In the Eye of the Storm [Nath & Ulysse]

   

In the Eye of the Storm

Nathanael & Ulysse

Credit - Beylin

Bien sûr que Nathanael aussi, il aurait préféré revoir Ulysse dans d'autres circonstances. Dans sa tête, et comme il le lui avait proposé d'ailleurs, il aurait voulu que ce soit autour de la table, chez lui, avec Hyacinthe et l'autre homme. Il voulait des retrouvailles festives, heureuses, pas... ça. Il sentait qu'Ulysse encore une fois n'était pas bien en sa présence. Il avait l'impression de lui avoir forcé la main à lui demander de le raccompagner. Mais les transports en commun, là, ça aurait été de trop.

Ils avaient atterris dans une rue plus déserte qu'en pleine journée, proche de la pâtisserie, et Nathanael lui avait lâché la main. Il se sentait un peu nauséeux, avec tout ça. Pas le fait d'avoir prêté serment pour son ami dont au final, il ne connaissait pas les réelles motivations. Il avait envie de lui demander. Il serait en droit de savoir. Mais sa loyauté de Pouffsouffle passait au dessus du reste. Il lui avait déjà pardonné. Il lui offrit un petit sourire sur ses traits fatigués.

« Est-ce que... Tu veux entrer ? »

Il lui montra la pâtisserie, et par extension, son appartement.

« Hyacinthe doit dormir à cette heure, on peut... Tu peux peut être insonoriser le salon. Si tu veux discuter ? »

A vrai dire, il ne savait plus. Si Ulysse voulait de sa compagnie, ou s'il lui en voulait de la façon dont il lui avait extorqué un demi aveu. Il savait Ulysse fier. Peut être qu'il n'aurait pas dû s'imposer, mais c'était un peu la seule solution qu'il avait trouvée. Il avait aussi vu les mains du jeune DiScipio trembler et... ça l'inquiétait. De là à lui demander de but en blanc, il y avait un monde, mais ça ne lui donnait pas envie de le laisser seul après une telle journée.

Les mains d'Ulysse tremblaient encore un peu lorsqu'ils atterrirent proche du chemin de traverse. Il avait préféré les ramener là que directement chez Nathanael. Pas certain qu'entrer chez le pâtissier soit une bonne idée, tout de suite. Il ne savait pas trop comment il se sentait. Il y avait un trop plein d'émotions qui partaient dans tous les sens, dans sa tête. Malgré tout, il restait reconnaissant au pâtissier de l'avoir tiré de ce mauvais pas. Même s'il y avait un arrière goût bien amer. Même s'il regrettait un peu de l'avoir fait venir. Il aurait préféré ignorer certaines choses qui à présent... lui semblaient des évidences.

Était-ce une bonne idée de rentrer ? Il ne savait pas trop. Il devait sans doute à Nathanael quelques explications, en plus des remerciements qu'il lui avait déjà exprimés plusieurs fois. Alors il hocha la tête, faisant signe à Nathanael pour le suivre.

Ils entrèrent tous deux par la porte arrière. Attrapant dans sa veste la baguette durement récupérée, Ulysse lança un sort à travers l'appartement pour insonoriser les pièces. Ça serait sans doute mieux. Il appréciait Hyacinthe mais.. il avait déjà inquiété et gaffé avec un McDougall aujourd'hui, il préférait éviter de réitérer l'expérience avec le second.

"Désolé d'avoir ... probablement perturbé toute ta soirée. Je ne l'aurais pas fait s'il n'avait pas été si..."

Il s'interrompit, en profitant pour ôter sa veste et la poser sur le dossier du canapé. Ce n'étaient pas les insultes qui manquaient pour qualifier Arthur. Mais ... avec ce qu'il avait déduit et ce qu'il craignait, ça ne serait sans doute pas très avisé. Malgré la colère et son état de nervosité, il lui restait tout de même un tout petit peu de savoir vivre.

"Arthur Thorn... J'espère que .. je ne t'ai pas trop mis mal à l'aise, vis à vis de lui."

C'était un vœu pieux. Il n'était pas idiot. Il avait bien perçu la gêne. Les paroles de Nathanael. Il aurait aimé lui dire combien il haïssait l'auror. Mais ça serait mal venu, de sa part. Et puis qui était-il pour juger des relations du pâtissier et avoir son mot à dire ? Son attachement à Nathanael n'était certainement pas réciproque, il le savait.
Il hésita à s'asseoir dans le canapé mais se releva aussitôt, trop nerveux pour réussir à tenir en place. Alors il se remit à faire les cent pas, tournant dans la pièce comme un poisson dans son bocal. Il ne s'arrêta que pour faire face à Nathanael et s'adresser à lui à nouveau.

"Je ne savais pas que vous vous connaissiez.. "

Les choses auraient sans doute été différentes, sinon. Il ne lui aurait probablement pas envoyé de chouette. Et en même temps.. Il ne serait sûrement pas sorti si facilement sans l'appui du pâtissier. Et sans le lien.. quel qu'il soit, qui unissait les deux hommes. N'empêche qu'il aurait préféré moisir derrière les barreaux, peut-être. Que de savoir et de sentir son cœur se serrer et le reste de son corps se disloquer. Malgré tout, il lui restait l'espoir, un peu planqué, qu'il ait fait fausse route. Même s'il n'y croyait plus vraiment...

C'était amusant comme, aussi mal en point côté coeur et côté tout le reste que le pâtissier pouvait être, la présence d'Ulysse ne le dérangeait pas. Fut un temps où il l'aurait remercié sur le pas de la porte, et il aurait préféré rentrer chez lui, seul, et s'effondrer dans le noir dans son fauteil préféré du salon. Maintenant, il y avait Cosmo bien sur, qui lui tenait compagnie. Et Hyacinthe aussi. Peut être que la solitude n'était plus tellement ce qui convenait au pâtissier ? Pourtant, c'était un peu sa recherche de solitude suite à ce qui lui était arrivé qui l'avait amené dans un tel bourbier avec Arthur Thorn. Et par extension, avec Ulysse ce soir.

