I'm the Bad Guy (Wezen & Mthunzi)

Il n’était pas toujours le bienvenue au Chaudron Baveur, cela dépendait du barman de service. Et Mthunzi avait fini par connaître par coeur les horaires de celui qui s’en foutait d’avoir “le” death wing le plus connu du monde sorcier. Il ne pouvait même plus se saouler en paix. Souvent, on l’abordait pour lui témoigner tout le désamour possible. Il écoutait souvent sans y prendre garde. Ou finissait par dire : “Vous savez, c’est risqué d’être aussi défiant envers moi, je ne suis pas seul.” Et on lui laisse sa fin de soirée tranquille. Il était souvent fatigué de tout cela. Surtout quand on voyait son implication réelle. Les Death Wings avaient bien géré leur plan de communication en l’affichant en public. Ça donnait une personne pour cristalliser toute leur haine. Franchement, il aurait su, il aurait pas signé. C’était pas pour ça qu’il avait accepté de rejoindre le côté “Bad guys of the history”. Cela lui apprendra à prendre des décisions hâtives.

“Tu me remettras un Rhum Groseilles, s’il te plaît ?” lança-t-il au barman.

C’était devenu rituel que de se mettre la tête à l’envers. Pour ne pas penser au marasme de sa vie. Pour ne pas penser au rouquin qui lui avait échappé. Pourtant, c’était SON rouquin. Son jouet. Franchement, il allait pas s’amuser avec un rouquin qui passait en d’autres mains. On peut être comme lui et avoir ses standards. Ou juste être un putain de mec possessif, jaloux et égoïste. Il était probablement un peu vexé qu’on lui préfère un autre. Ce rouquin n’avait vraiment pas le goût des belles choses. Préférer un vieux daron à un bel homme comme lui. Stupide. Surtout si c’était avec l’objectif d’avoir une vie de petit couple, bouah, ça fait gerber de les imaginer.

“Mets moi plutôt un double… Je t’embêterai moins souvent comme ça…” corrigea-t-il avec un léger sourire.

Le bar était assez calme. Sans doute parce que l’heure se faisait tardive. Mais rien n’attendait Mthunzi. Il avait ses deux focifères sur les épaules. Ses seuls compagnons de route maintenant. Il soupira en attendant son rhum. La vie de bad guy était bien moins passionnante que prévue. Au moins, il allait pouvoir papoter un peu avec le barman. C’était un des rares qui lui parlait encore normalement. C’était vraiment plaisant.

“C’est plutôt calme ce soir non ? Heureusement que je suis là pour faire ton chiffre…” ironisa-t-il en attrapant son verre.

Le verre entre ses mains. C’était de loin la meilleure sensation qu’il avait ces derniers temps. Il aimait la fraîcheur du rhum au travers du verre. Et la chaleur qu’il procurait au fond du gosier. Il en but quelques gorgées. C’était un plaisir d’anesthésier son palais. De laisser l’alcool engourdir sa bouche. Et probablement son cerveau aussi. Au fil des verres.

“Sans moi, tu finirais au chômage… Franchement, je crois que tu es la seule personne à qui je suis encore utile, Wezen.” dit-il en levant son verre, comme pour rendre hommage au barman.

Nouvelles gorgées absorbées. Il regarde autour d’eux. Il n’y avait que deux ou trois habitués. Pas les plus glorieux. Entre John qui parle tout seul. Et Jack qui regarde tout le monde avait un air bovin. Franchement, c’était pas si facile d’être barman. Mthunzi aurait sans doute fini par se faire viré pour avoir insulté les clients. Ou parce qu’il leur a envoyé leurs commandes à la gueule. Un truc du genre.

“Je crois qu’à ta place, j’aurai lancé un sort de mutisme à ce bon vieux John depuis une bonne heure…. Tu as une patience divine. Ou un loyer à payer. Ou les deux. Peut-être qu’à ta place, je me serai envoyé chier aussi. C’est probable.”

