Je déteste les lieux publiques. Il y a trop de gens, et j'ai toujours l'impression que l'on m'observe. Depuis ma dernière crise de paranoïa qui remonte pourtant à la rentrée, j'ai encore plus peur des gens. Ce qui n'est pas très pratique, quand on est un commerçant. Heureusement, la boutique de baguettes n'est pas extrêmement fréquentée, pas en permanence. Même si ce n'était qu'un horrible cauchemar, j'ai quand même le sentiment permanent que ma génitrice va arriver d'un coup, sans prévenir, pour mettre fin à mes jours après avoir assassiné Yoshi. Maintenant j'en suis certain et je commence à comprendre mon amour : il faut tuer nos familles respectives avant qu'ils ne nous tuent.
Quand Wihlelmina m'a annoncé dans son dernier Hibou qu'elle revenais s'installer en Angleterre, j'ai été ravi. Après plusieurs années à simplement échanger par lettre après notre rencontre lors de son voyage au Japon, nous allons pouvoir nous revoir. Nous avions prévu d'aller boire un thé ensemble, mais à la dernière minute, je lui ai demandé de venir à la maison plutôt. Je ne me sens pas de sortir encore, si ce n'est pas nécéssaire. Je ne sors de l'appartement que pour aller travailler, ou quand Yoshimasa me force à aller faire des courses avec lui. Je suis vidé de toute énergie dernièrement. Surement le changement de saison ?
Après m'être occupé de mes cochons d'inde pour être certain qu'elles soient calmes quand mon invitée sera arrivée, je regarde l'horloge sur le mur de la cuisine. Elles vont surement couiner toutes les trois, en voyant une nouvelle tête, histoire de dire bonjour. Mais après, mes filles seront calmes. Après une dernière caresse à Biscotte, je me relève et part faire chauffer une théière. Yoshimasa est à la MUL cet après midi encore, il va rentrer tard à cause d'un inventaire de la réserve. J'ai préparé des petits fondants au chocolat fourrés au Yuzu, pour aller avec notre thé, qui sortent à peine du four. La maison sent particulièrement bon aujourd'hui.
Je me demande si la sorcière fait attention à sa ligne ou non... Dans mes souvenirs, elle était très mince, même pour une occidentale qui ont tendance à être un peu plus épaisses que les Japonaises. L'eau commence à bouillir dans la théière, et en tendant l'oreille j'entend un petit CRAC derrière la porte d'entrée. Quelqu'un viens de transplanner. Le coups sur la porte m'indiquent que c'est la femme que j'attend. Je relève les manches de ma chemise correctement, et part ouvrir tranquillement.
Poliment, par habitude typiquement Nippone, je m'incline face à elle avant de la laisser entrer chez nous. Je lui ai préparé une paire de chaussons, pour qu'elle puisse se changer elle aussi. Puisqu'elle a visité l'Asie durant ses voyages, elle n'est certainement pas étrangère à cette coutume: quand on entre dans une maison, on retire ses chaussures d'extérieur. C'est plus hygiénique et confortable.
« Bienvenue chez moi, Wilhelmina. »Chez moi... Chez Yoshimasa et moi. Elle est au courant de notre relation, nous en avons souvent parlé dans nos lettres. Elle et moi... Nous sommes des romantiques désespérés et désespérants.
« J'espère que tu n'as pas peur des rongeurs ? J'ai adopté des cochons d'inde dernièrement. »Yoshi trouve que mes trois nouvelles filles sont ridicules. Moi, je les trouve mignonnes. Comme il a vu que j'étais un peu moins déprimé après les avoir câlinées... Il a fini par accepter ma nouvelle tribu de rongeurs.
© SWIRLY