It's a trap (Deborah & Mthunzi)

12/04/2020

C’était devenu une habitude de sortir sous l’effet du polynectar. De changer d’apparence. Il en regrettait de ne pas être né polymorphe, ça lui aurait évité toutes ces heures à préparer des potions… Même si avec l’habitude, ça devenait presque une routine de produire en grande quantité le nectar de transformation. Il fournissait d’autres Death Wings contre rétribution. Ça lui permettait de vivoter un peu mieux. Seulement, à force, ça s’était ébruité parmi les Death Wings cet aspect caméléon de sa vie. Et on l’avait désigné pour une “mission de recrutement”. Sérieusement, il avait la gueule d’un bon commercial ? On lui avait donné tout un tas d’informations sur la personne à convaincre. Une femme qu’il n’avait pas souvenir d’avoir déjà vu. Deborah Chester. Une ancienne du Ministère de la magie. Une née-moldue. Ça, ça avait étonné le métis. Vraiment ? Ils ratissent de plus en plus large chez les Death Wings…

Il avait suivi la dame. De loin. Souvent sous la forme animale pour ne pas être soupçonné. Un gros chat, ça se balade souvent dans Londres. Bon, un très gros chat. Mais franchement, dans le monde des sorciers, son apparence d’animagus était discrète. Au moins, sa cible ne quittait pas trop son quartier habituel. Pas très commun pour une ancienne représentante du gouvernement…

Après avoir observé, et relu les informations qu’il avait, il se sentait plus ou moins capable de l’aborder. Même si c’était quand même nébuleux que ce soit lui qui fasse ça. Il avait la désagréable impression qu’on le testait un peu. Qu’on essayait de lui trouver un peu plus d’utilités dans leur système, dans leur organisation. Bref. Passons.

Il avait opté pour une apparence androgyne dans son choix de polynectar. Il aimait bien cette tête. Pas si loin de lui avec sa peau chocolat, mais suffisamment éloignée de lui pour qu’on ne fasse pas directement le lien. Il enfila une tenue assez passe-partout, intégralement noire, ni négligée, ni trop distinguée, une chemise sur un pantalon à pince, sous une robe de sorcier. Un classique de la mode sorcière.

Il entra dans le bar du “Chat Noir” avec nonchalance. Il savait qu’elle serait là, dans le fond du bar. Il alla commander deux verres, et prit la direction de sa table, esquivant les ivrognes avec une grâce toute féline. Après tout, son apparence d’animagus reflétait sa nature profonde non ? Il s’assit en face de sa cible.

“Hey… ça fait plusieurs fois que je te vois ici, et t’es toujours seule, alors, ce soir je viens te tenir compagnie…”

Ouais, c’était direct, et pas très fin, mais on parle de Mthunzi, vous vous attendiez à quoi ?

“Désirée, et toi ? C’est quoi ton nom ? Oh et c’est pour toi, ça te va ?”

Bien sûr que ça lui allait, elle ne buvait que ça ici… Avec un peu de chance, elle allait lui laisser une infime chance de nouer un contact…

L'apparence actuelle de Mumu :

Oh il avait oublié ce détail à force d’utiliser différents polynectar, il était vrai que comme ça, elle n’avait jamais pu le voir ici. Une erreur de débutant, mais il n’aurait pas trop de mal à se trouver une excuse. Et puis, vu les états dans lesquels elle se mettait. Franchement, elle avait un problème d’alcoolisme avancé. Pas que ce soit son problème, mais il l’avait bien noté en l’observant, et s’était même demandé à quoi ça servait de recruter une personne aussi peu fiable.

“T’étais peut-être juste trop imbibée pour me voir… Je vais pas te jeter la pierre. On a tous un truc à oublier. Mais bon quitte à vouloir boire seule, pourquoi tu bois pas seule chez toi tu serais sûre que personne ne vienne t’emmerder, non ?”

Quoi ? C’est vrai, quand on veut vraiment être seule, on vient pas picoler dans un bar. C’est un endroit pour être entouré, même si on est pas forcé de vraiment interagir avec les autres, il y a forcément des contacts. Donc, non, on ne vient pas dans un bar pour être seul. Clairement pas. Pour avoir l’occasion de déclencher une bataille rangée, hm, ça peut être une motivation.

