Il avançait à pas de loup parmi les rayonnages, retenant son souffle. A chaque fois qu’il dépassait une rangée d’étagères il balayait l’espace d’un mouvement fluide de sa baguette, prêt à riposter au moindre mouvement suspect. L’endroit était plongé dans une pénombre quasi-totale, seulement troublée par l’éclat de la lune à travers les grandes fenêtres ouvragées et, ici et là, par la lueur d'une bougie abandonnée sur un bureau qu’on avait oublié de souffler en partant, probablement plusieurs heures plus tôt. La mâchoire serrée, l’œil implacable, il arrivait au fond de la pièce, non loin des escaliers qui conduisaient aux étages supérieurs. Un bruit attire son attention, il se stoppe. Comme du papier que l’on froisse. Étrange, très étrange… Ça vient de derrière lui. D’un mouvement souple il se coule dans l’ombre d’une colonne et jette un coup d'œil prudent. La chose ne semble pas l’avoir repéré, elle est assise à une table et lui tourne le dos. Elle n’a pas l’air d’être morte, mais pas tout à fait l’air d’être vivante non plus. Il fait quelques pas feutrés dans sa direction et lui enfonce la pointe de sa baguette dans le gras du bide. Pratiquement aucune réaction, un grognement maussade, un regard torve qui se lève quelques secondes vers lui, et la créature est de nouveau absorbée dans la contemplation de son parchemin. Sûrement sous l’emprise de l’Imperium, la pauvre. Mais il n’a pas de temps à perdre pour l’instant, il doit continuer.
Il allait reprendre son exploration quand une main décharnée se pose soudainement sur son épaule, manquant lui arracher un cri suraigu à faire trembler toute la bibliothèque. C’était Tanner. Il avait oublié qu’il l’avait envoyé garer leurs balais quand ils étaient arrivés. Nom d’un botruc tachycardique, quelle frayeur ! Sans s’en rendre compte il s’était adossé à une étagère, pantelant, et il prenait son pouls, les yeux fermés. Cent quatre-vingt-douze. Il allait peut être survivre. La face lunaire de Dougy Tanner l’interrogeait silencieusement, et il lui fallait convoquer toute la force morale à sa disposition pour ne pas lui planter sa baguette de cornouiller dans le tarin. Mais la mission passait avant tout. Aussi, il lui explique la marche à suivre à l’aide du code qu’ils avaient mis au point : index et auriculaire vers le bas, trois tours de poignet (sans anti-horaire), index et majeur joints qui s’abattent vers l’avant, deux fois. Tanner acquiesce et disparaît dans un souffle. A nouveau, Bonaventure se retrouve seul face au danger. Enfin, pas si seul que ça puisqu’une personne traverse l’allée en chantonnant.
N’écoutant que son courage, il bondit hors de sa cachette, la plaque à moitié, de sorte qu’ils finissent à couvert sur le cul derrière un bureau en acajou massif. Avant qu’elle ait pu dire le moindre mot, il met un doigt devant ses lèvres, la fixant de son regard ténébreux. Quand il est rassuré qu’elle ne va pas trahir leur présence en beuglant comme un veau, il se décide à l’interroger : annulaire gauche tendu vers la droite, pouce vers le haut, deux fois, trois tapes sur la tête. Tronche de mérou, elle capte rien. Merde, il est tombé sur une civile, elle connaît pas le code. Tant pis, il va devoir improviser. Ça tombe bien, c’est dans son sang. Il chuchote : « Ils sont où ? » Quelle réactivité ! Ce mec est un vrai pro, ça ne fait aucun doute.
Accueil 
Sujet: BOlieve me, I'm a professional. [Ft. Hope] 
