Boom Baby ! [NC -18]

Déjà presque deux mois depuis l'inauguration. Depuis, il n'avait pratiquement fait que travailler. Il était présent au théâtre tous les jours, tous les soirs, qu'il y ait une représentation ou non. Il y avait toujours quelque chose à faire. Autant dire que lorsqu'il avait accepté le poste, il ne l'imaginait pas si prenant. C'était un autre rythme qu'au ministère. Mais il ne le regrettait pas un seul instant. Définitivement, il se sentait plus à son aise dans ce milieu qu'à jongler avec des diplomates vindicatifs (comme les panneaux).

Tout n'allait pas pour le mieux pour autant. Le théâtre peinait encore à remplir les salles. L'inauguration avait fait venir du monde, les premières semaines aussi mais depuis, c'était un peu au ralenti. Il faudrait le temps que le théâtre trouve son public. Le propriétaire n'était pas inquiet, lui un peu plus. C'était sa place à lui qui était en jeu. Alors il avait multiplié les canaux de diffusion, conclu un partenariat avec la MUL, commencé à mettre des choses en place. Mais de toute évidence, il fallait du temps.

Et peut-être améliorer certains points. Raison pour laquelle il lui arrivait souvent, après les représentations, de rester au bar à discuter avec les uns et les autres ou même simplement à tendre l'oreille. Les critiques les plus intéressantes étaient encore celles qui étaient faites sans prétention ni artifices -n'en déplaise à certaines langues de vipères-.
Il préférait qu'on ne le reconnaisse pas et faisait souvent en sorte de passer inaperçu. Il savait que les critiques ne seraient pas les mêmes, que l'on le sache à sa place ou non.

Ce soir, c'était la première d'une nouvelle pièce, à mi-chemin entre la conférence et le théâtre, sur l'histoire de Musidora Barkwith et de sa terrible suite inachevée. La pièce originelle était toujours interdite de représentation. Mais ce soir, ils n'en jouaient que des extraits, entrecoupés d'instants romancés de sa vie privée. Au programme, homosexualité, mariage arrangé et drame familial. Des thèmes qui avaient fait débat au sein de l'équipe. Mais il avait eu le dernier mot et décidé qu'ils n'ôteraient rien, même si les propos ne plairaient pas à tout le monde.
Il avait assisté à la représentation, à l'arrière de la scène, pour s'assurer que tout se passait comme prévu. Les effets avaient été au rendez-vous. On avait recréé une simulation de l'explosion que la pièce avait provoqué en 1902. Édulcorée, évidemment, pour ne pas créer de mouvement de panique tout en gardant l'effet de surprise. Et la pièce s'était achevée sur une interprétation moderne de ce qu'aurait pu donner l'acte final de la suite, si elle avait été écrite jusqu'au bout.

Les applaudissements se firent entendre, le remplissant de fierté comme à chaque fois. Évidemment, il n'était pas sur le devant de la scène et c'était aux comédiens, musiciens et sorciers artificiers que revenaient les applaudissements. Il sortit de la salle avant le rappel, pour éviter de se retrouver dans la foule. Et alla se prendre un verre d'eau et se rafraîchir un peu.

Lorsqu'il revint, la salle s'était vidée. Beaucoup de monde était encore dans le hall, à discuter de la pièce, à récupérer un vêtement, à se diriger vers le bar. Lui-même s'y rendait lorsqu'une voix aussi familière qu'agaçante le surpris.

"Un jeune homme beau comme vous et non accompagné ? Mais comment se fait-il ? Puis-je y remédier ?"

Déjà blasé d'avance, Octave se retourna vers la cible des propos. Puis vers le tableau qui l'avait alpagué. Il savait bien que c'était une mauvaise idée de le laisser là. C'était un cadeau d'un habitué du théâtre, offert peu après l'inauguration. Au début, Octave et le reste de l'équipe avaient été flattés. Et puis ça tombait bien, il n'avait pas pu acquérir de tableau aux enchères de Poudlard. Et puis jour après jour, la dame du tableau s'était faite plus bavarde. Et bien plus intrusive. Ce soir, c'était une première, elle se mettait même à faire des remarques bien gênantes aux clients...

"Excusez-la, elle est un peu... indiscrète. J'ai eu le droit à une remarque aussi tout à l'heure, ne vous en faites pas !"

Il se sentit obligé de voler au secours du pauvre homme qui ne devait rien avoir demandé et se retrouvait alpagué par un tableau.

"Intrusive ? Moi ? Mais enfin, je ne faisais que proposer ma compagnie ce monsieur. Il devrait être flatté ! Ne le trouvez-vous pas charmant ?"

Octave leva les yeux au ciel et poussa un soupir. Il devrait vraiment penser à faire changer ce tableau. D'urgence. Première heure le lendemain matin.

"Non mais..."

"Mais vous n'avez aucun goût mon cher ami !"

Mais... De quoi se mêlait-elle à la fin ? Il se tourna vers l'inconnu, gêné qu'il ait à subir tout ça.

"Pardon, ce n'est pas ce que je voulais dire." Et il ajouta, à voix basse. "Je crois que vous lui avez vraiment tapé dans l'oeil..."

Parce que c'était bien la première fois qu'il la voyait aussi entreprenante. Clairement, elle ne passerait pas un jour de plus accrochée ici. Il comprenait bien maintenant pourquoi on lui avait offert. Le propriétaire ne pouvait sans doute plus la supporter...

La difficulté est là au quotidien, toujours, mais le pâtissier arrive d'avantage a surmonter les journées difficiles depuis qu'il le fait pour quelqu'un. Oh, c'était quand même mieux quand Ulysse ne faisait pas cauchemars sur cauchemars, et n'était plus en état de l'aider la journée. C'est là que Nathanaël réalisait a quel point sa présence était précieuse a la pâtisserie. Mais malgré tout, s'il n'avait pas besoin de lui au quotidien, Nate serait sûrement encore renfermé dans ses pensées à se demander où il pouvait bien aller, si tant est qu'il voit le lendemain.

Ce soir, c'était un soir un peu particulier. Hyacinthe qui était passé en vitesse pour lui offrir deux billets de théâtre pour lui et Ulysse lui avait promis de s'occuper de Cosmo en son absence, et avait tout fait pour qu'il n'ait pas a s'inquiéter. Difficile, pour Nathanaël, mais il avait pris ça pour une occasion d'aider Ulysse a sortir a nouveau (voyez le piège là ?) Et avait accepté sans se méfier. C'était sans compter sur ce dernier qui, prétextant être trop épuisé, lui avait fait faux bond au dernier moment. Plus qu'une déception, le pâtissier était inquiet pour son ami... Mais lui et son cadet s'étaient ligués pour qu'il passe quand même une bonne soirée, alors il vaut cédé.

Le théâtre venait d'ouvrir, à ce qu'il avait compris. Pour lui qui ne sortait jamais, c'était un lieu impressionnant et plein d'histoire. Il ne savait pas vraiment où se mettre, déjà parce qu'il n'allait quasiment jamais au théâtre (sauf quand Hyacinthe l'y entraînait) mais surtout parce que ça faisait des années qu'il n'était pas sorti... Tout court. Les dernières fois c'était... Un ciné ? L'an dernier ? Et une balade en forêt ? Quoi qu'il en soit, il allait mettre du temps a s'y faire, mais le lever de rideau y contribua rapidement. C'était un spectacle très particulier, narrativement et visuellement. On ne va pas se mentir, Nate n'apprecia pas particulièrement la partie explosion, qui était un trigger particulier pour lui mais le reste... Il se leva comme les autres pour applaudir a la fin.


« Bien le bonsoir, ravissant jouvenceau ! »

Il fallait bien que Nate soit le seul dans le corridor pour comprendre qu'on s'adressait à lui. Lui ? Un jouvenceau ? Quand il trouva la source, cependant, il comprit.

« Je ne suis pas... »

Et s'ensuivit la drague la plus improbable qu'il n'avait jamais expérimentée. Et pourtant, il en avait des mamies indécentes à la pâtisserie. Il passa plusieurs minutes à subir, parce qu'il cherchait les vestiaires avant de rentrer quand son sauveur arriva.

« Ca n'est rien... J'admirais le décors et... Je n'avais pas vu de tableau aussi bien réalisé depuis ma scolarité, je crois. »

Il avoue un peu maladroitement. Et puis il se rend compte qu'il parle a un inconnu, et hésite entre le renfermement total et la politesse. Il a l'air sur la réserve, mais le second semble l'emporter.

« Nathanaël McDougall. Je vous remercie, j'allais partir de toute façon, je ne voudrais pas vous empêcher de rejoindre vos amis. »

Vous la voyez, la façon subtile d'esquiver ?

Le tableau semblait avoir choisi une parfaite victime. A croire qu'elle avait un flair pour ça. D'autres l'auraient ignorée ou envoyée paître. Ou lui auraient répondu bien moins poliment. L'homme, au contraire, semblait tant gêné que respectueux de la dame. Pourtant bien trop inquisitrice. Avec un peu plus de sadisme, il aurait pu laisser faire un petit moment. Mais il ne voulait pas que les spectateurs fuient le théâtre à cause d'un tableau franchement gênant. Et puis il n'était pas sadique, lui, contrairement à sa joueuse.

"Cunégonde, je pense qu'on en a assez entendu pour ce soir. Vous ne voudriez pas gêner ce monsieur."

Qui avait l'air bien gêné déjà, le pauvre. Ouais, définitivement, ce soir après la fermeture du théâtre ou demain, première heure, ce tableau partirait aux encombrants ou au feu. Ça dépendrait de l'humeur.

"C'est un cadeau d'un fidèle du théâtre. Il est... particulier."

C'est vrai, le coup de pinceau était plutôt bon. Mais alors la personnalité, pardon hein... Il s'en serait bien passé. D'ailleurs, si elle n'avait pas été si prompte à taper un scandale et si attentive à ce qu'ils disaient, il aurait pu lui proposer de le récupérer. Cet homme l'apprécierait peut-être d'avantage que l'entièreté du théâtre. Et vu qu'il lui avait tapé dans l’œil, ils formeraient peut-être une très belle alliance.

"Enchanté. Octave Sylvanet. Puis-je vous proposer un verre avant que vous ne partiez ? Je n'allais rejoindre aucun ami."

Il préférait passer incognito. Oui. Mais il n'allait pas donner un faux nom pour autant. De toute façon, rares étaient les spectateurs à connaître le nom du propriétaire du théâtre. Ce n'était pas une information mise en avant. On donnait le metteur en scène, les comédiens, l'écrivain.. Et c'était normal, d'ailleurs. Il ne cherchait pas particulièrement à faire connaître son nom. Plutôt l'inverse, même, pour éviter certains scandales.