Il sirote encore un peu de son verre qui diminue beaucoup trop vite à son goût. Il s’adosse à la chaise de bar, s’affalant un peu. Il doit vraiment ressembler à tous ces ivrognes… C’est triste de tomber si bas. Est-ce qu’il pourrait encore remonter la pente ? Est-ce qu’il pouvait retrouver une trajectoire ? Il n’en savait rien. Il était comme un bout de bois baladé dans l’immensité de l’océan, après une énorme tempête.

“Je suis peut-être un cas aussi désespéré que John… Après tout, avec le merdier que j’ai charrié en rejoignant les Death Wing, je me suis fermé toutes les portes… J’ai tellement merdé sur ce coup là… Ils sont même pas foutu de me renseigner sur de la magie noire…”

Jack avait soudainement décidé de le fixer avec un air mauvais -et toujours bovin-.

“Ouuuh le grand méchant noir a parlé d’une magie qui ne plaît pas au gentil petit anglais… Rentre chez toi, Jack. Ta mère t’y attend peut-être si elle est pas morte !”lança-t-il à l’autre ivrogne.

“Parce que je peux plus rien faire sans avoir le Ministère qui suit mon cul. Et même avec ça, on me laissera plus jamais avoir une vie normale. Les employeurs pour terroristes fichés, y’en a pas des masses.” expliqua-t-il blasé au barman.

Il ne pouvait pas s’empêcher d’être un peu amer. Les deux côtés du front l’avait bien placé en plein milieu. Il se sentait comme un gros dommage collatéral. Ou un caillou dans une chaussure. Quelque chose dans ce goût là. C’était pas valorisant. Et pas exploitable non plus pour ne pas être soupçonnable. Il était piégé. Comme un faon devant la gueule du dragon.

S’habituer à toute cette médiocrité crasse, ce goût d’échec, c’était quelque chose qui semblait impossible à Mthunzi. Il ne tolérait pas vraiment ce genre de décadence. Peut-être pour cela qu’il vivait aussi mal la sienne. Il n’aimait pas s’imaginer dans six ou sept ans à la place John ou Jack. Plutôt crever. En héros ou en salaud.

“Hm, je dois préférer le silence à ça je dois dire…” rétorqua-t-il avec une pointe de mépris.

Le métis avait regardé John un moment, avant de s’en désintéressé. Wezen était la seule personne encore doté d’un cerveau dans cet endroit visiblement. L’alcool fait vraiment des ravages au Chaudron Baveur. Il planta son regard dans celui du barman, d’un coup plus sérieux. Il s’intéresse à la magie noire, lui ? Il n’aurait pourtant pas misé sur lui. Les apparences sont définitivement souvent trompeuses.

“Sortir du système, c’est être mort pour la société. Je suis déjà mort des deux côtés. Et… Pour ce qui est de la magie noire, je cherche quelqu’un qui a officié en Afrique, il y a quelques années. Qui apprenait à ce moment-là. Mon cousin en a fait les frais. Je souhaiterai juste retrouver cette personne pour avoir une discussion. La seule piste que j’ai, c’est les répercussions de ses expériences. Une date et un lieu. Ça fait peu, visiblement pour retrouver ce que tout le monde prétend ne pas faire.” expliqua-t-il le plus calmement possible.

Pourtant sa main s’était crispé sur son verre à l’évocation de son cousin. Il termina son verre d’une traite. Pour calmer sa colère naissante.

“Les effets ressemblent à celui d’un Doloris. Avec des phases de mutisme total. D’autres de délire. Mais mon cousin s’est retrouvé complètement aliéné. Incapable d’être juste lui-même. Tu as déjà entendu parler de quelque chose de similaire ? Après tout, tu dois entendre un paquet de trucs ici...”

