Histoire
Notre histoire commence dans la campagne irlandaise.
Dans une petite chaumière, perdue au bord d'un fjord, en plein Connemara. Première née d'une famille de trois enfants, Isleen n'était absolument pas prévue au programme. Née d'un père journaliste et d'une mère chercheuse en potions auprès du ministère de la magie irlandais, elle était un cheveu sur la soupe de leur ambition. Ils s'accommodèrent toutefois rapidement de la venue au monde de ce bébé vorace, qui avait hérité de l'épaisse tignasse de sa mère, et des yeux sombres de son père.
À Isleen succéda Aoife, un an plus tard. Puis Oisín, après encore trois années. Trois enfants qui se chamaillent en permanence, mais savent toujours rester liés dans l'adversité.
“
Daaaad !”
Papa est rentré à la maison. La petite fille de cinq ans file à travers la maison, enjambe le doudou de son petit frère, contourne les jouets de sa petite soeur, et se précipite sur le père de famille. Ce dernier, habitué à ce genre d'accueil, la soulève de terre et la lance gentiment au dessus de sa tête, pour le seul plaisir d'entendre le rire enfantin retentir.
Le grand homme jauge le soleil à l'extérieur et propose à son aînée d'aller jouer dehors. Et cette dernière de pousser un cri de joie et d'aller mettre ses chaussures.
Le dragon vole autour de la tour et va se poser dans la cour du château, chantonne-t-elle, concentrée, en nouant ses lacets. Elle passe ensuite à côté de sa mère, occupée à nourrir un Oisín particulièrement vorace, et vient tirer la manche de son père pour le soustraire à sa femme.
Et c'est toujours avec bonne humeur qu'elle le tire jusqu'à l'extérieur.
Une fois dehors, c'est la folie la plus totale. La gamine court partout, ses boucles brunes virevoltant autour d'elle alors qu'elle joue avec l'adulte. Bientôt, ils sortent les balais, dont l'un est parfaitement adapté à l'âge d'Isleen. Cette dernière ne tarde pas à voleter avec plaisir, jouant avec un souaffle et faisant des passes. Elle s'amuse à marquer des buts dans des cercles imaginaires, manque de tomber de son petit balais une fois ou deux.
Mais c'est un peu ennuyeux, au bout d'un moment, alors Isleen délaisse le souaffle et préfère essayer de faire des pirouettes à deux mètres au dessus du sol – hauteur maximale de son petit balai. Papa est retourné au sol, pour mieux assister aux prouesses de sa progéniture.
L'enfant s'en rend compte, mais ne comprend pas : elle a l'impression qu'il ne veut plus jouer avec elle. Un seul regard de ce dernier vers la maison le lui confirme, dans sa tête d'enfant, et elle se rend alors compte qu'il préfèrerait être avec son frère, ou sa soeur.
C'est pas juste, elle était là avant.Alors c'est la jalousie qui l'emporte. La petite fille fronce les sourcils et retourne au sol, atterrit de façon un peu trop anarchique, et va attraper sa balle. Elle veut lancer le souaffle à Papa, ça le forcera à lui donner de l'attention pour pouvoir l'attraper.
Et elle ne croit pas si bien dire.
Papa se baisse juste à temps pour éviter non pas un souaffle, mais un cognard. Isleen ouvre de grands yeux quand elle voit la balle revenir vers elle à toute vitesse. Elle n'a pas le temps d'y songer que son père l'a déjà soulevée de terre pour éviter qu'elle soit fauchée par le cognard. Une baguette sort, un sort est lancé : la balle retombe sur le sol, rebondit, dans son état initial.
La petite fille s'accroche maintenant solidement à son père. Elle a fait une bêtise. Elle va se faire gronder.
Mais non. En lieu et place, elle sent un baiser sur son front, et entend les compliments de Papa qui retourne déjà à la maison.
Ce sera une soirée de liesse : Isleen a découvert ses pouvoirs aujourd'hui, et c'est l'occasion pour la famille de célébrer l'évènement.
C'est un beau jour de printemps, sur la côté irlandaise.
