Des retrouvailles innattendues [PV : Nathanael McDougall]

L'avantage quand vous habitez juste au-dessus de votre lieu de travail, c'est que vous ne perdez pas de temps dans les transports. J'avais la chance d'habiter un appartement situé juste au-dessus de ma librairie, le matin je n'avais pas trop à courir. Aujourd'hui je recevais une commande très importante qui allait me prendre pas mal de temps à ranger dans ma boutique, mais ce n'était pas grave, cela ne m'empêchait pas de laisser la librairie ouverte pendant que je rangeais. Je savais très bien que personne d'autre que moi ne pouvait se retrouver dans le rangement que j'avais instauré dans ma bibliothèque, c'était un peu mon "bordel organisé". Lorsque je m'étais mis en recherche d'un local pour mon commerce, je ne savais pas si j'allais prendre un local vide et le remplir moi-même ou bien si j'allais prendre la suite de quelqu'un et j'ai eu cette opportunité, cette librairie existait déjà et l'ancien propriétaire souhaitait s'en séparer à tout prix, elle lui rappelait de trop mauvais souvenirs. Je n'ai pas cherché à savoir quoi, j'ai sauté sur l'occasion, ayant eu un véritable coup de foudre pour le bâtiment. Ce que j'ignorais c'est qu'il vendait également l'appartement situé au-dessus, ainsi  je faisais d'une pierre deux coups, j'avais un boulot et un logement. Au niveau de la clientèle elle était plutôt changeante, mais étant donné la situation géographique de la boutique, je n'étais jamais en manque de clients. Cela faisait huit ans que les lieux m'appartenaient et je me félicitais chaque jour de cette acquisition. C'était vraiment un coup de poker pour moi parce que je n'avais aucune expérience dans la gestion d'un commerce, mais je voulais changer de vie, dire adieu à mon passé de "petit branleur", j'avais besoin d'un travail qui m'occupe une grande partie de mon temps et gérer un commerce était le job idéal. En prison j'ai développé un grand amour des livres, ce fut donc tout logiquement que je décidais de prendre une librairie.

Après avoir avalé mon petit-déjeuner fait d'un café et de tartines beurrées, je filais sous la douche. Ma tenue vestimentaire était très simple : un jean, un t-shirt et des baskets, une veste en jean par-dessus le tout et c'est parti.  Je descendais les quelques marches qui me séparaient de ma librairie et fermais à clé la porte qui communiquait entre l'appartement et le magasin. Je commençais ensuite ma journée de la même manière que depuis huit ans. Je consultais d'abord ma boîte mail et faisais un point sur les commandes en cours qui ne m'avaient pas encore été livré, relançant également les fournisseurs un peu trop longs. Une heure plus tard, je décidais de m'attaquer au colis que je devais déballer et ranger. J'en sortais minutieusement chaque ouvrage qu'il contenait, un par un, certains étant très anciens. Arrivé vers la fin du carton, je ne pus empêcher une petite grimace de déformer mes traits. Les dix derniers livres se rangeraient dans la partie "ésotérique" de ma boutique. Cela ne faisait pas longtemps que j'en avais une, mais je remarquais qu'elle avait un certain succès. La plupart des gens qui achetaient des bouquins dans cette partie étaient des amateurs, ce n'était pas des sorciers, juste des moldus voulant pratiquer les premières arcanes de la magie. A l'instar des autres "départements" de ma boutique, je connaissais tout ce qu'il y avait à savoir sur les livres ésotériques, pour pouvoir renseigner mes clients, mais je devais avouer que ce n'était pas la partie que je préférais.

Cela faisait déjà une bonne demi-heure que j'avais commencé le rangement du carton. J'étais planqué dans le fond de la boutique, quand j'entendis le carillon de la porte d'entrée. Perché sur une échelle pour ranger mes livres en hauteur, je répondis d'une voix assez forte pour que le client qui venait d'entrer puisse entendre.

- Oui, une minute, je suis à vous tout de suite.

Après avoir posé mon livre, je descendis les quelques barreaux de l'échelle et avançais vers l'avant de ma boutique.

- Bonjour, soyez le bienvenu, que...