"Pour vous faire oublier Cunégonde ? Le bar est juste ici..."

Il le pointa du doigt. L'homme avait l'air hésitant. En même temps, on pouvait comprendre que le tableau l'aie refroidi. Et peut-être n'était-il pas habitué. En tout cas, il ne lui semblait pas l'avoir déjà vu ici. Même si son visage lui était vaguement familier. Il n'aurait su dire d'où.

"Sans vouloir être indiscret... C'est la première fois que vous venez ? Vous avez passé une bonne soirée ? Mis à part Cunégonde, je veux dire..."

Demanda-t-il en se dirigeant vers le bar. Pour inciter l'homme à poursuivre la discussion et accepter l'offre. Il était curieux d'avoir son avis. Surtout s'il s'agissait de quelqu'un qui ne venait pas souvent, comme il lui semblait que c'était le cas. C'était d'autant plus intéressant. Et une bonne chose, de voir que le public s'élargissait.

Nathanael avait beau avoir un visage constemment fermé, sauf lorsqu'il était dans sa pâtisserie -et devant les enfants bien entendu- on pouvait discerner sa fascination pour le lieu dans lequel il se trouvait, et le tableau y compris. Non, par contre, il n'en aurait pas voulu chez lui. Qu'on qu'on aurait pu parier que si Octave avait évoqué son sort futur, il aurait accepté juste par... pitié ? Pour l'art ? Qui sait. Mais il ne lisait pas dans les pensées, donc, il reporta son attention sur l'homme qui se présentait à son tour. Non, Nate ne connaissait pas le nom du propriétaire du théâtre. Vous pensez bien, déjà qu'il ne connaissait pas le nom de ce nouveau théâtre avant d'y avoir mis les pieds ce soir. Poliment, il lui serre la main (pas de COVID19 ici youpi) et la récupère avec une mine entre surprise et un peu gênée.

« Oh, c'est que... »

On renferme un Nathou comme une huître quand on lui propose de rejoindre un endroit où il y a du monde. Il pensait à Hyacinthe et Ulysse, à la maison. Il aimait être à la maison. Et en même temps, ces deux là espéraient qu'il passait une bonne soirée, ils avaient fait un gros effort pour qu'il sorte et prenne un peu de temps pour lui... Et puis cet homme semblait aussi esseulé que lui ? Bon. Ok mais juste une bière alors. Il sentait déjà ses sens se refermer en voyant le monde qui s'affairait au comptoir. Il contourna le problème en restant en retrait, sauf lorsqu'il fallu commander bien sûr. Il était près de la porte, loin ds différents groupes, et essayait de se concentrer sur Octave uniquement.

« C'est la première oui. Ca se voit tant que ça ? »

Il demanda, ouvrant sa bière et regardant Octave (donc) avec un sourcil un peu inquiet. Après, ça n'était pas si compliqué à remarquer. Bien qu'il ait mis une chemise unie bien repassée et son plus beau jean, il détonnait un peu avec une grosse partie des gens qui restaient. Mais... pas tant que ça. Il n'y avait pas que des amateurs purs et durs ce soir, même si la pièce n'était pas non plus qualifiable de "grand public".

« Mais j'ai apprécié la pièce. La mise en scène et l'histoire... Mais... mon avis n'est pas très intéressant, vous avez sans doute plus à dire dessus. Vous avez l'air d'un habitué des lieux. »

Il dit, pas si loin de la vérité. C'est qu'il est observateur, le Nathou. Normal, à force de se mettre dans un coin pour ne pas parler. Il écoute avec attention l'autre homme, qui décrirait de toute façon bien mieux ce qu'il avait pu ressentir. C'était sans doute pour ça qu'il aimait mieux écouter les autres que parler en temps normal. Il ne se sentait pas armé pour ça, et trouvait que les mots des autres avaient plus d'intérêt, le plus souvent. Aussi, il tournait souvent la conversation autour d'eux pour ne pas avoir à parler. Ou parler de lui, plus précisément.

« Que faites-vous dans la vie ? »

Il finit par demander justement, pour qu'Octave parle de lui. Oups. C'est qu'il avait l'air calé, l'autre homme, peut être simplement qu'il était cultivé mais peut être aussi qu'il travaillait dans la culture ?

L'homme avait l'air un peu gêné. Octave avait mis ça sur le compte du tableau, d'abord. Allez savoir ce qu'elle lui avait raconté avant qu'il n'intervienne. Même lui avait pu être mal à l'aise face à ses remarques tout à fait inappropriées. Mais ça avait l'air d'être plus que ça, sans qu'il ne sache comment. Peut-être qu'un petit verre l'aiderait à se détendre ? La proposition n'avait pas tout à fait l'air de faire mouche. Mais il en fallait plus pour désarçonner Octave, qui était tout décidé à récupérer un avis et peut-être convaincre un spectateur occasionnel de revenir plus souvent. Il fallait donner de sa personne, pour faire vivre ce théâtre !

"Non, ne vous en faites pas. Ce n'est marqué sur le visage de personne. Mais c'est une bonne chose. A votre première alors."

Et il trinqua avec lui. Il s'était pris un verre de vin blanc et avait demandé au serveur de rajouter leurs deux consommations à sa note. Et il suivit l'homme, lorsqu'il le vit s'écarter un peu en dehors de la foule. Il n'avait toujours pas l'air très à l'aise, même une bière à la main, ce n'était pas difficile à constater. Mais il n'avait pas encore tout à fait mis le doigt sur le noeud du problème. Mettant ça sur le compte d'une première fois. Dans un milieu qu'on ne connaissait pas, on se sentait toujours moins à l'aise, c'était son postulat.

"On peut dire ça oui..."

Habitué, ce n'était rien de le dire. Depuis la réouverture, il était de loin la personne qui avait passé le plus de temps ici. Mais peut-être pas celui qui avait vu le plus de spectacles. Il avait vu quelques têtes revenir, soir après soir, lorsque les représentations lui plaisaient. Quelques clients fortunés et parfois esseulés, qu'il s'affairait de brosser dans le sens du poil, pour qu'ils continuent à faire tourner la machine.

"Tous les avis sont intéressants. Le théâtre n'a pas vocation à être un art de niche, à l'adresse de quelques habitués. Vous êtes venu voir un spectacle vivant, vous avez votre mot à dire."

Quant au sien... Il comptait bien le réserver pour plus tard. Il avait déjà félicité tous les artistes qui avaient contribué au spectacle, à de multiples reprises. Le travail avait été long mais il en valait la chandelle. Il était vraiment fier du résultat. Et tout autant de faire passer un message encore tabou dans le milieu aisé -et souvent sang-pur- des sorciers. Il savait que ça ne serait pas sans conséquences, d'ailleurs. La salle était bien remplie ce soir. Mais qu'en serait-il les jours suivants ?

En voyant l'homme toujours aussi peu à l'aise, il lui proposa de s'éloigner un peu plus du bar, pour s'approcher d'un couloir menant aux coulisses. Ils restèrent au début du couloir, un peu à l'écart de la foule, qui petit à petit commençait à se dissiper. La porte marquant l'interdiction d'accès au public était plus loin. Tous avaient le droit de venir jusqu'ici. Mais personne n'avait rien à y faire, sinon éviter la foule. Est-ce que cet homme cherchait à esquiver quelqu'un ? Ou était-il préoccupé par autre chose, il n'aurait su dire.

"J'ai repris la direction de ce théâtre, depuis sa réouverture. Ce qui fait de moi un habitué, effectivement."

Il avait hésité à esquiver cette question. Mais il lui semblait qu'il n'obtiendrait pas un avis plus développé de l'autre homme, s'il n'y mettait pas du sien. Tant pis pour son anonymat.

"On a encore beaucoup à apprendre et beaucoup de choses à rôder. C'est aussi pour ça que tous les avis m'intéressent. Et je suis ravi que vous ayez passé un bon moment. C'est ce qu'on recherche, avant tout."

Il ne le forcerait pas pour autant. L'autre homme avait le droit de n'en rien penser. Mais il était curieux.

"Puis-je vous demander ce que vous, vous faites dans la vie Monsieur McDougall ?"

Celle-là, c'était plus par politesse. Bien sûr, il était toujours curieux. Mais c'était surtout histoire de retourner cette question à l'homme qui la lui avait posée. Au-delà de ça, c'était toujours intéressant de savoir quel type de personnes venaient par ici.

Comme à chaque fois que Nate sortait en société, il se faisait l'impression d'un adolescent qui n'avait pas encore découvert la sociabilité. Il faut dire que Nate n'avait jamais été très sociable, finalement. Même à Poudlard et lors de ses études supérieures. Surtout pendant tout ça en fait. Il était le "garçon mystérieux" dont les filles tombaient amoureuses, tout à fait comme à la pâtisserie encore aujourd'hui. Alors que ça n'avait rien d'un mystère, il était juste timide et mal à l'aise dans les gros groupes. Il trinqua malgré tout avec Octave, parce que ce dernier était poli. Mais quoi qu'il en dise, il ne saurait pas tellement plus comment exprimer sa pensée. Il n'avait pas tellement l'habitude de la donner, à part dans son domaine de prédilection ou quand on lui demandait un conseil de vie par exemple.

Interloqué par ce que l'autre homme lui montrait, Nate le suivit vers le couloir, jusqu'à ce coin un peu reculé où son sang se calmait un peu. Est-ce qu'il avait deviné qu'il n'était pas à l'aise ? Si c'était le cas, c'était drôlement prévenant de sa part. Mais peut être simplement qu'il ne l'entendait pas assez, après tout, Nate avait beau avoir une voix grave il ne parlait pas si fort. Ca eut un effet bénéfique sur le pâtissier quoi qu'il en soit, qui buvait sa bière un peu plus détendu. Enfin, jusqu'à ce qu'il apprenne qu'il parlait au propriétaire des lieux. Il toussa un peu, et regarda Octave avec des sourcils moins froncés tout de suite.

« Oh, effectivement. »

En voilà une belle réponse dis donc Nate. Tu as plus élaboré ou bien ?

« Je ne suis sans doute pas votre visiteur habituel... On m'a invité, je vais très peu au théâtre. Mais pour ce que ça vaut, c'est un très bel endroit. Je ne regrette pas du tout. »

Ca n'est pas un peu maladroit, ça, Nathou ? On dirait qu'on te force là ! Il essaie de se rattraper, en complimentant la pièce à nouveau, mais pas sûr que ça marche. Il n'était vraiment pas doué ce soir mais... il y mettait de la bonne volonté. Il finit par se gratter la nuque, geste très caractéristique d'un McDougall embêté. Il était ravi qu'Octave change le sujet.