Isleen ne peut pas sortir de l'école en même temps que les autres. Elle est coincée sur le banc à l'extérieur du bureau du directeur de l'école.
Après quelques loooooongues minutes d'attente, Maman arrive. L'école étant moldue, ça ne pouvait être qu'elle. Papa commettrait à coup sûr une boulette. Tant mieux, parce que Papa fait peur quand il est en colère.
La petite fille prend la main tendue de sa mère et entre dans le bureau avec elle.
Elle s'est
encore battue. Cette fois, c'était parce qu'un garçon lui avait mis la main sur le popotin. Elle savait qu'elle avait raison de l'avoir fait. Papa le lui avait dit : aucun garçon n'aurait le droit de la toucher avant qu'elle ait vingt ans !
Elle s'en tirera cette fois encore avec une belle punition, et un avertissement.
Mais, la prochaine fois, avait dit le directeur, elle serait renvoyée.
C'est grand.
Trèèèès grand.
Isleen ne peut pas s'empêcher de regarder partout autour d'elle. Elle a déjà vu des châteaux, en voyage, notamment en Ecosse. Mais celui-ci est immense. Et puis, ils sont arrivés en barques ! Le lac était tout noir, c'était absolument génial !
Evidemment, la gamine s'est déjà fait des copines à bord du Poudlard Express, et commente à toute vitesse tout ce qu'elle voit autour d'elle : y a-t-il un Calmar Géant dans le lac ? Les escaliers bougent ?! Et comment vont-ils être répartis ? Ils vont pouvoir utiliser leurs baguettes !! Ca va être trop bieeeeen !
Elle a l'air d'épuiser tout le monde, au point que l'enseignant venu les accueillir lui demande de se taire avant même la Cérémonie de la Répartition.
Eh bah voilà, elle s'était déjà fait repérer… Bien joué, O'Healy.
Et enfin, les petites têtes blondes entre dans la Grande Salle, sous les regards plus ou moins intéressés de leurs camarades. Au loin, un tabouret. Sur ce tabouret, un vieux chapeau élimé.
Beuh, hors de question qu'elle mette ça sur sa noble tête ! Ça allait aplatir ses bouclettes d'or, et puis, il était sale ! Non, non, non, non !
Ou si. Tous les élèves s'y plient, par ordre alphabétique. Alors, pression sociale oblige, Isleen s'avance quand on l'appelle, méfiante. Elle ne comprend toujours pas comment ce truc sale fonctionne. Elle prend place sur le tabouret, veille à rester bien droite et menace déjà intérieurement l'objet magique de mille tourments s'il ose s'en prendre à sa superbe.
Non mais.
Well, well, well… What a nice little head !Elle sursaute, surprise. Le Choixpeau parlait dans sa tête !!
I see… Courage, lots of courage, yes… And craftiness, witiness, as well. Where to put you ?Il s'interroge ainsi sur son courage, sa ruse, son esprit vif, visiblement. Mais en quoi cela pouvait-il bien l'aider ? Isleen lève les yeux vers le Choixpeau sur sa tête, grimace de malaise. Que ça finisse !
Impatience as well I see !C'est qu'il se paie sa tête !
And pride. Difficult, very difficult… A thirst of knowledge, an inclinaison for violence, a desire to prove yourself...Les minutes s'égrainent. Une. Deux.
Cinq.
Un murmure impatient, auquel la jeune fille est totalement indifférente, commence à monter. On n'a jamais vu le Choixpeau échouer, même s'il hésite parfois longuemment comme aujourd'hui.
Et enfin…
Gryffindor !Batte à la main, l'adolescente tente de calmer son stress. Elle évacue en parlant sans discontinuer, saoûlant ses coéquipiers qui, à plusieurs reprises, la somme de se taire.
C'est son premier match aujourd'hui, et elle est terriblement anxieuse. Elle connaît parfaitement les règles et a aussi hâte d'en découdre. Son directeur de maison avait insisté pour qu'elle participe aux sélections, dans l'espoir de l'aider à évacuer son énergie et de cesser…
1) De fatiguer tout le monde ;
2) De se battre à la première occasion.
