Picture Perfect ‖ Connor

La sociabilisation n'a jamais été le grand fort du jeune homme qui se préparait devant le bout de miroir, l'air on ne peut plus dubitatif. Déjà en temps normal. Mais sans obligation préalable, on pouvait dire qu'il évitait de se mettre dans ce genre de situation à moins d'un article, d'une piste sur ses recherches, ou d'un ordre de son patron. Sauf que là, depuis peu de temps, il n'en avait plus, de patron. Ni de patronne, ni rien. Etre son propre boss, il en avait rêvé oui... mais pas si tôt dans sa carrière. Et en même temps, il était impensable de rester à la Gazette du Sorcier vu ce qui s'y tramait. Les gros titres se faisaient de plus en plus tapageurs, les mensonges réguliers, et ses tâches ? Après le coup de l'interview de mannequin, des rubriques de niffleurs écrasés... qui sait où ça aurait pu finir. Après une grosse, grosse engueulade qui avait fait le tour des bureaux, il avait fait ses cartons et était parti en claquant la porte.

Il était donc sans revenu. Sans job, et avec le pire caractère pour quelqu'un qui cherche à être embauché où que ce soit d'autre. Autant dire que la tête qui s'affichait dans le miroir ne lui donnait pas tellement confiance pour la journée.

Une seule chose positive dans tout ça ? Son nouveau matelas. Acheté non pas pour lui mais pour un certain botaniste. Il n'allait pas regretter ça parce que rien que pour la joie (n'allez surtout pas lui dire) de le voir débarquer pour le tester ça valait le coup mais financièrement... pire idée de sa vie. Une autre mauvaise idée ? Aller acheter un cadeau pour le dit botaniste pour une fête on ne pouvait plus mercantile. Et stupide et surfaite et... berk. Et en même temps, pour la première st Valentin de sa vie, il allait être obligé de faire un effort non ? Même si Noah avait dit qu'il ne voulait rien. Enfin rien d'autre que des choses que Connor se refusait de prononcer à voix haute. Mais le rouquin savait que c'était faux ! Les gens normaux (les gens autres que lui donc) disaient des choses comme ça alors qu'en vrai ils espéraient, voulaient, ou seraient heureux de recevoir des cadeaux ! Et il s'avérait que pour une fois, il avait une idée pas si mal que ça.



Ne croyez pas qu'il n'était pas à l'heure pour la dédicace. Le rouquin est toujours à l'heure, mais il a horreur de la foule, sauf quand il peut la maîtriser d'un sujet. Là, il fait profil bas et laisse les gens passer pour rencontrer le fameux Orion Lecoeur. Fameux, oui, parce que même Connor appréciait son travail. Pour l'occasion il avait pris son appareil avec lui d'ailleurs. Pas pour parler photo particulièrement, déjà parler, hein, ça allait demander un effort. Mais pour prendre en photo le lieu et l'auteur qui signait sans se rendre compte qu'il était le sujet d'un cliché ou deux. Qu'Orion soit Cracmol ? Il n'en a rien à faire. Il est de ceux qui ne fait pas la différence tant que le travail est bon, et son livre sur ses clichés en Amerique du Sud l'est justement. Les lieux sont en train de se vider quand clairement, sa crinière l'a trahi et il se sent bien coincé, là, avec le livre qu'il venait tout juste d'acheter.

« Hi. »

Il sorti, coincé comme pas deux. Pourquoi on lui pose des questions ? Est-ce qu'il a une tête à faire de la photo récréative ? Il a l'air un peu renfrogné.

« I'm not... like you. I mean I take pictures but it's for work mostly, I'm a journalist, see. Was. »

Il était tendu et un peu sur la défensive. Comme il était souvent quand il parlait à des gens qu'il respectait pour leur travail (comme Noah, quoi, ou Pandora) et ça ne ressortait pas toujours comme positif vu son air renfrogné il le savait mais... Il n'y pouvait pas grand chose !

« I like your work though ! The composition is always good and you never over use exposure or dramatic shots it's... Well... but today I'm here for a friend. »

Friend ? Vraiment Connor ? Bon, pour le coming out on repassera, désolée Noah.

***
Bjour.
Je ne suis pas comme vous. Je veux dire, je prends des photos mais c'est surtout pour le travail, je suis journaliste, voyez. Enfin étais.
J'aime bien votre travail! La composition est toujours bonne et vous ne surexploitez jamais l'exposition ou les prises de vues dramatiques c'est ... euh ... enfin aujourd'hui je suis ici pour un ami.

