pâtissier, celle qui tenait le couteau et finissait de couper des parts.

"Je peux vous aider si vous voulez..."

Dans quoi est-ce qu'il se lançait ? Il ne savait pas lui-même. Il avait encore oublié de réfléchir avant de parler, fonçant droit dans le mur comme son instinct savait si bien lui dicter de le faire.

"Enfin..."

Ah. Peut-être qu'il réalisait. Lui, aider le pâtissier là dessus ? Alors qu'il en était encore au stade où il cherchait comment s'accepter et s'il était prêt à le faire ? Il retira sa main, fit craquer ses doigts.

"J'veux dire, pour couper les gâteaux. Pour le reste, j'aimerais bien aussi mais je sais pas bien moi-même."

Il inspira, prit son souffle et son courage à deux mains.

"C'est pas mon copain, Loïs. J'vous mentais pas. C'est juste... j'sais même pas."

Il haussa les épaules.

"J'l'aime bien hein. Mais .... J'dois pas encore avoir vécu ça... la rencontre récente qui change tout."

Et c'était pas bien grave. Pour l'instant, il était content avec sa vie, telle qu'elle était.

Le pâtissier avait toujours été quelqu'un de très nostalgique. Les pieds bien ancrés dans le présent, mais la tête toujours tournée vers le passé. Ce n'était que récemment qu'il avait commencé a penser a l'avenir... Avec des freins, bien évidemment. Transmettre ce qu'il savait lui faisait beaucoup de bien. Jésus n'était pas un mauvais garçon, ça Nate le savait depuis le début. C'était simplement qu'il ne le connaissait pas assez pour lui faire confiance aveuglément. C'était la raison pour laquelle il avait voulu confier cette tâche a Ulysse. Il aurait été extra, il n'en doutait pas. Mais travailler dans une boutique ou avec des clients n'était peut être pas sa tasse de thé. Et avec ce qu'il y avait de phantome du passé...

Ses pensées s'étaient arrêtées quand il avait senti ce contact sur sa main. Nate regardait ses tartes, des parts inégales, parfois. Mais est-ce que ça n'était pas la beauté de la chose ?

« Je veux bien. »

Il se décala après avoir fini sa part. Et lui montra sa technique a lui pour que Jésus puisse la reproduire a la main. Il y avait un temps où il faisait ça par magie aussi. Mais ça avait son charme, comme ça. Plutôt que de faire autre chose en cuisine, Nate resta non loin de lui, installant les écriteaux et les prix, préparant la caisse a la place de son élève.

« Ça n'a pas d'importance. »

Il dit gentiment.

« Tant que... Ça vous apporte quelque chose. A tous les deux. Prends les choses comme elles viennent et ne te pose pas trop de questions. »

C'était le plus important. Parfois il se demandait s'il avait apporté à Arthur, comme l'autre homme lui avait apporté. Il espérait... Au moins un peu.

« Et si tu as besoin, n'hésite pas a m'en parler, d'accord ? »

Il ajouta, pausant un peu avant de laisser Jésus a sa tache, lui faisant confiance pour finir alors qu'il retournait aux fourneaux.

Ce n'était pas grand chose, de couper les morceaux de tarte, mais c'était une façon de plus de montrer au pâtissier qu'il pouvait lui confier de nouvelles responsabilités. Et qu'il saurait les faire avec tout le professionnalisme que ça demandait. Jesus le regarda faire et s'appliqua à faire de même, coupant les parts avec régularité, même s'il lui semblait qu'elles auraient été un peu plus parfaites avec de la magie. Il n'enfoncerait pas le couteau dans la plaie une fois de plus -contentons-nous de l'enfoncer dans le gâteau-.