Cosmo avait levé un oeil quand les deux hommes étaient montés, mais il s'était recouché, apparemment épuisé par la ballade que Hyacinthe lui avait prodigué. Au moins, son petit frère pouvait le faire gambader en forêt, grâce à sa magie. Nathanael se demandait s'il n'avait pas été irresponsable de l'adopter, maintenant que tout était plus compliqué en tant que cracmol. Mais il l'aimait, son Chien-Loup-Occamy. Il était allé flatter son encolure, puis était allé voir ce qu'il pouvait offrir à Ulysse pour le détendre un peu. Il se demandait quel mal le prenait... et en même temps, comment le demander ?

« Je te l'ai dit, je suis content que tu m'aies fait venir. »

Content, c'était un bien grand mot. Disons qu'il avait été touché qu'il l'ait considéré suffisamment de confiance, ou proche, pour venir. Ou bien il était le seul qu'il connaissait pouvant faire ça ? Ou pensait-il qu'il avait encore des connaissances au Ministère ? La suite lui fit moins de bien à entendre. Il n'avait pas vraiment envie de penser à Arthur Thorn, maintenant. La façon dont il l'avait regardé, puis ignoré. La colère qui semblait émaner de l'homme à son égard... Nathanael avait à peine espéré le revoir, en l'appelant, ouvrir quelque chose mais là ?

« Tu n'as rien fait de mal. »

Il dit avec un petit sourire vers lui, alors qu'Ulysse s'installait dans le canapé. Il n'avait pas envie de lui dire ce qui s'était passé ou encore ce qui ne se passerait probablement plus jamais. Il n'était pas sûr de pouvoir assumer de lui dire qu'il aimait les hommes. Que le premier qu'il avait aimé, c'était Hector, son propre frère. Le mal qu'il lui avait fait.

« Arthur... Je le connais depuis Poudlard. On s'était revus récemment... Il m'en veut probablement d'avoir pris parti contre lui. »

Ce qui était la seule chose qui lui venait à l'esprit. Ca, et le fait qu'il ne l'avait pas encore rappelé, mais ça paraissait trop idiot. Il prit deux verres d'eau pour commencer, et en donna un à Ulysse, avant de descendre le sien.

« Tu veux boire quelque chose ? Il est peut être tard pour un café... ou un thé ? »

Il ne put manquer la façon dont les mains du jeune DiScipio tremblaient encore. Et son air tellement perdu, et mal. Comme toujours, Nathanael ne demandait qu'à l'aider. Mais il avait aussi peur de le braquer comme il semblait le faire si rapidement. Il vint s'asseoir en face de lui, sur son fauteuil, regardant son verre d'eau et puis réfléchissant silencieusement avant de revenir à son invité.

« Est-ce que tu veux me parler de ce qui s'est passé ? »

Il dit, en le regardant avec toute l'amitié dont il était capable.

« Ca n'est pas un interrogatoire... Tu en as eu suffisemment pour aujourd'hui, hein. J'aimerais simplement... Si je peux aider. »

Il proposa. Si Ulysse souhaitait éviter le sujet, il ne le forcerait pas. Mais il se devait d'essayer. Merlin que les DiScipio avaient la tête dure... Hyacinthe aussi, et il avait eu du fil à retordre durant son éducation, mais là, il avait rarement vu plus borné. A part Arthur Thorn, peut être.

Évidemment, Nathanael n'avait pas donné de détails concernant sa relation avec Arthur. Ulysse n'en attendait pas autre chose, même si sa curiosité le poussait à espérer. Il connaissait la discrétion du pâtissier. Enfin.. il ne connaissait pas grand chose de sa vie, plutôt. La discrétion, il l'avait donc déduite. Ainsi, ils se connaissaient de Poudlard déjà.. C'était plutôt logique, en fait, compte tenu des différences d'âge entre eux. Il grimaça un peu. Il n'y avait pas que de bons souvenirs, dans le lot. Surtout envers Arthur. Envers Nathanael, aussi. A deux époques différentes, il s'était entiché brièvement de l'un, un peu plus sérieusement de l'autre. L'un comme l'autre avaient été des échecs. Il détourna un peu les yeux. C'était stupide, mais parfois il avait vraiment l'impression de revenir à cette époque là, comme maintenant, face à Nathanael. Et ça ne l'aidait pas vraiment à y voir clair.

Il regarda le verre d'eau que le pâtissier lui tendait. L'attrapa avec hésitation. Comment lui dire qu'il n'avait pas bu d'alcool depuis la veille et que le café ou le thé, là, il n'en avait rien à cirer ? Il pencha la tête.

"Je serais pas contre quelque chose d'un peu plus ... fort ? Une petite bière ?"

Il tenta de proposer simplement. Ça se faisait, non ? Il espérait que ça calmerait un peu ses mains tremblantes. La sueur qui continuait à couler dans son dos. Que jusqu'à présent il avait mise sur le compte de l'interrogatoire. Sa nervosité aussi. Mais... il avait peur de braquer Nathanael. C'était difficile de demander autant alors qu'il l'avait déjà tellement aidé. Et qu'il ne lui avait rien rendu du tout. Le verre d'eau dans la main, il se rassit et se força à en boire une partie. Même si ça ne le calmait pas vraiment. La nervosité se reporta dans ses jambes, qu'il agita sans s'en rendre compte. Il fronça les sourcils.

"On s'est mal compris avec Arthur. C'est monté dans les tours. Je suis allé chez lui, c'est vrai. Mais je le prenais pour quelqu'un d'autre. Une vieille connaissance."