Le rouquin était tellement à des kilomètres de penser à l'extraction du sorcier, ou même du fait qu'il soit Cracmol. S'il y a bien un défaut qu'il n'a pas c'est celui là, alors qu'il pourra vous reprendre ou vous critiquer sur bien d'autres choses. Oh oui, bien trop d'autres choses. Comme le fait de dire que la photography c'est fun. C'était vraiment un professionnel, qui lui disait ça ? Il haussa un sourcil, incertain de si on se moquait de lui ou pas mais ne préférant pas se prononcer trop vite. Même chose pour la question qui concernait sa profession. Est-ce qu'on arrêtait vraiment d'être journaliste parce qu'on avait claqué la porte du plus grand quotidien sorcier ? Enfin, ça ou on l'avait mis dehors, comment savoir ce qui s'était vraiment passé vu l'explosion qui avait eu lieu dans les bureaux ce jour là, hein.

« You could say that. »

Il dit, en regardant ailleurs pour éviter de montrer qu'il était embarrassé. Il tendit le livre qu'il venait donc d'acheter en réfléchissant. Merde, il n'avait pas pensé à ça.

« I... don't know. I know he likes your work. I know I do. He's kind of a nature and plants specialist so... maybe something about that ? I know you take a lot of scenery and wildlife pictures, you... you must know something. »

Et s'il n'avait pas d'idée, alors, Connor était foutu. Il suivi lentement le photographe vers la table de dédicace, sans un mot sur le fait qu'il l'embêtait probablement alors que la séance était finie (vous le voyez faire la queue poliment avec les gens, vous ?). Il faut dire que si ça avait été pour lui, il n'aurait probablement pas fait ça. Connor regardait l'affichage qui avait été sorti pour l'occasion. Non vraiment, le travail d'Orion Lecoeur avait quelque chose de fascinant. Il ne capturait pas beaucoup là nature, lui. Pour le travail, il s'agissait d'avantage des gens. Et comme on l'avait établi plus tôt, il ne faisait pas beaucoup de clichés "pour le fun" mais... Il avait mis la main sur un appareil Moldu, parce que ça avait un charme différent, et il s'était essayé, un peu. Pas vraiment des portraits, des photos de situations, prises sur le vif par son oeil observateur de loin.

« Noah. »

Il dit, non sans sentir ses oreilles prendre un bon coup de chauffage. Si Orion était observateur, il était foutu. Damn. Pourquoi fallait-il qu'il ait encore des réactions comme ça dès qu'il s'agissait du botaniste, c'était pas possible là ! Il se racla la gorge, tout en prétextant un intérêt fou pour une étagère dans la librairie pour éviter de croiser le regard de l'autre homme. Et puis, il se rappela la seconde raison qui l'amenait là. Prenant son courage à deux mains, il lui refit face, d'abord pour le remercier et pour ensuite lui poser la question avec un problème de souffle évident.

« I was wondering... If you... I know I said I wasn't having "fun" per say, taking pictures but I'm not that bad at it, do you know if there's any opening in the magazines you've been working for ? »

Il finit d'une traite, ses oreilles se remettant à rougir violemment.

« I'm looking for a job. Any job, I mean, that wouldn't imply selling my soul to a... You see what I mean. »

Il conclut. Déjà, il savait parfaitement que critiquer ses anciens n'employeurs n'était pas le meilleur moyen de se faire des amis, ni de trouver un travail, alors il devrait mieux tenir sa langue. Ensuite... Non. C'était mal barré, là. Mais il aurait essayé ? Bientôt il n'aurait plus que son matelas pour pleurer, puisque le propriétaire de son mini studio chemin de Traverse allait le foutre dehors. Il aurait pu demander à Noah de l'héberger, me direz vous. Mais c'était sans compter la fierté dont faisait preuve le renardeau qui cherchait à tout prix à prouver qu'il pouvait être indépendant. Pas facile, quand on a la langue trop bien pendue et des principes, de nos jours. Et puis il se rendit compte qu'il n'avait pas donné son nom. Avec un peu de chance, il pourrait recommencer à zero, avec une autre identité, au pire. C'était l'avantage d'être Metamorphomage.

***
On peut dire ça.
Je ne sais pas trop. Je sais qu'il aime votre travail. Je sais que moi en tout cas oui. Il est un peu spécialiste de la nature et des plantes alors ... peut-être quelque chose à ce sujet? Je sais que vous prenez beaucoup de paysages et d'animaux en photo, vous... vous devriez avoir une idée.
Noah.
Je me demandais ... Si vous ... Je sais que j'ai dit que je ne m'amusais pas vraiment quand je prenais des photos mais je ne suis pas si mauvais, vous sauriez s'il y a une ouverture dans les magazines où vous avez travaillé?
Je cherche un job. Tout emploi, je veux dire, qui n'impliquerait pas de vendre mon âme à des... Vous voyez ce que je veux dire.

