De bon augure ‖ Silène

Un de ses camarades de promotion venait de le réveiller. Hmm ? Oh. C’était un nouvel intervenant. Silène avait encore trop peu dormi. Heureusement qu’il n’avait pas ronflé dans le premier cours, mais… Sa feuille n’était anoté que de la date et de l’intitulé du cours précédent. En même temps, les cours sur la réglementation, ce n’était pas vraiment ce qui pouvait maintenir Silène éveillé. Là, au moins, ça avait l’air un peu plus intéressant.

“Tu pourrais faire des efforts pour pas dormir quand même !”

Silène eut un soupir à la remarque du Serdaigle qui semblait s’être donné pour mission de sauver son sérieux.

“Il avait qu’à faire des efforts pour être intéressant le prof d’avant…” grommela-t-il en raturant ses notes précédentes, pour ne pas gaspiller de papier.

Un peu comme ce timide professeur. Nan parce que sa timidité se sentait d’assez loin. Mais il était intéressant. Et puis, amener un animal en classe, c’était se garantir presque à 100% l’attention de Silène. Il avait été fasciné de rencontrer enfin un Augurey. Il avait lu quelques livres sur eux, mais il n’avait pu les voir qu’en photographie ou en gravure, jamais en vrai. Ils avaient l’air si triste et déplumé cet oiseau… Il se sentait presque en empathie avec cet oiseau malheureux. Il se reconnaissait dans son chant mélancolique. C’était assez bizarre, mais il aimait vraiment bien cet animal.

Il avait participé au cours, répondant avec enthousiasme aux quelques questions, s’investissant sur le sujet, noircissant sa feuille de commentaires, de questions, de recherches à faire. Un Silène enfin passionné. Cela faisait un moment qu’on ne l’avait pas vu animé ainsi du feu sacré en cours. Le Serdaigle à côté de lui semblait prendre cette réussite à son crédit. Comme quoi, tous les Serdaigles ne sont pas très perspicaces.

A la fin du cours, il prit son temps pour ranger ses affaires, et se permit d’aller voir l’intervenant. Il avait encore quelques questions à lui poser. Parce qu’il était vraiment captivé par cet animal. Fasciné. Dans son regard, il n’y avait pas de peur, plus une grande empathie. Cet animal, c’était un peu l’animal totem de tous les queers de la terre, non ?

“Excusez-moi… J’aurai juste une question… Vous sauriez si à l’heure actuelle, ils encourent toujours un risque ? Je veux dire, les superstitions débiles, ça a la peau dure… On les tue encore pour cette raison vous croyez ? Les Ministères ne font rien pour les protéger de cette stupidité ?”

Il se laissait un peu emporter par sa fougue, mais c’était si révoltant qu’un animal subisse la stupidité des humains… Les sorciers étaient pas beaucoup mieux que les moldus dans ce domaine là…

La couverture légèrement relevé, Silène eut la chance de voir l’oiseau d’un peu plus près. Il paraissait si triste et décharné… On était loin des volatiles flamboyants, mais il y avait quelque chose de vraiment touchant dans cet animal. Tout le monde ne peut pas briller comme le phénix, heureusement qu’il y a aussi des Augureys dans ce monde, sinon, ce serait insupportable toute cette brillance ! Il écouta le professeur tout en regardant l’animal. Et il releva les yeux, avec cette lueur de révolte si souvent présente dans son regard. Le français avait la Révolution dans le sang, à n’en pas douter, il était bien capable de mener une cohorte de jeunes gens en colère pour faire tomber des têtes pour une cause qu’il penserait juste.

“Les Ministères ne font pas grand chose pour quelque problème que ce soit… Ils sont déjà pas fichu de régler ce qui concerne les nés-moldus, faudrait pas en plus leur demander de protéger des animaux en voie de disparition…” ironisa-t-il amer, avec un sourire sarcastique.

Sa position sur les actions du Ministère n’était pas difficile à deviner. Pour lui, c’était une bonne partie des vendus, et des traditionalistes pas foutus de prendre les bonnes décisions. Suffisait de voir, Loïs travaillait pour eux… Et c’était sans doute loin d’être la pire des pourritures. Mais il n’était pas là pour se lancer dans un débat enflammé sur la nécessité de refondre tout le système politique sorcier… Il eut d’ailleurs un petit “désolé je m’emporte” d’excuse envers son professeur. L’augurey se secoua, et Silène se demanda si c’était sa colère qui avait produit ce résultat.