Il tenta de lui expliquer, posément, autant que son état de nerfs lui permettait de l'être. C'était à peu près le même mensonge qu'il avait servi un peu plus tôt à Arthur. Il commençait presque à s'en convaincre lui-même. Au fond, la vérité n'était pas si différente. Mais il n'était pas forcément prêt à avouer ses penchants de stalker à Nathanael.

"Désolé si je t'ai fait peur. C'est pas dans mes habitudes de rentrer chez les gens comme ça, va pas croire que..."

Il s'arrêta, replia sous lui ses jambes en se rendant compte qu'il les faisait trembler. La fatigue ne devait pas aider, non plus. Il déglutit et reprit le verre d'eau. Quelle image pathétique devait-il donner de lui... A devoir être sorti d'une salle d'interrogatoire pour avoir pénétré chez un mec par effraction... A etre dans un état pareil, à être dans la situation que Nathanael connaissait. Il savait l'image qu'il renvoyait. Et il la détestait bien plus que sa réelle situation.

"Je fais pas ça. Je vole pas les gens. J'ai rien pris, chez lui. Ni chez personne. Je voulais juste retrouver un ami mais... je... En général... j'essaye de faire les choses.. bien. C'est pas parce que je suis à la rue que je fais ce genre d'effractions. "

Il passa sa main dans sa nuque, ébouriffa ses cheveux. Nathanael ne lui en avait sûrement pas demandé autant. Mais il se sentait obligé de préciser. Il ne voulait pas qu'il se méprenne. Pas lui. Auprès de beaucoup, il s'en raclait les noix -les noix, les noix- avec un ukulélé de l'image qu'il renvoyait. Mais le pâtissier.. C'était différent. Enfin.. il se perdait à le penser, encore.

"Et je ne lui aurais pas fait de mal, à Arthur. Ne t'en fais pas."

Précisa-t-il encore. Ça n'était pourtant pas l'envie qui manquait. Mais de toute façon, l'auror le battrait à plates coutures. Et il n'avait pas l'intention de le recroiser, quoi qu'il en soit.
Sauf peut-être pour aller chier sur son perron.

Une bière, donc... On ne pouvait pas dire que Nathanael n'avait pas essayé. Et il était un peu tôt pour confronter un Ulysse encore tout récemment retrouvé à la véritable raison qui l'amenait à demander une bière. Nate attendit que ce dernier se soit un peu hydraté avant de se relever pour aller lui en chercher une. Il en prit une lui aussi, histoire de l'accompagner. Il était plus sage, depuis l'autre soir, niveau alcool. Et puis il voulait être attentif pour son invité qui avait quand même passé un sacré mauvais quart d'heure. Il ne savait pas tellement combien de temps Ulysse était resté là, en plus, avant de faire appel à lui...

Il l'écouta lui expliquer la raison de son interrogatoire. Le pâtissier ne pouvait pas dire qu'il connaissait si bien que ça l'Auror qu'Arthur était devenu, mais ça avait l'air d'être autre chose que le petit chenapan qu'il était avant. Il avait été dur, là, en plus. Plus Ulysse se confiait, plus Nathan se demandait comment faire. Il voulait bien lui dire qu'il le croyait, qu'il n'avait pas à se justifier devant lui, mais le croirait-il, lui ?

« Ne t'en fais pas. Je te crois... d'accord ? Je sais comment ça peut vite s'envenimer, même si ça fait longtemps. Là il y avait une histoire personnelle... Ca n'aurait pas dû être lui le responsable de ton interrogatoire quoi qu'il en soit. »

Il dit clairement, pour que le plus jeune comprenne. Et puis avec un petit sourire, il ajouta.

« Donc tu ne l'aurais pas fait chez moi ? Je crois me souvenir qu'en Animagi, tu aimais bien mes pâtisseries. »

Il plaisanta un peu. En espérant que ça passerait. Mais non, il savait qu'Ulysse n'était pas quelqu'un de mauvais, loin de là. Il n'aimait pas l'idée de le savoir à la rue, le principe même d'être aussi précaire, qu'on connaisse ou pas la personne, inspirait la sympathie, normalement. Pas une réaction telle que celle d'Arthur.

« Tu es quelqu'un de bien, je le sais. Alors arrête de t'en faire. »

Même quelqu'un de bien peut voler, il le savait aussi. Mais il ne voulait pas qu'Ulysse ait de doute concernant sa confiance. Il ne l'aurait pas invité chez lui, là où dormait son cadet, sinon. Et puis Arthur revint sur le tapis, et le pâtissier fut embêté. Il n'avait pas vraiment envie de discuter de ça avec Ulysse. Et en même temps, est-ce qu'il n'avait pas pris la décision de petit à petit, assumer ce pan de sa personnalité, et de sa vie? Sauf que là, ce pan de sa vie lui était revenu en pleine tête.

« A vrai dire, je me demande lequel de vous deux aurait... je me demande si vous n'auriez pas fini par vous entre-tuer. »

Il soupira. Et il ne voulait pas ça. Il but un peu de sa bière, histoire que l'autre ne se sente pas coupable. Lui, n'aimait pas ça. Ca se voyait d'avantage à présent, ce que le manque faisait de l'autre. Et il était un peu complice de ce retour à l'alcool. Mais une cure de désintoxication, ça ne s'entreprenait pas comme ça. Pas un jour aussi dur que ce lui là. Certainement pas obligé par un ami, non plus. Alors plutôt que d'attirer tout de suite le sujet sur ce problème, il évoqua autre chose.

« C'est un peu... différent, en ce moment, mais j'ai repris la boutique, tu as vu ? Les Aurors n'ont pas de réponse pour ce qui est de mon avenir et je ne compte pas les attendre non plus. Ils me laissent un peu tranquille en ce moment, et j'ai plus de temps pour bosser mes nouvelles recettes. Si ça te dit de les goûter demain ? »

Ah ça, pour l'histoire personnelle... Nathanael n'avait pas idée à quel point c'était vrai.. Ulysse ne lui avait pas dit qu'il le connaissait aussi, de Poudlard. Il ne l'avait pas non plus dit à Arthur, d'ailleurs, au final. Ce dernier l'avait-il finalement reconnu ? Probablement que non. Il n'avait pas l'air d'en avoir grand chose à faire, de toute façon. Surtout à partir du moment où le pâtissier était entré dans la salle.