“Au rythme où tu vas, le verre sera pas de trop…” commenta-t-il sans bouger de sa chaise, s'installant même mieux, son coude s'appuyant sur le dossier de la chaise, son corps occupant plus d'espace, avec une nonchalance même pas feinte.

C’était mal le connaître que de croire qu’elle allait l’intimider. Au pire quoi ? Au pire ils allaient en venir aux mains ? Aux sorts ? Et après ? Il aurait quelques cicatrices de plus. Il n’était plus à ça près. Et puis, ça passait le temps que de lui tenir la jambe. Et les autres connards pourraient pas l’accuser de ne pas avoir essayé.

“C’est quoi qui te dérange dans ma présence ? T’aurais préféré te faire draguer par un mec, c’est ça ? Ou c’est parce que je suis trop basanée ?” continua-t-il en buvant une gorgée du breuvage.

Quitte à se faire jeter, autant avoir insisté un peu. Il se préparait déjà à esquiver un sort ou un coup. Quelque chose dans ce goût-là. Il avait l’habitude de se protéger vite et sans baguette, la culture africaine des sorts informulés avait son avantage… Et puis les baguettes, c’était vraiment très occidental comme concept.

Oh quelqu’un ? Ce n’était pas mentionné dans les informations des Death Wings. Un colocataire ? Un frère ? Une soeur ? C’était un mystère à élucider. Il s’en occuperait. Au moins, on ne pourrait pas lui reprocher de ne pas avoir glané de nouvelles informations. C’était déjà ça. En réalité, il se pensait bien plus doué pour récupérer des informations que pour recruter qui que ce soit.

“Au moins il y a quelqu’un pour se soucier de vous…”

Est-ce qu’il y avait une pointe de jalousie dans ces mots ? Peut-être. La solitude pesait parfois un peu à Mthunzi. Mais c’était une compagne de toujours. On ne s’était jamais vraiment soucié du bâtard. A la limite, sa famille était presque plus fière de lui maintenant qu’il frayait avec des extrémistes qu’avant. Ce qui en disait long sur l’importance qu’ils lui donnaient. Il était bon pour nettoyer le monde des gens comme lui, des impurs.

Bon au moins, il avait visé juste en choisissant cette apparence là pour la mission. C’était déjà ça. Même s’il haussa un sourcils. Mouais. La comparaison au chocolat, on la lui faisait un peu trop souvent pour qu’il l’apprécie. Pour lui, c’était à la limite du respect. Est-ce qu’il comparait tous les blancs à de la crème fouettée, sérieux ? Mais il ne dit rien. Il se contenta d’hausser les épaules. Il comprenait pas non plus en quoi une femme était plus souple… Ils n’avaient pas dû croiser les même femmes !

“Si tu deviens trop désagréable, j’ai des jambes, je peux marcher jusqu’à une autre table. C’est gentil de t’en soucier, Déborah.”

Il lui dédia un sourire, un peu charmeur. Faisant tourner sa boisson dans son verre. Lui ne comptait pas boire à outrance. Il devait être assez alerte pour savoir quand reprendre du polynectar et c’était parfois compliqué de savoir quand son apparence change.

Au moins, sa cible avait l’air de se laisser un peu amadouer par son manège. C’était plus facile que prévu… C’était fou comme c’était simple même. Il y avait anguille sous roche. Il préférait ne pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir… converti.

“Ce serait simple si c’était ça… Mais je note pour la consolation…” ricana-t-il à sa proposition. “Non, je crois que je bois pour oublier la mort. On perd tous des proches non ? Mais parfois, les circonstances paraissent tellement injuste… J’ai perdu mon cousin il y a peu, il était comme un frère.”

C’était plus simple de dire des demi vérités pour avoir l’air sincère.

“Et toi ? Chagrin d’amour ?”

Franchement, s’il avait vraiment eu le choix de sa compagnie, il ne serait pas là. Il aurait sans doute été gratté à la porte d’un italien qu’il appréciait plutôt bien. Ou ailleurs. Mais clairement, pas ici. Il n’aimait pas franchement se bourrer la gueule avec des alcooliques. Mais bon, il avait pas vraiment le choix. C’était sa mission. Il aurait quand même aimé choisir autre chose comme mission. Genre, un domaine où il soit bon. Il avait pourtant quelques domaines d’expertise quand même, mais non, fallait qu’on l’envoie… pécho une dépressive alcoolique psychopathe.