Elle avait été acceptée dans l'équipe. On avait loué son coup de batte et apprécié la force avec laquelle elle avait su renvoyer un Cognard. Et donc aujourd'hui, ils avaient pour mission de
rétamer la gueule aux Serpentards, et pas de quartier.
Sans un seul regret pour la déculottée qu'ils comptait infliger à la maison de sa soeur cadette, Isleen s'engage sur le terrain et s'y sent vite comme un poisson dans l'eau. Qu'elle finisse le match avec un bras cassé lui importe peu : elle ne veut plus jamais arrêter de jouer.
“
Aoife, will you give me the Flobberworm Mucus please ?”
Tu peux me donner le mucus de Veracrasse s'il te plait ?Absolument pas concentrée, la soeur cadette tend distraitement une fiole quelconque à son aînée. Cette dernière, concentrée sur sa mixture, ne regarde pas ce dont il s'agit, la débouche…
Et Maman, qui passe derrière, lui prend le flacon des mains pour le ranger.
“
Do not give Horklump juice instead of Flobberworm Mucus to your sister. I do not wish to take you both to St Mango's hospital,” déclare calmement la mère de famille.
Ne donne pas de jus de Horglup à la place du mucus de Veracrasse à ta soeur. Je ne souhaite pas vous amener toutes les deux à Ste Mangouste.Elle veille sur sa marmaille avec attention, d'autant plus qu'Isleen est au milieu d'une potion délicate. Avec ses trois enfants, on ne sait jamais. D'ailleurs, voici le troisième, qui entre à Poudlard à la rentrée prochaine, qui se penche au dessus du chaudron de sa soeur, curieux. Est-ce que c'est un poison pour se venger de la belle rouquine qui lui a volé son dernier petit ami en date ? Ou bien est-ce pour s'entraîner ?
Ah ça, lui aussi est un bon petit serpentard. Finalement, il n'y a jamais qu'Isleen qui aura fait exception à la règle.
“
Where is that fecking gobshite ?!”
Où est cette putain d'ordure ?Batte à la main reposant sur l'épaule, cravate rouge et or à moitié défaite, Isleen s'adresse à un petit groupe de Serpentard d'un an de moins qu'elles. Les trois jeunes garçons la reconnaissent immédiatement : il faut dire qu'elle ressemble comme deux gouttes d'eau à Aoife, elle-même dans leur maison, bien que l’aînée soit moins filiforme. Ils brillent alors par un courage tout Serpentard et, d'un même geste, désigne du doigt le bord du lac.
La Gryffondor n'hésite pas une seconde. Dans une colère noire, elle s'avance à grands pas, identifie la silhouette qu'elle cherche. Un ami de ce dernier la montre du doigt, et le voici qui la remarque.
Oh ça sent pas bon ça, semble-t-il se dire en partant bien rapidement dans la direction opposée.
D'une voix forte, Isleen tonne son nom, comme pour le défier de s'enfuir.
Il marque un temps d'hésitation.
Erreur.
Cela permet à la jeune fille de le rattraper en se décidant à courir. Elle décroche sa batte de Quidditch de son épaule, l'arme comme pour taper dans un Cognard.
Elle n'entend pas le garçon la supplier.
Et tape, de toutes ses forces, droit dans un genou.
“
Miss O’Healy...”
Face à son directeur de maison, l'adolescente ne montre pas le moindre remords. Ça se voit immédiatement. Elle a le regard fixe, les lèvres pincées, les poings serrés. Elle a défoncé les deux genoux du Serpentard, et avait commencé à s'attaquer à ses côtes quand les camarades s'étaient enfin décidés à intervenir. Bien que sorciers, personne n'avait pensé à utiliser sa baguette, et on avait alors essayé de ceinturer la furie avant qu'elle n'essaie de tuer le jeune garçon.
“
When will you understand that you cannot execute justice yourself ?Quand comprendrez-vous que vous ne pouvez pas vous faire justice vous-même?Un grognement lui répond. Ce garçon avait humilié sa soeur. Il avait pris des photos de cette dernière alors qu'ils étaient en
pleine action et avait vendu lesdites photos dans l'école. Elle n'avait même pas pensé à en parler aux enseignants, et avait immédiatement vu rouge.