"Ils devraient revoir leurs méthodes, ouais."

Grommela-t-il un peu. C'était un bel euphémisme. Là, s'il s'était écouté, il aurait presque voulu faire cramer tout le ministère et leurs parchemins à deux gallions. Presque. Il fronça les sourcils et attrapa la bière entre ses deux mains. Tentant de ne pas se ruer dessus comme un affamé sur un quignon de pain. Il voulait se montrer respectable, quand même, devant le pâtissier. Même si c'était loin d'être gagné, ce soir..

"J'suis jamais rentré chez toi ! Les poubelles, oui mais... c'est différent, c'est un peu des réflexes d'animagus..."

Ca aussi, il se sentit obligé de justifier, même s'il sentait bien que Nathanael disait ça à la légère, pour plaisanter. N'empêche. Il n'était jamais rentré chez lui ni dans sa pâtisserie, il n'aurait jamais rien volé d'autre que les invendus jetés dans les bennes. Il tenait à ce qu'il le sache. Question d'honneur. Il avisa à nouveau sa bière, calée entre ses deux mains. Et en prit une, puis deux, trois, quatre gorgées. Putain. C'était pas la panacée mais rien que la tenir, ça l'apaisait un peu.

Est-ce qu'ils se seraient entretués, avec Arthur ? Peut-être... Il n'aurait pas pu promettre qu'il ne se serait pas jeté sur l'auror si Nathanael n'était pas intervenu. Les nerfs à vif, le manque, la situation, rien ne jouait en sa faveur. Mais s'il avait dû parier, il n'aurait pas misé sur lui-même. Il se défendait peut-être bien en combat de rue mais l'autre était certainement plus habile à dégainer sa baguette.
Il but quelques autres gorgées, achevant la bouteille qu'il reposa sur la table basse. Il aurait aimé en parler à Nathanael. Lui dire ce qu'il pensait d'Arthur, s'il ne l'avait pas encore compris... Il ne comprenait pas comment quelqu'un d'aussi doux et attentionné que le pâtissier pouvait apprécier un type pareil. Mais.. Est-ce que son avis de type paumé et alcoolique vaudrait vraiment quelque chose à ses yeux ? Il n'y croyait pas trop. Il ne ferait pas le poids face à l'auror propre sur lui.

Et de lui-même, le pâtissier changea de sujet de conversation. A croire qu'il ne voulait vraiment pas s'attarder sur l'autre co... Arthur. Ses poings se crispèrent à nouveau. Il ne pouvait s'empêcher de songer que les aurors feraient mieux de s'occuper de ce genre de priorités. Plutôt que de passer une journée sur des types comme lui qui n'avaient rien demandé à personne. Bande d'incapables. Mais... il n'allait pas plus leur cracher à la gueule. Ça ne blesserait que d'avantage le pâtissier. Et ça n'avancerait rien du tout.
Il avait tenté plus d'une fois de passer chez Nathanael, depuis la soirée de la Saint-Valentin mais n'avait jamais passé le pas de la porte, pour des tas de raisons différentes.

"Avec plaisir, pour les goûter ! Il n'y a pas que l'animagus qui apprécie les pâtisseries, l'humain aussi !"

D'ailleurs, il n'avait pas mangé de la journée, il s'en apercevait maintenant. Mais.. Son ventre était tellement noué qu'il n'était pas certain de pouvoir avaler le moindre truc. Et puis la bière, ça nourrissait.

"J'aurais aimé venir plus tôt ... mais ... Enfin tu es bien entouré, je pense ! Mais si tu as besoin d'aide... même si je pense que ton frère est là pour toi.. hésite pas. Jusqu'à présent c'est toujours toi qui m'as tiré de mauvaises passes mais... il m'arrive de faire autre chose que des conneries, aussi, je t'assure !"

Il s'assit un peu mieux sur le canapé, laissant retomber ses jambes à nouveau. Ses tremblements n'avaient pas cessé mais ils se faisaient plus discrets. Il ne savait pas trop en quoi il pourrait lui être utile mais.. il aurait aimé. Nathanael était tellement courageux de poursuivre malgré ce qu'il lui arrivait. Lui, il avait baissé les bras pour bien moins que ça.

"Je voulais te dire..."

Il s'interrompit, baissant les yeux. Il entrouvrit les lèvres, sans trouver les mots pour lui dire ce qu'il avait sur le cœur, ce qu'il pensait de lui. Sa gorge s'était serrée. Comme pour l'empêcher de dire trop de conneries. Maudit cerveau.

"Rien.. pardon... Enfin merci. Encore... est-ce que... ça t'embête si je prends une deuxième bière ?"

Le rattrapage de l'année, il méritait une médaille et des applaudissements, au moins. Surtout pour réclamer de l'alcool en plus. Autant dire qu'Ulysse n'était pas bien fier de lui. Le rouge sur ses joues, le regard bas, ses lèvres qu'il mordillait... tout le confirmait, si un doute était encore possible.

Il avait beau ne pas avoir vu l'autre depuis qu'ils avaient quoi...douze et seize ans ? Nathanael ne pouvait pas s'empêcher de s'inquiéter un peu pour lui. A dire vrai le pâtissier avait tendance à s'inquiéter rapidement pour n'importe qui qui passerait le pas de sa porte. Mais il avait des souvenirs partagés avec Ulysse DiScipio. Et il voulait lui venir en aide. Aussi, alors que l'autre lui demandait une bière, il était réellement tiraillé entre la leçon de morale et juste... être un bon ami aussi ? Chaque bataille en son temps, il supposait.