“Mais j’aime bien prendre mes décisions par moi-même… Et puis qui écoute un barman ? Franchement, on a plus tendance à les assommer de nos problèmes que les écouter…” lâcha-t-il avec un air sarcastique.

Là, c’était lui qui allait se faire assommer, il savait qu’il allait vers le sentimentalisme. Il allait apprendre ce qu’il savait déjà. Il prit quand même un air intéressé, écoutant attentivement. Il prit un air désolé. Grimaçant légèrement à l’évocation des moldus. Comme pour acquiescer aux insultes. Il tendit une main, la posant sur celle de la jeune femme, avant qu’elle ne boive au goulot de sa bouteille. Elle allait être vraiment chargée en alcool… C’était à se demander comment autant d’alcool tenait dans un si petit corps. Il espérait qu’elle finisse pas par vomir.

“Je suis désolée… Ces putains de moldus devraient pas pouvoir nous atteindre…”

Mouais. Il y avait peut-être mis un peu trop de conviction ? C’était franchement difficile de savoir comment dire ça ? Surtout quand on en pense pas un traître mot. Au final, il trouvait surtout les moldus inintéressants. Il se foutait bien de ce qu’ils faisaient.

“Toi aussi… Et ils vous ont volé ça… Tu as pu la venger ? Ceux qui disent que ça sert à rien n’ont jamais eu à vivre ça… La vengeance, c’est la seule chose qui nous laisse un peu vivant.”

Hm, ça par contre, il le pensait vraiment. Il ne vivait que pour cela. Pour venger son cousin. Même si cela s'apparenterait à courir après une chimère depuis toutes ces années… Là, il n’avait pas à feindre la conviction. C’était son credo. La vérité dans le flot de conneries.

Eh bien, c’était une philanthrope, elle écoutait ces pauvres barmans. C’était bien la seule. Elle méritait presque la canonisation pour un tel acte. Ou pas. Rolala. Qu’est-ce qu’il en avait marre de cette foutue mission. Pourvu que ça finisse vite. Echec ou non, il en avait marre d’être là au milieu des ivrognes à jouer les âmes compatissantes. Et en plus, le charme avait pas l’air de fonctionner si bien que ça, vu comment elle avait viré fissa sa main. Roh putain de bordel de merde, ça l’emmerdait tout ça. Mais bon, faut bien faire semblant d’être un minimum concerné pour se rapprocher.

“Et t’as… t’as pas envie de te venger complètement ?”

Enfin, quand elle sera plus complètement ivre. Elle faisait comment pour pas être déjà morte d’une maladie quelconque attaquant son foie ? Mthunzi savait la magie efficace pour pallier aux mauvaises habitudes de vie, mais bon, là, c’était du suicide cette consommation d’alcool. En fait, elle n’était peut-être pas assez courageux pour mourir dignement et rejoindre sa dulcinée au paradis des gens heureux.

Au moins, avec de tels clients, le chat noir ne risquait pas de faire faillite. Alors que lui n’avait même pas encore fini son premier verre. Il se sentait un peu… économique d’un coup. Il n’en recommanda même pas un. Il devait rester maître de lui-même. D’ailleurs, un coup d’oeil à la montre à son poignée lui indiqua qu’il allait bientôt devoir faire un tour aux toilettes pour prendre une nouvelle dose de polynectar pour assurer la sécurité…

“Moi ? Hm… Pas encore… Mais disons que je sais que ce sera bientôt vu mes connaissances… La vengeance est un plat qui se mange à point ? C’est pas ce qu’on dit par ici ?”

Il prit une gorgée de son verre. Une petite. Et se leva.

“Si il est vide, je saurai que c’est toi…” lâcha-t-il avec un sourire un peu moqueur.

Puis il prit tranquillement la direction des toilettes. Il sentait ses doigts le picoter un peu. Heureusement qu’il n’avait pas tardé plus. Quand il poussa la porte des sanitaire, il sentit les cheveux rétrécir dans son dos, ce qui précipita un peu son entrée. Il s’enferma et ne tarda pas à reprendre une fiole de potion. Putain que c’était dégueulasse. Il avait beau y être habitué, c’était quand même d’un goût inqualifiable. Il patienta quelques secondes que les effets passent. Il sortit, se mirant dans le miroir. Il aimait bien cette gueule là. Il se lava les mains et revint vers la table.

“Alors, j’ai manqué une bouteille ou t’as ralenti le rythme pour m’attendre ?”