« Je tiens une pâtisserie sur le chemin de traverse, Carpe Diem Bakery ? En ce moment c'est un peu a folie... Non, c'est régulièrement la folie, d'où mon manque d'activités culturelles. »

Il avoua. Ca lié au fait qu'il préférait toujours un bon livre dans son fauteuil au coin du feu, bien sûr. Ou une promenade en forêt seul avec Cosmo.

« Quel... autre type de pièces vous jouez ici ? Je n'imaginais pas forcément quelque chose de.. si moderne quand j'ai reçu ma place. Je lis surtout des classiques. Enfin vraiment, je n'y connais rien en dehors de la pâtisserie. »

Il avait finit sa bouteille. Mais retourner en prendre une autre n'était pas vraiment à l'ordre du jour, vu le monde qu'il y avait de l'autre côté du couloir. Là, il pouvait admirer les lieux et... Vraiment, pourquoi Octave insistait ? Il n'était pas intéressant, il n'avait aucune conversation, et ce dernier devait avoir encore masse d'invités à questionner, non ? Personne d'aussi joliment mis en valeur dans sa chemise serrée, ajouterait bien la joueuse, mais bon. Ses yeux furent attirés par un autre tableau, celui là semblant immobile (ou peut être que ce n'était pas un paysage, mais que les protagonistes s'étaient promenés).

Est-ce qu'il venait de tuer le jeu en gênant encore plus l'homme qu'il ne l'était déjà, de par sa position ? Octave le regretta un instant, devant sa réponse plutôt concise. Il savait que ça pouvait en mettre certains mal à l'aise. Ce n'était pas pour rien qu'il s'arrangeait pour ne pas trop le dire, par ici. Même si on parlait quand même d'un théâtre modeste, pas du Shakespeare's Globe. Il y avait un monde entre les deux. Et jamais n'aurait-il pu accéder, avec son parcours et ses connaissances, à la direction d'un si prestigieux établissement. Du côté moldu comme sorcier.

Il retint qu'on l'avait invité. Et se demanda brièvement quelle était l'histoire derrière cette invitation. C'était rare que les gens viennent seul, à son grand regret d'ailleurs. Et encore plus rare qu'on n'offre qu'un seul billet. Mais il ne pousserait pas l'indiscrétion jusqu'à enquêter là dessus.

"Je suis ravi que ça vous ait plu. Mon but, c'est justement aussi que ça plaise à ceux qui ne sont pas les visiteurs habituels. Et que ça leur donne envie de revenir, de préférence."

Et oui, c'était quelque chose qui lui tenait particulièrement à coeur. Ils n'en étaient qu'au début encore mais ils travaillaient avec le reste de l'équipe sur la communication et la programmation de sorte qu'elle touche un public plus large et différent des habitués des salles de théâtre. Mais à ce stade, c'était encore un rêve illusoire.

"Oh. Je crois en avoir entendu parler oui. Vous avez bonne réputation, il me semble ? Je n'ai, je crois, pas eu l'occasion d'y passer encore. Mais j'y penserai."

En dehors des restaurants, il consommait assez peu de pâtisseries. Et de pain. En grande partie parce qu'en tant que français, il avait du mal à trouver son bonheur dans les pâtisseries anglaises. Il profitait d'ailleurs toujours de ses rares passages à Paris pour s'acheter du pain et des mille-feuilles dignes de ce nom. Ce qu'il n'avait jamais retrouvé ici encore.

Il posa un pied contre le mur derrière lui et s'y appuya, pour terminer son verre de vin. L'autre homme aussi avait fini sa boisson. Il aurait pu leur en faire arriver d'autres. Mais il continuait à avoir l'impression que l'autre n'était pas bien à l'aise. Et son intention n'était certainement pas d'empirer sa situation. Il ne manquerait plus qu'il ne veuille plus revenir à cause de lui !

"On a pris le parti-pris de proposer des choses plutôt modernes, c'est vrai. Et de mettre en avant des auteurs moins connus."

Il lui décrivit brièvement le programme des mois à venir, un ballet plutôt classique même si la mise en scène était moderne, une pièce classique réinterprétée ainsi qu'une autre, proche de ce qu'il avait pu voir niveau mise en scène, mais sur un tout autre sujet -ça se voit que la joueuse n'a pas encore peaufiné tout ça ?-. Et fit venir à eux un parchemin de la pile disposée à l'entrée, en libre service.

"Voilà le programme pour cette saison. Si ça vous intéresse. On a choisi de diversifier les thèmes et les genres, pour cette première saison. Et on attend beaucoup des retours du public pour ajuster à l'avenir."

Il lui tendit. L'idée n'était pas de faire du forcing bien sûr, il n'allait pas obliger ce pauvre homme à revenir. Surtout qu'il n'avait pas l'air bien dans son élément, sans qu'il ne sache si c'était lui-même qui le mettait mal à l'aise, l'environnement du théâtre ou encore autre chose. Ou si c'était son était normal, d'ailleurs. Allez savoir...

"Je ne vais pas vous retenir plus longtemps, merci beaucoup d'être venu. Vous pourrez remercier la personne qui vous a offert votre place de ma part. Et j'espère vous revoir par ici prochainement !"

Il l'accompagna récupérer ses affaires et le remercia encore avant de le saluer et de retourner vers la salle. Contrairement à Nathanael, il était à son aise au milieu de tous ces gens. Même si le hall s'était bien vidé entre temps. Rapidement, des habitués vinrent le saluer. La soirée allait encore être longue.

A presque quarante ans, on aurait pu s'attendre à plus de vocabulaire pour une homme qui lit autant, mais Octave ne sera pas beaucoup plus gâté pour ce qui était de décrire la pièce qui venait de se dérouler. Tu es trop charismatique, Octave, qu'est-ce que tu veux qu'on te dise ! Il hocha la tête, bien sûr qu'il serait ravi de revenir. Si les circonstances les permettaient. Sa savoir les finances, la boulangerie, l'état d'Ulysse, le sien... beaucoup de si, donc. Mais Nate était sincère dans le fond, s'il avait quelqu'un avec qui partager ce genre de sortie, ça n'était pas si... difficile. Avec Hyacinthe par exemple. Il avait finit sa bière, et jouait avec quand le spotlight fut sur lui, un peu gêné. Bien sûr, il trouva le moyen de se frotter la nuque à nouveau, et de refuser le compliment.

« Vous devez penser à un autre lieu... Mais avec plaisir, je suis souvent en cuisine mais n'hésitez pas à me dire si vous venez. »

Planqué pendant qu'Ulysse gère les clients magiquement ? Nate ? Nonnnn... Bon, c'était un arrangement qui marchait plutôt bien au final. Les clients avaient affaire à un sorcier, et lui pouvait faire ses pâtisseries pour les gens. Il y aurait toujours certains pour dire que ça n'était quand même pas comme avant, quand les pâtisseries étaient VRAIMENT magiques mais... ça donnait le change. Ca ne le rendait pas aussi heureux que quand il pouvait les servir lui même et profiter de la joie sur leur visage quand ils se faisaient plaisir avec ce qu'il avait cuisiné mais c'était le mieux qu'il pouvait obtenir maintenant. Il n'avait plus beaucoup de clients dans le genre d'Octave, par contre, depuis sa perte de magie, maintenant qu'il y pensait.

Nathanael prit le fascicule, étudiant les noms de pièces et de ballets qu'il ne connaissait absolument pas. Il se sentait un peu inculte, soudainement, mais ce n'était en aucun cas la faute de l'autre homme. Il n'en avait pas fait le tour quand il comprit que ce dernier lui laissait une porte de sortie. C'était décidément un gentleman. Nate s'essaya à un sourire, qui passera peut être inaperçu mais qui est déjà pas mal pour un total inconnu.

« Merci. Je lui transmettrai. A bientôt. »

Il avait dit, reconnaissant malgré tout. Il ne manquerait pas de dire à Hyacinthe effectivement. Il observa la silhouette de l'autre qui rejoignait les siens, comme si c'était naturel bien sûr. Il reparti en direction de la maison, ayant passé tout de même une bonne soirée.

***

Plusieurs soirs plus tard, une nouvelle occasion de prendre soin de lui s'était présentée. Ulysse, qui allait manifestement mieux malgré quelques moments vraiment difficiles pour lui, avait émit l'envie d'aller rendre visite à son amie Pandora. Nate avait passé un moment silencieux en coupant les légumes pour le dîner du soir. Autant dire que les prochaines courgettes (mouahaha) allaient prendre cher. Il lui avait finalement dit qu'il était ravi, mais qu'il se demandait si ça irait, avec Pandora ? Elle était "fragile" elle aussi... comment dire ça autrement. Il avait senti la tension, et ne pouvait faire autre chose que de donner des conseils. Bien sûr qu'il n'allait pas interdire à Ulysse de sortir, surtout que la jeune femme pouvait comprendre son calvaire, ayant traversé le même, c'était autre chose quand même qu'un "parrain" qui n'avait pas de problème de boisson. Mais ça ne l'empêcherait clairement pas de s'inquiéter.

Il tournait en rond depuis plus d'une heure quand il avait décidé de sortir s'aérer. Après avoir promené Cosmo une bonne demi heure, il avait finalement décidé de ne pas rentrer ce soir et après l'avoir déposé pour qu'il aille se rouler en boule juste de la taille du panier dans lequel il dormait, Nate était ressorti. Il ne savait pas encore dans quel bar il irait, ce soir. Il avait pris l'habitude de passer du côté moldu, depuis quelques temps. Même si ça aurait pu poser quelques soucis s'il était tombé sur l'âme soeur, en réalité, il préférait... Il avait enfin réussi à être en accord avec sa sexualité, mais sa perte de magie ? Le pâtissier était loin de l'assumer. Et il n'était pas certain d'arriver à supporter un sorcier qui le jugerait sur ça.

Mais c'était sans compter l'averse torrentielle qui arrivait de nul part (merci la joueuse et son originalité). Il se réfugia rapidement dans une petite gargote, si on en croyait le drapeau qui flottait dehors, gay ou gray friendly en tout cas. Il alla commander la première bière au bar, et décida de rester au comptoir, qui n'était pas si peuplé. Meilleure façon d'observer le monde qui se trouvait là, et de rester hydraté. Le grand McDougall n'avait aucune idée de ce qu'il était venu chercher, en réalité. Il avait tiré un trait sur les relations d'un soir depuis Arthur. Mais il se sentait aussi terriblement seul, malgré le fait que sa boulangerie avait rarement été aussi peuplée. C'était sans compter le nouvel arrivant, sans doute surpris par la pluie aussi, qui ne lui était pas inconnu.

