And all the senses rise against this coming back to you (Lya & Ange)

La reprise d’étude avait de bons côtés, fallait l’avouer. Les fêtes étudiantes, c’était un premier point cool. Rencontrer de nouvelles personnes, et celles de sa section étaient toutes assez cool. Et puis aussi le fait de découvrir un nouveau campus, c’était chouette. Mais il y avait aussi de gros inconvénient à tout ça. Genre les cours. Pire encore, les devoirs. Quelle purge. Ange avait presque oublié ce que c’était avec ses années de vie professionnelle. ça lui avait pas manqué. D’ailleurs son premier semestre était assez lamentable ? Du moins, sur toute les matières vraiment théoriques. Elle n’y arrivait pas à se remettre dans le bain. Les distractions nocturnes n’avaient pas aidé… Bon, au moins, maintenant qu’elle vivait avec son cousin et son oncle, elle limitait un peu ses sorties. Histoire de respecter le lieu de vie et qu’ils ne pensent pas qu’elle se croie dans un hôtel. Et puis, elle comptait pas non plus redoubler. Alors, fallait se sortir les doigts et se mettre à bosser ! Même ce qu’elle aimait pas. Même cet odieux cours sur l’histoire de l’art dans le monde magique. Il le fallait !

Alors, courageusement, elle avait refusé une invitation pour aller flâner en ville ! Infini sacrifice ! Elle avait pris la direction de la bibliothèque. Elle avait dû y venir deux fois avant. Et pas bien longtemps. Elle s’était installée à une table et avait commencé à travailler. Avec motivation.

Motivation qui s'effiloche au fil des minutes et une heure plus tard, elle faisait des origamis avec ses parchemins de notes. Oui, elle n’était vraiment pas douée pour rester concentrer sur tout ce blabla. La seule chose qu’elle aimait bien, c’était les images d’oeuvres dans le bouquin. Le reste, ça lui passait un peu au dessus…

Elle s’amusa à enchanter discrètement son orginami grue qui voleta quelques secondes pour s’écraser quelques tables plus loin à côté d’une fille aux cheveux étrangement grisonnants. Et la fille tourna la tête dans sa direction.

Oh.

Oh merde.

Merde. Merde. Merde.

Ange s’attendait sûrement pas à voir Lya par ici. En fait, elle s’attendait pas à voir Lya tout court. Et merde. C’était pas vraiment une bonne nouvelle. Pas vraiment une mauvaise non plus. C’était juste que ça réveillait en elle un profond sentiment de culpabilité. Ouais. Si elle regrettait le silence radio qu’il y avait eu après leur baiser et les aveux de Lya ? Carrément. Mais en même temps, elle avait flippé grave.

Est-ce que c’était l’heure de faire amende honorable ? Peut-être bien. Fallait pas blaguer avec les signes du Destin. Visiblement, elles étaient faites pour se retrouver ici par un hasard des plus hasardeux. Alors Ange referma son livre, et balança ses affaires dans son sac. Non, pas pour fuir à nouveau. Non, plutôt pour se réinstaller en face de Lya. Et une fois assise face à elle, sa belle assurance c’était un peu fait la malle. Voire, carrément. Merde, le courage, on a dit que cette fois on prenait pas la fuite, reviens couillon !

“Salut… Euh… Je… Je m’attendais pas à te voir ici…” chuchota-t-elle mal assurée. “Tu… Tu vas bien ? ça… ça fait un bail… Qu’on s’est pas croisées…”

Oh par Merlin que c’était nul comme entrée en matière. Bha oui, ça fait un bail Ange, vu que tu l’as évité pendant ta dernière année à Ilvermorny et que tu as bien pris soin de jamais prendre de ses nouvelles. T’es vraiment teubée Ange. Vraiment.

Oh. C’était pas très sympa de détruire sa grue comme ça. Franchement, elle avait pas demandé à finir en charpie… C’était vraiment pas cool. Elle avait rien fait. Elle était plutôt réussie en plus… Mais visiblement, Ange n’était pas au bout de ses déconvenues. Et la réplique de Lya fit mouche. Touché. Ange eut une grimace. Merde. C’était donc pas vraiment passé inaperçu. Son éloignement. Sa peur d’être trop proche d’elle. Elle pensait vraiment pas lui avoir brisé le coeur. Enfin… Pour elle, c’était pas forcément un truc sérieux qui s’était passé. Et puis… Ouais, sans doute qu’Ange s’était cherché et trouvé beaucoup d’excuse pour expliquer sa lâcheté.

