Histoire
Paris. 1998.
C’était l’euphorie dans le monde moldu. Dorian était amusé de voir comme la ferveur du sport était semblable entre les sorciers et les moldus. Il avait l’impression de revivre la victoire au mondial de l’équipe anglaise de Quidditch. C’était dépaysant pour le jeune sorcier. Première mission à l’étranger. Il se permettait un peu de répit maintenant qu’il avait transmis son rapport à ses supérieurs sur ce trafic d’animaux magiques. Il se baladait dans la foule moldue, s’amusant des “We are the champions” chantés par des hommes trop ivres. Et puis il avait atterri dans un bar moldu. La bière était bonne chez eux aussi. Il rit beaucoup. Il avait un peu trop bu. Il traîna. Beaucoup trop. Jusqu’au petit matin. Dans les rues de Paris.
Et puis il l’avait rencontré. Elle était là. En train de se faire embêter par un groupe de jeunes hommes peu courtois. Petite, brune. Il brailla et courut -maladroitement- pour les rejoindre. Seulement, avec autant d’alcool dans le sang, et pas de baguette, il n’était pas un très glorieux combattant. Il permit juste à la belle d’avoir une assez belle diversion pour allonger ces grossiers personnages. Elle avait un sacré crochet. Elle était brillante. Et quand elle le tira par le bras en lui criant dessus en français, il la suivit sans réfléchir.
Elle le soigna. Dans son petit appartement sous les toits. Elle lui dit qu’il est vraiment idiot. Qu’elle n’avait pas besoin d’un chevalier pour la sauver. Mais quand même, merci. Elle a des yeux d’un noir profond. Un regard si franc et si fort. Yamina. Elle finit par lui taper la joue. Il retombe sur terre. Il croit bien qu’il l’aime. C’est donc ça un coup de foudre.
*
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Il l’avait revu. Chaque moment entre ses missions, il venait à Paris. Loué soit les transplanages et son visa diplomatique qui lui offrait cette possibilité. Il tombait chaque fois un peu plus amoureux. Elle était si pleine de vie. Si forte. Elle était enseignante. Professeur de littérature. Elle lui parlait de tous ces auteurs qu’il ne connaissait pas. Il lisait beaucoup pour paraître moins idiot à l’évocation de tous ces auteurs moldus. Au troisième rendez-vous, ils s’embrassèrent. Puis montèrent dans ce si petit appartement, ils s’étaient aimé à en faire rougir la lune.
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Puis les nuages avaient assombri leur soleil. Cela avait commencé comme une mauvaise grippe. Elle s’était affaiblie en quelques mois. Si vite. Il n’avait pas compris. Elle lui avait dit d’arrêter de venir la voir. Qu’il devait faire des tests. Elle l’accompagnerait. Il avait fait tout ce qu’elle demandait sans vraiment comprendre la médecine moldue et la gravité du moment. Il était encore si jeune et si amoureux. Si ignorant des drames moldus. Elle l’avait repoussé. Il n’avait pas compris.
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Phase terminale. Elle l’avait laissé venir finalement. Elle était si maigre dans le lit d’hôpital. Elle qui avait été si forte semblait si faible avec tous ces tuyaux dans son nez dans ses petits bras. Cette médecine semblait si barbare. Il aurait tellement voulu la sauver. L’emmener avec lui. La faire soigner. Cette maladie n’aurait pas fait long feu entre les mains de bons médicomages. Mais… Ils n’étaient pas mariés. Elle ne savait même pas. Elle ne devait pas savoir pour lui. Un langue-de-plomb se doit plus que quiconque de préserver le secret. Plus que quiconque. Pourtant, là, il avait envie de foutre le secret en l’air. Il l’aimait tellement. Elle ne méritait pas ça.
“
Dorian…”
Sa voix était si faible. Il caressa son front. Ses cheveux si noirs avaient disparu.
“
Promets… Promets-moi… Promets-moi que tu n’aimeras aucune femme comme tu m’aimes, moi…”
“
Je te promets… Yami… Si… Si je pouvais te sauver… Si j’avais… Si je pouvais… Mais qu’en échange… Tu devais… M’oublier… est-ce que… Est-ce que tu voudrais guérir ?”
Elle posa sa main sur sa joue. Un sourire moqueur aux lèvres.
“
Per...Personne ne peut… Et… Pour...Pour rien… Je ne voudrai t’oublier…”
Il serra sa main entre les siennes. Elle était si minuscule entre ses doigts.