Pour le reste... mouais. Il n'était pas aussi certain que le pâtissier, sur ce qui avait de l'importance ou non. Il ne comprenait pas. Comment c'était, entre eux. Parfois, Jesus s'en fichait. Il prenait Loïs pour ce qu'il était, un plan cul de temps à autre, lorsque le brun avait envie de lui ou n'avait personne d'autre sous la main. Et parfois ça le faisait chier parce qu'il ne le comprenait pas vraiment et qu'il se comprenait encore moins. C'était vraiment normal de se mettre dans un état pareil pour un plan cul dont il n'avait pas grand chose à faire ? C'était la première fois qu'il expérimentait un truc comme ça. Alors il n'en savait rien. Jusqu'à présent, ses relations avaient été aussi courtes que normales. Relativement normales. On parlait d'Isleen quand même...

"C'est plus facile à dire hein..."

Parce que maintenant qu'il avait commencé à se confier, il pouvait bien continuer... non ? Il regarda le pâtissier. Est-ce qu'il était vraiment en train de s'épancher sur sa vie sentimentale ou sexuelle devant son patron ? Non mais qu'est-ce qui ne tournait pas rond chez lui ? D'accord, il n'avait pas grand monde avec qui en parler, voir personne mais quand même. Il secoua la tête.

"Ouais, vous avez sans doute raison hein. J'm'emporte un peu j'crois !"

Hm. Il n'avouerait pas qu'il avait travaillé et retravaillé sa recette de tarte au citron meringué pour Loïs et que c'était la raison pour laquelle il lui avait aussi fait goûter ça. Ouais, il savait qu'il s'emportait facilement. En s'énervant, le plus souvent. Il n'en revenait pas lui-même de livrer toutes ces choses là au pâtissier. A croire que d'avoir entendu sa propre expérience, ça l'aidait vraiment à accepter un petit peu mieux. Face à lui, en tout cas. Il ne se sentait pas vraiment jugé. Et c'était suffisamment rare pour le souligner.

Il reposa le couteau, une fois la tâche terminée, et aida le pâtissier à présenter les nouvelles tartes dans la vitrine.

"Merci ! Pour votre... ce que vous m'avez dit. Ca... c'est pas souvent que j'peux en parler et... ouais. Merci."

Et il lui en était reconnaissant. De s'être livré, de ne pas s'être payé sa tête ni de lui avoir fait des blagues ou des remarques à la con. Parce que ça, il en avait déjà eu un paquet et ça ne l'aidait pas vraiment à accepter...

« Oui, c'est facile... »

Il dit, soupirant un peu. Il était bien placé pour savoir que c'était bien plus compliqué, quand on grattait un peu la surface de tout ça. Et en vérité, qu'on soit hétéro ou non, le cerveau humain était... compliqué. Il n'allait sans doute pas s'attarder d'avantage sur sa vie personnelle. Il l'avait déjà fait beaucoup, avec un garçon qu'il connaissait peu, et surtout en position de patron. Mais il lui semblait nécessaire, comme souvent, de tendre une main à quelqu'un qui en avait manifestement besoin. Il n'enviait pas Jesus. Il n'était certainement pas au bout de ses peines... Mais aussi, et il l'espérait pour lui, de quelque chose de bien.

Il l'observa du coin de l'oeil pour voir s'il faisait les choses avec attention, malgré le sujet sensible, et lui fit confiance pour le reste. Oui, c'était une petite tâche, mais c'était petite tâche après petite tâche que le métier rentrait. Et Jesus s'était prouvé être certes, plein d'enthousiasme, mais aussi manquer de rigueur et de concentration. Il s'était amélioré là dessus en un mois, aussi.

« Ne t'en fais pas. Je me doute. »

Il ne lui dirait pas, rôle de l'adulte oblige, mais lui non plus n'avait presque personne à qui en parler. La preuve en était que ce qu'il avait dit à son apprenti, il ne l'avait pas dit à grand monde. Il lui sourit doucement, appuyant sur ses paroles, et puis il reprit le travail. Il espérait sincèrement que ça permettrait au garçon de se détendre, et d'avoir moins peur. Au moins en sa compagnie. Il voulait que ce lieu soit un lieu où chacun se sente libre d'être qui il était. Ca valait pour Jesus, comme ça valait pour Hyacinthe, ou Ulysse même.

A la fin de journée, il le salua et eut l'impression qu'un pas était passé entre eux. C'était une bonne chose de faite.