Ange eut un rire gêné. Elle regrettait presque d’avoir eu le courage de se poser là. En fait, c’était peut-être plus sage d’être lâche sur toute la lignée des fois, quitte à pas faire honneur à sa maison d’université. Là, elle avait l’impression d’avoir posé le pied sur la queue d’un Nundu et se payer une attaque mortelle en pleine poire. Et le pire, c’était qu’elle l’avait bien mérité. Elle pouvait même pas le nier.

“Ahaha… Ouais… ça fait long effectivement…” essaya-t-elle un peu trop fort et pour camoufler sa gêne.

Ce qui lui valut un “chut” insistant venant du bibliothécaire non loin. Oups. Elle s’excusa d’une signe de main et reprit un ton en dessous.

“Je… Je t’ai pas vraiment fui… C’est juste… Enfin on avait pas trop l’occasion de se croiser…”

Pire excuse du monde Ange. Même toi tu sais que tu dis de la merde. ça va jamais passer. Tu vas juste encore plus la mettre en rogne.

“Non… Je sais que t’y croiras pas à ça, et j’y crois pas moi-même… Je… J’suis désolée. J’ai… J’ai merdé après… Enfin tu sais après quoi j’ai merdé… Et… Je m’en veux… Je… Je pensais pas que c’était aussi important que ça pour toi… Enfin je veux dire nous deux… Et… J’ai flippé… Enfin… J’étais pas prête tu vois… Pour tout ce que ça impliquait… Que tu me dises tout ça… ça impliquait que je te dise toute la vérité de mon côté aussi…”

Maintenant, Lya devait bien la savoir la vérité. Elle avait pas été cachée dans les journaux et Ange avait pendant un temps été la bête de foire des pages sportive. C’était plus vraiment un secret qui elle était, ce qu’elle était. Alors que quand elles étaient encore à Ilvermorny… Ouais, y’avait pas tant de gens au courant. Et c’était pas pour rien que ses flirts étaient juste des flirts sans importance. En fait, tout lui avait un peu échappé pendant ce baiser. Son coeur avait peut-être trop parlé. Elle savait toujours pas vraiment ce qui s’était passé dans cette volière. Elle avait été trop abasourdie. Ce n’était pas de Lya qu’elle avait eu peur, c’était d’elle-même. De sa propre vérité. Lya la renvoyait à ses propres secrets, à ses “mensonges”.

Est-ce qu’Ange avait l’impression de s’être jeté dans la cage d’un fauve ? Hm, un peu. Et la métaphore n’était peut-être que trop littérale. Seulement, elle avait besoin de cette confrontation pour soulager sa conscience. Elle ne pensait pas avoir beaucoup de chance d’avoir son pardon. Franchement, elle n’y comptait pas trop. C’était surtout pour elle même qu’elle s’excusait. C’était égoïste un peu comme démarche. Et en même temps, elle était un monstre d’égoïsme, ce n’était pas vraiment une nouveauté. Quand on pense avant tout à la reconnaissance et à la gloire, on est un peu la quintessence de l’égoïsme. C’est quand ces deux choses foutent le camp qu’on se remet un peu en cause. Un peu. Si peu…

Ange écouta Lya. Et en réalité, elle n’avait pas eu conscience à l’époque de la profondeur de la confession que Lya lui avait fait. Elle avait eu le temps de réaliser, et encore, elle était sans doute loin du compte, visiblement. Elle porta un regard un peu honteux vers ses mains qu’elle triturait nerveusement. Merde alors, elle avait merdé à ce point-là. Elle releva un regard vraiment honteux et gêné quand elle évoqua l’importance que leur relation avait eu à ses yeux. Elle s’était vraiment comporté comme la dernière des connes en s’enfuyant égoïstement. Comment Lya avait fait après pour faire confiance à nouveau à quelqu’un ? Franchement, bravo Ange, chapeau bas. T’aurais difficilement faire pire…

“Je… Ouais… J’ai paniqué j’crois…” avoua-t-elle désolée.

Elle eut un rire gêné qui lui valut un nouveau “chuuut” du blondinet bibliothécaire. Merde. Elle était vraiment pas habituée à la jouer discrète. Elle lève la main en guise d’excuse vers le jeune homme. C’est bon, il va pas les engueuler toutes les deux secondes, il voit pas que c’est une situation exceptionnelle et tendue ? Franchement… Les retrouvailles de la honte, c’est pas tous les jours.