“Oh pardon… Je lui ai fait peur ?” s’inquiéta-t-il d’un coup plus du tout énervé, juste prévenant et empathique.

Il regarda la plume que le professeur faisait voleter devant lui. Elle était vraiment belle. C’était dommage que les gens ne voient pas cette beauté. Quoique, si un animal est trop beau, on le chasse aussi. Toutes les excuses sont bonnes…

“Oui… Vous avez raison, mais ça paraît des fois tellement dérisoire… Vous… Vous seriez d’accord pour intervenir pour le club de défense des animaux ? Je suis sûr qu’ils seraient ravis de pouvoir observer un Augurey ! Et maintenant que les élèves plus jeunes sont aussi ici, cela vous donnera pas mal de rayonnement… Et puis, je crois que certains sont en journalisme alors… On pourrait peut-être contribuer à leur protection un peu, nous aussi ?”

Il s’emballait peut-être, mais pour défendre des espèces comme celle-ci, il était prêt à s’investir plus que de raison. Et puis, cela lui permettrait de mettre ses propres soucis en sourdine.

Faire rire un professeur. Wow. Joli palmarès Silène. Il était vraiment mignon quand il riait. Il avait cet air timide qui se teintait de joie. C’était drôle, mais ce professeur faisait pas du tout la même impression que les autres. Il paraissait si timide et fragile. C’était mignon. Et non, ce n’était pas une formulation qui signifiait qu’il voulait se le taper. Il avait quand même la décence de ne pas mettre ses profs dans son lit. Ou alors, c’est qu’il sait pas encore que la personne va être son prof. Donc la question ne se posait plus, ici. Fin du débat intérieur. Enfin y’a pas eu de débat, il voulait pas coucher avec lui !

“Ah okay, je suis rassuré… J’imagine que ça a été une rude journée pour lui… Et pour vous aussi, non ?” demanda-t-il attentionné. “Votre cours était super, si ça peut vous rassurer…”

Parce qu’il ne fallait pas être devin pour voir que cet homme avait été stressé pendant tout le cours. Alors qu’il n’avait pas de raisons de s’en faire. Il était vraiment passionnant, et on voyait qu’il aimait son sujet, alors, c’était de suite plus intéressant qu’un prof qui répète la même chose depuis trente ans. Silène récupéra la plume, et la fit tourner entre ses doigts. Il sentait bien que le vétomage avait du mal à parler, ou qu’il était encore stressé. C’était assez triste à voir.

“Oui, oui, j’en fais parti, je suis simple membre, mais… J’arrive toujours à me faire entendre quand je veux qu’un truc marche, vous voyez… Et vous en faites pas, vous êtes super comme prof, et je vais pas vous embêter si vous voulez partir, hein… Vous avez l’air un peu tendu et… J’espère que c’est pas moi qui vous met dans cet état ?”

Il était un peu inquiet, il voulait vraiment pas le mettre mal à l’aise.

“Vous inquiétez pas, j’ai pas un nom commun, tous les professeurs galèrent. Silène Beaumarchais, je suis français.”

Il sourit au professeur, pour le rassurer. Il aurait voulu le serrer dans ses bras et lui dire que tout allait bien, mais c’était assez inconvenant vis à vis de son professeur.

“J’ai toujours apprécié la présence des animaux… Et puis… C’était le seul cursus où j’allais pas m’endormir à tous les cours… Et… Surtout, c’était pour faire chier ma mère… Mais… Mais au final, c’est bien plus positif que ça… Je… Je crois que j’aimerai créer un refuge… Dès que j’aurai les connaissances pour… Il faut encore que je trouve un stage, mais… Je vais bien finir par trouver quelqu’un qui ne fuie pas dès que je m’enflamme pour un sujet ou un autre…”

Il eut un petit rire.

“Vous cherchez pas un stagiaire ?” plaisanta-t-il sans même attendre une réponse.

Silène pouvait être rassuré au moins ce n’était pas lui qui était stressant. Enfin pas en cet instant. Il avait déjà dû rendre des gens nerveux. Genre en draguant un mec qui se revendique full hétéro. Des fois, ils se tendent comme une corde de guitare, c’est assez marrant. Bon, des fois, ils deviennent violent aussi, c’est moins mignon. Mais ce n’est pas le sujet. Oh ! Son nom sonnait bien avec ce petit accent du bout du monde. Silène avait tendance à trouver tous les accents mignons, mais là, avec le visage de ce professeur, cet accent était grave mignon ! A croquer. Et surprenant aussi. Il avait toujours ce cliché du mec baraqué, bûcheron et avec une chemise à carreaux quand on parle de Canada, c’est un cliché qui a la peau dure dans l’esprit du français, hélas....