Tandis que je voyais enfin le visage de l'homme qui était entré dans ma boutique, je m'étais figé. Ces yeux...ce regard. Non, cela ne se pouvait. Les années ont passé depuis la dernière fois que je l'avais vu, pourtant je mettrais ma main au feu que j'avais bien face à moi Nathanael McDougall. Je me ressaisissais et plongeais mon regard dans le sien.

-..que puis-je pour vous ?

Affichant un sourire de circonstance, un sourire commercial, je laissais de côté mes pensées qui appartenaient au passé. Après tout, peut-être ne s'agissait-il que d'une banale ressemblance. Je n'étais clairement pas prêt à lui faire face. Enfin si je voulais être sincère, je ne serais jamais vraiment prêt, j'avais tellement honte de la manière dont je l'avais traité.

Le réveil avant l'aube, alors que la ville et la Rue de Traverse dormait encore, faisait partie de la routine du pâtissier plus que tout le reste. Il aimait ce calme, dans le froid de Londres avec le brouillard qui se levait doucement. Malgré l'heure matinale, c'était le moment de la journée où il se sentait le mieux. Une rapide douche, un jean un T shirt sous sa veste, il était accueilli avec enthousiasme par son Doggamy Cosmo pour leur première promenade de la journée. Depuis qu'il l'avait adopté, l'animal ne faisait que s'ouvrir de plus en plus. Le seul aux abonnés absents dans la maison ces jours ci, en plus du jeune frère qui était retourné à ses études, était Ulysse. Il était en ce moment même à Sainte Mangouste pour mener une bataille contre son addiction et Nate ne pourrait pas être plus fier de lui... S'il n'était pas aussi sacrément inquiet pour son ami. C'est plus simple de s'occuper et s'inquiéter des autres pour ne pas penser à ses propres problèmes, pas vrai ?

Une fois le tour du quartier fait (plus tard l'animal aurait droit à un vrai tour quand les parcs seraient ouverts) il était temps de revenir à la pâtisserie pour commencer la journée. Il n'y avait pas à dire, même s'il avait fait de gros progrès depuis la soirée de St Valentin où il avait perdu sa magie... Mener seul son business n'était plus possible. Peut être qu'il se reposait trop sur l'aide qu'il avait eut d'Ulysse à la caisse, ou Jesus les weekends... Ces vacances dernière, même son cadet aidait, aidant Nate dans à peu près tout. Il n'était plus capable de tout mener de front seul, comme il faisait avant quand la magie faisait encore partie de sa vie. Ca, et les clients ne se satisfaisaient pas de pâtisserie ordinaire, Rue de Traverse. Aussi bonnes ses tartes étaient. Il réfléchissait encore à l'idée de vendre l'endroit pour s'installer ailleurs, peut être dans un village Moldu où ne serait pas si différent des autres. Mais ça voulait dire perdre l'appartement du dessus qui avait vu passer de belles années de vies de son frère et lui.

Le flux de clients avait réduit naturellement vers la fin de journée, et le pâtissier avait finit par fermer, sur une caisse un peu maigre. Il ne pouvait pas produire autant de tartes quand il était seul que quand il avait de l'aide, faut dire. Mais ça lui laissait un peu de temps après pour aller voir Ulysse et qui sait... prendre un peu de temps pour lui. Ca faisait bien trop longtemps qu'il ne s'était pas juste promené en ville, et la dernière fois c'était pour des plantes des mois et des mois plus tôt. Le grand lecteur au fond de son fauteuil avait besoin de nouveauté. Le grand brun avait mis un collier spécial à son animal magique avant de sortir par la rue de derrière. C'était un cadeau d'Arthur, un collier qui lui permettait de l'emmener dans la partie Moldue de Londres avec lui sans que les gens se demandent ce qu'était cette créature à poil et à plumes bleue qui ressemblait plus à un loup tout droit sorti d'un film qu'à un chien.