“Ouais non… Le réchauffement climatique, c’est pas moi… Mais… Enfin… J’pensais que t’étais au courant avec tout le tapage que ça a fait… Mais… Enfin, j’suis trans…”

C’était pas forcément facile à avouer quand on a 17 ans et qu’on a vraiment un truc avec quelqu’un. Après tout, Lya, c’était une fille qu’elle aimait. Et pas une fille trans. Pour Ange, ça avait pas mal freiné ses relations. Oh bien sûr, il y avait des sorts, des potions, mais rien qui ne rectifie son corps de façon définitive et plaisante.

Ange passa une main dans ses cheveux blonds, nerveuse.

“Je…. J’étais pas trop prête… Quand… Quand tu m’as tout dit…. Moi j’pouvais pas… Je sais pas… J’avais trop peur que… Que tu me rejettes j’crois… C’est con, hein… J’dis pas l’inverse… C’était… C’était pas forcément facile pour moi d’envisager un truc aussi sérieux… Tu… Tu vois ? ça… ça excuse pas mon comportement de merde… Mais si… Si juste au moins tu peux comprendre que… Que c’était pas toi le soucis, mais… Mais moi… Je… J’étais juste pas prête à… Je sais même pas à quoi j’étais pas prête…”

Clairement, elle ne faisait pas la maligne. Elle fanfaronnait pourtant pour tout mais là, elle en menait vraiment pas large. Quand il faut être sincère et assumer ses conneries, y’a plus grand monde.

Peut-être qu’Ange aurait du être plus courageuse quand elles avaient été seules toutes les deux. Sans doute. Mais avouer maintenant, c’était déjà un début ? Elle cherchait comme une approbation dans le regard de Lya. Elle n’y lisait pas grand chose à dire vrai. A part une rancoeur somme toute justifiée. Elle savait pas si elle devrait pas juste se barrer maintenant qu’elle avait soulagé sa conscience. La fuite comme une seconde nature quand tout devient trop sérieux.
Elle eut un rire nerveux qu’elle étouffa au regard mauvais du bibliothécaire, en entendant Lya. Elle avait fui pour rien visiblement. En fait, elle aurait peut-être préféré ne pas le savoir. C’est vrai, apprendre qu’on a flippé comme pas permis alors que pour une fois, on tombait sur une personne réellement sincère, ça fait un peu mal au cul. Putain. Elle se sentait encore plus mal là. La culpabilité était en train d’exploser en elle. Elle avait tellement tout gâché. Elle se demandait d’un coup ce qui aurait pu se passer sans sa panique. Elles auraient pu être heureuses ? Ou elle aurait quand même fini par tout faire merder ? Comme elle le fait toujours ?

Ange ne savait même pas comment répondre à tout ça. Elle avait eu tort même en préservant son secret. En fait, y’avait vraiment rien qui jouait en sa faveur. Elle était une conne, voilà tout. Elle avait envie de le hurler, là. Je suis qu’une putain de conne, Lya. Une putain de conne qui regrette mais qu’est toujours aussi conne. J’ai toujours peur de m’engager. J’ai toujours peur des relations. J’ai toujours peur d’aimer trop fort. J’ai toujours peur de m’attacher et d’être blessée ensuite. Je suis qu’une conne, ok ? Seulement, elle resta juste à se décomposer devant Lya. Ses mains en tremblaient de nervosité. Merde. Elle avait jamais voulu faire autant de mal. Elle aurait jamais pensé que… que ça avait autant d’importance pour Lya. Enfin… Elle avait préféré se convaincre de ça. Elle n’a pas encore tout bien digéré quand Lya propose de bouger.

“Carrément !”

La blonde se lève avec beaucoup trop d’énergie et de rapidité. Elle est assez livide, pas aussi pétillante qu’à son habitude, pas aussi souriante non plus, elle fait signe à Lya qu’elle l’attend à la sortie. Elle s’y précipite presque. Elle passe la porte avec un certain soulagement. Elle s’adosse au mur. Putain. Elle devrait peut-être se tirer. Seulement… La culpabilité, les réminiscences de sentiments, ce brouhaha infâme d’émotions la retient là. Plantée comme un piquet devant la porte. Merde.

Elle emboîta le pas de Lya dès qu’elle sortit. Et… Comment lui dire ce qu’elle avait sur le coeur ? Et en même temps… Lya n’avait sans doute pas envie de la supporter très longtemps.

“Lya… Tu sais, c’était pas idiot… Enfin… J’étais pas prête, mais… Je ressentais pas rien pour toi… Loin de là… C’était… Enfin… C’est juste que je sais pas gérer ces choses là… Tu vois… On me voit toujours comme quelqu’un de battant mais quand il s’agit d’aimer quelqu’un, j’suis la pire des crevarde. Je sais pas faire ça bien alors… J’préfère pas le faire… ça aurait été pire si j’avais essayé et que j’avais tout fait foiré ensuite, non ? Tu sais… Depuis toi… Enfin j’ai jamais su faire mieux avec les sentiments…”

Elle marqua une pause, s’arrêtant, attrapant doucement le bras de Lya pour la faire se stopper. Elle planta son regard dans le sien.