“Vous ne pouvez pas savoir comme ça me fait plaisir d’entendre du français ! Il y a quelques expatriés comme moi, mais souvent c’est l’anglais qui domine ici… Oh ! Mais quand vous voulez je vous fais pratiquer votre français !”

Et non, ce n’était pas une proposition détournée. Preuve que l’enthousiasme de Silène était innocent. Il était juste vraiment content de parler sa langue maternelle autrement que pour apprendre des insanités aux londoniens. Son enthousiasme était un peu différent quand il fallait expliquer les méandres de son orientation universitaire. Au final, il était plutôt à sa place, non ? Enfin… Parfois, il se demandait si la politique n’aurait pas eu plus de sens ? Pour porter ses idées autrement qu’en ouvrant juste sa gueule à tort et à travers… Peut-être. Mais les animaux, c’était plus simple et plus sain. Sauf quand il fallait trouver un stage… Il était pas très doué pour bien se vendre aux employeurs. Et puis, il avait pas envie de jouer les faux-culs et cacher son tempérament ou ses inclinations -qui se voyaient comme le nez au milieu de la figure-.

Mais pourquoi donc le professeur le regardait-il comme ça ? Comme s’il jaugeait un jambonneau à la boucherie… C’était un peu étrange et surtout comment son sourire s’étirait… Euh… Hein ?! La proposition mis plusieurs secondes à arriver à son cerveau. Il écarquilla grands les yeux. C’était un rêve… Il allait se réveiller. Il y avait un truc qui n’allait pas. Il se pinça discrètement la main. Ah non. Il rêvait pas. C’était une opportunité qui lui tombait dans les bras, comme une bénédiction. Silène voyait presque une auréole brillante se dessiner autour de la tête du professeur.

“Sérieux ?”

C’était le seul mot qui lui venait là. C’était vraiment trop trop compliqué de penser plus de choses. C’était une explosion dans sa tête. Un feu d’artifice. C’était dingue. Son visage s’illumina. Il en avait les larmes aux yeux. La suite le réjouit encore plus. Jude était assez ouvert d’esprit pour accueillir les moldus. Ralala. Il avait beau avoir reculé, Silène fit les pas qui les séparait et outrepassant les règles de bienséance, il serra l’homme dans ses bras. Quelques secondes. Avant de réaliser qu’il s’emportait.

“Pardon… J’aurai pas dû le câlin… C’est juste… C’est une si bonne nouvelle pour moi… Je… Je le referai plus… Pardon… Et ne vous en faites pas, je suis quasiment né-moldu, donc, aucun soucis pour moi ! Du coup… Je peux avoir l’adresse du cabinet ? Il faudrait que je sois là à quelle heure ?”

Empressé, oui, clairement. Mais c’était dans le tempérament de Silène d’être ainsi.

Sous l’effet du câlin, il avait senti le brun se raidir. Note pour plus tard, éviter les contacts physiques avec son maître de stage. Il n’avait vraiment pas l’air à l’aise avec tout ce qui touchait à l’humain et la sociabilité visiblement. Donc, fallait y aller doucement. Vraiment doucement. Histoire de ne pas le brusquer ou quoi. La dernière chose que Silène voulait, c’était le mettre mal à l’aise ou lui faire un quelconque mal. Même s’il ne lui en tenait pas rigueur, les câlins seraient probablement à proscrire.

Il écouta l’homme. Le cabinet Aux Quatre Vents. C’était un nom qui plaisait bien à Silène. ça évoquait un endroit qui serve de refuge à tous les égarés. Il aimait vraiment bien. Il notait chaque mini info dans sa tête. Il se demandait si son professeur soignait différemment les animaux des moldus. Après tout, n’était-ce pas risquer l’omerta concernant l’existence des sorciers ? Il était curieux. il n’allait pas poser toutes les questions maintenant, sinon, ça allait vraiment être très indigeste.

“On a plusieurs semaines en alternance avec les cours si j’ai bien compris, mais si vous voulez, demain, je passerai avec tous les papiers ? Après mes quelques cours, j’en ai pas beaucoup… Et comme ça, je pourrai déjà voir la clinique et me familiariser ?”