“
Of course, we'll take measures against the young boy. But you'll also lose a hundred points for your behaviour, and a month worth of detentions. Consider yourself lucky not to be expelled.”
Evidemment, nous allons prendre des mesures contre le jeune homme. Et vous perdrez également cent points pour votre attitude, et un mois de retenues. Estimez vous chanceuse de ne pas être renvoyée.Isleen grogne à nouveau : et qu'en sera-t-il du préjudice subi par sa soeur cadette ? Allait-on faire subir un sortilège d'amnésie à tout ce beau monde ? Evidemment que non. Elle devrait vivre toute sa vie avec cette honte.
Et ça, elle ne pouvait pas l'accepter. Alors, ce moins que rien dont les genoux ne se remettraient jamais complètement n'avait eu que ce qu'il méritait. Quand, plus tard, les rhumatismes viendraient le cueillir, il se souviendrait d'elle.
Non. Elle n'éprouvait aucune culpabilité.
La valise tombe sur le sol dans un bruit mat. Les parents venus chercher la progéniture sur le quai de la gare à la fin de l'année découvre alors le
désastre capillaire : Isleen a coupé ses cheveux. Courts. Adieu belles bouclettes blondes. Elle s'est coupé les cheveux à la garçonne, ce qui lui donne un air plus dur et plus vindicatif.
Mais hors de question d'avoir avec eux une discussion sérieuse sur le quai d'une gare.
Elle attend tout juste d'être arrivée à la maison.
“
Mum, Dad… I'm gay.”
Elle lâche l'information de but en blanc, un peu brute de décoffrage, et craint la réaction de sa famille. Maman l'accepterait, elle n'en doutait pas. Mais Papa ? Le héros de son enfance, cet homme qu'elle admirait tant ?
Moui, il l'accepte moins bien. Le conflit part assez rapidement entre les deux caractères sanguins, et ne retombera que bien des semaines plus tard.
Fort heureusement pour la jeune fille qui entame sa dernière année. C'est qu'il ne faudrait pas qu'elle se foire, car elle a l'ambition d'entrer à la MUL, et de devenir la meilleure potionniste de tous les temps. Celle que tous s'arracheront, celle qui fera des découvertes toutes les plus extraordinaires les unes que les autres.
Et pour ça, elle doit tout déchirer.
Elle s'en donne les moyens en tout cas. Travaillant d'arrache-pied, cessant de – trop – se battre, se retenant de lancer des maléfices aux premières années – pour la blague. Elle cumule bien moins d'heures de retenue, arrête de tripoter toutes les adolescentes qu'elle croise.
Les efforts paient.
Résultats aux ASPICs :
- Botanique - O
- Défense contre les forces du mal - E
- Métamorphose - O
- Potions - O
- Sortilèges - O
- Histoire de la magie - E
- Astronomie - D
- Alchimie - O
- Etude des Runes – A
Elle entre la rentrée suivante à la MUL, en Etudes de Magie Avancée. Son but ? Certainement pas l'enseignement. Elle doit se coltiner des stages, supporter des sales gosses qu'elle n'aime pas, mais tient bon. Elle compte bien aller au bout de ses huits années d'études, devenir un éminent maître des potions et se lancer dans le monde de la recherche.
Dès sa quatrième année, elle commence à se spécialiser et à mélanger art des potions, alchimie et sortilèges. Elle s'intéresse à d'autres formes de magie, à l'usage des potions dans le domaine.
Elle continue ses explorations et expériences de vie, notamment sexuelles, finit par comprendre et accepter qu'elle n'est pas gay, mais bel et bien pansexuelle. Et ça l'arrange bien, car elle aime ne pas avoir de limites. Goûter à la liberté la plus pure, voici qui est exaltant !
“
'Leen ? Where are you going ?”
Où vas-tu ?Isleen, interrompue dans sa tâche, se tourne vers son amant. Elle a à peine pu remettre sa culotte, et est encore occupée à agrapher son soutien-gorge.