Nathanaël aimait se promener ici, dans les rues plus calmes bien sûr, mais surtout parce que ça lui permettait de respirer un peu loin du monde Magique qui ne l'acceptait plus comme il était. Au hasard -ou peut être que c'était autre chose- il avait poussé une porte qui avait un certain charme antique, après avoir rappelé à Cosmo d'être sage. Il était en train d'écumer les tranches des romans dans l'étagère la plus haute quand il entendit la voix du propriétaire. Prêt à lui dire qu'il ne cherchait rien en particulier et qu'il n'avait pas besoin d'aide tout allait bien -on a affaire à un ours ici- il s'arrêta en pleine phrase, une pause un peu dramatique.

« ...Hector ? »

Ne compte pas sur Nathanaël pour ignorer l'oliphant dans la pièce, mon cher. Il n'était pas de ceux qui souriait poliment, et faisait comme si de rien n'était même en voyant clairement que l'autre n'avait pas envie de parler. Il s'agissait d'Hector, quand même. Aussi difficile que leur relation ait pu être, surtout vers la fin. Avec le temps, et malgré la douleur qui avait pu accompagner son souvenir... Il avait quand même été le premier garçon -homme, maintenant- qu'il avait aimé. Et aussi mal que ce dernier avait pu se comporter, ils étaient adultes... pas vrai ? Assez pour que Nate sache qu'il avait eu un rôle à jouer. Oh, sa voix était rauque. Son ton était affecté, et son visage marqué mais il avait l'air malgré tout de rester bien planté là.

« Je ne savais pas que tu étais du quartier... tu... C'est ta librairie ? »

Yep, Hector. Il ne compte pas juste te souhaiter une bonne journée et partir sans rien acheter. Nathanaël McDougall a un problème avec les choses non résolues, les vieilles blessures ouvertes. Il a ce besoin presque malsain de rêgler tous les problèmes du monde. Et même s'il n'a pas particulièrement envie qu'on parler de lui ou de la raison qui l'amenait ici, il ne pouvait pas s'empêcher de s'intéresser à celui qu'il avait aimé et qu'il l'avait tant blessé.



HRP : Cosmo est un croisement entre un loup et un occamy (espèce inventrée) dans l'idée un peu comme ça mais avec un pelange entre poils et plumes comme l'Occamy !

Cette librairie, c’était ma rédemption, c’était la preuve qu’on pouvait avoir été un parfait crétin, pour être poli, mais avoir le droit à une deuxième chance et lorsque cela vous arrivait, il convenait de ne pas la gâcher.  Croyez-moi si je vous dis que je n’ai clairement pas envie de la gâcher. En huit années derrière ce comptoir, j’ai appris à « mettre de l’eau dans mon vin » comme on dit, je suis devenu un peu plus tolérant avec les sorciers, même si je ne les aime toujours pas, je ne les refuse pas dans ma boutique, je parle avec eux lorsqu’ils me demandent des conseils sur certains livres, j’ai même déjà eu des conversations intéressantes avec certains d’entre eux. Bien sûr, pour d’autres, dès qu’ils savent que je suis un Cracmol, ils prennent un air dégoûté et je ne les revois plus jamais, mais j’ai appris à ne plus me sentir blessé par ce rejet. Après tout, pourquoi être blessé par la réaction de quelqu’un que vous ne connaissez ni d’Adam, ni d’Eve ?

Alors que j’avais entrepris de ranger une grosse livraison aujourd’hui, la journée avait été assez calme, ce qui m’avait arrangé parce que j’avais pu avancer assez vite. J’avais presque terminé lorsqu’un client entra. J’étais donc allé le voir, mais arrivé devant lui, je m’étais figé. Etait-il bien celui que je croyais qu’il était ou bien n’était-ce qu’une vague ressemblance ? N’étant pas certain qu’il s’agissait bien de Nathanaël, je l’avais accueilli comme n’importe quel client lambda, après m’être ressaisi. J’aurais très bien pu rester sur mes doutes, croire qu’il ne s’agissait que d’une très forte ressemblance, mais mon client en décida autrement. Ainsi, c’était bien lui. Il s’agissait bien de Nathanaël McDougall. Je dus presque me retenir au comptoir pour ne pas tomber. Je savais bien qu’un jour je devrais lui faire face, je devais absolument m’excuser envers lui pour mon comportement à l’époque où nous étions ensemble, je ne m’attendais pas à ce qu’il me pardonne, mais je lui devais ces excuses. A l’époque, je déchargeais ma colère et ma frustration, ma haine de la magie sur lui, alors qu’il n’y était pour rien. J’ai tellement honte.  C’est seulement maintenant, que je suis dans un état émotionnel intense, un peu perturbant, que je remarque l’animal qui l’accompagne. Je lui jette un bref regard, non je ne dirais pas à Nathanaël que je ne souhaite pas d’animaux dans ma boutique, cela fait un moment que je dois mettre un écriteau, mais je ne le fais jamais. Je relève le regard sur Nathanaël. Esquissant un petit sourire.