Ils convinrent d’une heure de rendez-vous, et Silène laissa le détenteur de l’Augurey et le dit oiseau prendre un peu de repos. Il se rua dans le bâtiment d’administration, et se renseigna -enfin- sur les différents papiers qu’il devait faire remplir à son maître de stage. Il était remonté à bloc. Fini les soirées à errer dans Londres, fini l’alcool à foison, il devait se remettre sur les rails, et c’était un signe du Destin qu’on lui envoyait ! Alors, il ne fit rien de fou dans l’après-midi, et pour la première fois depuis des mois, c’est sobre qu’il s’allongea, et il ne dormit pas si mal que ça.

Le lendemain, après quelques cours pas très intéressants et IN-TER-MI-NA-BLES, il put enfin prendre la direction de son avenir ! Enfin de la clinique, quoi, vous aviez compris ? Il était tellement impatient. Il dut se poser quelques minutes avant d’y aller, afin de ne pas passer pour un type surexcité. Allez, tu es calme, tout va bien, ne sois pas trop toi, et tout va bien se passe, Silène !

Il entra dans le cabinet vétérinaire, et M. Lewis était là.

“Bonjour ! Je suis pas trop en avance ? Vous allez bien ? J’ai tous les papiers qu’il faut ! Et je peux déjà rester cet après-midi !” énonça-t-il tout joyeux.

Il aperçut alors un chat. Et il ne put s’empêcher de s’avancer vers le matou.

“Et salut toi ! T’es mignon… Il est blessé ? Ou c’est votre chat ? Ohh tu m’aimes bien ?”

Le chat frottait sa tête contre sa main. Silène était heureux de l’accueil.

C’était lui, ou Monsieur Lewis était en petite forme ? Il avait l’air un peu fatigué… Mais c’était sûrement lui qui se faisait des idées. Il sourit à Jude alors que l’homme lui répondait. Il était vraiment beaucoup trop content d’avoir trouvé ce stage. Il en était encore tout euphorique. Il avait juste peur de ne pas être à la hauteur. Mais hey, il n’a pas répondu s’il allait bien… Hm. C’était louche ça.

“Je ne pourrai pas aller mieux ! Enfin si peut-être… Mais je vais déjà très bien ! Oh vous savez, il n’y a rien de très surprenant dans toute cette paperasse ! Oh, c’est parfait, je ferai comme vous avez prévu !”

Il fut surpris d’apprendre que le chat se réveiller juste de son anesthésie. Il était vraiment câlin pour un chat qui vient d’avoir une telle opération. Silène lui donna toute l’attention qu’il désirait en prenant garde de ne pas lui faire mal tout de même.

“Oh d’accord… En tous cas, il est adorable… Et je me posais la question, quand les animaux appartiennent à des moldus, vous utilisez seulement des techniques moldues pour soigner les animaux ? Cela n’est pas trop compliqué à gérer ?” demanda-t-il un peu curieux de savoir les procédés que son maître de stage employé pour rester dans la légalité.

Il trouvait cela assez complexe de ne pas utiliser des méthodes magiques dans certains cas où la médecine moldue ne fonctionnait pas. Surtout avec les animaux. Mais bon, les lois magiques sont ce qu’elles sont. Il laissa le chat reprendre ses aises et s’allonger un peu plus loin dans une panière. Il se releva et hocha de la tête avec entrain.

“Bien sûr ! Je vous suis !”

L’enthousiasme transparaissait au travers de son attitude. Il était clair qu’il était heureux d’être là. Il était rayonnant en passant la blouse qu’on lui donnait. Et spoiler, il rentrait dedans. En même temps, il n’était pas bien costaud, il était rare qu’il ne rentre pas dans un vêtement, et là, en plus il ne flottait presque pas. C’était bon signe, ça voulait dire qu’il était fait pour travailler là ! Et n’y tenant plus, Silène mit les pieds dans le plat.

“C’est ma venue qui vous a fait du soucis ? Je veux pas paraître indiscret ou quoi mais… Enfin, vous avez l’air un peu fatigué, et vu que vous avez esquivé la question concernant votre état de santé… Je voudrais pas que ce soit moi qui vous cause du mouron !”

Air interrogatif, sincèrement soucieux. C'était une invitation discrète à la confession aussi. Si Monsieur Lewis avait besoin d'une oreille attentive, il aurait pu tenir ce rôle...