Il resta nuit et jour à son chevet. Et puis un jour, le moniteur émit un son strident. Les médecins entrèrent dans la chambre. Maltraitant son si petit corps.
Elle était partie. Le SIDA l’avait emporté. Une part de Dorian s’était éteint avec elle. Ce jour-là, il avait compris pourquoi on déconseillait aux sorciers de s’attacher aux moldus.
2004. Londres.
Il était revenu d’une longue mission sous couverture en Russie. Quand il avait appris la nouvelle. Il n’y avait pas cru d’abord quand son supérieur au ministère lui avait annoncé. C’était une mauvaise blague. Une très mauvaise blague. Seulement il s’avéra que ce n’était pas une blague de mauvais goût. Il resta de longue minutes mutique dans le bureau de son supérieur. Avant d’exploser. Avant de tout dévaster dans ce foutu bureau. Il fallut deux sorciers pour le maîtriser. Charlotte était morte. Sa soeur. Sa jumelle. Sa moitié.
Il était arrivé dans l’orphelinat moldu où son neveu était placé aussi rapidement qu’il l’avait pu. Il avait trouvé un enfant perdu, triste. Il le connaissait à peine. Il s’en voulait de s’être perdu dans les heures de travail. Il ne se souvenait que d’un bébé et voilà qu’il faisait face à un grand garçon. Le portrait craché de Lottie au même âge. Les même sourires. Le même rire… Adopter l’enfant n’était même pas une question. Il était devenu son tuteur légal très vite. S’installant dans le Londres moldu pour respecter le secret magique jusqu’à savoir si Finn était lui aussi un sorcier.
L’oncle Kane se sentit presque devenir père à partir de ce jour-là. Ce qui était étrange. Mais aussi un épanouissement sincère. Il aimait ce petit garçon comme son fils. Il le devait à sa soeur.
1996. Londres.
Lottie était dans la cuisine. Dorian l’avait rejoint avec les assiettes. Son petit ami était resté dans le salon. Ce n’était pas la première fois qu’il le voyait. Et s’il avait pu jusque là lui accorder le bénéfice du doute, cette fois, ses pensées l’avaient frappé. Si fort qu’il avait eu besoin de parler à sa soeur.
“
Lottie, il ne t’aime pas.” souffla-t-il finalement.
Elle avait relevé vers lui un regard plein de colère.
“
Tu mens, Dorian ! Arrête ! Ce n’est pas drôle !”
“
Lottie… Tu sais que mon don ne ment pas… Je l’entends…”
La colère se transforma en surprise, puis revint à la colère.
“
Tu m’avais promis d’arrêter ! Dorian ! Tu n’as pas le droit de faire ça ! Ni à moi, ni à lui !”
Les pensées l'assaillent si fortement. Il peinait à ne pas entendre ce que sa soeur pensait. Ce don qui était depuis toujours un fardeau. Si pour une fois il pouvait la protéger. Sa tête tournait. Il luttait pour ne pas entendre. Pour ne pas violer ce sanctuaire. Ne pas rompre ses promesses.
De toutes façons, tu ne sauras jamais ce que c’est que d’aimer ! Il la fixe. Comme giflé.
Personne n’aimera jamais quelqu’un comme toi, Dorian ! Elle lui parle mais il entend si fort ses pensées. Comment pouvait-elle passer de la soeur si aimante à cela ? L’amour la rendait si aveugle ? Il continua d’entendre. Les reproches. Elle s’était approchée. Il n’arriva pas à se contrôler. Sa main heurta sa joue. Le silence arriva. Il la regarda, interdit.
“
Je croyais que toi tu étais capable de m’aimer, Lottie.”
Elle ouvrit grand les yeux.
“
Dorian… Dorian… Je le pensais pas… Dorian !”
Il était parti de la maison. Plus blessé que jamais.
Sa sœur était tombée enceinte quelques mois plus tard. Le père de l’enfant l’avait alors quitté. Dorian avait été celui qui lui tenait la main pendant son accouchement.
Poudlard.1984.
Serdaigle. Telle avait été sa maison selon le Choixpeau. Il avait été triste d’être séparé de sa soeur. Mais au final, en dehors des dortoirs, ils passaient tout leur temps ensemble. C’était une des rares personnes qui ne lui en voulait pas quand il interceptait ses pensées. Dorian n’en faisait pas exprès. Il peinait à différencier les paroles des pensées. Et même si on lui avait répété dès son plus jeune âge qu’il ne devait pas aller dans la tête des gens, c’était incontrôlable. Si souvent il se faisait submerger par les pensées de tout le monde, au point de ne plus entendre les siennes. C’était à en devenir dingue.