Lundi soir. Une longue journée de coupure n'avait pas été du luxe. Ce soir, aucune représentation n'était prévue. Pas de répétition non plus, c'était journée de repos pour tout le monde. La relâche n'avait pas été totale. Il était passé au théâtre dans la journée régler des affaires urgentes et d'autres choses. Il y avait toujours de la parcheminasse à faire. Mais au moins, il aurait la soirée de libre et pour lui.

C'était devenu rare qu'il rentre tôt. Il s'était fait livrer à manger, bien décidé à ne rien faire ce soir. Mais c'est au moment de débarrasser que la solitude l'avait frappé en pleine face. Ces dernières semaines, il n'avait pas pris le temps de s'en rendre compte. A ne pas s'arrêter, il n'avait pas eu l'occasion de ressentir ce manque. Ce soir, l'appartement lui paraissait bien triste.

Alors il s'était mis à la harpe. La musique, meilleur remède contre absolument tout, n'est-ce pas ? Avec joie, il avait commencé à travailler un nouveau morceau. Mais au bout d'une bonne heure d'arpèges, l'ennui s'était rappelé à lui. Il avait remis la housse sur sa harpe, rangé les partitions et songé à aller se coucher. La lune n'était pas encore bien haut dans le ciel. Il était encore tôt. Mais malgré tout le manque de sommeil qu'il avait accumulé, il n'avait pas envie d'aller dormir.

Ce soir, il n'aurait pas été contre la venue à l'improviste d'un certain chat noir. Mais il ne l'avait pas vu depuis sa soirée d'inauguration. Et il se doutait qu'avec ses fiançailles, Loïs avait d'autres fléreurs à fouetter. Et vous pensez bien qu'il n'allait pas risquer de le contacter pour le revoir. Vu la situation, c'était bien trop risqué. Et si sa lettre était interpellée ? Et s'il croisait Valma. Non. Autant faire une croix sur cet amant-là.

Voilà comment il s'était retrouvé, à neuf heures passées, à prendre une douche et se préparer à sortir, il ne savait encore où. Il n'avait pas fait ça depuis des mois. Et les dernières fois, c'était dans des bars douteux, pour s'enivrer et oublier que le ministère l'avait mis à la porte. Depuis, il avait fait du chemin. Professionnellement en tout cas. Sentimentalement, c'était un autre problème.

Un qu'il ne comptait pas résoudre ce soir, ne soyons pas trop ambitieux. Mais si déjà, il pouvait trouver un peu de compagnie pour partager un verre ou deux, ça serait pas mal. Il avait fait l'effort de s'habiller un peu plus décontracté. Un pantalon noir, une chemise bleu roi -notez la tentative de fantaisie-, une veste sombre -décontracté, version Octave, on n'était pas non plus sur du jogging et hoodie- et le voilà prêt.

Il transplana vers le chemin de traverse. Et se prit une trombe d'eau en se matérialisant. Bien loin des quelques gouttes qu'il lui semblait avoir aperçues par la fenêtre. Il ne s'attendait pas à ça. Avant-même qu'il n'ait pu faire apparaître un parapluie, il était déjà trempé. Et ses chaussures ne résisteraient pas bien longtemps avant de céder elles aussi. Urgh. Il n'avait pas du tout envie d'avoir les chaussettes mouillées, rien de plus désagréable. Bon. Il allait falloir se décider vite. Octave se dirigea vers la lumière qu'il voyait un peu plus loin, là où commençaient les premiers bars. Le temps ne poussait pas à l’exigence. Il poussa la porte du premier qui pourrait lui apporter ce qu'il était venu chercher.

Il dégoulinait, en entrant dans le bar. Et avant même de jeter un coup d'oeil à la salle -ce qui l'aurait peut-être convaincu de faire demi-tour-, il se sécha les cheveux puis les chaussures à l'aide d'un sort. Ses vêtements y passèrent à leur tour. Bon. C'était mieux. Au moins, il ne se frigorifierait pas en restant ici.

Ici, donc. Il jeta enfin un coup d'oeil à la salle. Petite, peu peuplée -on comprenait les valeureux qui avaient préféré ne pas braver la pluie - et plutôt populaire. Autant dire que ses vêtements, même décontractés à son goût, contrastaient un peu ici. Il resta sur le perron un moment, partagé entre le constat que ce n'était pas vraiment le genre d'établissement qu'il affectionnait et le refus de prendre la pluie à nouveau. Quant à rentrer chez lui ? Ce serait un échec total et il n'était pas certain d'avoir envie de finir la soirée là dessus.

Et c'est partagé dans ses réflexions qu'il vit un visage vaguement familier. Qu'il fixa un moment, dans la plus totale impolitesse, avant de le remettre. Oui, c'était un spectateur il lui semblait. Il l'avait vu au théâtre...

"Bonsoir. Je peux ?"

Il avisa le siège à côté de l'homme, un peu hésitant, alors qu'il tentait encore de le remettre. Oui. Il se souvenait à peu près maintenant. L'homme, peu habitué au théâtre, qui lui avait semblé quelque peu perdu. Un boulanger ou pâtissier, quelque chose comme ça. Il avait totalement oublié qu'il s'était dit qu'il y passerait. C'est qu'il n'avait pas eu l'occasion de se promener sur le chemin de traverse depuis.

"Je peux vous offrir un verre ?"

Dans la foulée, il se commanda un verre de vin blanc d'Alsace -non- -excusez ce ressaut de régionalisme- et reprit son souffle. Il ne s'était même pas rendu compte qu'il avait couru et retenu sa respiration jusqu'à arriver ici. Sacrée tempête de pluie hein. Qu'est-ce qu'elle tombait mal. Et qu'est-ce qu'elle tombait bien pour les joueuses, ça alors !

"McDougall c'est ça ? Vous voulez que je vous ... sèche ?"

Il sortit sa baguette magique, pour proposer et que cette phrase ne semble juste pas complètement étrange. Pour quelle raison l'autre homme ne l'avait pas fait ? Allez savoir. Peut-être qu'il ne maîtrisait pas suffisamment bien ce sort, qu'il avait déjà trop bu pour utiliser la magie. Ou peut-être qu'il n'avait pas emmené sa baguette. Certains sorciers préféraient sortir sans, le soir. Ou... alors il aimait bien être trempé. Allez savoir. C'était proposé amicalement, sans trop de jugement. Il ne songea qu'alors qu'il n'aurait jamais pensé voir cet homme dans un tel bar. Mais regardez-le, il dénotait encore plus. Peut-être que l'autre aussi s'était fait surprendre par la pluie. Ou peut-être qu'il cherchait de la compagnie, lui aussi ?

Sa première bière était déjà entamée, et pas qu'un peu, mais ça n'était pas une demi pinthe qui allait empêcher Nate de reconnaître l'homme qu'il avait croisé l'autre soir au théâtre. Le propriétaire, donc. Bien bien bien. Mais que faisait cet homme ici, bien trop habillé pour le type de bar (à part quelques bellâtres qui voulaient mettre en avant leur Rollex sorcière... Octave Sylvanet était de ce genre là ?). Il notera, sans en faire mention, que sa chemise colle particulièrement a... Nate, on vient de te parler, là.

« Oui... bien sûr. »

Il se sentait idiot, et exposé. C'était la première fois qu'il croisait quelqu'un qu'il connaissait dans ce bar. La première fois, à part Arthur, qu'il découvrait de cette façon la sexualité d'un autre (et qu'il exposait la sienne par la même occasion). Et il ne connaissait pas suffisemment Octave pour parler de sexualité comme ça avec lui, pas vrai ? Ou justement, c'était peut être mieux comme ça. Il fut surpris qu'on lui propose un verre, mais il le remercia, finissant sa pinthe. C'était compliqué de refuser de façon polie, de toute façon. Il reçut une nouvelle pinthe de bière ambrée (une rousse, cette fois, allez) et il leva celle ci à la santé son bienfaiteur, silencieusement mais avec reconnaissance. Par contre, Nate cligna des yeux plusieurs fois à sa question suivante. Il n'avait pas réalisé qu'il était mouillé lui aussi. Mais comme il était bien obligé de faire avec... Et puis, la sensation ne le perturbait pas.

« Ca ira, merci, ça ne me dérange pas. »

Il dit, sincère. Nate, peut être que c'est les autres que ça dérange. Doit-on rappeler que tu portes un T-shirt blanc ? Mais il est déjà presque au sec, vous dira-t-il. Bien. Il boit une nouvelle gorgée et se tourne vers le nouveau venu, donc.

« Je ne vous ai jamais vu dans ce coin de Londres... Je me trompe ? Je ne sors plus beaucoup ces derniers temps mais j'imagine qu'on se serait croisé. »

Ouch, tu peux faire plus banal, Nathou ? Et en même temps c'était la vérité. Avant Arthur, il fréquentait d'avantage les bars, le soir. Avant de perdre sa magie, aussi. Quand Hyacinthe était loin et qu'il se sentait terriblement seul. Depuis un an il n'avait même plus l'occasion d'y penser, tellement la remise en selle avait été difficile. Et en même temps, il n'approuvait plus l'attitude qu'il avait eue ces années précédentes. Coucher avec des inconnus, sans chercher à s'attacher, parce qu'on avait honte de soi même ça n'était pas une solution. Même si arrêter voulait aussi dire se retrouver seul à nouveau.

« Comment se porte Cunégonde ? »

Il dit, assumant à moitié seulement en trempant à nouveau ses lèvres mal rasées dans sa bière. Ah, le voilà le Nathou qu'on connait ! Le grand frère embarrassment est de retour.

Bon, l'homme avait l'air plus réceptif au verre offert qu'à la proposition de le sécher -qui sonnait certes un peu bizarre, admettons-. Au moins, il avait accepté l'un des deux. Même si Octave ne savait pas tellement si c'était par politesse ou... autre chose. La suite le lui dirait, sûrement. En attendant, il fit claquer son verre contre celui de l'homme et entama son verre de vin. Ce n'était pas de la meilleure qualité. Il était acide et peu parfumé. Mais c'était finalement assez raccord avec l'environnement sommaire. Et assez déconnecté des endroits où il allait habituellement. L'autre n'avait pas tort là dessus. Octave préféra en sourire.

"Ça se voit tant que ça ?"

Il prit un air un peu amusé. Bon, Nate n'avait pas mentionné explicitement ce bar mais plutôt le quartier mais le sous entendu n'était pas très subtil. A moins qu'il ne se trompe ?

"J'ai peu l'habitude d'aller dans des bars ..." Il laissa traîner ce mot, son regard se perdant un instant sur deux hommes derrière eux, pas loin de s'escalader l'un l'autre. "... Comme ça."

