Ange F. Anderson || Andreja Pejic

C’était le plus beau des cadeaux d’anniversaire. Ses parents avaient trouvé trois places pour plusieurs matchs de la coupe du monde. Pas la finale, mais quelques autres moins importants. C’était déjà tellement fabuleux ! Ange allait peut-être pouvoir rencontrer quelques joueurs et joueuses ! Croiser peut-être Cybèle Peltier, qui était son plus grand modèle ! Un jour, c’était sûr, Ange jouerait à ce poste là, et avec autant de panache ! Un jour, ce sera son nom qui sera inscrit au poste d’Attrapeur. Mais en attendant, il fallait faire les valises ! Et puis, profiter aussi du voyage en Egypte, c’est pas tout les jours qu’on peut faire ça !

Ses yeux d’enfant s’étaient émerveillés de tout ! Et puis les français avaient gagné le match ! C’était parce que ses encouragements avaient été les meilleurs ! C’était certain que sa voix avait contribué à cette victoire ! Alors quand les joueurs étaient sortis des vestiaires, Ange était aux première loge, petite tête blonde piaillant le nom de son idole sous les yeux de ses parents. Et contre toute attente, Cybèle s’était approché d’eux, en voyant l’enfant blond l’interpeller en français. Un français avec un accent d’Amérique.

“Tu parles bien français, dis donc !”

“Oui ! Maman est française, elle m’apprend ! Et plus tard, j’aimerai bien jouer dans l’équipe de France ! Je serai au même poste que vous !”

“Oh, vraiment ? Et bien, je te souhaite bonne chance…”

Et Cybèle dédicaça son écharpe : “Ne laisse personne te dire que c’est impossible. Cybèle Peltier.”

Ange n’a jamais oublié cette écharpe.

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Le regard surpris de ses parents n’avait pas fait peur à Ange.

“Vous vous trompez tous, je suis une fille, je le sais.”

Onze ans, et pourtant tout à fait assurée de ce qu’elle disait, elle leur tenait tête. Il était hors de question qu’on lui achète un uniforme masculin pour son entrée à Ilvermorny. Ils étaient sortis du magasin, pour éviter les regards indiscret. Ils étaient rentrés chez eux. Ses parents lui avaient parlé. Ils n’avaient fait que parler ce soir-là. Puis le lendemain, ils avaient été lui acheter son uniforme. Elle était terriblement heureuse qu’ils la croient. La suite fut un peu moins évidente, mais ses parents étaient déterminés à lui garantir le respect et le bonheur. Ils avaient tenu la jambe au directeur d’Ilvermorny pour qu’il tienne compte de sa différence. Pour qu’il l’accueille dans les meilleures conditions. Elle eut le traitement de faveur d’avoir une chambre à côté de l’infirmerie pour raison médicale plutôt que d’avoir à dormir dans un dortoir qui ne lui soit pas adapté.

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Le stress était là. Ce n’était pas une équipe très connue aux Etats-Unis mais c’était une porte d’entrée vers le Quidditch professionnel. Elle savait qu’elle avait une grande chance en passant ces tests là à la sortie de son cursus à Ilvermorny. Sans encore être allé à l’université. Le recruteur avait vu un de ses derniers matchs pendant sa septième année. Et là voilà là. A faire un test avec l’équipe des Chouettes de Savannah. Elle en avait les mains moites. Elle enfourcha son balai avec une boule de stress au ventre.

“Le but pendant ce test, c’est que tu t’intègres à l’équipe ! On joue en condition de match pour toi, alors donne le meilleur de toi ! T’as notre attrapeuse en poste en face de toi !”

Son adversaire du jour la toise avec un petit air narquois. Ange n’aime vraiment pas qu’on la sous-estime. Vraiment pas. Elle s’élève un peu plus haut. Les autres commencent les échanges de balles en dessous. Elle virvolte en hauteur. Allez, montre-toi foutu éclat doré…

“Tu crois vraiment que tu as les épaules pour ce poste ? Pour jouer dans la cours des grands ?”

Ange ne la regarde même pas. Reste concentrée, ne réponds pas. C’est une stratégie de te provoquer… Elle continuait de parler pas loin d’elle. C’était une vraie pie cette meuf.

“Tu veux pas te taire pour voir ?” rétorqua-t-elle en piquant vers une lueur.

Fausse alerte. Merde. Elle virvolte. Elle esquive un cognard. Puis un deuxième. Merde. Elle remonte. Puis elle le voit. Plus bas. Juste à côté des buts de l’équipe adverse. Elle file. Un cognard frappe son manche de balai, désintégrant son avant. Elle est déséquilibrée, mais elle reprend sa trajectoire aussi bien que mal. L’autre attrapeuse file elle aussi. Elle va l’avoir avant cette pétasse… C’est hors de question. Ange se laisse tourner à l’envers sur son balai, elle tend le bras. Elle a le vif d’or…. Elle l’a ! Mais elle finit aussi par glisser complètement de son balai… Une sacrée chute dont elle se sortit avec seulement un bras cassé. On la prit à l’essai. En espérant qu’elle ne soit pas blessée à chaque match…

“Tu vois, semblerait que j’ai les épaules… Sans rancune…” avait-elle lâché à l'autre attrapeuse en se faisant soigner.

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Son cas faisait polémique. Ce n’était pourtant pas ce qu’elle avait cherché en acceptant de jouer pour les Harpies de Holyhead. Elle n’avait menti à personne en affirmant qu’elle était une femme. Pourtant maintenant, ils l’avaient suspendu, le temps que l’équipe et les collaborateurs associés à celle-ci prenne une décision sur la question de sa légitimité. Pour qu’ils définissent eux si elle était légitime à jouer dans une équipe féminine. C’était une humiliation et une discrimination terrible. Surtout que personne ne disait réellement pourquoi elle était suspendue. Ses fans se posaient des questions et elle n’avait même pas le droit de dire pourquoi. Clause de confidentialité. Clause de merde.

“C’est bien, ça vous donne du temps pour vous. Pour prendre un peu de vacances, monsieur Anderson.”

Elle n’avait pas résisté, elle avait collé son poing dans la gueule de connard d’entraîneur. Autant dire que ça arrangeait pas son cas. Son dossier allait traîner… Bref. Il était peut-être temps de reprendre les études. Un peu à contre coeur.