“Si… Si je voulais essayer de me rattraper… Maintenant… tu… Tu me laisserais essayer ?” demanda-t-il d’une voix mal assurée.

Ange était d’accord pour aller chez elle. En fait, elle voulait juste passer du temps avec Lya, pour tout mettre au clair. Et puis, égoïstement, pour profiter de sa présence. Elle réveillait de vieux sentiments, de vieilles sensations. On oublie jamais vraiment ceux qu’on a aimé, non ? Elle ne pensait pas que les sentiments seraient si persistants. Pourtant, il y avait eu un peu de monde dans son lit. Des amant.e.s de passage. Jamais rien qui dure. Jamais rien qui la touche en plein coeur. Peut-être parce qu’Ange avait gardé cette peur, celle de tout faire rater à nouveau comme avec Lya.

En parlant de rater… Visiblement, ce n’était pas une bonne idée de lui saisir le bras, même doucement. Ange relâcha son bras, sans même tenter de le retenir. A dire vrai, elle s’excusa même d’un regard, elle ne voulait pas la mettre mal à l’aise… Elle avait fait comme elle l’aurait fait des années auparavant. Sauf que le temps avait passé. Elle ne savait pas ce que Lya avait vécu. Et… Elle se sentait démunie face à Lya. Elle ne comprend pas vraiment les émotions qu’elle croie lire dans son regard. C’est une question si difficile ? Elle aurait peut-être du attendre qu’elles soient chez elle…

Ange l’encouragea d’un sourire à parler, ne la quittant pas du regard. Elle aurait aimé la serrer dans ses bras pour la rassurer. Elle paraissait si petite et si fragile, là. Ange avait juste envie de la protéger. Et son sourire s’agrandit. Si elle veut lui dire oui, alors, pourquoi n’avait-elle pas l’air heureuse ? Son sourire se figea un peu. Pourquoi elle ne s’arrête pas de parler ? Pourquoi ne dit-elle pas juste oui ? Ange fronça un peu les sourcils, son sourire s’effaçant petit à petit.

Quinze ans. C’est si long et si court à la fois. Mais Ange n’est pas du même avis que Lya. Si elle n’avait que quinze ans à vivre, elle ne voudrait pas les vivre en ermite. Elle voudrait offrir à ses proches tout l’amour possible. Pour qu’ils gardent ces bons souvenirs-là en mémoire. Elle voulait lui répondre, argumenter, mais en la voyant trembler, elle comprit qu’il y avait plus urgent à faire. Elle attrapa la main de Lya, doucement.

“Je vais transplaner chez moi. N’aie pas peur.” dit-elle de la voix la plus calme possible.

Elle l’aurait bien amené chez elle, mais elle ne savait pas où c’était. Alors… Elles apparurent dans la chambre d’Ange. Celle chez son oncle. Heureusement, à cette heure, en général, elle était seule dans la maison. Elle lâcha la main de Lya.

“Personne ne te verra ici. Tu es en sécurité. Mon oncle et mon cousin travaillent, ne t’inquiète pas…” souffla-t-elle rassurante.

Elle s’attendait à ce que le corps de Lya change. Comme la dernière fois. Sauf que maintenant, elle y était prête. Elle ne savait pas bien ce qu’elle pouvait faire. Mais elle n’allait pas paniquer. Enfin pas trop. Au moins, ici elles sont au calme. Ange resta à distance, mais elle continua de parler doucement.

“Quinze ans, c’est déjà très long Lya… Moi, j’aimerai bien passer ces années-là avec toi… Si tu as que ce temps-là, j’aimerai pas savoir que tu le passes seule… Tu mérites pas cette isolation… Et… T’as pas à te sacrifier pour les autres… On peut aussi choisir… Et… J’ai pas envie de te laisser tomber à nouveau… Compte pas sur moi pour ça…J’ai été lâche une fois, je le serai pas à nouveau...”

La transformation qui s’opérait sous ses yeux était impressionnante. Même la seconde fois. Ange se demandait si ça faisait mal. Elle espérait que non. Elle n’eut pas de mouvement de recul. Elle était juste impressionnée. D’une part, parce que ce n’est pas tous les jours qu’on voit quelqu’un se transformer en animal, et d’autre part, parce que c’était vraiment en un très bel animal que la jeune femme se transformait. Majestueux. Ange préféra s’asseoir sur son lit, restant face à Lya. Elle ne savait pas si elle pouvait la serrer dans ses bras même sous cette forme. Est-ce que ce serait un contact agréable pour Lya ? En fait, mille questions défilaient dans sa tête. Mais elles allaient toutes dans le même sens, comment ne pas blesser à nouveau Lya ?