Qu'on ne se méprenne pas, ça n'est pas parce qu'il est extrèmement timide en certaines occasions comme celle ci, et qu'il est en plus dans une merde noire financière qu'il n'est pas sur ses gardes le chaton. Enfin. Sauf quand on lui demande d'épeler le nom de son petit ami. Il le fait, avec reluctance parce que merde qui ne sait pas écrire Noah (on se calme Coco) et surtout parce que ses oreilles chauffent décidément beaucoup trop, avant de remercier l'auteur du livre photo. Etre ronchon n'empêche pas d'être poli n'est-ce pas. Et le rouquin avait vraiment travaillé dessus ces dernières années. Pas seulement pour obtenir quelque chose, entendons nous bien ! Mais aussi parce qu'il s'essayait aux conventions sociales. Il parait que c'est important, tout ça tout ça. Bref.

Il s'était redressé, quand Orion Lecoeur avait répondu à sa requête, l'oeil alerte. Est-ce qu'il était vraiment en train de lui donner une chance ? Enfin, une chance d'avoir peut être une chance, ce qui était mieux que rien du tout ! Il range le livre dans sa sacoche (qui semble curieusement ne pas avoir de fond) et refait face à l'autre, tout de suite moins timide qu'avant.

« I know I need to work, that's all that counts ! »

Il répondit, sûr de lui. Oh, clairement, ce milieu était tout sauf le sien. Connor était un journaliste, intègre -s'il en restait encore- et avide de connaissance et de vérité. Pas de paillettes, pas de mensonges ni de faux semblants avec lui et... il savait que c'était précisément ce que cherchaient la plupart des papiers, sorciers ou non de nos jours.

« I'm good, I swear. And if they don't like me I won't tell them you gave me the tip. Can I... »

Il réfléchit à toute vitesse. Ce qui se faisait, dans ces moments là, c'était d'offrir un service en échange pour remercier la personne. Une fois que le nom serait donné et qu'il aurait obtenu le job, bien sûr. Faut pas déconner. Mais si ça marchait... qu'est-ce qu'il pouvait bien proposer, franchement ? Il n'avait pas grand chose. Par contre, Orion était depuis plus longtemps que lui dans la photo et dans les magazines. Et autant que Connor aimait se débrouiller seul et n'avoir à répondre à personne, ne rien demander aux gens... Il était bien obligé de faire preuve d'un peu d'humilité, là.

« Offer you a coffee or something ? You could tell me how you work and what I have to know if I wanna work for them and such. »

Bon, il ne sait pas forcément mettre les formes, mais il essaie ! Et c'est déjà mieux que ce que d'autres ont reçu jusqu'ici. Peut être que l'admiration qu'il a pour le travail (le vrai, hein) d'Orion pèse un peu dans la balance, qui sait. Il attendait, expectatif et prêt à se prendre un râteau, la décision de l'autre. Auquel cas il allait devoir aussi calculer ce qu'il allait pouvoir bouffer cette semaine en fonction du prix de ce que l'autre allait consommer.

Connor n'a aucune idée de tout ce qui se calcule dans la tête d'Orion, et il garde la tête haute, la mine aussi peu renfrognée qu'il le peut volontairement (c'est à dire pas beaucoup plus de d'habitude, mais il essaye!), dans l'expectative. Il n'a aucune raison de croire qu'Orion n'ait pas envie de filer un coup de main à un "collègue" même si, comme il l'avait expliqué, il était plus journaliste que photographe. Il était loin de lui faire de l'ombre, si c'était la source de son hésitation. Et Connor savait que le milieu -celui là mais pas seulement- était suffisemment sauvage pour qu'on vous mette des bâtons dans les roues volontairement. Et d'un autre côté, son pessimiste concernant le genre humain (et sorcier, et pas que) lui sussure aussi qu'il n'a aucune raison de croire qu'Orion ait envie d'aider un parfait inconnu comme lui. Même s'il n'était pas renfrogné et qu'il demandait poliment. De tout son parcours, il avait tellement du se battre quotidiennement, il n'avait jamais rien eu d'acquis, n'avait reçu que peu de coups de main... Bref, il était dans le flou total et n'aimait que trop peu cette sensation d'attente. Mais il se devait de faire cet effort. Il ne voulait pas perdre l'appartement qu'il avait réussi à dégoter à la sueur de son front et qu'il se battait chaque jour pour garder. Son chez lui, qui prouvait son indépendance.

Son visage s'éclaira visiblement en voyant que son interlocuteur acceptait sa proposition. Il n'allait pas lui dire merci non plus, mais c'est de la reconnaissance qu'il ressentait en ce moment, surtout quand ce dernier accepta de payer. Avait-il deviné l'état de ses finances, ou était-il aussi fier que Connor ? Qui sait. Ce dernier émit un petit grognement en l'entendant l'appeler "l'ami de Noah" -même si c'était sa faute pour ne pas s'être présenté, oui oui.