« J'ai pris tes visites nocturnes comme un compliment, tu sais. »

Il lui rendit un petit sourire. C'était la vérité, même les ratons ont du goût. Nathanael retourna dans son fauteuil face à lui et finit sa bière, posant sur la table la pâtisserie qu'il avait ramené aussi. C'était surprenant, avec toutes les tartes qu'il faisait et mangeait en partie, qu'il soit toujours en forme et qu'on n'ait pas à le rouler sur une chaise. A croire que son activité de pâtissier lui faisait dépenser autant qu'il ne mangeait. Ou bien c'était l'anxiété qui lui faisait brûler toutes ces calories. Il avait peut être perdu un peu de poids, depuis la soirée de St Valentin qui avait changé sa vie. Mais pas tant que ça. Il en fallait plus pour démoraliser le pâtissier -d'avantage- et c'est un peu ce que son regard racontait.

« Tu es là maintenant. Je t'appelle si j'ai besoin de serveurs, c'est ça ? »

Il était le genre à ne pas aimer parler de ce qui lui faisait du mal et il en avait eu, du soutien, si on parlait de gens qui voulaient surtout le plaindre. Oui, la vie était dure pour lui ces derniers temps. Mais il avait son frère. Il lui avait évité de rejoindre une bande vraiment dangereuse et s'il n'était pas en bon état maintenant, Nathan avait toute confiance en lui. Il savait qu'il s'en sortirait. Ils s'en sortiraient tous les deux. Avoir un ami ne ferait pas de mal non plus. Si encore cet ami il pouvait l'aider. Ils avaient l'air malin, tous les deux, à vouloir aider les autres alors qu'ils n'étaient déjà pas vraiment capables de s'aider eux mêmes.

Alors il se leva pour aller lui chercher une autre bière, et sentit la culpabilité monter alors qu'il sentait l'autre se détendre malgré tout. Il avait remarqué son hésitation mais n'avait pas su quoi en faire. Il coupa la tarte en deux et en offrit un morceau à Ulysse.

« Tu veux rester ici cette nuit ? Je sais que tu essaies d'éviter le petit déjeuner en famille mais Hyacinthe va se vexer si tu disparais à chaque fois. »

Il s'était installé sur le canapé cette fois, plus proche de son ami.

Un cauchemar de plus. C’était récurrent. Il avait fini par enchanter sa chambre. Pour que Nate ne s’inquiète pas. Cela ne l’empêchait pas de dormir peu. Il avait du mal à suivre ses cours. Surtout que les rares nuits sans cauchemars n’étaient pas plus calmes, surtout à cause d’un certain Loïs Valentine. Parce que le rencontrer ne changeait pour ainsi dire, pas grand chose. Il avait juste réussi à se dire que ce n’était peut-être pas si grave qu’il partage son intimité avec quelques temps d’avance. Enfin là, ça n’avait pas été sympa. C’était un sale cauchemar. Encore cette même soirée. Et c’était impossible de l’oublier. Il passa quelques minutes assis dans son lit.

Puis il fronça les sourcils. En entendant la voix de son frère. Il en rêvait pourtant plus… Il hésita une seconde. Est-ce que son frère avait ramené… un homme ? Encore ? Enfin… Non pas que ça le gêne. Mais… Il devait sortir de sa chambre ? Ou pas ? Et en en même temps… Sa vessie n’allait pas tenir mille ans… Alors… Il se leva et fit le pied de grue devant la porte de sa propre chambre. Jusqu’à n’en plus pouvoir… Il ouvrit silencieusement la porte, et se faufila tel un ninja jusqu’aux toilettes. Il avait vraiment trop besoin de… Enfin, pas la peine de rentrer dans les détails. Il espérait que le bruit de fontaine ne fasse pas fuir l’ami de son frère.

Il essaya de revenir avec la même discrétion. Mais… Les voix étaient plus reconnaissables. Et improbables. Et… Il s’était arrêté trop longtemps. Nate le regardait. Il ne savait pas s’il était en train d’interrompre un truc. Mais si c’était le cas…

“Monsieur Di… U...U...Ulysse ?”

Il fronça les sourcils.

“Nate ? Vous… Je… Je peux venir ?” demanda-t-il en s’approchant finalement.

Il n’était peut être pas mécontents de trouver deux personnes avec qui rester après son cauchemar. Il avança timidement. Pour venir se caler entre les deux hommes. Pitié qu’il ne soit pas en train d’interrompre un truc. Il jeta un regard à Ulysse. Puis à Nate… Puis aux morceaux de tarte.

“N...N...Non… M...Mais… J’en… J’en voulais pas de la tarte… Je… Je...Je vais prendre… Un chocolat chaud…”

Il se releva et alla dans la cuisine, utilisant un sort pour réchauffer plus vite le lait, et revint en un clin d’oeil se rasseoir. Il avait aussi pris un peu de gâteau au chocolat.

“V...V...Vous...Vous me… Vous me dites… P...P...pourquoi… Vous buvez… Une bière… Sur ce canapé… A cette heure ? Ou… C’est… C’est trop… indiscret… ?”

Il jeta un regard un peu appuyé à son frère. Le genre qui disait : “Je dois partir ? Tu allais… Tu sais quoi ?”

Évidemment que c'était ridicule, de proposer son aide, vu la situation. Même Nathanael le lui fit remarquer. Ulysse lui sourit un peu. Mais ouais, bien sûr, il ne pouvait pas faire grand chose. Pas même serveur, sans doute, il serait capable de tout renverser ou de vexer des clients en moins de temps que ça. Magie ou non, il n'avait pas le talent du pâtissier, c'était évident. Et pour exprimer ce qu'il ressentait, le talent lui manquait aussi. Comme les mots. Il soupira.

"T'es pas tout seul. Je voulais juste te dire ça. Je ne suis sûrement pas la personne la plus... enfin... mais si t'as besoin, hésite pas."