Ses mots semblaient atteindre Lya, mais n’avait-elle pas dit des choses qu’il ne fallait pas ? Elle n’en savait rien. Elle n’était pas très douée pour parler à coeur ouvert, mais là, c’était si compliqué. Mais elle n’avait vraiment pas envie de laisser Lya. Elle voulait rattraper le temps perdu sans doute. Ne plus regretter. Lya n’avait pas à rester seule. ça, elle en était persuadée. Et puis, Lya pouvait-elle vraiment la supporter elle et son caractère de chiottes tout ce temps ? Quinze ans, cela paraissait presque une éternité.
Quand la tête du félin frôla sa jambe, Ange n’hésita pas une seconde et caressa tendrement sa tête. Elle s’agenouilla même à côté de l’animal pour le serrer dans ses bras. Les poils du félin caressant son visage. Elle ne voulait plus avoir peur de ses propres sentiments. Quand elle sentit l’animal bouger, elle relâcha son étreinte, et se releva doucement, faisant face à Lya. Elle lui sourit en la voyant reprendre forme humaine.

Ange fit les pas qui les séparait d’un pas assuré, et elle prit les mains de la maledictus dans les siennes quelques secondes, avant de juste la serrer fort dans ses bras. Sans hésiter. Pour elle, le langage du corps était plus simple. Plus facile que les mots. Elle resta silencieuse quelques secondes, la gardant juste contre elle. Cherchant les bons mots. Appréciant aussi ce contact. Elle se recula un peu, et déposa un bisou sur le front de Lya, avant de coller le sien tout contre, leurs nez se frôlant.

“J’ai l’air de ne pas en avoir envie ? Tu sais… Je garantis pas d’être parfaite, ou de faire toujours ce qu’il faut mais… J’peux garantir que si tu me laisses rester à tes côtés, J’suis prête à l’accepter. J’suis prête à t’aimer, toi, comme tu es.” murmura-t-elle pleine de conviction autant que de douceur pour Lya.

Elle caressa doucement ses joues du pouce, ses mains allant encadrer le visage de Lya tendrement. Son coeur battait à tout rompre. Plus vite que dans un match décisif, c’était pour dire.

“Tu sais… Si j’avais écouté mes peurs… J’aurai jamais fait de Quidditch… Alors, la peur me fera pas choisir…” avoua-t-elle sincère.

Elle hésita une seconde, puis posa ses lèvres sur celles de Lya. Avec une délicatesse qui contrastait tant avec son caractère et sa brusquerie habituelle. Lya, elle voulait la protéger. Elle détacha ses lèvres, se reculant un peu. Le sourire aux lèvres.

“Et toi ? Tu crois vraiment que tu peux me supporter ? T’as pas oublié comme je suis chiante quand même…” la taquina-t-elle en se reculant un peu.

Elle ne voulait pas trop brusquer Lya non plus. Pas l’étouffer avec ses câlins.

Vraiment, la vie était pleine de surprises ! Si on avait dit à Ange qu’elle aurait un jour l’occasion de rattraper la plus gigantesque des bourdes, elle n’y aurait pas cru. Sans doute parce qu’elle gérait la culpabilité en la balançant dans la cave de son inconscient. Mais… Maintenant, elle avait cette chance. Elle n’allait pas la laisser passer. Il y a des opportunités comme ça, ça ne se reproduit pas alors… Même si Ange ne se sentait absolument pas prête, elle allait s’arranger de la situation ! Elle devait s’en arranger. Être l’idéal de Lya, c’était une sacrée responsabilité, c’était terrorisant, et à la fois tellement grisant. C’était tellement paradoxal. Elle était prête à accepter tout ce bordel pour avoir le droit de voir plus souvent le rouge sur les joues de la Maledictus. Elle était si adorable.

Le baiser était si doux. Si tendre. Elle n’avait jamais connu un baiser pareil. La première fois, ça n’avait pas été si agréable. Là… C’était apaisé, elle savait qu’elle voulait cela. Et pas juste pour une passade. Pas juste pour un amour de jeunesse. Elle voulait que ça dure. Elle voulait que cela ne s’arrête jamais. Avait-elle déjà oublié le temps qu’elles avaient ? Hm. Probablement que son cerveau avait mis l’info sous le tapis, avec les remords et les regrets. Elle s’en souviendrait plus tard. Bien plus tard. Elle emmêle ses doigts avec ceux de Lya. C’est si naturel d’un coup. comme une évidence. Elle rit un peu à la blague de Lya. Pas qu’elle soit très bonne, juste, ça lui plaît de voir Lya s’essayer à la faire rire.