- Bonjour Nathanaël. Tu...tu as l’air en forme.

Je me passais nerveusement la main dans les cheveux. Il était hors de question que je repousse le moment de cette discussion, je devais faire face à cette partie de mon passé que j’avais occulté depuis si longtemps.

- Oh oui, c’est...ça fait à peu près huit ans que je suis propriétaire des lieux. C’est assez amusant parce que je n’avais jamais tenu un commerce de ma vie, mais je m’en sors plutôt bien.

Prenant une profonde respiration, je décidais enfin d’aborder le sujet qui allait certainement fâcher.

- Nathanaël, il faut...je dois te parler. Est-ce que tu veux un café ? Moi j’en ai besoin.

Sur ces mots, je partais dans l’arrière boutique et revins avec un thermos de café. J’avais pris deux tasses avec moi, si jamais Nathanaël en voulait un. Je me servais mon café puis en bus une gorgée, comme pour me donner du courage. Ensuite, je plantais mon regard dans celui de mon ex-amant.

- Ecoute, je...Je ne sais pas vraiment comment commencer, mais...Il y a environ dix ans, j’ai été emprisonné, les divers larcins que je commettais à l’époque m’ont rattrapé et la bande avec qui je traînais a pu se faire la malle, mais je n’ai pas eu cette chance. Je suis resté enfermé pendant deux ans suite à quoi, j’ai accepté un marché, je balançais les membres de la bande et je pouvais faire les trois années qui me restaient hors de la prison, avec un bracelet électronique autour de la cheville. Pendant les deux années où j’ai été emprisonné, je suis tombé sur plus fort que moi, plus crétin aussi...si si, je t’assure que ça existe, en cherchant bien on peut trouver. Bref, j’ai été maté comme on dit.

Je pris une pause dans mon récit, reprenant un peu de café, puis je poursuivis.

- La prison, ça vous change un homme, c’est indubitable, seulement cela peut vous changer en bien, ou en mal. Moi, j’ose croire que c’est la première option. J’ai beaucoup réfléchi quand j’étais emprisonné. Principalement à mon comportement envers toi pendant que nous étions ensemble. J’ai été un vrai….enfin inutile de te dire comment j’étais, je suppose que tu t’en souviens. Tout ça pour dire que aujourd’hui, je voudrais te présenter mes excuses pour cette période de ma vie qui me fait honte à un point que tu ne saurais imaginer. Je ne te demande pas de me pardonner, parce que je ne sais même pas si je réussirai à le faire si la situation était inversée. Je te présente juste mes excuses. Libre à toi de les accepter ou non.

Sur la fin, ma voix avait tremblé. L’émotion était telle que je frissonnais, mes yeux s’étaient humidifiés, mais je n’avais pas l’intention de pleurer. Je n’en avais pas le droit, pas après ce que je lui avais fait pendant tout ce temps. Je baissais ensuite les yeux sur l’animal, ayant du mal à les garder fixé dans ceux de Nathanaël.