Il est encore tôt. Les étoiles commencent à disparaître, le soleil n'a pas encore commencé à se lever.
La jeune femme laisse un sourire fleurir sur ses lèvres, mais ne répond pas. Elle sait très bien que Mickael s'imagine qu'ils sont un couple et aimerait la voir rester dans son lit pour un nouveau câlin crapuleux. Elle n'a absolument pas l'intention de se laisser tenter ; bien qu'elle ait passé une nuit délicieuse, elle a d'autres priorités, en l'occurrence un chaudron plein en train de mijoter dans son studio et dont la potion devrait arriver à terme dans deux heures.
Sans un mot ni regard derrière elle, elle se glisse dans l'obscurité et s'enfuit, paire d'escarpins aux pieds.
“
'Leen !”
L'intéressée se tourne, et tombe nez à nez avec Mickael. Ses lèvres se pincent immédiatement de contrariété. Elle voit bien tous les signes de colère, et elle n'a pas envie de se disputer avec lui au beau milieu d'un couloir de l'université. Elle serre les livres empruntés à la bibliothèque contre sa poitrine, lève le menton comme pour le défier de lui faire une scène.
Le jeune homme ne voit pas les avertissements silencieux, et met donc les pieds dans le plat.
“
I saw you !” accuse-t-il, mâchoires contractées, poings serrés. “
I saw you kissing that other guy last night !-
We did a lot more than just kissing, you know.”
Je vous ai vu ! Je t'ai vue embrasser cet autre mec hier soir !
Nous avons fait bien plus que nous embrasser, tu sais.L'aplomb et l'absence de culpabilité heurtent Mickael de plein fouet. Sans doute le jeune homme ne s'attendait-il pas à une telle honnêteté. Et, contre toute attente, ça le met hors de lui.
“
And that's it ? Is that all ? Is our relationship worth being jeopardized for him ?-
Well, what were you thinking ? That we were in some kind of exclusive relationship ?”
Alors c'est ça ? C'est tout ? Est-ce que ça vaut le coup de compromettre notre relation pour lui ?
Eh bien, que croyais-tu ? Que nous étions dans un genre de relation exclusive ?La remarque destabilise le garçon qui, pour le coup, ne sait pas quoi répondre.
“
Well… Yeah !”
C'est l'heure du coup de grâce. Isleen laisse un sourire s'étendre sur son visage, doucereuse.
“
Then you're an idiot.”
Alors tu es un idiot.Le couperet tombe froidement. Et l'étudiante de partir sans se retourner.
Indifférente au coeur brisé sur lequel elle marche de ses talons hauts.
La jeune femme tire sur son maillot de Quidditch, enfile son protège-dents. Elle tient fermement sa batte dans une main, son balai dans l'autre. Aujourd'hui, ils jouent contre les Poufsouffles, et elle compte bien leur faire manger du cognard.
Elle enfourche enfin son balai, et l'équipe fait son entrée sur le terrain à toute berzingue. Quelques pirouettes pour impressionner le public et fanfaronner, puis les Gryffondors se mettent en formation de leur côté du terrain. Isleen sourit de toutes ses dents à l'équipe adverse, dévoilant ainsi son protège-dents dans une superbe quelque peu dérangeante.
Enfin les cognards et le vif d'or sont libérés, le souaffle est lancé. C'est un véritable ballet aérien qui se met alors en place. On voltige plus qu'on ne vole, on danse plus qu'on ne joue. L'attrapeur Poufsouffle remarque rapidement le vif d'or, tend déjà la main pour le saisir et BAM !
Isleen a été plus rapide et a envoyé un cognard droit sur le joueur. Ce dernier est désarçonné mais ne tombe pas ; il en profite par ailleurs pour invectiver la jeune fille qui se contente de lui servir un sourire mauvais.
Surveille tes arrières mon mignon, la prochaine fois je ne te louperai pas.Et on repart.