Il le regarda du coin des yeux, plusieurs fois, jouant avec sa bouteille vide avant de se décider à en demander une deuxième. Il avait au moins besoin de ça, si ça n'était bien plus, pour faire passer toutes les émotions du jour. La fatigue n'aidant pas, ses yeux se rivèrent sur la bouteille lorsque le pâtissier revint et il la suivit, comme hypnotisé, jusqu'à l'avoir en main. Cette fois, il n'attendit pas bien longtemps avant d'en boire une partie. Et puis il avisa la tarte que Nathanael avait ramenée. Ça le fit sourire. Il était toujours tellement accueillant et prévoyant. Et ... toujours prêt à ramener à manger, c'était presque un automatisme. Mais là, il n'avait pas vraiment faim. Il regarda l'assiette qu'il lui tendait, le remercia et la posa sur la table basse. Peut-être plus tard.

"Je veux bien, si tu le proposes ! La journée a été longue et je veux pas le vexer.. ni toi..."

Et bon, s'il voulait rester, ce n'était peut-être pas que pour voir Hyacinthe. Il regarda Nathanael à nouveau, sentit son ventre se nouer un peu plus. Le pâtissier était tellement impassible. Impossible de savoir s'il ressentait ne serait-ce qu'une once de ce que lui-même vivait. Mais s'il ne se lançait pas ce soir, ça ne serait probablement jamais.
Ca faisait combien de temps qu'il n'avait pas autant hésité ? Habituellement, les choses étaient simples. Il ne se posait pas de questions. Mais les émotions, ça foutait toujours le bordel. Et .. ça faisait si longtemps qu'il n'en avait pas ressenti de similaires. Alors il but une autre gorgée, pour se donner des forces. Quand faut y aller, faut y aller ! Et.. on disait qu'un geste valait mille mots, non ? De toute façon, il n'était pas doué, pour exprimer ce genre de choses..

Le regardant, il se décala un peu sur le canapé pour se rapprocher de lui. Et commença à se pencher vers lui. A poser sa main sur celle du pâtissier. Son cœur battait beaucoup trop fort. On aurait dit un adolescent.

Et puis un bruit. Il sursauta. Entendit qu... ouais. C'était un bruit de pisse. Il se redressa, aussi perplexe que gêné. Évita soigneusement le regard du pâtissier. Ses yeux se rivèrent sur la part de tarte, toujours intacte.

L'instant d'après, il vit Hyacinthe débarquer. Il fronça les sourcils. Leva les yeux. Oh m... Son sort n'avait-il pas marché ? Oh. Il se sentait d'autant plus gêné. Il hocha la tête. De toute façon, est-ce qu'il leur laissait le choix ? Visiblement non.. Surtout pas en s'installant entre eux. Ulysse se mordilla les lèvres. Aurait-il pu avoir un pire timing ? Hyacinthe semblait à mille lieux de ce qui lui traversait l'esprit, à parler tarte et chocolat chaud. Ulysse profita qu'il se relève pour se tourner vers Nathanael, sans trop oser le regarder dans les yeux.

"Excuse-moi, j'aurais pas dû..."

Chuchota-t-il, se tournant à nouveau vers le blondinet lorsque ce dernier entra. Il se mordilla les lèvres à nouveau. Regarda Nathanael. Et puis avisa sa bière, qu'il décida de terminer. L'histoire allait.. être longue. Fallait-il vraiment tout expliquer ? Il n'était pas certain de ce que le pâtissier voulait dire ou non à son frère... Par Merlin... Qu'est-ce qu'il faisait là ... Pourquoi avait-il accepté de venir ?

"Bon appétit !" Commença-t-il, avant de s'éclaircir un peu la gorge. "Ton frère... m'a vraiment bien aidé, ce soir, je lui dois une fière chandelle !"

Il passa sa main dans ses cheveux en les ébouriffant. Ca avait déjà été suffisamment difficile d'expliquer la situation à Nathanael et d'assumer ce qu'il avait fait, il n'était pas sûr d'être prêt à le refaire une deuxième fois...

"Est-ce qu'on t'as réveillé ? On a essayé de ne pas faire de bruit... désolé si j'ai raté le sort.. Nathanael m'a gentiment proposé de rester ici cette nuit... "

Est-ce que c'était juste lui, ou est-ce que ça devenait plus facile de parler avec Ulysse, à présent ? Il se souvenait très bien de leurs retrouvailles où Nathanael avait l'impression d'avoir fait plus de progrès avec l'animagus sous sa forme de raton que sous sa forme humaine. Il serait ravi de le voir plus souvent à la boutique, si c'était comme ça que ça se passait... Nate était sûr que Hyacinthe serait ravi d'avoir un ami, même s'il ne devait pas beaucoup se souvenir d'Ulysse, de la famille un peu plus présent. Ce serait peut être trop se reposer sur lui mais il semblait au pâtissier qu'ensembles, ils seraient plus à même de s'en sortir ? Il espérait en tout cas, qu'il serait en mesure de l'aider un peu aussi.

Assis sur le canapé, il lui assurait d'un mouvement de tête qu'il était le bienvenu ici. Tout comme la dernière fois. Le McDougall n'ouvrait pas si souvent sa maison (certes, ça faisait deux personnes en peu de temps là) mais il était toujours là pour un ami. Il l'observait, et détourna les yeux vers son dessert, du mal à le voir boire alors qu'il savait que c'était plus qu'une simple bière pour Ulysse. Quand il senti une main se poser sur la sienne. Il eut tout juste le temps de retourner son regard, plein d'incompréhension, quand un bruit les surprit tous les deux. Mais qu'est-ce qui venait de se passez ?