Le parti pris par son maître de stage était des plus intéressant. Franchement, ça lui plaisait bien cette façon de faire. mais cela voulait aussi dire qu’il allait devoir se remettre à niveau sur les méthodes de soin moldues parce qu’il était probablement bien à la ramasse à l’heure actuelle. Mais il se connaissait, il allait se donner à fond pour ne pas décevoir cet homme qui lui laissait une chance. En sortant d’ici, il allait piller la bibliothèque de la MUL sur tout le rayon vétérinaire moldu. ça le changerait des soirées à picoler. Et ce n’était pas une mauvaise chose qu’il se reprenne enfin en main. Adieu hommes esseulés, ce soir, c’est votre main droite que vous retrouverez et non plus votre divin Silène !

“Hm… Je comprends… Il va falloir que je me mette à niveau alors ! Mais c’est une logique qui se tient, à votre place, j’aurai sans doute opter pour la même méthode !”

Suivirent les essayages et… C’était un sacré talent qu’il avait quand même pour mettre aussi bien les pieds dans le plat. Enfin, ça partait d’une bonne intention. Silène avait une empathie rudement développée alors ce genre de chose, il le sentait. C’était comme un détecteur, comme un niffleur qui repère n’importe quel objet brillant. Silène, il avait un détecteur à émotion, il arrivait plutôt bien à comprendre les autres. Il en profitait quelques fois, mais là, il était juste inquiet. Il avait quelque chose de très attachant M. Lewis en plus d’être beaucoup trop gentil et bienveillant.

Bon. Au moins, ce n’était visiblement pas sa faute. Il écouta l’homme, sans pour autant avoir un regard insistant ou quoi. Il était juste là pour accueillir sa parole s’il avait besoin de ça. Et… Il ne s’attendait pas vraiment à entendre la suite. Oh. Merde. Les pieds dans le plat qu’on l’apelle.

“Oh.”

Il se ressaisit et reprit calmement, en effaçant la surprise de son visage.

“Je comprends… Ce genre de chose, ça occupe pas mal l’esprit… J’espère que vous êtes pessimiste et que ça va bien se passer !”

C’était lui qui disait ça. Alala… Alors qu’il avait si longtemps été la tête dans le noir avec sa rupture avec Rufus. Hmhm. Faites ce que je dis, pas ce que je fais.

“Oh, vous inquiétez pas, vous êtes parfait ! C’est moi qui suis trop curieux… Faut pas hésiter à me dire quand je dépasse les limites… C’est un de mes défauts…”

Il suivit le vétérinaire dans l’autre pièce. La pièce des résidents en convalescence visiblement. Il regarda les différents animaux, sans crainte, plutôt intrigué par chacun d’eux, et épiant les faits et gestes de son maître de stage. L’observation, ça allait être son lot pour quelques jours, le temps de bien tout mémoriser, et éviter les bourdes.

“J’ai un chat, il se fait un peu vieux, mais je l’adore. Et si je n’étais pas dans une si petite chambre, je pense que j’aurai adopté bien d’autres animaux… Vous savez, je rêve d’ouvrir un refuge plus tard, pour réconcilier ceux qui n’ont pas eu de chance avec la vie…” Il eut un petit rire gêné. “C’est… C’est une grande utopie… Je sais pas si je pourrai un jour mais… Je compte m’en donner les moyens… Je peux vous aider pour des soins ? Ou vous préférez peut-être que je regarde aujourd’hui ?”

Au moins, il n’avait pas l’air de lui en tenir trop rigueur des pieds dans le plat. C’était plutôt une bonne chose pour lui. Et puis, il espérait vraiment sincèrement que ça se passerait bien pour son maître de stage. Il savait les ravages que peuvent faire une déception amoureuse, et il souhaitait ça à personne. Sauf peut-être à sa connasse de mère, mais cette pétasse devait avoir un coeur de pierre.

“Oh… Oui, je peux essayer de vous… Euh de te tutoyer… Je voulais juste pas paraître trop familier ou quoi… Haha… C’est pas simple pour moi non plus… J’ai toujours tendance à être trop familier, on me l’a déjà reproché par le passé alors… Mais je note ! Vous… Euh T’inquiète pas, t’es pas sévère du tout !”

Il suivit le vétérinaire. Quelque part, ça lui faisait un peu bizarre de suivre quelqu’un avec un air aussi pataud. C’était pas une position dans laquelle il se sentait à l’aise. En fait, il aimait bien être indépendant, ou mener les groupes. Alors suivre, c’était un peu une épreuve pour lui, même s’il savait bien que c’était carrément nécessaire là. Parler de son projet, ça prouvait qu’il avait confiance en Jude. Et ses encourageaments avaient de la valeur pour Silène. Il sourit à son maître de stage. Il espérait qu’il avait raison. Il ne restait plus que quelques années d’études et il verrait peut-être son rêve se réaliser. Il aurait aimé le réaliser avec Rufus à ses côtés. Mais on ne peut pas tout avoir.