À plusieurs reprises, Isleen tape dans les cognards pour les envoyer sur les autres joueurs pour défaire leurs formations, ou pour éloigner l'attrapeur de son but. Elle se défoule sans se démonter, avec une joie certaine quand elle atteint sa cible. Elle esquive une attaque de peu, manque de tomber de son balai mais se rattrape dans un geste non dénué d'une certaine grâce.
Le jeu se poursuit, et se termine sur la victoire d'une des deux équipes – laquelle ? Bonne question.
À la fin du match donc, les deux équipes reposent pied à terre, échangent quelques mots pour se féliciter du beau jeu, on se serre la main. Isleen ôte son protège-dents, crache l'excès de salive sur le sol avant de s'essuyer la bouche avec le revers de sa manche, le tout dans un geste d'une extrême féminité.
Et elle s'en contre-carre.
Elle attrape la main d'un batteur adverse et la serre fermement. Fair-play, elle le congratule sur la qualité de son jeu.
Ils partent ensuite boire des bièraubeurres ensemble, dans la joie et la bonne humeur. Autour d'un verre, ils se taquinent, se bousculent un peu, refont les meilleurs moments du match.
Le gardien de Poufsouffle sursaute soudainement en sentant quelque chose contre sa cheville. Il balaie la tablée du regard, avant de croiser les yeux d'une entreprenante jeune fille aux cheveux blonds. Isleen lui offre un sourire des plus charmeurs et remonte le bout de son pied le long de la jambe du jeune homme, sans aucune pudeur – mais avec une discrétion imbattable.
C'est ensemble qu'ils s'éclipseront de la soirée, tard dans la nuit.
Et c'est tôt le lendemain matin que la jeune femme se glissera hors du lit du beau garçon pour enfin rentrer chez elle.
“
We're listening.”
Nous vous écoutons.Isleen est sur son trente-et-un aujourd'hui. Elle a relevé ses cheveux blonds en un chignon strict, a veillé à ce que sa manucure soit parfaite.
Maman le lui a dit des millions de fois : lorsqu'il faut convaincre, le plus petit des détails compte. Et quand on est une femme prête à entrer dans un univers d'hommes, il ne faut pas hésiter à mettre toutes les chances de son côté, car l'esprit ne suffit pas toujours.
On prend une profonde inspiration.
C'est parti.Elle présente aujourd'hui son sujet de recherches pour poursuivre ses études en sixième année, un sujet que devra l'occuper jusqu'à la toute fin, jusqu'au bout de sa huitième année. Alors, baguette à la main, elle explique l'intérêt de son champ d'étude, à savoir la distillation de la magie, ou l'art de faire entrer un sortilège dans une fiole. Passionnée par son sujet, elle s'emporte assez rapidement dans les explications. Elle fait même plaisir à voir tant elle s'extasie sur les possibilités qu'offriraient des sortilèges enfermés dans un flacon. Sans parler des possibilités économiques – rendez-vous compte ! - elle promet une compréhension nouvelle de la magie, car il faudrait d'abord comprendre son essence même, enchantement par enchantement, pour pouvoir reproduire son effet et, mieux encore, l'enfermer dans une fiole !
Cette présentation fait son effet. Le jury se laisse emporter par l'enthousiasme de la jeune femme et lui offre une place dans le programme de recherche. Plus que cela, elle obtient même une bourse d'études pour s'engager dans ses recherches.
Un sujet qui promet de l'occuper pendant les trois dernières années de son parcours. Et même au delà : si elle devait se pencher sur chaque sortilège, elle y passerait certainement toute une vie.
Mais quand on est passionné, on ne compte pas.
Blouse sur les épaules, Isleen affiche une moue extrêmement concentrée.
Ça fait maintenant deux ans qu'elle travaille sur sa thèse. Elle a réussi, jusqu'ici, à distiller deux sortilèges plutôt simples :
Alohomora, et
Wingardium Leviosa. Décortiquer, comprendre, reproduire n'était pas difficile. Après tout, certaines potions déjà bien connues permettaient d'imiter les effets de certains enchantements. Mais ce n'était pas une imitation qu'elle recherchait : c'était le sort, l'exact sort, dans un flacon.