Finit-il en regardant l'homme à nouveau, s'efforçant de détourner le regard du spectacle somme toute hypnotisant qui se déroulait en arrière plan. S'il avait eu une hésitation sur la tendance de ce bar avant d'entrée, tout doute était désormais levé. Etait-ce le message qu'il envoyait à l'homme ? Il n'avait pas vraiment anticipé ça. Etait-ce dérangeant ? Son regard se perdit sur la chemise transparente et moulante de l'homme, du fait de l'humidité. Ma foi... Il reprit une gorgée de vin. Et sourit à l'évocation du tableau.

"Cunégonde... a dû être déplacée. J'espère que vous ne m'en voudrez pas. Nous ne souhaitons pas qu'elle importune les spectateurs. Il va falloir que l'on songe à lui trouver un nouvel emplacement plus adapté. Ou une nouvelle famille."

C'était des jolis mots pour dire qu'on avait décroché le tableau, qu'on l'avait recouvert d'un drap et qu'on l'avait placé derrière le gros canapé rouge -oui oui, celui-là- de la salle des costumes. Mais la situation n'était que temporaire, les artistes avaient déjà rapporté qu'elle se plaignait de ne plus rien voir d'ici.

"Si vous souhaitez un nouveau tableau pour orner votre boutique, je suis certain que nous pourrons nous arranger."

Il lui fit un petit clin d'oeil et continua son verre de vin, qu'il avait mine de rien bien descendu en quelques minutes. C'est qu'il l'avait attendu avec impatience, il faut croire...

"J'en déduis que vous êtes un habitué ?"

Fallait-il en déduire autre chose ? En tout cas, c'est ce que son regard, un peu plus curieux du corps de l'autre homme - je vous ai déjà dit que sa chemise était moulante ? Etait-ce de sa faute si ça attirait le regard ?- sous entendait.

"Pour être honnête, je ciblais un autre bar un peu plus haut dans la rue, dont on m'avait parlé. Mais j'ai été surpris par la pluie. Quoi qu'il en soit, il s'adressait au même type de ... C'était un bar gay également." Autant appeler un fléreur un fléreur et mettre les pieds dans le plat. "C'est aussi bien ici. Je n'aurais pas eu la chance de vous revoir sinon !"

Ah, ça y est, il semblerait qu'il commençait à se lancer. Quoi, c'était un bel homme, il était bien en droit de lui faire des compliments !

C'était amusant comme les rôles s'inversaient. Comme Octave avait l'air hors de son élément, parmi les murs et poutres en bois usés, le bar authentique et un peu rustique. De la même façon que Nate avait été totalement perdu dans ce superbe théâtre tout juste rénové. C'était rassurant, à savoir, curieusement. Moins rassurant était de douter sur la signification de "comme ça". Il en aurait le coeur net un peu plus tard, mais un instant, le pâtissier se demandait s'il n'avait pas été un peu vite en besogne en imaginant qu'Octave Sylvanet puisse être du même bord que lui. Si tant est qu'un bord s'applique le concernant. La ride qu'il avait entre ses sourcils sortit un peu plus, alors qu'il reposait sa bière.

Et puis il réfléchit à que Octave lui apprenait. Oui, croyez le ou non, il culpabilisait pour un tableau. Déjà parce qu'il s'agissait d'un oeuvre d'art, mais aussi, parce qu'il avait de l'empathie à outrance. Il posa son verre et regarda Octave, plus sérieux que ce dernier ne devait attendre.

« Peut être... ? A voir comment elle se comporte à la pâtisserie, mais le changement de décors pourrait peut être... aider. »

L'engagement, ça n'est pas pour lui. Mais pour aider un pauvre tableau sans défense. Octave allait sans doute trouver ça stupide, après. C'était sans doute un peu idiot comme idée. Oui, vraiment. Songeur, il ne savait pas quoi faire du clin d'oeil amical qui venait de lui être fait. Et il ne vit rien du regard promeneur d'Octave non plus d'ailleurs. Oui, il n'avait pas conscience que son T shirt le serrait plus que d'habitude, il était presque sec, on vous a dit ! Et puis surtout, jamais ça ne lui viendrait à l'idée qu'on s'intéresse à lui quand on est propriétaire d'un théâtre. A sa place, vous y penseriez, vous ? Même quand on vous demande si vous êtes un habitué et que vous essayez de nier tout en expliquant que vous avez un emploi du temps vraiment chargé. Et puis quand l'homme avec qui vous discutez vous dit que de toute façon il ne comptait pas venir là, vous vous faites à l'idée, forcément. Avant que ce dernier ne se reprenne pour mieux exprimer sa pensée. Quoi ? Là, il avait perdu le pâtissier. Plutôt perspicace en temps normal, est-ce que la deuxième pinte était plus forte qu'il n'avait cru ? Et est-ce que c'est juste la joueuse ou est-ce qu'on a un début de petite teinte rosée sur la nuque du pâtissier, là ?

« Remercions la pluie... alors. »

Il conclut presque timidement. Pour un grand pâtissier de cet âge, franchement Nathou ! Et un petit silence s'installa. En général, le pâtissier était du genre à apprécier un bon silence, rien de gênant là dedans, juste deux personnes qui apprécient le calme en la présence l'un de l'autre mais là... Hum.

« Ca vous dirait une partie de billard ? »

Oui, Nate est un peu gêné. Mais pas forcément négativement, si on en croit sa proposition. Il aurait esquivé habilement sinon, ou juste serait resté muet suffisamment longtemps pour que l'autre comprenne... quoi que, c'était rude et impoli, pas certain qu'il soit capable de faire ça. Devant l'enthousiasme de l'autre homme donc, il alla réserver le jeu qui n'était pas pris d'assaut, ce soir. Une fois que le groupe eut finit sa partie, il fit signe à Octave donc, une nouvelle bière à la main -et cette fois, c'est lui qui lui proposa un verre de ce qu'il voulait. Il n'allait pas lui faire l'affront de choisir son vin. La joueuse évitera les sous entendus évidents liés aux noms des ustensiles propres au billard, bien évidemment. Trop de jeux de mots faciles. Mais après avoir lancé la partie et éparpillé les boules (oups raté) sur le green, il s'appliqua à rétamer gentiment et poliment son "invité". Oui, Nate est poli, parfois à outrance, mais Octave n'aimerait pas jouer avec quelqu'un qui se retient, pas vrai ? Après une démonstration silencieuse de ses talents -il a passé trop de temps dans les bars fut un temps, clairement- ils peuvent reprendre leur conversation.

« Donc... Comment se passent les choses au théâtre ces temps ci ? »

C'est plus facile de discuter quand on a quelque chose à faire de ses mains.

Etait-ce par timidité ou politesse ou par réelle envie d'adopter le tableau ? En tout cas, Octave fut plutôt surpris de voir l'homme ne pas refuser, malgré son ton léger et propice à la plaisanterie. Bien. Il tâcherait de s'en souvenir. Nate, tu t'es peut-être engagé trop vite. Es-tu prêt à subir Cunégonde et à la faire subir à tes clients, quotidiennement ? Octave ne pouvait s'empêcher de penser qu'il craquerait bien vite. Mais l'homme avait peut-être les nerfs plus endurants que lui, allez savoir.

En tout cas, il s'amusa de sa réaction, un peu gênée, au compliment adressé. Il allait peut-être falloir que tu te calmes, Octave. Souviens toi à quel point il avait semblé mal à l'aise, au théâtre. Alors qu'aucun compliment d'aucune sorte n'était alors en jeu... Il ne voudrait pas le faire fuir alors qu'il commençait à peine à considérer qu'il pourrait être de bonne compagnie pour les quelques prochains verres. Et peut-être plus encore, allez savoir.

"Ca fait des années que je n'y ai pas joué. Je vous suis !"

Après tout, pourquoi pas. Octave le suivit, donc, et remercia Nate de lui offrir ce nouveau verre. Il se commanda le même, le choix en vins n'étant pas infini dans ce bar. Et attrapa à son tour une queue de billard, tout en laissant à l'autre l'honneur de commencer à jouer. En partie parce que...

"Il va falloir me rappeler les règles. Je sais qu'il y a une affaire de boules à faire rentrer dans des trous mais pour le reste, je dois m'avouer novice."

Ah oui. On avait dit pas les sous-entendus -mais là, c'était Octave, pas moi-. Il regarda l'autre, un petit sourire en coin sur ses lèvres. C'est vrai qu'il avait songé un moment à être plus subtil aussi. Mais c'était avant d'entamer un deuxième verre et que l'autre propose de jouer au billard, aussi. Et puis il ne faisait que demander un rappel des règles. Il l'écouta lui expliquer les points et les interdits et se lança à son tour, déposant son verre sur un tabouret derrière le temps de jouer. Il avait clairement plusieurs longueurs de retard sur cette première partie.

"N'essayez pas de me déconcentrer."

Il plaisanta, alors qu'il tentait de se concentrer pour faire un parfait rebond. Ce qui ... évidemment... échoua. Il reposa la tige de bois -on a dit pas de sous entendus, j'essaye- contre le billard, reprit son verre le temps que Nate joue son tour.

"C'est beaucoup de travail, on a encore du mal à se faire connaître, la saison et la météo capricieuse n'incitent peut-être pas beaucoup les Londonniens à sortir.."

Une gorgée de plus et il reposait son verre pour jouer à nouveau. Et une boule de rentrée, victoire ! Mais quelques tours plus loin et Nate finissait la partie, l'emportant sans l'ombre d'un doute.

"Une revanche ? Il me fallait un petit temps d'échauffement, voilà tout."

Tiens donc. On ne le connaissait pas encore mauvais perdant. Les boules se rassemblèrent au centre du billard, merci la magie, les laissant prêts à entamer une autre partie. Maintenant qu'il avait saisi les règles du jeu et les mécanismes, il espérait devenir un adversaire un peu plus redoutable pour Nate.

"Mais je n'ai vraiment pas de quoi me plaindre. C'est un privilège d'avoir un travail qui m'intéresse réellement."

Et là dessus, il revenait de loin. Ce n'était qu'en commençant au théâtre qu'il s'était rendu compte du temps perdu. Et il commençait à peine à remercier silencieusement le ministère de lui avoir offert cette opportunité en le foutant dehors. Finalement, c'était peut-être l'une des meilleures choses qui lui soit arrivé.

"Et pour vous, la boulangerie c'est bien ça ? Ca se passe comment ?"

Ils entamèrent une nouvelle partie, alors qu'il terminait son verre. Bonne descente ce soir là. Il commanda une nouvelle tournée pour tous les deux. Nate le dépasserait encore sans difficultés. Mais il maniait cette fois la queue avec un peu plus d'aisance.