Est-ce que sa gorge s'asséchait ? Est-ce que ses mains devenaient moites ? Voyons, Nathanaël, à presque 40 balais tu ne vas pas te comporter comme un adolescent qui revoit son ex pour la première fois depuis des années, pas vrai ? Toi qui est si mature... Mais il semblait que son corps n'avait pas envie d'écouter son cerveau, pour une fois. En forme, c'était façon de parler. Même si depuis qu'ils s'étaient vus, il avait pris en hauteur (et en épaisseur) il était malgré tout dans le camps des fatigués par la vie. Et par les événements qui l'avaient chamboulée cette année. Mais c'était... gentil ? Poli, disons. Nate ne s'attendait pas à tomber sur Hector mais en vérité, même en y réfléchissant, il n'aurait pas su imaginer ce que l'autre était devenu ni s'il avait changé. Une librairie... il croyait se souvenir qu'il aimait lire. N'était-ce pas une des choses qui les avait liés, à l'époque ? Il se racla la gorge un peu, et essaya de forcer un sourire. Ils étaient rares ses sourires, depuis qu'il avait grandit. Il avait plus souvent un air soucieux sur le visage, même si ça cachait beaucoup de douceur. Hector devait savoir. Mais peut être que c'est aussi ce qui le faisait parler avec autant de précaution. Le pâtissier sentit la truffe de Cosmo entre ses doigts. Le Doggamy s'était rapproché en sentant sa détresse, fidèle comme jamais.


« ... Bien sûr. »

Même à la personne qui faisait partie du groupe qui avait détruit sa vie, il avait ouvert sa porte (bonjour Mthunzi !) donc ça n'était pas une ancienne histoire de peine de coeur qui allait lui faire refuser un café et une discussion. Il le remercia à voix basse quand Hector lui proposa une tasse, et il l'accepta volontiers. Pour ensuite écouter ce qu'il avait à lui dire avec attention.

L'autre homme avait toujours cette façon si particulière de vous regarder. Comme si vous aviez une réelle importance pour lui, et qu'il cherchait vraiment votre opinion. Est-ce que c'était le cas, à l'époque ? Sans doute pas. Hector avait sans doute eu besoin d'attention et d'affection plus qu'il n'était capable d'en donner. Mais il restait captivant, depuis le plus jeune âge. Nate avait l'air sombre et on ne peut plus sérieux, mais effectivement attentif à ce qu'on lui racontait. Il n'avait rien su de tout ça... Et en même temps, la mort de ses parents avait précipité sa disparition de la vie de tout le monde. L'inverse aurait été surprenant. Il acquiesca quand on lui demandait de comprendre, sa fossette s'était étirée aussi quand il avait parlé de plus crétin que lui, de façon perceptible. Par contre, s'il s'était attendu à ce qu'il lui explique ce qui l'avait amené là... Il ne s'était pas attendu à ce que le plus âgé des DiScipio enchaîne sur des excuses.

« Hector... »

Il voulu l'intérompre, avant de s'arrêter. Ces excuses là, il y a des années il aurait tout donné pour les entendre. Il lui avait brisé le coeur. Et bien plus, à l'époque. Il avait mis dix ans à vraiment s'en remettre et autant de temps à rebâtir ce qu'il était. Hector avait été la première personne qu'il avait aimé, et qui lui avait fait accepter ce qu'il était. Et son rejet de sa magie, et de son affection avait brisé toute confiance en lui. Il resta silencieux un moment. Il avait mis du temps à accepter qu'il n'était pas le responsable de tout ça. Ca faisait bizarre d'entendre Hector l'admettre, aussi. Est-ce qu'il lui en voulait ? Nate n'était pas le genre d'homme à garder de la rancoeur au fond.

« Ca fait longtemps que je ne t'en veut plus Hector... J'ai passé plus de temps à me détester qu'à t'en vouloir franchement. »

Il dit, sincère. Le café lui faisait du bien, même s'il se sentait particulièrement exposé. A quoi bon dire à l'autre tout le mal qu'il vous a fait. C'était du passé. Il était parvenu à se reconstruire et à aimer quelqu'un à nouveau même si... L'histoire n'était pas plus heureuse.

« Je suis content que tu aies trouvé quelque chose qui te plaît, aussi. »

C'était ce qui l'avait remis d'applomb, lui. Même si ces jours ci la pâtisserie battait de l'aile, depuis qu'il avait perdu sa magie. Bientôt un an. Et il ne savait toujours pas ce qu'il pourrait bien faire le jour où il serait évident qu'il ne pouvait plus continuer. Mais il était très mauvais pour parler de lui. Quand ils s'étaient quittés, Nate étudiait encore la médicomagie. Ses parents étaient encore vivants. Et...