Elle avait déjà établi un protocole complet pour les deux sorts cités plus haut. Elle avait réussi à créer un bouillon suffisamment accueillant pour y enfermer le sort, une fois ce dernier lancé dans le chaudron. Emprisonné, ce dernier était alors libéré dès qu'on ouvrait – ou cassait – le recipient dans lequel on l'avait enfermé. Évidemment, il avait fallu un peu de temps pour qu'Isleen comprenne que lancer l'enchantement dans le chaudron ne l'emprisonnait pas : au contraire, il était libéré quasi-immédiatement, et lui avait explosé plusieurs fois en pleine figure.
Non, c'était au moment de la mise en flacon qu'il fallait le lancer, puis reboucher le flacon immédiatement.
La jeune fille s'essuie le front du revers de la manche. Aujourd'hui, elle travaille sur le sortilège du Bouclier, plus complexe que les deux autres.
Comme souvent, ça ne fonctionne pas : une fois le sort lancé, le contenu du chaudron s'évapore sous le regard surpris de la Gryffondor.
Bon…
Elle a besoin d'une pause. La jeune fille raccroche sa blouse, et décide d'aller sur le terrain de Quidditch pour frapper dans quelques cognards, pour se détendre.
Elle est dans une impasse, comprend-elle. Elle n'a pas compris l'essence même du sortilège, c'était la raison pour laquelle elle n'y arrivait pas. Il fallait qu'elle reprenne depuis le début pour établir le protocole à nouveau.
Elle tape de toutes ses forces dans un cognard.
C'est ça.
Recommencer depuis le début.
“
Do me.”
Prends moi.L’ordre est intimé d’une voix rauque, et pourtant claire. Qui songerait à passer une soirée de la St Valentin seul ? Certainement pas la jeune femme qui a très vite trouvé quelqu’un avec qui partager cette soirée au bal organisé par le ministère. Soulevée de façon assez rustique sur ce qui a l’air d’être un bureau, elle s’accorde sans difficulté avec son partenaire de la nuit.
Un partenaire avec lequel elle prendra ses aises, plus qu’elle n’en avait l’habitude jusqu’ici. Il faut dire qu’ils se sont bien trouvés, tous les deux. Ils ont l’air d’avoir une vision des choses assez proche, assez pour que bien plus qu’une histoire de sexe se profile à l’horizon.
Son nom a un petit goût de cigarette, laissé sur le coin de ses lèvres.
Gunnar.
“
Slaínte !”
Elle n’a plus beaucoup d’appétit ces derniers temps, mais ce n’est certainement pas une raison pour oublier les soirées entre copines. Coincée entre ses deux meilleures amies du Rotten Trio, Isleen boit jusqu’à plus soif. Elle chante - faux -, danse, drague, parle sans doute un peu trop de ce beau suédois qui lui fait tourner la tête.
Ca fait du bien de pouvoir ainsi se libérer de tout le stress qu’elle subit ces derniers temps. Sa soutenance de thèse est dans deux semaines, et la pression monte. Et contre la pression, elle ne connaît que deux remèdes : les tartes du Carpe Diem, et, surtout, une bonne soirée avec Pandora et Letha.
Elle ne sait pas ce qu’elle deviendrait sans elles.
Elle a mis sa plus belle robe de sorcière. A coiffé ses cheveux blonds d’une façon impeccable. Relu ses notes des dizaines de fois, préparé ses fioles pour les exemples.
Aujourd’hui, c’est le grand jour. La soutenance est publique, évidemment, et Isleen y a convié ses proches, à la recherche de soutien. Ses parents ont même fait le trajet depuis l’Irlande, et il semble à la jeune femme d’avoir vu, dans leur regard, une fierté sans commune mesure.
Debout dans l’amphithéâtre, face au jury, dos au public, elle s’efforce d’oublier le stress qui lui ronge les entrailles.
Miss Slaviskova lui a dit que sa thèse était brillante. Les retours de lecture fait par le jury étaient très encourageants : Miss Trevelyan avait eu l’air enchantée, Mr Inuksuk avait été dithyrambique, et Mr Nightingal… Bon, Mr Nightingal avait presque fait un compliment, ce qui était plus que bien de sa part, non ?