"Ca doit faire depuis la MUL que je n'ai pas fait ça... Ca ne nous rajeunit pas !"

Il rit, en relançant un autre coup avant de reprendre du vin. A ce rythme, il allait finir par rouler sous la table de billard bien vite...

Croyez le ou pas, Nate, contrairement aux joueuses, n'avait rien derrière la tête en proposant une partie de billard à l'autre homme. Par contre oui, il sait que ce T-shirt le met en valeur. Il n'est pas à la pointe de la mode, mais quand même. Au delà de ça, il ne fait pas d'effort particulier sur la barre de bois -on a dit non!- ou quand il se penche sur le tapis vert, si ce n'est pour mettre le plus de boules dans les trous (ah bah voilà). Et dans le genre charmant, et pas calculé du tout, il y a aussi ce rire si rare qui lui échappe quand Octave plaisante sur les règles du jeu, et sur son intention de le perturber pour qu'il perde. Ce qui était faux, hein, non mais !

« J'aurais pensé qu'ils préféreraient une pièce de théâtre bien au chaud, justement... »

Il confia. Non, il n'y connaissait décidément rien, mais lui il aimait bien aller au cinéma avec Hyacinthe les jours de pluie. Il en profita pour prendre de l'avance, montrant que le calme et l'observation font beaucoup dans ce genre de cas. Il dut dissimuler un sourire derrière la bière qu'il buvait en voyant que l'autre était mauvais perdant. Pour un adulte de sa taille et de son standing, c'était surprenant. Il accepta volontiers la deuxième partie, n'ayant rien contre un peu de challenge. Et à mesure que le verre se vidait et qu'ils avançaient dans le jeu, il se sentait aussi un peu plus à l'aise. Jusqu'à ce que Octave mentionne la boulangerie, bien sûr. Oups, une boule qui part de travers, bravo Octave !

« C'est... compliqué. Ca n'a pas été une année facile. »

Nathou, pas très bavard donc. Que dire de plus ? L’afflux de clients avaient été pire, au tout début, depuis quelques temps ils revenaient. Nate attribuait ça à la présence des deux sorciers à la caisse, bien sûr. Il ne savait pas trop ce qu'il ferait sans Ulysse et Jesus. Sans doute ce qu'il aurait fait depuis le début s'ils n'étaient pas venus.

« Mais je ne devrais pas me plaindre non plus, c'est mon commerce et je fais ce que j'aime aussi.»

Il dit, envoyant un nouveau numéro en plein dans le mille d'un air plus résigné. Il avait assez bu, apparemment. L'alcool le rendait mélancolique. Ou il lui faisait faire des conneries, et Octave n'avait pas envie de ça, pas vrai ? Et en même temps, l'homme était sans doute venu ici pour une raison, se rappela le pâtissier. Et maintenant qu'il y regardait à deux fois, il le trouvait particulièrement apprêté pour quelqu'un qui va "juste" boire un verre au bar. Il sentit que sa nuque le chauffait un peu, à l'idée. Et puis il se rendit compte qu'il devait le dévisager un peu trop longtemps alors qu'il buvait son verre de vin, et il détourna les yeux, finissant sa bière en essayant de se reprendre. On a dit stop, Nathou. Tu sais que ça ne te réussit pas les coups d'un soir et que ça te rend plus malheureux qu'autre chose. Et puis, un homme de la trempe d'octave a sans doute mieux niveau choix.

Et dans ce labs de temps, une jeune sorcière passablement éméchée -sans doute en EVJF, on les connait- tituba jusqu'à Octave pour lui faire du gringe sans la moindre honte aucune. Après tout, c'était sa soirée, elle faisait ce qu'elle voulait ! Et puis un beau brin d'homme comme lui, il était bien bâti quand même, sûr de sûr qu'il était pas strip teaser ? Nate vit le verre de vin et la chemise et comprit avant leur propriétaire ce qui allait se passer. Merci les ressorts scénaristiques de merde, hein !

« Je suis désolé. »

Pour sa chemise, pour la soirée, pour être sa compagnie ce soir ? Ou c'était juste plus fort que lui de s'excuser même pour quelque chose qu'il n'avait pas fait.

Évidemment, Octave n'avait pas idée à quel point l'année avait pu être difficile et éprouvante pour Nate. Depuis l'attaque de la Saint Valentin, il s'était passé tant de choses qu'il en avait depuis longtemps oublié ce justicier qui s'était dévoué pour des remèdes. A l'époque, on en avait parlé au Ministère, bien sûr, l'affaire était sur toutes les langues. Mais il en se préoccupait pas tellement des affaires nationales, lui. Et puis depuis, d'autres attaques des Deathwings avaient fait sombrer ce héros dans l'oubli.

"Elle l'a été pour beaucoup d'entre nous."

Conclut-il donc, échangeant une banalité de plus. On n'en était pas à parler de la pluie et du be... de la pluie mais ce n'était pas loin. Octave entama son nouveau verre de vin -le 3e ? on ne comptait plus- en le levant, un peu moins habilement qu'auparavant, en direction de son adversaire de billard. Malgré l'alcool, il s'en sortit un peu mieux sur la seconde partie. Pas au point de remporter la victoire, il lui faudrait un peu plus d'entraînement et de sobriété pour ça peut-être. Mais au moins, Nate ne devait pas avoir l'impression que tout été gagné d'avance. Où était l'intérêt, sinon ? Pouvoir regarder les pectoraux de l'autre à travers ce t-shirt un peu moulant ? Octave le regarda, un petit sourire amusé, en remarquant qu'il le dévisageait. Sans savoir si c'était une bonne chose ou non. Il allait espérer que oui, hein. Quoi qu'il en soit, il risquait d'être assez vite fixé. Il lança un autre coup mais la boule loupa le trou de peu (pardon mais c'est les termes).

Et avant qu'il n'ait eu le temps de faire un quelconque commentaire sur sa maladresse, une jeune femme l'approcha, marchant de travers. Et le salua, de manière tout sauf distinguée. Il n'eût même pas le temps de réagir qu'elle se raccrochait à lui, non sans verser tout le contenu de son verre de vin sur sa chemise. Octave s'écarta, manquant de rentrer dans le pâtissier. Et lâcha une insulte avant de se préoccuper un peu de la jeune fille. Elle avait clairement l'air éméchée. Et commença à s'excuser en lui tapotant la chemise avec un mouchoir. Non sans en profiter au passage. Il attrapa sa main avant qu'elle ne fasse plus de dégâts, lui ôta le verre vide de l'autre et le reposa sur le tabouret derrière.

"Arrêtez ça, Mademoiselle."

Il lui rendit sa main une fois certain qu'elle allait cesser de lui tapoter le torse de manière totalement gênante et lui jeta un regard noir. Avant de remarquer le reste du groupe, à deux mètres de là, en train de la regarder en gloussant et de l'encourager en tapant dans leurs mains et en hurlant. Décidément... entre celles-là et les prestigieuses salades qu'il allait devoir esquiver quelques semaines plus tard, ça devenait un peu trop récurent. Évidemment, elle revint à la charge. On n'allait pas aller jusqu'à la menacer. Mais il n'était pas loin de l'envisager. Autant dire que le petit bar paisible et ses quelques habitués était devenu soudainement bien animé. Un peu trop.

"Allez jouer ailleurs. Vous voyez bien que nous sommes occupés."

Et pour le prouver, il se pencha vers le pâtissier et l'attrapa vers les épaules pour l'attirer vers lui. Histoire qu'elle comprenne. Il fit un grand sourire bien faux à la jeune fille et attendit qu'elle parte avant de lâcher l'autre homme et de pousser un long soupir.

"Désolé. Je ne voulais pas... vous mettre mal à l'aise."

Est-ce qu'il avait un peu laissé traîner son regard sur l'autre homme en articulant ces derniers mots ? Oui, peut-être. Mais c'est qu'il avait plutôt apprécié ce qu'il avait pu frôler, tâter, deviner. Il lui fit un petit sourire. Et puis se rappela de sa chemise et grimaça. Rha. Avec tout ça, le vin était déjà en train de s'imprégner dans le tissu. Il tenta de l'aspirer à l'aide d'un sortilège, habituellement efficace. Lorsqu'on réagissait de suite. Là, une grosse tâche bordeaux demeurait. C'était bien sa veine hein. Lui qui avait une sainte horreur de la saleté, se trouver avec une chemise tâchée c'était plus que désagréable. Il n'allait pas rester avec ça !

"Je vais devoir la laver." Et qui disait la laver disait rentrer. C'était regrettable. Même si le tapage que les filles mettaient dans ce bar allaient rapidement lui donner une bonne migraine.

"Que diriez vous d'aller dans un endroit plus tranquille ?"

Oui, chez lui, c'est bien ce qu'il avait en tête, même s'il préférait laisser ça libre à interprétation. C'était peut-être un peu rapide. Mais c'était ça ou abandonner cet homme après cet échec. Et ça serait un peu dommage...

Quand on voyait le grand Mc Dougall, on imaginait souvent un homme fort, sur de lui, imposant comme il était. Mais, à l'instar de son petit frère, il était bien moins affirmé en société qu'on aurait pu le croire, comme Octave avait pu le remarquer. Avec un peu plus de confiance, peut être, il aurait fait la leçon à la jeune femme ivre et à son groupe. En bon grand frère qu'il était. Mais il ne savait surtout pas ou se mettre, incapable de sauver la chemise de son compagnon de billard, il se sentait un peu... inutile. Et croyez moi, il était pourtant choqué de l'attitude de cette dernière, d'autant qu'il avait l'habitude de les réceptionner celles là. Son T-shirt blanc ferait mieux de remercier Octave d'avoir été la cible, pour une fois.

Nathanael ne connaissait pas ce dernier, aussi lorsqu'il vit le mécontentement sur son visage son premier réflexe fut de défendre la mécréante qui en prenait pour son grade (et qui avait l'air de s'en taper royalement les steaks) en assurant à Octave que ça n'était pas bien grave. Pour finalement finir muet devant son geste pour leur fermer le caquet. Avait-il vraiment besoin de faire ça dans un bar gay, où ils étaient deux hommes en train de jouer avec des queues en bois et des boules ? (oui, c'est le jeu) Il n'empêche que ce geste eut pour effet de le surprendre suffisemment pour qu'il renverse le reste de sa propre bière sur le pauvre tissus blanc qui avait presque réussi à y échapper.