“Je vais essayer, alors ! Et puis, tu seras le premier au courant de l’aboutissement de ce projet.” dit-il avec entrain.

Il espérait clairement qu’après son stage, il reste suffisamment en bon terme avec Jude pour qu’il soit effectivement dans les premiers au courant. Et il ne tarda pas à s’exécuter, à regarder toutes les gamelles et autres biberons pour rongeur, et s'affaira à aller les remplir au robinet. Prenant aussi le temps de faire quelques papouilles aux animaux qui semblaient en manque de tendresse. Il prit le temps nécéssaire mais ne lambina pas non plus. Puis, il allèrent du coup dans la salle d’opération, et il apprit pour les bandages -même si c’était basique, ça demandait un coup de main-.  Il s’entraîna ensuite sous le regard de son maître de stage.

Jusqu’à ce que son ventre rugisse magistralement. Oups. Avec le stress, il n’avait pas mangé depuis… Au moins hier matin, et son estomac n’était pas très content de la diète surprise. Il allait passer pour quoi. Il porta ses bras sur son ventre pour essayer de le faire taire. Il avait un peu rougi, gêné.

“Oups… Pardon… Il se pourrait que j’aie oublié de manger ce matin alors… Désolé pour le bruit… Je savais pas que mon ventre avait un tel coffre…” s’excusa-t-il en rigolant un peu gêné.

C’était un vrai concerto qui n’avait pas l’air de vouloir se stopper…

S’occuper des animaux, cela semblait si naturel à Silène. Il était heureux en s’occupant de tout cela. Il n’était pas avare de caresses, et ça lui faisait du bien au coeur de sentir les animaux heureux. Il écoutait bien sûr les consignes et conseils de Jude. Il était là pour apprendre, pour aider aussi, mais il ne savait pour ainsi dire, encore rien. Une fois qu’ils en eurent fini des habitats, il découvrit une autre pièce, et un autre apprentissage.

Il avait déjà vu en pratique certaines des manières de bander une plaie que Jude lui montrait, mais c’était autre chose que de pratiquer, d’exercer son habileté. Certains étaient plus complexes que d’autres, mais même s’il ratait plusieurs fois, Silène était persévérant, jusqu’à réussir enfin. En général, quand il arrivait une fois, il recommençait, pour être sûr que ce n’était pas juste un coup de chance. Oui, le Silène quand il veut être sûr d’avoir compris, il est bûcheur. Il avait même sorti un petit carnet pour noter quelques informations qui lui paraissent essentielles et qu’il craignait d’oublier. Il est concentré, studieux. Certains professeurs n’avaient jamais vu cet aspect de la personnalité du Poufsouffle !

Par contre, l’estomac qui grogne, ça arrivait très souvent près des heures du repas, en cours, comme ailleurs ! Silène rit avec son maître de stage, un peu gêné par le cri gargantuesque de son estomac. Décidément.

“Mais je prends soin de moi… J’ai juste… Quelques oublis de repas… De temps en temps… Je suis un peu étourdi…” se justifia-t-il avec un air désolé.

La réalité était un peu autre, mais, son maître de stage n’avait pas à tout savoir de lui. Surtout pas les vices cachés de son stagiaire. Franchement, si son rapport compliqué à la nourriture pouvait rester entre lui-même et lui-même, ça convenait mieux à Silène.

“Et toi ? Je ne connais pas bien le quartier… Ce serait plus sympathique si on mangeait ensemble ? J’offre le repas contre les bonnes adresses !” lança-t-il joyeux.

Il était hors de question de laisser l’homme seul avec sa peine d’amour. Il n’allait pas laisser son maître de stage broyer du noir. Non, non, non. Il n’allait pas partir sans lui.

“Et puis, prendre l’air, ça fait toujours du bien ! On fait tout ce qu’il y a à faire avant de partir, et on revient vite pour s’occuper d’eux ! Mais là, faut qu’on s’occupe de nous deux ! Pas que de moi !”

Jude allait peut-être regretter de l’avoir dans son cabinet… Adieu solitude, et déprime, Silène était là pour les balayer au loin.