L’intérêt du barman pour son propos était indéniable. Mais quelque part, c’était un peu malsain non ? Qu’il ait une telle fascination pour son propos ? Mthunzi n’avait finalement jamais vraiment trempé dans la magie noire. Pour lui, elle n’avait rien d’excitant. Elle ne faisait que semer le malheur. Elle drainait les gens dans son propre intérêt. La magie noire gouverne, non ses manipulateurs selon lui. C’était une croyance répandu chez lui. Si tu laisses le Vodou noir t’étreindre, alors c’est lui qui te contrôle. Sa puissance implique trop de sacrifice pour être bénéfique à son utilisateur. La magie fait ses propres choix, et quelque part, ils ne sont que des pions sur un dessein céleste, tellurique, plus vaste, qui les dépasse. Ça, il en est certain.

Il leva les yeux au ciel à la question du barman. Sérieusement ? Il le prenait pour un idiot.

“Si j’avais eu un prénom, crois bien que j’aurai déjà fait le tour de tous ces connards pour trouver lequel avait fait ça. Du-ce ai-je y passer dix ans. J’ai rien de plus. J’aurai bien aimé, mais bizarrement, son agresseur n’a pas laissé de carte de visite. Etonnant, hein ?” ironisa-t-il avec un brin de moquerie crasse.

Il a tendance à être irritable quand il s’agit de tout cela. C’est trop personnel. Cela le touche trop. Parce qu’il y a un coeur sous tout ce mépris et tout cette distance qu’il met. Il n’est pas habitué à ce confier ainsi. C’est probablement la première fois depuis qu’il vit en Angleterre. Il a trop bu pour parler autant. Et il en redemande. Du rhum pour noyer sa rage et sa tristesse. Il fait signe à Wezen de lui remplir son verre à nouveau.

“Je pensais pas que tu versais là dedans. Tu passais bien comme barman bien sous tous rapports. C’est surprenant. Mais je dirai pas non à ton aide. En échange de la mienne probablement. On a rien sans rien. Je suis pas si naïf, qu’est-ce que je pourrais faire pour toi en échange ?”

Il pose son regard bleu perçant dans celui du barman. Peut-être pas aussi perçant qu’il l’aurait voulu vu son alcoolémie. Heureusement que ses oiseaux l'appuient dans son regard. Avec leurs regards à eux, si sombres par rapport à leurs ramages colorés.

“Je suis sûr qu’on pourra trouver un arrangement. Qui nous convienne à tous les deux.”

Ok, il avait cherché ce genre de réponse à parler au barman comme à un imbécile. C’est vrai. Un juste retour de son sarcasme. Il ne s'énerva pas du coup. Il eut juste un sourire amusé de voir qu’on lui rendait si bien la pareille. C’était plaisant de ne pas tomber sur quelqu’un qui s’écrase. Beaucoup trop de gens s’écrase quand vous êtes un antipathique personnage. C’est plaisant de voir un peu de mordant en face. Et plaisant de voir quelle aisance il avait à remplir son verre. Vraiment. C’était sa plus belle qualité ce doigté pour servir le rhum. Mais il en avait visiblement des sous-jacentes pas si mal.

“Oui, et puis, ce n’est pas forcément la chose qu’on annonce en bonne société.” commenta-t-il avec un air un peu moqueur. “Disons qu’on a rarement vu des passionnés de magie noire être aussi de grands philanthropes altruistes… Donc logique que tu fasses payer tes services d’une façon ou d’une autre.”

Replaçons les choses dans le contexte, fallait pas être un génie pour comprendre ça. Et Mthunzi n’était pas dupe, il ne ferait jamais complètement confiance en lui. Oui, on peut être Death Wing et se méfier de la magie noire, la vie ne fait pas toujours sens. Et à la question sur ce qu’il pourrait apporter à Wezen, il sourit. Prend quelques secondes pour boire une gorgée de rhum. Puis il sort deux petits sachets de papier de sa poche. Il les tendit au barman pour qu’il puisse les regarder.

“De la poudre d’éruptif. Les deux sont censés en être. Je te mets au défi de trouver lequel est une pâle imitation.”