« ...C'est moi, je suis... »

Un bel idiot, se dit le pâtissier. Insortable franchement, ce garçon ! Déjà que tu as du mal à trouver un peu de conversation pour un gentleman qui te trouve digne d'intérêt, mais en plus tu agis comme le premier des coincés. Il est où, le Nate qui emballait à tour de bras dans les bars pour ne pas se sentir seul il y a quelques années de ça ? La joueuse commence à douter qu'il ait jamais existé.

« Je prendrais bien ce sort de séchage, finalement. »

Il ajouta avec un demi sourire amusé. Au moins, la bière ça ne tâche pas trop. Au lavage et on n'y verra plus rien. Derrière eux on leur suggérait de simplement retirer tout ça à coup de hululement graveleux, bien évidemment -hey, c'est une solution comme une autre ! Si bien que Nathanaël acquiesça à l'idée d'Octave d'en finir là et de rentrer. Attendez... rentrer ? Octave avait parlé d'un endroit plus tranquille, pas vrai ? Récupérant sa veste, Nate réalisa ce que ça signifiait. Non, apparemment, il n'avait pas fait fuir le gentleman encore. Et c'était assez miraculeux pour le remarquer.

« Je connais un petit resto... C'est simple, mais calme et on y mange bien. »

Il assura, regrettant presque d'avoir émit l'idée. Une fois dehors, la pluie semblait s'être calmée même si quelques gouttes persistaient, ce qui leur permit tout en pressant le pas de rejoindre l'endroit où, selon Nathanaël, on mangeait les meilleurs burgers de Londres sorcier. Oui, messieurs dame, Nate emmène Octave manger un burger. L'endroit ne payait vraiment pas de mine, et les deux cuistots multipliaient tatouages et styles particuliers, mais les assiettes qui volaient pour rejoindre les deux tables et demies valaient de se tasser un peu. Il eut malgré tout un regard d'excuse auprès d'Octave en voyant encore une fois que ce dernier ne collait pas vraiment au décors.

« Si vous voulez aller ailleurs... »

Il comprendrait, dit-il en se grattant la nuque un brin embarrassé. Mais déjà celle qui était aux grills leur proposait un verre et de choisir ce qui leur ferait plaisir au menu, parmi des mets qu'on voyait rarement dans les cuisines de restos branchés. Nate imaginait bien Jesus ici, un de ces jours. Ou peut être ouvrir un commerce qui aurait autant de personnalité. Il avait déjà du lui recommander d'aller y déjeuner un midi au lieu de rester enfermé à la boutique avec lui comme seule compagnie.

Décidément, entre la pluie et les boissons renversées, ils n'allaient pas s'en sortir ! Octave ne s'attendait pas à surprendre l'autre homme au point qu'il s'en renverse sa bière dessus. Et c'était à son tour d'en être désolé. Il le regarda, se retenant de sourire parce que malgré tout, la situation avait quelque chose d'amusant -à moins que ça ne soit les trois verres de vin...-

"Oh non, désolé pour votre bière !"

Finalement, le petit sourire en coin était sorti. En même temps que sa baguette, qu'il dégaina pour faire partir la bière et finir de sécher le t-shirt de l'autre homme. La bière tâchait définitivement moins que le vin et il s'en sortit bien mieux, avec un t-shirt impeccable -et qui ne moulait presque plus ses pectoraux, on en regretterait presque la pluie-.

Octave leva un sourcil à la proposition de l'autre homme. Un resto. Ca n'était pas tout à fait ce qu'il avait en tête. Pas du tout même. Alors soit l'autre n'avait vraiment pas compris où il voulait en venir -ce qui était possible, il avait l'air bien prude et coincé -et oui c'est Octave qui pense ça 8D- pour un grand gaillard dans son genre-, soit la proposition n'avait pas vraiment fait mouche. Il serait peu opportun d'insister, non ? Même si l'idée d'aller au restaurant avec une chemise tâchée n'était pas des plus tentantes.

"Très bien, je vous suis !"

Il régla leurs consommations, y compris la bière que Nate n'avait pas pu finir par sa faute et qui s'était étalée sur ses vêtements puis enfila sa veste et sortit avec l'autre homme. La pluie n'était plus aussi forte qu'auparavant. Et le restaurant n'était qu'à quelques dizaines de mètres du bar. Ils y arrivèrent rapidement et presque secs. Octave jeta un oeil au restaurant, s'abritant sous l'avent de la porte. Ce n'était clairement pas le genre d'endroit où il était habitué à aller. Ce que semblait avoir deviné Nate.

"Non, si vous dites que c'est bon, ça sera très bien."

A vrai dire, c'était surtout pour ne pas rentrer seul chez lui. Il n'avait absolument pas faim. Il avait déjà mangé ce soir et les quelques verres de vin qu'il avait ingurgités avaient fini de le rassasier. Mais il pouvait bien accompagner l'autre homme si ça lui faisait plaisir. Et puis ça serait toujours mieux que de se retourner dans son lit et de ne pas trouver le sommeil. Il se commanda une bière, l'établissement ne proposant qu'un vin beaucoup trop bon marché, ainsi que des frites de légumes. Il faisait une chaleur d'enfer là dedans. La salle était petite et la proximité des fourneaux faisait monter la température. Octave hésita à ôter sa veste mais il capitula après quelques minutes. Il allait finir rouge comme un coquelicot s'il restait comme ça. Sauf qu'il y avait une énorme tache sur sa chemise. L'établissement n'était certes pas très distingué mais ça n'en restait pas moins gênant. Il attrapa une serviette en papier du distributeur, songeant que ce restaurant s'inspirait vraiment beaucoup de la mode moldu. Dans ses pires aspects. Qu'est-ce que cette mini serviette en papier pouvait cacher ou essuyer, franchement ? Résigné, il l'agrandit d'un petit sort avant de la placer autour de son cou. Comme un enfant au restaurant, oui oui. Et il prit appui de ses deux coudes sur la table, croisant les mains devant lui pour masquer tout ça. En toute subtilité bien sûr.

"Je n'étais jamais venu ici. C'est... intéressant."

Notez tous ces efforts. Ah ça, si Nate avait voulu ne pas le mettre à son aise, il avait réussi son coup haut la main. Entre sa chemise tâchée qu'il s'efforçait de cacher en tirant sur sa serviette dans tous les sens pour qu'elle ne tombe pas et sa tenue qui détonnait totalement avec le décor, il aurait difficilement pu se sentir moins dans son élément. Et c'était avant que la serveuse ne vienne leur apporter leurs commandes et ne fasse ouvertement du rentre dedans à Nate. Elle lui fit un clin d’œil tout sauf discret et leur souhaita bon appétit. Octave les regarda l'un comme l'autre, intrigué. Etait-ce pour cela que Nate avait tenu à venir ici ? Pour lui montrer qu'il était intéressé par cette serveuse ? Ou qu'il lui serve de wingman ? Décidément, plus ça allait moins il avait l'impression de le comprendre. Il trinqua avec Nate et entama sa chope de bière.

"Alors vous... venez souvent ici ? Vous avez l'air de lui plaire..."

Oui, c'était tout sauf subtil. Ca n'en avait pas la vocation. Si c'était la raison pour laquelle l'homme l'avait emmené ici, autant qu'il soit fixé.

Bien sûr que c'était bon. Enfin, bon pas comme un restaurant étoilé, ou de la grande cuisine en général, hein. Bon comme de bons produits, cuisinés avec amour, et inventivité surtout ! De la personnalité et un côté familial et chaleureux, c'était tout ce que Nathanael cherchait, même s'il sortait très peu. Et ces deux jeunes -pas si jeunes- gens au comptoir savaient y faire. Il commanda le veggie burger -parce que voilà- et les mêmes frittes qu'Octave. Il lui proposerais bien de goûter mais vu qu'il faut se servir de ses mains... Nathanael commence alors à observer, comme il sait si bien faire, quand l'autre est trop occupé à agrandir son bavoir pour... quoi au juste ? Le pâtissier se demande si c'est pour ne pas tâcher d'avantage sa chemise ou... Non, cacher la tâche ? Octave fait presque peine à voir, comme ça. Mais c'est aussi bizarrement attachant. Les lèvres du pâtissier se pincent dans un sourire imperceptible.

« Assez peu... Je sors rarement, mais j'ai quelques adresses. »

Il l'aida à choisir sa bière, artisanale bien sûr, en fonction des goûts que ce dernier lui indiqua. Il voyait bien qu'il n'était pas dans son élément mais il cherchait à lui faire passer un bon moment malgré tout. Le but n'était pas de le torturer -vous vous trompez de perso là.

les commandes volaient depuis la cuisine et attérissaient sur les deux tables et demies dans une rapidité surprenante -et sans renverser s'il vous plaît- mais c'est sans surprise que l'une des chefs, Rhonda, vint leur faire la discussion en apportant les sauces et condiments et le burger de Nathanael -et un supplément gringue sans aucune honte. Ce dernier répondit tout aussi gêné qu'à son habitude, mais déjà plus chaleureux. Jusqu'à ce que la question d'Octave tombe alors qu'ils trinquaient à leur chope de trop.

« Rhonda ? Elle est... comme ça. Entre commerçants, on se serre les coudes, c'est une des rares qui a soutenu ma réouverture, dans le quartier. »

Il n'en aurait pas dit autant avec une pinte de moins, le Nathou. Et en même temps, il avait l'habitude que tout le monde sache plus de choses sur lui et ce qui s'était passé il y a un an que lui même. Il oubliait que tout le monde n'avait pas forcément une mémoire d'Erumpant. En piochant une fritte, Nate releva quelque chose. Pourquoi est-ce qu'Octave parlait de ça ? Il ne l'avait pas invité à aller quelque part de plus calme pour... Enfin, à moins qu'il ne se fasse des idées ? Merde, ça se trouve il se faisait des idées totalement, et Octave cherchait juste à sympatiser. Oui, le bras un peu plus tôt autour de son épaule aurait tout aussi bien pu être ça et juste ça. Gosh... Nate, tu t'emballes trop vite et après on se demande pourquoi tu t'embarasse aussi souvent.

« Elles sont mariées. Ca fait partie du lieu, disons. »

Il soupira, un peu désespéré mais amusé à la fois. Il avait l'habitude de tout ça à la pâtisserie, et oui, ça le mettait aussi mal à l'aise que du catcalling, mais elles étaient vraiment sympa.