Elle la dévorait du regard alors qu’elle parlait. Elle était attentive à ses mots, l’encourageant d’un sourire apaisant. Elle était si mignonne à hésiter. Ange avait envie de la serrer dans ses bras pour l’aider. Mais… Ce n’était probablement pas une solution pour l’aider à parler. Il valait mieux qu’elle soit un peu patiente. Elle caressait doucement sa main de ses pouces, comme pour la soutenir, l’aider à trouver ses mots.

“J’ai peut-être un peu changé… J’espère que je me suis bonifié…” murmura-t-elle amusée.

Elle hésita une seconde, puis la serra à nouveau dans ses bras. Elle semblait si fragile. Ange voulait la protéger, la garder comme un petit trésor. Rien que pour elle. Ange ne se savait pas possessive mais… Avec Lya, ça pourrait peut-être venir.

“ça marchera, Lya…”

S’il y avait une chose qu’on ne pouvait pas lui enlever, c’était son optimisme. Elle ne laisserait rien les tirer vers le bas. Rien. Elle alla cueillir les lèvres de la belle avec douceur. Pour la rassurer. Pour lui enlever ses doutes.

“Faut pas avoir peur… On a rien à y perdre, non ? Enfin… Moi j’ai pas l’impression de perdre quoi que ce soit en nous faisant confiance !”

Elle déposa un petit bisou sur son nez. Et se détacha un peu.

“Tu veux boire un truc, ou manger ? Je peux partir en expédition ravitaillement… Mon oncle cuisine trop bien… Il laisse souvent des cookies… Je crois qu’il sait que je les adore… Ou alors il a compris qu’il devait en faire plein parce que je suis un ventre sur pattes !”

Oui, tout ça, ça lui avait donné grave faim. Et Lya devait s’y faire, Ange passait sa vie à manger. Et à faire du sport aussi mais… Surtout manger ! Et boire aussi ! Parce que faut bien s’hydrater… et soutenir les brasseurs !

Touchée. Ouais, elle avait effectivement changé sur ce point là. Mais Ange arrivait pas trop à définir si c’était un compliment ou un coup de poignard pour rappeler ses erreurs passées. Son optimisme trancha pour le compliment. Autant ne pas prendre mal les remarque, sinon, elles n’étaient pas sorties de l’auberge. Et puis, Ange était trop heureuse pour douter. ça viendrait plus tard ! Elle voulait profiter du petit nuage sur lequel elles étaient.

“Oh ? Et bien écoute, tu m’en laisseras juge ? Dans tous les cas, faudra bien que je fasse avec tous tes vilains défauts moi aussi…”

Elle y mettait de l’assurance, elle pouvait être l’esprit positif. Elle pouvait être rassurante. Elle pouvait être tout ce qu’il fallait pour Lya. Tout pour la rendre heureuse. Pour qu’elles soient heureuses toutes les deux. Ange était prête à jouer les équilibristes pour qu’elles y trouvent leur bonheur toutes les deux. Même si elle risquait de se casser la figure pas mal de fois, ça lui faisait plus si peur là. Après tout, ça la connaissait les chutes, non ? Tomber d’un balai, tomber amoureuse, c’est pas pour rien qu’on emploie le même mot non ?

Ange sourit en la voyant partante pour le goûter. Chouette, une passion commune ! Oui, manger, c’est une passion. Son regard s’illumina quand Lya évoqua des plats qui sonnaient comme une bénédiction pour les papilles. Damn. Elle voulait bien goûter tout ça. Surtout si c’était la petite qui cuisinait tout ça. ça sonnait comme un bout de paradis !

“Si tu me donnes ton adresse… Je vais toujours venir manger avec toi… Et je pourrai même te manger toi…”

Elle eut un petit rire et lui fit un bisou dans le cou, le mordillant un peu avant de prendre sa main pour l’attirer dans son sillage. Elles allaient en mission cuisine ensemble. La grande blonde passa la tête dans le couloir et appela son oncle, son cousin. Pas de réponse. Visiblement, elles avaient la maison pour elles seules. Chouette. Elles avaient un sacré coup de chance !