Heureusement il avait rencontré ce professeur de Runes. Un occlumens. Dorian n’avait jamais été aussi heureux du silence qui pouvait régner dans sa tête. Il avait passé beaucoup de temps avec l’homme. C’était une amitié étrange. Mal vue par beaucoup de ses camarades, pas forcément bien perçu par l’équipe enseignante non plus. Mais il s’en fichait. Pour la première fois de sa vie, il pouvait savoir ce que ça faisait d’être “normal” et c’était d’une extrême félicité.
Poudlard. 1991.
Dernière année d’études au collège de magie. C’était étrange de se savoir devenir adulte. Charlotte semblait plus à l’aise avec cette idée-là. Lui, il se sentait toujours un peu perdu. Il avait ce côté rêveur et solitaire qui ne l’aidait pas à se fondre parmi les gens de son âge. Son don non plus. Les filles avaient un peu peur qu’il découvre des secrets. Pourtant, il avait fait de grands progrès, pour fermer un peu mieux son esprit. Pour être moins intrusif. Il avait du coup quelques amis. Oscar lui faisait confiance. Pourtant, il captait quelques pensées de son capitaine d’équipe. Qu’il préférait ne pas comprendre.
Et puis un soir, après une victoire de l’équipe des Serdaigle, ils avaient un peu trop bu. Ils étaient restés tous les deux sur l’un des canapés de leur salle commune. Et Oscar s’était approché. Trop. Beaucoup trop. Qu’est… Qu’est-ce qu’il faisait là ? Non. Dorian l’arrêta, séparant leurs lèvres.
“
Scar… Qu’est-ce…”
Oscar le dévisage, surpris.
“
Tu le sais non ? T’es resté quand même…”
Oui… oui il avait entendu quelques pensées le concernant mais… Il ne voulait pas perdre son ami. Même s’il ne partageait pas son attirance.
T’es tellement beau, Dorian. Tu pourrais avoir toutes les filles que tu veux. Alors arrête de te mentir. Et profite. Les pensées l'assaillent. Il n’arrive pas à le repousser.
“
Lottie… Je crois que j’ai un problème…”
Sa soeur le regarda surprise, lui, un problème ? C’était pas banal ! Il se mit à lui raconter. Elle le sera dans ses bras.
“
C’est qu’un gros connard ! J’te jure qu’il va te foutre la paix !”
Ils avaient atterri tous les deux en heure de colle après que sa soeur aie cassé le nez de son capitaine d’équipe. Oscar ne l’avait plus jamais importuné. Lottie l’avait soutenu. Et elle l’avait aussi mis en garde, le sang de Vélane coulant dans leurs veines attirait souvent de mauvaises personnes… Ils devaient se préserver et se protéger des mauvaises personnes. C’est ce que font les jumeaux !
Londres. 1995. Ministère de la Magie.
“
Comprenez bien qu’avec vos capacités, ce serait presque un gâchis que de vous voir devenir un simple Auror, laissez ça à votre soeur, elle fera cela très bien !”
Son supérieur lui sert un verre de Whisky. Dorian se sent honoré par ce qu’on lui annonce. Peu de personnes de son âge se voit confier une chance pareille. Intégrer le département des Mystères, être langue-de-plomb. Une carrière qu’il n’a pas même imaginé. Il n’aurait jamais pu rêver aussi grand.
“
J’ai pu voir dans votre dossier que vous avez ces dernières années travaillé sur l’occlumancie. C’est un très bon point. Cela et vos capacités innées… Vous allez devenir un grand homme, vous le savez ? Un homme de l’ombre, mais si le monde ne saura rien de vous, vous saurez que vous travaillez à sa bonne marche, n’est-ce pas ?”
Dorian acquiesça. Il n’aurait jamais pu rêver mieux. Il but une gorgée du verre que lui offrait son supérieur.
“
Vous n’avez pas de fiancée je crois ?”
“
Non… Je n’ai pas un grand talent pour les relations amoureuses.”
“
Tant mieux ! Vous aurez moins de mal à voyager, à vous consacrer à votre travail. Il faudrait plus de gens comme vous au Ministère ! Et si je puis me permettre, une famille à élever, c’est une vraie plaie.”
Dorian se garda de montrer son désaccord. Il ne fit pas plus de remarques sur les aventures extra-conjugales de l’homme. Avec l’âge, il avait appris à ne plus réagir aux horreurs que son don lui faisait parfois capter. C’est ce qu’on appelle la sagesse. Ou l’hypocrisie. Au choix.