« Vous voulez goûter ? »

Il proposa, avant de se dire que c'était peut être la pire chose qu'il pouvait proposer à Octave. Et pourquoi pas lui éclabousser directement de la béarnaise sur le pantalon hein, tant que tu y est (non, les lecteurs, on ne parle pas de ça). Mais il avait l'air sincère et adorablement enthousiaste concernant ce restaurant, et ça n'allait pas être avec une fritte que l'autre homme allait s'extasier. Bon, si ça n'est pas ça, il lui proposerait une bouchée de la tarte tatin en dessert alors. Oui, il goûte ce qui se fait chez la concurrence. Et il le précise à son interlocuteur, avec plus d'enthousiasme qu'on a vu chez lui depuis le début de la soirée. Un vrai passionné. Ils finissent leur verre et la promiscuité aidée par le calme du lieu ne manque pas de se rappeler à eux. Les tables sont vraiment étroites, et avec deux paires de grandes jambes comme ça, difficile de ne pas être collés. Mais ça ne veut rien dire de particulier si son genoux colle celui d'Octave, pas vrai ? Ne t'emballe pas, Nathou. Un râteau est si vite arrivé. Surtout vu la soirée que tu fais passer à ce pauvre homme et sa chemise traumatisée.

Bon, sa tentative de cerner la raison pour laquelle Nate l'avait amené ici se soldait pas un échec. Décidément, il semblerait qu'ils aient quelques difficultés à se comprendre. Un petit problème de longueur d'ondes peut-être ? Pourtant, en se rencontrant dans un bar gay, Octave avait espéré que ça clarifierait et simplifierait les choses. Ce n'était pas souvent qu'il se rendait dans ce genre d'endroits. Ni qu'il sortait tout court, en dehors du théâtre. Il avait écumé les bars lorsqu'il s'était fait jeter du ministère mais depuis sa reprise du théâtre, il s'était fait plus sage. Et à l'époque, c'était d'avantage pour boire et ne pas déprimer seul chez lui que pour rencontrer des gens. Même si ça s'était soldé à quelques occasions par des fins de soirée mémorables -petite dédidace à Silène-.

Toujours est-il que cette fois, il était précisément sorti pour ça. Avoir de la compagnie. Que ça finisse ou non dans un lit -ou ailleurs-. Et assez rapidement, il s'était plutôt rangé du côté de la première option. Sauf que plus ça allait, moins il lui semblait que c'était une envie partagée. Et moins il se sentait apte à décrypter le pâtissier -Oserons-nous dire que les verres d'alcool n'allaient pas aider ?-

Il nota dans un coin de sa tête, quand l'homme parla de réouverture, de se renseigner à ce sujet, s'il s'en souvenait. Il préféra rester silencieux là dessus et hocher la tête, pour ne pas réveiller un sujet potentiellement délicat. A moins que ça ne soit une perche tendue qu'il n'avait pas su saisir ?

"Oh. Je vois..."

Il fronça les sourcils, un peu surpris de cette révélation. Donc elle ne le draguait pas. Dis donc Octave, ça ne serait pas de la jalousie tout ça ? Il repartit à sa bière et à ses frites de légumes, avant de relever les yeux vers Nate quand il lui proposa de goûter son burger.

"C'est gentil, je n'ai plus tellement faim."

Il refusa poliment, espérant ne pas vexer le pâtissier. Mais déjà qu'il luttait en mangeant ses frites à la main (et c'était bien parce qu'on ne lui avait pas apporté de couverts), prendre un burger à pleines mains ça ne lui faisait pas vraiment envie là. Et puis il était sincère, il avait déjà pris ces frites-là juste pour accompagner Nate. Mais il se montra bien moins réticent, lorsque la proposition revint sur le dessert. Il n'avait peut-être plus faim mais il n'en était pas moins gourmand. Et puis la jeune femme qui était venue presque draguer Nate un peu plus tôt leur avait subtilement apporté deux cuillères.

"Vous aviez raison, c'est une bonne adresse, elle est vraiment pas mal. J'aimerais bien goûter la votre aussi."

Est-ce que son pied venait de glisser contre celui de son interlocuteur pile sur cette remarque ? Oui. Est-ce qu'il parlait toujours de tarte ? Allez savoir. Toujours est-il qu'il avait décidé d'attaquer un peu plus frontalement. Leurs genoux se touchaient déjà depuis qu'ils s'étaient installés mais cette fois, il s'assura qu'il n'y ait plus de doute dans ce geste. Quitte à se prendre une veste... Son pied remonta le long du mollet de Nate, autant qu'il le pouvait vu l'espace étriqué. Il fut presque surpris de voir le pâtissier détourner un peu le regard tout en répondant à son geste. Etait-ce un peu de rougeur qu'il devinait sur ses joues ? Lui, en tout cas, avait dû prendre quelques couleurs.

Son pied finit par retourner au sol, laissant Nate terminer sa tarte tatin pendant qu'il vidait son verre de bière. Sa tête tournait un peu, rien de surprenant avec tout ce qu'il avait bu. Heureusement, les quelques frites qu'il avait dans le ventre épongeaient un peu tout ça. Ils payèrent le repas et saluèrent les propriétaires avant de sortir. Il pleuvait à nouveau à grosses gouttes. Octave se saisit de sa baguette pour se protéger des gouttes de pluie, encore sur le pas de la porte.

"C'est pas très prudent de transplaner avec les verres de ce soir... Est-ce que je peux vous proposer de venir chez moi ? Il faut marcher un peu mais c'est bon pour la digestion et l'alcool, il paraît"

Plus "d'endroit tranquille" cette fois, il avait décidé d'être un peu plus explicite. L'ombrelle invisible s'agrandit au dessus d'eux pour accueillir Nate. Juste un peu, pour qu'ils puissent se tenir épaule contre épaule. ll n'y avait personne dans la rue avec ce temps-là. Mais pas question de bras dessus bras dessous, lui-même préférait une certaine pudeur, même si elle était quelque peu désinhibée par l'alcool. Ils se mirent tous deux en marche, vers chez Octave ou ailleurs, selon ce que Nate aurait accepté ou non. Même si l'ombrelle les protégeait, ils marchaient tous les deux d'un pas hâtif. Ce qui n'empêcha pas Octave de tendre un peu la main pour frôler celle du pâtissier. Ses doigts vinrent saisir ceux de Nate, presque timidement. Juste un court instant, avant qu'il ne s'en détache à nouveau en abordant une intersection.

Nathanael semblait avoir faux sur toute la ligne. Pourquoi un homme sophistiqué comme Octave viendrait mordre dans ton burger, hein ? Même si tu gardes le papier autour, même si la recette est exquise, ça reste gras et possiblement trop peu raffiné pour un gars comme lui. Il masque assez bien sa déception, malgré tout, et profite de l'ambiance de ce lieu qui lui plait malgré tout, ne manquant pas de complimenter les cuisiniers lorsque ces derniers s'enquièrent de son avis en apportant le dessert. Il avait à coeur d'entretenir de bonnes relations de voisinage. Mais il voulait aussi qu'Octave passe une bonne soirée. Aussi fut-il rassurer de le voir prendre la cuillère pour taper dans son dessert (oui, celui sur la table) et dans son pied, aussi. Il leva les yeux sur lui, et ne manqua pas de piquer un fard -léger, c'est un homme peu expressif et on est loin d'un renardeau rougissant- lorsqu'il senti la caresse le long de son mollet, accompagné d'une phrase qui pouvait être interprêtée de tellement de façons...

« Je... vous êtes le bienvenu, si vous passez dans le quartier. »

Il dit, la voix un peu sèche tout d'un coup. C'est qu'il se fait soif, et il a besoin d'un peu d'eau maintenant que son cerveau s'est remis en marche. Il laisse appuyer son genoux plus généreusement contre le sien, histoire de montrer qu'il a compris. Et il lui faut un petit moment avant de pouvoir finir sa tarte calmement.

La pluie avait redoublé d'intensité dehors. Et le pâtissier était en train de se demander s'il devait l'inviter à finir la soirée chez lui, qui semblait être plus proche, s'en remettant à des préoccupations de Cracmol alors qu'il se trouvait en la présence d'un sorcier qui pouvait Apparaître. Même si ça n'était pas sage, il avait raison. Il lui assura qu'il était plus que ravi de marcher, après tout il n'avait pas peur d'une petite pluie, et fut touché par l'attention du parapluie magique. Et par la proximité naissante entre eux. Ca ne tiendrait qu'à Nate, ils ne presseraient pas autant le pas. Il aimait marcher de nuit en ville, et n'en avait pas grand chose à faire d'être mouillé. Et quand des doigts vinrent chercher les siens, le temps aurait pu tout aussi bien s'arrêter. Il finit par prendre son bras et, vérifiant que les rues étaient désertes, et qu'ils étaient suffisamment à l'ombre des bâtiments fermés, le tourner vers lui pour chercher ses lèvres. Délicatement, mais avec la curiosité encouragée par les quelques verres qu'ils avaient bus plus tôt.

« On pourrait prendre un taxi, si c'est encore loin ? »

Loin de lui l'idée de profiter du portefeuille d'Octave, mais il voyait bien que ce dernier n'était pas ravi de se retrouver trempé jusqu'au mollet. L'avantage des taxis magiques ? Il suffit de lever la baguette et comme le Magicobus, ils apparaissent et peuvent vous éviter les embouteillages en un rien de temps. Et en un rien de temps, la porte d'entrée s'ouvrait sur le salon salle à manger d'Octave pour les deux sorciers à moitié trempés. Nate se débarassa de ses chaussures dans l'entrée voyant Octave le faire -on ne va pas salir chez lui quand même- et lui donna sa veste. Leurs pantalons avaient bien pris, mais ce n'était pas ce qui occupait l'esprit de Nathanael pour le moment, bien trop impressionné par la taille de l'endroit et la beauté des instruments.

Il accepta le rafraîchissement que lui proposait le maître des lieux, ne prenant certainement pas autant ses aises comme d'autres invités d'Octave. Mais une fois son verre d'eau vidé de moitié, c'est plutôt vers ce dernier qu'il se tourna. tâche de vin ou pas, il trouvait l'homme beau, à moitié trempé par la bourrasque qu'ils n'avaient pas pu éviter. Sans trop savoir quoi dire, il s'était retrouvé face à lui, suffisamment proche pour lentement reprendre là où ils en étaient restés, une main sur la mâchoire de l'autre et l'autre cherchant sa nuque pour l'attirer à lui progressivement. Est-ce que c'était une bonne idée... Probablement pas ? Et en même temps, depuis le fiasco de cette rencontre avec un charmant mais insupportable botaniste pour oublier son encore plus grand fiasco précédent, avec Ulysse, et celui encore avant avec Arthur...rien n'était arrivé dans la vie de Nathanael qui ne soit pas un fiasco. Il commençait à se résigner. Et peut être aussi, à ne plus autant s'en faire. Au fur et à mesure que leurs corps se pressaient l'un contre l'autre, la résignation laissait place à quelque chose d'autre.