“Et pour ton chez toi… Tu voudras que je t’aide à décorer ? Je suis plutôt bricoleuse tu sais… Et j’dessine pas si mal je crois alors… Si tu veux un truc personnalisé ou quoi…”

Elle lâcha la main de la petite canadienne pour dévaler les escaliers, l’attendant en bas, toujours si débordante d’énergie. La cuisine était pas très loin de l’escalier. Une grande cuisine bien pensée avec un îlot central pour cuisiner en paix. On voyait bien que la cuisine était quelque chose d’important pour son oncle. La blonde ouvrit un placard et une boîte. Yes. Des cookies maison ! Elle avait un sourire victorieux !

“Merci Dorian, t’es le meilleur des oncles !” rigola-t-elle en tendant la boîte à Lya. “Installe-toi ! Je nous fais un café !”

Elle s’affaira sur la machine à expresso, et dans un tumulte de capsule, de tasse et de cuillères, elle leur prépara deux cafés. Elle s’assit en face d’elle. Tout heureuse. Est-ce qu’elle s’emballait trop ? Ou… Elle ne voulait pas paraître excessive. Ou quoi. Elle était un peu fofolle, elle le savait mais… Là, elle voulait pas décevoir Lya. Ni la brusquer. Alors, elle posa ses mains sur sa tasse. Essayant de pas se montrer trop envahissante.

“Alors, t’en penses quoi des cookies ? Mon oncle se débrouille vraiment bien en cuisine !”

Ce qui était terrible avec la timidité de Lya, c’est qu’elle inciterait presque à continuer pour la voir avoir encore et encore des réactions trop mignonnes. Mais comme ces réactions étaient un peu au détriment de son bien-être, elle n’allait pas abuser. C’était important de doser les taquineries non ? Histoire que Lya ne finisse pas par lui dire d’aller en fait, plutôt voir ailleurs. Et puis, elle était contente d’entendre ses demandes. Une photo ? Eh ben, elle avait intérêt à bien choisir !

“Je te trouverai ça ! On peut même faire une photo de nous deux, ce serait peut-être mieux ? On pourra trouver un vrai photographe pour ça !”

Mais Lya avait raison, la cuisine était sympa. Bon, elle, elle adorait manger, mais cuisiner, c’était pas trop sa spécialité. Elle gérait des trucs simples, de petites préparations mais rien de très fameux. Elle était loin du niveau de son oncle, ou de sa mère. Franchement, elle savait juste se nourrir à peu près bien. Mais elle achetait quand même beaucoup de plats déjà préparés pour se faire plaisir. Comme l’argent n’avait pas trop été un soucis avec ses contrats et sponsors ces derniers temps. Enfin, ça c’était avant. Maintenant, elle faisait attention, histoire de ne pas dilapider ses économies. Elle avait été bien conseillée, beaucoup de ses gros contrats avaient été placés pour plus tard. Pour quand sa carrière s’arrêterait. Bon, du coup, c’était peut-être pour dans pas si longtemps… Voire maintenant.

“Ahah, tu sais, pour me faire sourire, il en faut pas beaucoup ! La voie pour aller à mon coeur doit pas être si éloignée de celle qui va à mon estomac !” rigola la grande blonde.

Après, c’était sans doute du à ses traitements, elle mangeait beaucoup depuis l’adolescence. Sans doute parce qu’elle faisait carburer son organisme dans un sens pas envisagé par sa génétique. Mais c’était le bon sens. Le sien.

“Oui, j’ai de la chance de l’avoir ! Il est top ! Il a accepté que je vienne vivre ici… J’avais quelques soucis sur le campus alors… C’était cool de sa part ! Alors qu’au final, il m’avait pas vu si souvent que ça dans sa vie… Mon cousin est cool aussi. Finn. Mais tu les rencontreras sans doute !”

Ange s’installa le café à la main. Elle en but quelques gorgées. Et en voyant la main qui s’avançait timidement vers la sienne, elle eut un sourire. C’était vraiment trop mignon. Elle fit le reste du chemin, entrelaçant leurs doigts avec tendresse, et peut-être un peu plus fort quand Lya évoqua ses rêves de Quidditch. Au fond, oui, elle avait réalisé son rêve.