On prend une profonde inspiration. Et c’est parti pour les quatre heures réglementaires de soutenance de thèse. Et au fur et à mesure qu’on entre dans le sujet, Isleen prend confiance en elle et oublie où elle se trouve, jusqu’aux enjeux du jour. Elle enchaîne les explications complémentaires, se fait un plaisir de faire une démonstration de certains sorts qu’elle est parvenue à distiller.
Puis enfin, après cet exercice ô combien éprouvant, les résultats tombent.
Doctorat validé, évidemment.
Avec félicitations du jury.
“
’Tis a dream opportunity… I can’t not go.”
C’est une occasion en or… Je ne peux pas ne pas y aller.Nous sommes fin juin. L’instant est difficile, mais Isleen sait que c’est l’occasion d’une vie qui se présente à elle. Même si cela signifie partir au bout du monde. Même si cela signifie laisser toute sa vie derrière elle. Ses amies… Et Gunnar.
“
You know, it’ll give you a good excuse to go on holidays to Hawai... ”
Et puis tu sais, ça te donnera une bonne excuse pour aller en vacances à Hawai…L’autre bout du monde. Au soleil. Et surtout, avec un financement conséquent. Elle en avait décliné une offre qu’on lui avait faite pour un organisme privé de Londres, qui était bien moins alléchante.
“
And I’ll be back for Christmas anyway, Cutie Pie,” minaude-t-elle contre le corps élancé de son Suédois. “
It’ll probably be for a couple of years only, anyway. It’ll leave you time to finish up uni, right ?”
Je reviendrai à Noël, de toute façon, mon lapin. Et ça ne sera sans doute que pour un an ou deux, de toute façon. Ca te laissera le temps de finir tes études, non ?Sandwich coincé entre les lèvres, Isleen étudie la réaction de son bouillon de très près, veille à ce qu’il soit stabilisé. Elle n’est à Hawai que depuis deux semaines, mais la maison lui manque déjà. Le dépaysement est bien plus brutal qu’elle ne l’avait cru. Elle n’a pas encore le mal du pays à proprement parler, mais sent bien que rester ici deux ans ou plus va être long.
Même si Gunnar vient la rejoindre un jour - chose à laquelle elle ne croit que modérément.
La nuit est sur le point de tomber quand de grandes flammes jaillissent dans la cheminée. Croyant d’abord à un problème avec son chaudron, Isleen met un temps avant de reconnaître le visage de son père dans le foyer.
Quelque chose de grave est arrivé, comprend-elle immédiatement.
“
Dad ? What happened ?”
Papa ? Qu’est-ce qu’il s’est passé ?Tout a pu arriver. De Maman à sa soeur, ou son frère, ou Gunnar, ou…
“
The Deathwings attacked Hogwarts last night. Letha died.”
Les Deathwings ont attaqué Poudlard hier soir. Letha est morte.Et le monde d’Isleen se déroba sous ses pieds.
Les cernes sous ses yeux rougis de larmes, Isleen laisse sa valise tomber lourdement sur le sol. Elle a voyagé depuis Hawai toute la nuit… Ou tout ce qui lui a servi de nuit, étant donné qu’on est en début de soirée d’un magnifique dimanche ensoleillé ici. Elle a eu le temps de contacter l’organisme qui, deux semaines - une éternité - plus tôt, lui avait offert une place à Londres. Par chance, ils étaient toujours prêts à l’embaucher.
Adieu Hawai.
Mais ce n’était rien. Elle n’aurait jamais pu rester là-bas.
Knock, knock, knock.“
Pandy… Pandy, ‘tis me… Open the door, please... ”
Panpan… Panpan, c’est moi… Ouvre la porte, je t’en prie... La voix de la jeune femme se brise en un nouveau sanglot. Debout sur le pas de la porte de sa meilleure amie, elle n’a pas cherché à aller voir qui que ce soit d’autre. Ni sa famille, ni son petit ami.
Il n’y a qu’une seule personne avec qui partager son chagrin.