Call me Da---Léo Feat. Silène

Quoi demander de plus quand on était dans la peau de Léo. Un lieu d’habitation avec une tonnes de corps aux portes voisines, des cours pour lui créer un semblant d’avenir, et un boulot qui lui permettait encore de pratiquer son art du charme. Sauf qu’aujourd’hui il n’avait rien d’un assistant gérant mais bien d’un petit client comme les autres. Rester enfermé entre quatre murs, très peu pour lui. Faire ses devoirs un vendredi soir? Jamais. Il pouvait bien relaxer et fêter un peu de temps en temps pas vrai? Enfin quoi que dans son cas c’était plutôt souvent. Ce type qui prenait un peu tout à la légère, la vie surtout. Mais qui restait réaliste dans ce fait qu’il devait la prendre un peu plus au sérieux, du haut de ses 35 ans. Le temps avançait beaucoup plus vite que lui ne pouvait courir et il réalisait désormais qu’il était un peu comme cet idiot de lapin et que la tortue était en train de le battre à plat de couture.

Mais il avait fait les démarches pour les premiers pas, c’était déjà ça. On ne pouvait pas espérer de lui de se remettre complètement dans la course du jour au lendemain. De toute manière les études prenaient du temps, beaucoup de temps. Et se permettre une petite soirée de temps en temps ne faisait pas de mal à personne. Le voilà tout beau et tout propre dans son habitude, qui lui donnait presque l’impression de faire partit de la noblesse (c’était un peu le cas avec sa famille de sang pure tout de même) ou encore qu’il eût un toc de l’apparence. Ce n’était pas vraiment le cas, du moins pas dans le second. Son regard qui comme d’habitude fouillait la place, peut-être bien à la recherche de connaissance, peut-être bien à la recherche d’une cible, voir les deux, qui sait.

Il reconnaissait bien vite les clients habituels et vice-versa, avec ce petit hochement de tête pour certain, une salutation pour d’autre. Et parmi le lot de la foule (il exagérait à peine, c’était très occupé les vendredis soir comme d’habitude), il y avait cette tête qui venait de lui accrocher un petit sourire amusé aux lèvres. Pourquoi? Parce qu’il n’avait pas oublié cette tête blonde du même âge, qui pour une raison qui lui était encore inconnue était passé de la réponse à sa question aux daddy issues et de son inquiétude par rapport à un de ses élèves prénommé Silène. Il avait pu mettre un visage à ce nom par la suite, son oreille attentive découvrant dans les jours à suivre la pauvre âme perdue, avec ses daddy issues. Parce que pour lui, évidemment, c’était plutôt amusant et kinky en soit. Il n’aurait absolument aucun souci à ce que ce jeune homme lui donne ce statu. Dans quel contexte? Connaissant Léo on vous laisse deviner lequel hein. Et le connaissant aussi on s’avait tout de suite sur quelle chaise il allait poser son beau cul et c’était bien tout juste à côté du jeune homme. « On passe au rouge maintenant ?» Le jeune homme était réputé pour apprécier les changement de couleurs, il l’avait bien remarqué. On ne devient pas un grand séducteur en n’observant et n’enregistrant rien hein.
Vous vous étiez attendu à un pick-up line immonde ? Raté. « Léonard, mieux connu sous le nom de Léo. Un certain Billy m’a parlé de toi. » Le clin d’œil par contre lui, il venait avec le reste de la présentation. S’il avait été une fille il aurait eu le droit au bisou sur la main. Peut-être une autre fois qui sait.

Reconstruire son mental par l’alcool, c’était clairment un échec. Mais ça noyait un peu la dépression dans une euphorie artificielle. Après deux allers-retours à Paris pour pleurer sur la tombe de son père, il était évident que la semaine nécessitait qu’il se bourre la gueule. Il avait passé ses examens -ou fait acte de présence du moins-, il pouvait se permettre un nouveau dérapage. Un énième dérapage. Un peu plus ou un peu moins, franchement… Il n’était plus à ça près. Et son père pouvait se retourner dans sa tombe. Il avait qu’à être là pour l’engueuler, dans la vraie vie, en lui foutant une vraie claque dans la tronche. Seulement, il était pas là pour lui dire d’arrêter de faire de la merde. D’arrêter d’avoir peur. Il se sentait tellement seul sans son père, et c’était lamentable. Il n’était plus un gamin de sept ans. Et pourtant, il n’arrivait pas à faire son deuil. Il n’arrivait pas à avancer seul. Peut-être qu’il était encore qu’un enfant. Derrière sa verve vive, derrière la provocation. Et définitivement, ce monde est pas fait pour les enfants. On les détruit les enfants, les rêveurs, les innocents. Bon, innocent, il ne l’était probablement plus. Mais passons. Il avait besoin d’oublier tout ce qui se baladait trop abruptement dans son crâne. Noyons tout sous une bonne dose d’alcoolémie. Allez. C’est un super plan de soirée.

Il s’était assis à une table avec un T.G.V (téquila, gin, vodka pour les non connaisseurs de l’acronyme, on vous ment quand on vous dit que c’est train à grande vitesse). Il allait boire beaucoup et vite, et s’il n’était pas seul à la fin de la soirée, il se sentirait peut-être un peu mieux. Mais c’était pas gagné. Pour trouver quelqu’un et pour aller mieux. Déjà, parce qu’il n’avait pas fait d’effort pour cacher ses yeux rougis par les pleurs, et ses cernes. Et ensuite, parce qu’il n’avait pas sorti les fringues les plus sexy. Ce t-shirt devait même pas être à lui. Il l’avait piqué à Zéphyr ? C’était pour ça qu’il flottait autant dedans ? Possible… Entre ça, et le jean un peu crade et déchiré pas seulement pour faire branché… Ouais, il avait un look de clodo. Alors qu’on s’assoit à côté de lui, c’était improbable. Il haussa un sourcil en fixant le bel homme, incrédule. Sérieusement, t’as pas trouvé mieux que moi pour occuper ta soirée ? Sérieusement, casse-toi, j’vais te chialer dans les bras, t’as franchement pas envie de ça. Vas-y reste pas là, laisse-moi boire comme un trou, me force pas à faire semblant, j’ai pas envie là...

“Visiblement. Si tu vois une autre couleur pense à consulter un médecin… Sinon, wow, quel sens de l’observation…”

Le ton était sarcastique. Le sourire effaré. Qu’est-ce que c’était que ce type ? Beaucoup trop charmant pour ce soir. Il ne s’attendait pas à croiser ce genre d’énergumène. Et… Il lui disait quelque chose en plus. L’évocation d’un Billy lui fit plisser les yeux. Il connaissait un Billy…. Oh ! Son professeur ? Mais… C’était un prof alors ? Wah… Il comprenait rien de ce que ce mec foutait là, à côté de lui. A lui faire des clins d’oeil. Mais merde, ça se lisait pas sur sa gueule qu’il était au bout du rouleau et que y’avait rien de bon à tirer de lui ?

“Oh… Du coup, j’ai pas besoin de me présenter. Tu peux m’appeler Sisi, c’est plus simple à prononcer quand on est bourré… Et je sais pas pour toi, mais j’vais l’être bientôt…”

Il leva son verre comme pour appuyer sa déclaration, et but sa fin de verre d’une traite. Ce qui lui donnait une bonne excuse pour avoir quelques larmes qui échappent à ses yeux. Il eut un rire gêné.

“Tu m’offres le prochain ou je me le commande ? J’suis pas fauché, mais si tu veux te la jouer grand gentleman vu qu’t’es l’plus vieux de nous deux…”