“Oh tu sais, le monde du Quidditch, c’est pas aussi cool que ce que je croyais… Mais ouais, en un sens, j’ai réalisé mon rêve… Juste… L’équipe que je rêvais d’intégrer se demande depuis des mois si je suis “vraiment” une fille et donc si j’ai vraiment le droit d’intégrer une équipe exclusivement féminine… Donc… Au départ, j’ai repris les études pour pas perdre de temps avec la suspensions, tu vois… Mais… Je suis plus vraiment sûre de vouloir jouer dans ce monde-là… Je… Je veux pas être la bête de foire… Je veux juste être moi, et qu’on me respecte pour qui je suis. Et… J’me suis pas sentie trop respectée dans le monde du Quidditch…”

Elle baissa la tête vers sa tasse. C’était encore difficile à digérer ce qui lui était arrivé. Elle avait toujours cru que ses convictions, son talent suffisaient à convaincre les gens de pas s’arrêter à… à son erreur d’aiguillage de naissance. C’était juste la mauvaise étiquette. C’était rien. C’était pas ce qui la définissait d’être née “garçon”, elle était femme à présent. Comme elle avait été fille enfant. C’était ça la vérité. Rien d’autre. Alors voir son identité calomniée publiquement, voir toute sa vie résumée à ça, toute sa carrière. C’était dur. Elle aurait voulu choisir quand le dire. Comment le dire. Pas voir ça sur les couvertures des magazines. Enfin. Ce qui était fait, était fait.

“J’étudie en Arts… J’ai mon petit talent en dessin, tu sais. J’suis pas douée que pour le Quidditch… Heureusement, sinon je serai mal en ce moment ! J’envisage d’être tatoueuse… C’est probablement un milieu qui me correspondrait un peu mieux… Et toi ? T’es en quelle section ?”

Ange n’était pas étonné de voir Lya s’énerver. En réalité, elle s’était elle-même énervée. Des heures durant avec rage. Et puis, elle avait arrêté. Elle ne pouvait pas lutter à elle seule contre tout un système. En réalité, elle ne pouvait pas se battre plus que ce qu’elle avait déjà fait. Elle avait épuisé les recours. Elle s’était épuisée aussi. Ils avaient eu raison de sa première passion. Elle voulait pouvoir voler sans toutes ces contraintes. Sans tout ce marketing aussi. Elle n’avait pas signé pour ça au départ. Maintenant, elle aspirait à juste plus de calme.

“Lya… Je sais, mais… La société change pas aussi vite qu’on le voudrait des fois… Et… J’ai pas la force de déplacer des montagnes d’ignorance… ça finit par faire trop mal… Merci… On va dire ça... Mon art ne les mérite pas…”

Elle était quand même touchée par la solidarité de Lya. Mais la maledictus n’était probablement pas au bout de ses peines si elle devait s’énerver à chaque fois que son identité était remise en cause par des réactionnaires étroits d’esprit. Elle n’allait jamais être calme… Ange préférait changer de sujets, parler de choses plus positives. Elle préférait avancer et pas s’attarder sur ces connards. Et elle sourit. Carrément. Montrer ses dessins à Lya, ça lui ferait vraiment très plaisir. C’était sans doute une passion qu’elle pourrait plus facilement partager avec elle que le Quidditch.

“Bien sûr ! Je te montrerai quelques dessins après !” répondit-elle enthousiaste à l’idée de partager ça avec Lya.

Et ce fut à son tour d’écouter. Ange ne fut pas très étonnée. Lya aimait déjà le soin aux créatures magiques quand elles se fréquentaient à Ilvermorny. Et puis, Lya avait ce calme et cette douceur qui apaisent les bestioles non ? Enfin, c’était ce que pensait la blonde. Elle… Elle était pas toujours très douée. Elle aimait bien les animaux, mais elle était parfois trop brusque, elle avait tendance à faire peur aux animaux craintifs.

“Quand on finira l’université, j’suis sûre que ce sera plus qu’un mauvais souvenirs, ces connards… Je t’imagine bien soigner des animaux dans une réserve ! Ou ouvrir un refuge ! Je suis sûre que ça t’irait comme un gant !”

Ange termina sa tasse et son cookie, tout en continuant de jeter des petits regards à Lya, elle dévorait pas que le cookie en fait. Mais elle ne voulait pas être non plus trop gênante. Elle finit par se lever pour poser une fois que Lya eut fini leurs deux tases dans l’évier et d’un coup de baguette nettoya la table des petites salissures.

“Mon oncle a trois gros chiens, j’suis sûre que tu vas les adorer quand tu les rencontreras !”

Elle reprit sa main et remonta dans sa chambre. Elle avait des dessins à lui montrer. Elle sortit un carton à dessin et s’assit à côté d’elle sur le lit, commençant à fouiller dans ses dessins. Elle en sortit quelques dessins de créatures. Elle avait essayé de faire plusieurs designs adaptables à des tatouages avec des zouwu, kelpie et autres nundus, sur un bras, ou sur une cuisse, ils seraient du plus bel effet.

“Tu me dis, si j’ai mal dessiné un truc, j’me suis basé sur des livres mais tu dois mieux connaître que moi leur anatomie !”