« Hyacinthe ? »

Il lui sourit, l'air toujours un peu ailleurs de ce qui venait de se passer. Et le temps que son cadet aille se faire un chocolat chaud -la magie ne vous laissait pas assez de temps pour penser !- il comprit qu'il ne s'était pas mépris. Mais qu'est-ce qu'il pouvait bien répondre, alors que le petit frère venait prendre place entre ses deux aînés ? Qu'est-ce qu'on était sensé répondre à... Ulysse devait être sacrément paumé pour penser à ça avec lui. Il avait l'air de vouloir meubler, en tout cas, et ça n'était pas pour déplaire à Nathanael qui se retrouvait paumé

« Oui... C'était une longue journée. »

Il acquiesca, passant à son tour sa grande main dans les bouclettes de Hyacinthe affectueusement. Il savait ce qui l'avait réveillé. Et il savait que son frère faisait tout pour ne pas lui en parler. Peut être que devant Ulysse, il se confierait un peu plus que devant lui. Mais il n'était pas sûr.

« Mauvais rêves ? »

Il le regardait gentiment. Est-ce qu'il pensait vraiment que Nathanael était dupe ? Des mois, voire des années durant il avait eu des cauchemars à cause de l'accident de leurs parents, il n'allait pas lui faire croire que la soirée qu'ils avaient vécu ne l'avait pas tout autant marqué au moins. Il avait beaucoup pleuré la disparition de la magie de son frère mais la peur, surtout. Il avait tout le temps envie de le serrer et le rassurer.

Nate releva les yeux au delà de son frère, vers Ulysse, lui faisant comprendre ce qu'il pouvait. Il ne voulait pas le rejeter comme ça mais... Il avait Arthur, en tête. Aussi impossible que ça puisse paraître à présent. Et Alexander ? Et faire vivre sa famille et... trouver une raison de vivre aussi. Tant de choses qui faisaient que, outre le fait qu'il n'avait jamais vu Ulysse qu'en ami... Il s'en voulait, bien sûr. Mais sans doute que leur enfance commune et le fait qu'il n'avait eu d'yeux que pour son grand frère des années durant, n'avait pas aidé à le considérer autrement qu'en second petit frère, ou en ami.

« Hey tu sais quoi ? Ulysse viendra peut être nous voir à la boutique. Tu penses quoi, le tablier à franges ? »

Il dit sur un ton un peu taquin. Il essayait de dire à Ulysse que tout allait bien. Il allait cependant devoir lui parler d'Arthur, s'il voulait que l'autre comprenne... Et ça n'allait pas être une partie de plaisir.

Assis entre les deux hommes, Hyacinthe avait quelque peu l’impression d’interrompre quelque chose. Ou c’était juste une mauvaise impression ? Il n’en savait trop rien. C’était une sensation un peu bizarre. Il mordit dans son moelleux au chocolat pour ravaler sa gêne. Après tout, ce n’était pas sa faute… S’ils avaient voulu être vraiment tranquille, ils auraient été dans la chambre de son frère non ? Et puis, c’était trop tard pour revenir en arrière.

“Merfi…” lança-t-il à Ulysse qui lui souhaitait un bon appétit.

Heureusement qu’il avait un bon métabolisme, parce qu’il était vraiment tout le temps en train de grignoter les gâteaux que son frère faisait… Il regarda Ulysse, et sourit en entendant que son frère l’avait aidé. Ça ne l’étonnait pas ! Nate aidait tout le temps tout le monde. C’était une vérité presque absolue.

“Na...Nate est comme… Comme ça… Tu as… as de la chance qu’il ait pas été occupé à… à sauver une mamie…” rigola le blondinet.

Il retourna la tête vers son frère et eut un petit sourire.

“Non… Non… Ju...Juste… Un sou...soucis de vessie !”

Il mentait assez mal, mais c’était de bonne guerre de vouloir rassurer son frère sur son état.

“Oh… N..Non… Non… C’est… C’est pas vous ! Le… Le sort devait être bon !... Et… Et c’est… C’est normal que tu restes !”

Il sourit à son ancien professeur. Il était même prêt à lui laisser son lit pour plus de confort. Vraiment, c’était un vrai plaisir d’avoir M. Di Scipio ici. Bon, il n’allait pas lui re-proposer de lui gratouiller les oreilles, ça aurait pu paraître bizarre à son frère. Mais vraiment, il aimait bien M. Di Scipio. Peut-être plus que bien, mais ce n’était pas la question. Alors que Nate annonce que M. Di Scipio passerait les voir plus souvent, cela illumina son visage d’un beau sourire, dédié à l’italien. Puis un rire à l’évocation du tablier à franges.

“Ahahaha… ça… ça… t’i...t’irait bien !” plaisanta-t-il en donnant un petit coup de coude à son ancien professeur.

Il but un peu de son chocolat chaud. Il ne put s’empêcher de lancer un regard amusé à Ulysse.

“Je...Je… suis sûr… Que...Que tu ferais un meilleur jukebox que serveur…”

Est-ce que c’était avouer qu’il aimait l’entendre chanter ? Oui, clairement. En fait, il aurait été très heureux de le voir très souvent, quelle que soit la raison de sa présence.

La situation était devenue réellement bizarre. Crispé comme un piquet, il regardait Hyacinthe entamer son casse-croûte nocturne, incapable de lever le regard vers Nathanael une nouvelle fois. Il essaya de justifier au mieux sa présence ici, même s'il ne savait plus trop si elle faisait sens, même pour lui-même. Le confort d'une maison chauffée était bien sûr inégalable et l'accueil des McDougall était toujours chaleureux. Mais... qui essayait-il de berner, en se disant que c'était tout ce dont il avait besoin ?
Les sourires sincères du plus jeune McDougall, dont il croisa brièvement le regard alors qu'il terminait ses explications n'aidaient pas d'avantage. Il se sentait de trop. Surtout en entendant la conversation entre les deux frères.