« Connor. Egern. »

Il répondit, en passant la porte de la boutique et en remerciant le libraire (si t'es pas joli soit au moins poli, hein ?). Une fois dehors, il chercha un moment son chemin. Même s'il parcourait allègrement le Londres sorcier ET moldu il était quand même majoritairement dans le premier, et il lui fallu un moment pour retrouver le chemin d'un internet café où les gens étaient suffisamment calmes pour qu'il aime y travailler. Une fois la porte poussée, il commanda le café le moins cher de la carte, et leur chercha une place dans un coin tranquille pour discuter. Il avait gardé sa plume préférée -offerte par Noah bien évidemment- et avait sorti son vieux stylo plume qui rendait un peu l'âme mais avec lequel il avait fait beaucoup de chemin aussi, et un carnet. C'était une habitude, il n'allait pas harceler Orion de question. Enfin. Rien n'était moins sûr.

« Was that your first signing session ? »

Il demanda, curieux.

« Now that I think of it, was it your first published book too ? »

Il demanda. Parce que ça se faisait, de demander des choses à son interlocuteur, avant de demander un service, y paraissait. Voyez, il connait les conventions sociales ! Et puis, Connor était d'avantage intéressé par son travail perso que par ses photoshoots de superstars... La dernière fois qu'il avait essayé ne s'était pas extrêmement bien passé. Si bien qu'il hésitait à prendre un pseudonyme et une autre apparence pour les prochaines, c'est dire.

Orion allait se prendre un haussement de sourcil accusateur, s'il commençait à offrir des pâtisseries par pitié. Et encore il avait de la chance, ça n'était pas Isleen, que le rouquin connaissait maintenant suffisamment pour l'insulter publiquement. Mais qu'on lui foute la paix, merde ! Oui, il avait pas de thune, et alors ? Il n'en veut pas, de votre charité ! Il ne veut rien devoir à personne. Déjà qu'il a vachement de mal à demander un service, là ! Autant dire qu'il ne va pas y toucher, là. Peut être, si Orion s'en va le premier, qu'il la prendra quand même. Comme un renardeau méfiant quoi. Et comme un renardeau méfiant, il boit son café sans trop lâcher l'autre des yeux, à part pour dire un "oh je vois" quand ce dernier lui explique qu'il n'en est pas à son coup d'essai. Et à bien sur piquer un léger fard en voyant l'autre rire -pour se moquer, bien évidemment !- à sa question. Quoi, il est sensé tout savoir, peut être ?! Oui bon certes d'habitude il fait ses recherches avant, ce qui lui évite ce genre d'humiliation. Mais il ne voit pas ce qu'il y a de si amusant.

« I've been hired like a year ago. A bit more maybe. »

Il se souvenait de façon assez vivace de son entretient de stage auprès de Pandora Flemming. Pandora sous une autre apparence, bien sûr, qui lui avait tendu tous les pièges possibles pour le faire sortir de ses gonds (et qui avait réussit, bien sûr). Il en avait parcouru du chemin depuis. Surtout depuis que cette dernière avait quitté son poste pour prendre soin d'elle suite à des pertes personnelles. Il allait encore la voir, de temps en temps. Une des rares personnes avec Noah qui avait son respect éternel, probablement, malgré vents et marées.

« I was just a trainee, but I got my boss's job when she left. But then it became... Well. You know how it is now. »

Il conclu, agacé. Il surveillait toujours Orion du coin de l'oeil pour voir son avis sur la question. Des fois qu'il ait un autre style d'opinion, hein, on est jamais à l'abris.

« And you ? How come you still work for that paper if you've published so many books now. »

Il dit, non sans un brin d'ironie. On sent que Connor n'a pas aimé qu'on lui rit au nez -même si la joueuse sait que c'était mignon- et qu'il manie un brin d'ironie pour le faire remarquer. Oh, il pense toujours que son travail est de qualité, d'autant que si Noah l'aime bien, il se sent obligé de faire un effort supplémentaire. Mais on ne va pas effacer non plus le naturel si facilement. Il boit encore son café, et puis réfléchit un peu.

« What do you think I should... advertise, in my work. I'm more politically engaged than what they're used to publish. »

C'est pas peu dire. Il a déjà fait des essais d'interviews dans des apparences différences, dont celles de jeunes femmes, autant dire que ça ne s'était pas bien fini pour les connards sexistes qu'il avait interviewés. Et ne parlons pas des politiques tout court. Si on le mettait face au premier ministre Sir Crowley, il allait faire un malheur.