« J'ai revu Ulysse, récemment... Je ne sais pas si vous avez gardé le contact ? Hyacinthe était content, je suis sûr qu'il serait content de te revoir aussi. »

C'était un minuscule petit blond quand Hector était parti, il serait bien surpris de voir le grand garçon accompli qu'il était devenu. Nate était fier de son petit frère.

Quand je repense à ce que j'ai fait endurer à Nathanaël, j'ai honte à un point tel que j'ai envie de disparaître sous terre, mais je ne peux pas, je n'en ai pas le droit. Je ne suis pas quelqu'un de violent normalement, mais si un jour je croisais celui que j'étais à l'époque, je pense que je ne pourrais pas me retenir de le frapper. Je n'étais qu'un petit crétin odieux qui en voulait à la terre entière et qui estimait que les autres devaient payer pour son malheur, mais en y réfléchissant bien, le seul qui ait réellement payé pour ce que j'endurais, c'était Nathanaël et c'était injuste, parce que son seul tort a été de m'aimer, d'être amoureux de moi, sincèrement et moi...oh bon sang. Rien que de me rappeler de cela, j'en frissonne de dégoût envers moi-même.

J'avais proposé un café à Nathanaël, j'en avais un besoin urgent, il avait accepté et je lui en avais donc servi un puis j'avais enchaîné sur ce que je devais lui dire. Je ne savais pas encore s'il allait me pardonner, s'il allait me dire qu'il n'en avait rien à faire de mes excuses, tout ce que je savais, c'était que je devais les lui faire et peu importait la suite des événements. J'avais l'impression de parler sans m'interrompre, sans même respirer, tellement je craignais de ne pas pouvoir dire ce que j'avais à lui dire. Oh bien sûr je sais que cela ne servait à rien de me fustiger, que ce qui était fait, était fait, mais c'était plus fort que moi. Je l'entends prononcer mon prénom, comme s'il voulait arrêter ce flot de paroles, mais je continue et il me laisse faire. Quand enfin je me tais, c'est à son tour de prendre la parole et les mots qu'il prononce me surprennent, autant qu'ils me font du bien. Je relève néanmoins brusquement la tête, surpris de l'entendre dire qu'il s'est détesté. La question qui fuse, je ne peux la retenir.

- Quoi ? Mais....pourquoi ? Pourquoi t'es-tu détesté Nathanaël, tu n'étais en rien fautif, la seule chose qu'on aurait pu te reprocher à l'époque c'est d'avoir été franc, sincère, et d'avoir aimé profondément un homme qui ne te méritait pas. Ceci étant...je te remercie de ne pas m'en vouloir, ça prouve encore, s'il en était besoin, que tu es bien meilleur que moi.

Je regardais l'animal à ses côtés, un silence s'installa, mais il n'était pas dérangeant. Je relevais le regard vers lui quand il reprit la parole. J'esquissais un sourire.

- Merci. J'ai toujours adoré les bouquins, tu te souviens ? Alors pour moi c'était comme une évidence, si je devais faire quelque chose de bien de mes dix doigts, autant que ça ait un rapport avec la lecture.  Et toi ? Que fais-tu actuellement ? Si je me souviens bien tu faisais des études de Médicomagie...alors en es-tu devenu un ?

Oui, il me semblait qu'il poursuivait cette voie à l'époque où nous étions ensemble, je ne savais pas vraiment combien d'années ils devaient étudier pour devenir médecin dans leur monde, mais je pense que maintenant il pouvait en être un. Alors que je terminais mon café, il me parla de mon frère. J'eus une petite grimace.

- Oh, tu sais, c'est...compliqué. Même si j'ai beaucoup changé, il y a encore certaines blessures qui ont du mal à cicatriser, alors...je ne sais pas si un jour mon frère et moi nous pourrons nous retrouver comme avant, mais ce que je sais, c'est que ce n'est pas aujourd'hui.

Et puis il évoqua son propre frère, Hyacinthe. Un sourire franc s'étala sur mon visage.