Il s’adossa à son tabouret, avec ce petit air de connard prétentieux qu’on lui connaissait finalement assez bien.

“Je pratique pas la magie noire, mais en général je sais reconnaître les bons ingrédients pour la pratiquer. Même si tuer un Eruptif, ça ne se justifie par aucune magie. Au moins je peux t’éviter de te faire arnaquer. C’est ça, ma spécialité. Enfin… Au départ, c’était plutôt de les élever et les soigner, mais c’est devenu compliqué. On va pas vraiment m’autoriser à approcher d’animaux que je pourrai utiliser au service des Death Wing, donc… Je suis condamné à plutôt estimer ce qui est de la vraie poudre d’éruptif et pas de la farine mélangé à de la sueur pour donner sensiblement la même odeur…”

Il but une gorgée, puis deux. C’était quand même vachement mieux quand il pouvait s’occuper des ses petits protégés de tous poils, écailles et plumes. Ça lui manquait franchement. Sa main libre alla caresser la tête d’un de ses focifères.

“Sinon je fais aussi un bon guide en Afrique, mais c’est pas vraiment utile en Angleterre…”

Forcément qu’il avait raison. Ça se saurait si les mages noirs étaient des altruistes. Flashnews, s’ils étaient gentils, ils auraient pas tout le monde sorcier qui leur cherche des noises. Simple déduction. La magie noir, c’était qu’un truc d’égoïste en quête de pouvoir. Un truc de mec qui en a une trop petite et qui a besoin de compenser sans doute aussi. Merde, ça voudrait dire que Wezen a un petit engin ? Dommage pour lui. Ça deviendrait vachement moins intéressant de le draguer. Ou une occasion de vérifier sa théorie. Haha.

Il le regarda faire avec les deux sachets, impatients de le voir se tromper. Oui, parce qu’il allait forcément se tromper. Ça n’avait pas manqué. Le sourire de Mthunzi s’était agrandi. Il lui fit un petit non de la tête à sa réponse avec un grand et narquois sourire. On a toujours besoin d’un expert pour identifier les ingrédients rares. Vraiment.

“C’est pour cela que je suis indispensable à tout bon potioniste.” ironisa-t-il avec un malin plaisir, fallait bien l’avouer. “Une chance de m’avoir dans tes contacts, et que tu me serves un si bon rhum !”

Il leva son verre et le termina d’une traite. Ce serait le dernier de la soirée. Il n’allait pas faire de vieux os ici. La conversation avait porté ses fruits. Il n’allait pas risquer la blague de trop et vexer le barman. Il se connaissait, il ne savait pas s’arrêter d’emmerder les gens, surtout quand il commençait à être un peu ivre.

“Marché conclu alors. Mais tu rates quelque chose, l’Afrique, c’est tellement mieux qu’ici. Rien que pour le temps. Vous en avez jamais marre de ce temps de merde, sérieux ?”

Il eut un petit rire, et se leva de son tabouret. Il fouilla dans la poche de son pantalon, et posa les pièces nécessaires au règlement de ses consommations de la soirée. Il remet sa cape sur les épaules, ses focifères le laissant faire avant de se remettre sur leur perchoir humain. Il n’était pas mécontent de sa soirée pour une fois. Cela faisait du bien d’avoir la sensation d’avancer un peu dans sa vengeance personnelle. Il avait beau ne pas être un féru de magie noire, il avait des motivations qui leur plairaient plutôt bien.

“Tu peux garder la poudre d’Eruptif. Ça peut te servir. Vois ça comme une preuve d’engagement envers toi. Et bon courage pour la fermeture. A bientôt ! Fais gaffe à toi.”

Il sourit au barman. Il l’aimait bien au fond. Ça le ferait chier qu’il crève en ratant une potion, ou un sortilège de magie noire trop puissant. Mais bon, personne n’est irremplaçable non plus. Mthunzi sortit du bar. Il pleuvait encore. Foutu temps londonnien.