Il hocha la tête. Est-ce que c'était vraiment normal qu'il reste ? Il n'en était pas si sûr. Nathanael ne lui aurait probablement pas proposé si sa situation n'avait pas été si précaire. Il se força à sourire en retour, sans réussir à y mettre beaucoup de conviction. Sa gorge s'était nouée. Il attrapa la bouteille de bière pour essayer de se donner une consistance et la reposa aussitôt en se rendant compte qu'il l'avait déjà vidée, celle-là aussi. Sa main passa dans sa barbe naissante.

Est-ce que Nathanael était vraiment en train d'essayer de détendre l'atmosphère, en parlant de lui, dans un tablier à franges ? Sa gorge se fit plus douloureuse. Ça l'aurait pourtant fait rire en d'autres circonstances. Il ne manquait pas d'auto-dérision en temps normal. Là... son rire fut encore plus forcé. C'était une image qu'il ne parvenait même pas à imaginer. Il restait bloqué sur l'idée de passer les voir... Sur ses mots que Nathanael avait dû comprendre de travers. Ou qui n'avaient simplement pas la même signification pour l'un que pour l'autre.
A moins que ce soit un autre message, que le pâtissier essayait de lui faire passer ? Il peinait à le cerner. Mais l'incompréhension qu'il avait lue dans son regard, juste avant.. elle ne faisait que confirmer ce qu'il avait soupçonné plus tôt.
Il sursauta, lorsque le coude de Hyacinthe frôla ses côtes. Expira longuement pour essayer de se détendre, en vain.

"Je... suis pas sûr... "

Pas sûr que ça lui irait ? Non, il s'en fichait pas mal, de ça. Il n'était surtout pas certain de repasser, avec un tablier ou sans. Pas sûr de ce qu'il interprétait. Pas sûr qu'il faille encore qu'il s'accroche à des chimères. Il essaya de sourire avec un peu plus de conviction à ce qui ressemblait à un compliment, de la part du plus jeune.

"J'aurai au moins un spectateur si je viens chanter, c'est ça ?"

Ça mettait au moins un peu de baume au cœur. Juste un peu, mais ça faisait toujours du bien de savoir qu'on appréciait sa musique. Prenant une grande inspiration, il se décida enfin à recroiser le regard de Nathanael. Incertain de ce qu'il y lisait. Son silence le laissait perdu. Il se força à bailler, feignant une fatigue qui n'existait pas.

"Il doit être tard... on ferait peut-être bien de dormir ? Je peux m'installer ici ?"

Il pointa le canapé du doigt. Le sommeil ne viendrait pas facilement, ça ne faisait pas l'ombre d'un doute. Mais ... peut-être que la nuit lui laisserait le temps de parler avec Nathanael. Ou de partir loin, il ne savait plus trop.

Pour un homme aussi empathique que le pâtissier, sentir qu'Ulysse passait un sale moment était vraiment douloureux. Oui, ils ne s'étaient pas vus depuis longtemps et ils n'avaient finalement parlé qu'une fois depuis leurs retrouvailles, mais ça n'était pas difficile à voir. Pas pour lui en tout cas. Est-ce que Hyacinthe à peine réveillé sentait que quelque chose clochait ? Il pouvait toujorus mettre ça sur le coup de la fatigue, et de la dure journée qu'apparemment Ulysse avait passée -et c'était pas peu dire, il revenait de loin. Nate essayait d'alléger tout ça, mais il était loin d'y parvenir tout seul. Et puis pour quelqu'un comme Nathanael, pour qui la famille avait été quelque chose de si central, de si important, de retrouver avec les deux autres garçons, a discuter comme ça... C'était curieusement agréable. Malgré la gêne qui flottait dans l'air. Malgré le fait qu'ils étaient manifestement, tous les trois, brisés quelque part. Il voulait protéger ce qu'ils avaient, égoïstement.

« On peut reparler de cette idée aussi. Si un public de dame d'un âge avancé et de familles ne te déplaît pas, je te l'ai déjà dit. Tu ferais un malheur. »

Oui, bon, Ulysse avait eu l'air de plutôt fuir l'idée, et maintenant le pâtissier se demandait si c'était par sa faute. Mais il aurait adoré accueillir le musicien une fois ou deux par semaine, pour qu'il se produise dans ou devant la pâtisserie. Pour des gens qui viendraient l'écouter. Autant, il avait du mal à déléguer ses tâches à lui, autant il aimait l'idée de ce genre de collaboartion. Oui... Même leurs parents, à Hyacinthe et lui, auraient approuvé l'idée.

« Sans le tablier. »

Il concéda. Et puis l'autre proposa d'aller se coucher, et Nate scruta un peu plus son regard. Il ne croyait pas à son excuse. Et il avait peur qu'il se serve de celle ci pour disparaître au petit matin. Ca le désolait déjà, et il s'en voulait pour la peine qu'il lui faisait probablement et qu'il lui ferait encore, mais il ne voulait pas le voir s'enfuir encore. Surtout pour Hyacinthe, qui s'en voudrait, et serait triste lui aussi.

« Je te propose plutôt de prendre mon lit. Il est moins défoncé, et tu dormiras mieux demain matin, on entend beaucoup la rue ici. »

Il sourit à son petit frère, et se leva comme si les choses étaient décidées.

« On passe la nuit ensemble comme au bon vieux temps ? Si tu promets de me pas me pousser hors du lit... A moins que tu veuilles profiter d'avoir un invité ? »

Il savait pertinemment que son petit frère ne fermait pas l'oeil de la nuit, ces derniers temps. Ca n'était pas la qualité de ses sorts d'assourdissement le problème, c'était qu'il le connaissait trop bien. Combien de nuits il avait passées avec lui, gamin, après la disparition de leurs parents ? Et il avait bien vu ses cernes au petit matin. Il ébouriffa ses mèches blondes, et releva les yeux vers Ulysse, l'air désolé. Ils parleraient peut être de ce qui s'était passé... mais plus tard.