“Il y a un chant endormi dans toutes choses qui rêvent sans fin et le monde se mettra à chanter, si tu trouves le maître mot.”
Tout commence enfin à rentrer dans l'ordre. Drew a l'impression de sortir la tête de l'Eau, comme un futur noyé qui trouve la surface à la dernière seconde. Il respire enfin. Plus de poids si lourd sur sa poitrine qu'il avait l'impression d'étouffer. Plus besoin de penser à tout, et surtout à des choses horribles, ou douloureuses pour lui. Plus besoin de faire attention dans son propre chez-lui, maintenant, il habite avec Brad. Plus besoin de subir les regards glacials de son ancien meilleur ami. Et enfin, enfin, son coeur est un peu plus libre de son fragment d'histoire avec Swann. La vie reprend son cours, il a fait le deuil de ses relations, de son ancienne amie Alcyone. Il a apprit à vivre avec cette angoisse qu'on puisse s'en prendre à Ben, ou à lui. Il apprend à se relever, un jour après l'autre, un pas après l'autre. Et les vacances sont arrivées. La fin des cours, la fin des examens, qu'il a réussit. Certains avec brio, d'autres sur le fil du rasoir. Mais il a réussit. Ses journées passées à étudier, tous ces efforts en un an, tout a finit par payer. Et c'est tellement rassurant pour lui, de se dire qu'il ne lui reste plus qu'un an à travailler dur, avant d'enfin avoir un diplôme qui lui plait. Un diplôme qui lui permettra d'ouvrir une serre. Son backup, son plan B si le groupe ne décolle pas. Et même le groupe commence à prendre son envol. Ils doivent faire avec des concerts de plus en plus fréquents, et ça n'est pas pour déplaire au chanteur. Il espère que ses amis sont aussi contents que lui.
Pour toutes ces raisons, son coeur est plus léger. Il sourit de nouveau plus facilement, sans avoir besoin de se forcer. Il sort plus souvent, maintenant, il a le temps. Alors ce jour là il a décidé d'aller se promener dans les serres de la MUL. C'est un endroit qu'il apprécie particulièrement, parce qu'il prend des inspirations pour celle qu'il veut ouvrir. Il expérimente un peu aussi, il joue de la guitare toujours au même endroit. C'est sa facon de tester à plus large échelle que dans son appartement. Mais au fond, il a vraiment hâte de faire tous ces tests là où il s'établira. Puis, ce jour là, il a vraiment envie de jouer. Se promener aussi, entre les végétaux. Trouver cette paix que la combinaison de la nature et de la musique arrive à créer en lui. Quelque chose dont il a du mal à se passer. C'est précieux pour lui, si précieux. Alors il pousse la porte de la serre, et il commence à déambuler dans les allées. Il passe sous certaines feuilles immenses de plantes tropicales, laisse courir ses doigts sur certains troncs, et le voilà à se diriger vers son endroit préféré. Il y est presque quand... Une voix chantante parvient à ses oreilles. Il ne peut pas s'en empêcher, alors le voilà à se diriger vers elle. Au détour d'un chemin qui se faufile entre les plantes, il voit une chevelure rousse qui détonne dans ce monde de vert. Un sourire étire ses lèvres et il s'arrête, sa guitare en bandoulière. Il ne bouge pas, ne fait aucun bruit. Drew se contente de l'écouter, absorbé. C'est qu'elle a une belle voix, et un semblant de technique. Ou du moins, c'est l'impression qu'il en a. Il sait qu'il l'a déjà vue quelques fois, mais de là à se souvenir de son nom... Enfin bref. Il l'observe en silence sans la déranger, bercé par sa voix. Et lorsqu'elle semble avoir terminé, ou du moins qu'une pause assez longue laisse mourir sa voix dans l'environnement chatoyant, il se décide à parler.
La fin de l'année était enfin arrivée et Charlize en était terriblement heureuse. Pas qu'elle n'aimait pas la période scolaire, au contraire, mais parfois on a besoin d'une légère pause pour se ressourcer et se recentrer. Et ces temps, c'est ce que la rousse avait besoin de faire. Après tout les évènements de cette année, elle en avait vu de pas mal de couleurs. Le déménagement en début d'année, le début de colocation avec Corwin, Toeris qui avait rejoint la coloc, les disputes qui s'en étaient suivies, la rupture difficile entre les deux femmes...Puis, sa nuit accidentelle avec Corwin, l'ouverture de sa nouvelle boutique...Et enfin, Jessy. Comment cet homme avait pu lui faire tourner la tête aussi vite? Et dire qu'il s'était également associé à son père pour lui organiser une fête surprise...sans que celui ne soit au courant de la nature de leur relation et qu'elle-même ne le sache en ce jour. Mais quelle était cette relation d'ailleurs? Il était son professeur et à la fois tellement plus.