- Oh oui, ton frère. Comment va t-il ? Il a bien grandi depuis le temps que je l'ai vu je suppose. Tu devrais l'emmener à la boutique, je serais content de le voir. Tu sais, j'ai même un rayon concernant les livres sur la magie.

J'avais désigné ce fameux rayon du bras.

- Je suis obligé de me tenir au courant de ce qu'il se passe dans le monde magique à cause de ma profession et...de ma famille, alors parfois, je croise certains noms dans les informations.

Hector a l'air surpris. Pourtant, connaissant Nate, c'était on ne peut plus logique. Il avait une grande faculté de pardon, d'empathie, c'était sans doute ce qui le mettait dans toutes dans des situations pas possibles la plupart du temps. Il ne saurait pas lui expliquer pourquoi, c'était la raison la plus logique. Sur la fin, vraiment sur la fin fin, il lui en avait voulu. De le traiter si mal, de ne pas voir que c'était parce qu'il souffrait qu'il faisait souffrir les autres mais... Surtout de ne pas l'avoir laissé l'aider. Il secoua la tête doucement, ça ne faisait pas de lui quelqu'un de meilleur. Sans quoi il aurait réussi à le sortir de sa haine constante. Ou bien il serait parti plus tôt. Il avait le beau rôle, ça oui, ça ne voulait pas dire qu'il était quelqu'un de mieux foncièrement.

Nate but une gorgée de son café. Cette conversation, il avait si souvent voulu l'avoir. Elle arrivait un peu tard mais... Il espérait qu'elle guérirait quelques plaies des deux côtés.

« Oui... Ca n'a pas changé. Mais non, je ne suis plus dans la Medicomagie. »

C'était un sujet difficile à aborder. Est-ce qu'il serait capable d'en parler sereinement, un jour ? De la raison qui l'avait poussé à tout abandonner pour s'occuper de Hyacinthe ? Hector ne devait rien en savoir, Ulysse n'en avait rien su non plus. Après l'accident de leurs parents, Hyacinthe avait huit ans et il était hors de question pour son grand frère de le laisser seul. Hors, le métier qu'il exerçait tout juste à l'époque l'emmenait dans des missions lointaines, dans des pays en guerre, pendant de longs mois. Oui, la Medicomagie était toute sa vie. Mais son petit frère était plus important aussi. Il s'était renfermé, pendant des années, et maintenant il luttait pour que son cadet ne s'en veuille pas de l'avoir privé de ça.

Et après ce qui s'était passé l'an dernier ? Hector ne savait pas non plus qu'il avait perdu sa magie lors d'une attaque de Death Wings. Le café avait plus de mal à passer, soudainement.

« Hyacinthe va... plutôt bien, vu les circonstances. Il a vu des choses difficiles mais c'est fou comme il a grandi. Il est devenu le Médicomage de la famille. »

Et ça se sent encore plus, qu'il l'adore son frère. Et qu'il est fier de lui. La posture de Nate toujours un peu renfrogné s'est complètement rouvert à cette simple phrase.

« J'espère que vous arriverez à vous revoir. Il a pas mal changé lui aussi, tu sais. »

Il dit au sujet d'Ulysse. Ce n'était pas sa place de dire à Hector ce que son jeune frère traversait. Si Ulysse n'avait pas essayé de le retrouver, et inversement... Pourtant Merlin sait combien Nate aime aider et a besoin d'arranger les choses chez tout le monde. C'est ce qu'il avait essayé de faire avec Hector. Il reposa sa tasse de café.

« Ca m'a fait plaisir de te revoir. N'hésite pas à passer à la pâtisserie un jour, ça me ferait plaisir. »

Il dit gentiment. Il ne savait pas si Hector avait changé d'avis à ce point, mais... Avoir une partie de sa librairie qui concernait la magie était une preuve qu'il avait au moins changé un petit peu. Il le remercia pour le café, et rappela Cosmo à ses pieds pour quitter les lieux non sans saluer le propriétaire. Ca allait faire beaucoup à penser, tout ça, pour Nathanael. Mais il y avait un côté de lui qui commençait à guérir ces temps ci. Revoir Hector allait peut être aider.