En sa présence, elle se sentait redevenir une gamine de 15 ans qui découvrait l'amour et à la fois une adulte mûre et sûre de ces choix. Elle qui s'était interdit de braver les interdits justement, c'était râper. Et si tout cela était sûrement superficiel? Après l'été, il remettrait sûrement les pendules à l'heure et lui dirait au revoir... Mais il y avait encore le festival de fin d'année..
Ce jour, Charlize s'était rendue aux serres. Pour arroser, observer et surtout se vider la tête. C'est souvent ce qu'elle faisait de mieux, s'occuper des plantes. Bien que récemment on lui avait bien rétorqué qu'elle ferait un très beau mannequin, la Ollivander était bien plus intellectuelle qu'elle ne le paraissait. Si elle voulait que sa boutique marche, il fallait qu'elle travaille dur et c'est ce qu'elle faisait.
C'est donc inconsciemment que l'étudiante se mit à chanter en arrosant quelques plants de bulobub. Une vieille chanson que son père lui chantait souvent. La musique était d'ailleurs relativement présente dans la maison des Ollivander. Un vieux tourne-disque qui datait de bien avant les différentes guerres trônait dans le salon et on entendait souvent raisonner quelques notes de jazz ou de ballade. Les parents de Charlize aimaient aussi danser. La rousse se souvenait encore quand Corwin et elle ont reçus un tourne-disque pour leur appartement l'année passée. L'étudiante avait insisté pour le mettre dans le salon et elle aussi avait tenté d'apprendre à danser à son compagnon. Pas un franc succès, mais un bon moment de fou rire.
Ce qu'elle ne s'attendait pas vraiment, c'était d'entendre une voix à la fin de sa chanson, la complimenter. Elle se retourna alors déposant son arrosoir sur le bord. Soulevant un sourcil, elle ne sembla pas vraiment reconnaitre le jeune homme à la guitare. à vrai dire, ils avaient déjà du se croiser, mais la rousse était bien trop mauvaise pour la mémoire des prénoms.
- Merci, mais je ne m'attendais pas à de la compagnie!
Elle eut un rire, avant de sourire à son interlocuteur.
- Mh, vu ta guitare, tu dois faire de la musique? Les plantes t'inspirent?
“Il y a un chant endormi dans toutes choses qui rêvent sans fin et le monde se mettra à chanter, si tu trouves le maître mot.”
C'est le genre de moment un peu suspendu hors du temps qui plait beaucoup à Drew. Il n'a pas besoin de s'en faire, pour rien, pas besoin de réfléchir ou de trop penser. Il peut juste se laisser aller. Et ça se voit sur son visage, qu'il est content d'être là. Comme bien souvent, un large sourire strie sa face et étire ses lèvres autant que possible. Parce que c'est comme ça avec Drew, quand il est heureux, il n'arrive pas à le cacher. Quand il est triste aussi, d'ailleurs. Ca se voit mal sur son visage, mais ça s'entend dans sa musique. Il est facile à lire, si on fait attention à lui et si on le connait un peu. Et si même Swann qui ne le connaissait pas par le passé avait réussit à deviner son désespoir dans ses chansons, n'importe qui ou presque pourrait s'en rendre compte. Et ce jour là, il est léger, heureux, et ça se voit. Son regard court un peu autour de la jeune femme, s'accrochant à une feuille, glissant le long d'une tige. Puis il essaie de se concentrer sur elle de nouveau. Il n'est pas vraiment doué, dans la concentration. Son attention est souvent happée, fugace comme une brise de vent. Elle lui dit vraiment quelque chose mais impossible pour lui de se remémorer pourquoi ou son prénom. Tant pis, elle n'a pas l'air de savoir qui il est non plus. Il n'aura donc pas trop l'air idiot, pour une fois. Quoi que... Il lui sourit encore, d'ailleurs. Est-il capable de ne pas sourire, ce jour là? Il ne sait pas trop.
― Je viens souvent dans les serres, mais c'est vrai que je croise rarement du monde moi aussi. répond-t'il en souriant, amusé par sa réflexion. C'est vrai que c'est tout de même assez rare de croiser des âmes humaines par ici. La taille assez importante de la serre n'aide pas non plus à concentrer les êtres de passage au même endroit. Son sourire se fait plus éclatant encore, si c'est possible, quand elle lui parle de sa guitare. Oui je suis musicien et chanteur! commence-t-il, bien trop heureux de discuter de ça. J'aime beaucoup l'ambiance qu'il y a ici. Les plantes étouffent un peu le son et en même temps, ça fait très cocon. Et j'essaie d'étudier les effets de la musique sur les plantes, alors... Ca me plait bien d'être ici! Et toi? Tu chantes, mais est-ce que tu joues d'un instrument? Il est curieux, c'est son sujet de prédilection!