It's a trap !

Il avait fallu qu'il se dise que ça faisait bien longtemps qu'il n'avait pas eu de nouvelles d'Isleen pour qu'une invitation tombe du ciel, ou presque. Les partiels approchant, il avait la tête sous l'eau et ne sortait que peu. Sa vie sociale était réduite à saluer les étudiants qu'il servait tous les midis, échanger deux mots avec ceux qu'il connaissait et vaguement plus avec ses voisins de la résidence universitaire.

C'est peut-être pour ça qu'il n'avait pas vu l'invitation avec suspicion. Il s'était naïvement dit que c'était gentil de sa part de se rappeler qu'il existait. Il en était agréablement surpris. Et puis même s'il avait très souvent envie de coller des claques à Isleen et qu'elle était capable de le faire sortir de ses gonds en un temps record - parfois, il la soupçonnait de prendre ça pour un jeu - il l'aimait bien QUAND MÊME ( une autre chose qu'il n'avouerait que sous la torture ).

Une fois n'est pas coutume -si si- , il avait séché les cours. Avec une bonne raison cette fois-ci, il avait d'autres cours à réviser. Le serpentard qui se mord la queue ? Disons qu'il espérait être plus efficace à relire des notes que d'autres avaient pris et qu'il avait emprunté qu'à écouter un prof qui faisait beaucoup trop de digressions. Il était donc guilleret en sortant de chez lui, content de se sortir un peu de toute cette paperasse bien trop théorique pour lui. Dans une petite boite, il avait emballé des chouquettes, faites maison s'il vous plaît ! Il les avait cuites deux jours plus tôt mais avait appris un sortilège pour prolonger la fraîcheur des desserts, les rendant aussi fraîches que si elles sortaient du four -comme quoi, tout n'était pas inutile dans ses cours, seulement 95%- Il était certain qu'Isleen aurait quelque chose à redire sur la quantité de sucre, la cuisson ou bien la quantité de chouquettes tout court mais il avait appris à ne pas vraiment écouter ses critiques.

Une douche rapide, il enfila une tenue confortable, attrapa ses chouquettes et le voilà qui transplanait dans la rue d'Isleen. Il toqua à la porte, presque à l'heure et ne prêta attention au panier déposé devant qu'après avoir tambouriné. C'était l'écriture d'Isleen. Et c'était rempli de vivres. C'était ... une blague ? Elle l'invitait pour le foutre à la porte avec de la bouffe ? Qu'est-ce que c'était que ce délire ?

"Hé ! Tu t'fous de ma gueule ?"

Il râla à travers la porte, en cognant un peu plus fort. Et s'arrêta en entendant quelqu'un approcher. Il se retourna, prêt à gueuler sur Isleen si elle pointait son nez. Et se retrouva, la bouche bée, face à Loïs qui arrivait. Qu'est-ce que c'était que cette mauvaise blague ? Oh, il n'était vraiment pas certain d'avoir envie de le voir, après les dernières fois où ils s'étaient vus. Pourtant, l'idée lui avait déjà traversé l'esprit de venir le voir, depuis qu'il avait appris pour ses fiançailles. Mais il avait abandonné, s'être fait renvoyer une fois lui avait suffi. Allez, il allait falloir refermer cette bouche et dire quelque chose.

"Salut... Hm... T'sais c'est quoi l'embrouille là ? Y'a ce truc devant la porte, elle a même pas l'air d'être là... C'est toi qu'as tout fait là ? Ou t'es au courant d'un truc ? "

Contrairement à ce que les mots pourraient laisser entendre, il n'y avait pas d'agressivité dans ses mots. Il était beaucoup trop perplexe face à la situation pour ça. Il essayait juste de comprendre qui était en train de se payer sa tête. Enfin pourquoi, plus exactement.

"Elle t'as invité aussi ?"

Ça ressemblait fort à un plan foireux. Et ça, ça ressemblait fort à Isleen. Rha la petite....

Sans vouloir faire sa drama queen, la vie c'était trop pas lol, des fois. Et dans un vocabulaire moins populaire... Quelle vie de merde il menait ces jours ci. Le travail ? Les conditions s'étaient considérablement dégradées depuis que papounet avait mis son nez là dedans et avait placé ses pions (aka son fils et d'autres) dans le bureau des Aurors au ministère. Y'avait pas de vraie fenêtre, merde. Et ça puait le rance et le renfermé. Sans compter que beaucoup ne l'appréciaient pas beaucoup, c'était à se demander pourquoi. Côté amour ? Essayez de faire connaissance avec un mur de glace. Et dire que Loïs pensait en avoir vu, des frigides. Celle là, c'était plus que compliqué d'en sortir une phrase complète sujet verbe complément, quand à partager quoi que ce soit ou à sourire... Et ses soirées fun, danse et cabaret étaient aux abonnées absents, tellement on le surveillait de près. Ne parlons même pas des parties de jambes en l'air improvisées avec ses deux boy toys préférés. Quand aux enchères du Ministère.... Oui, bon. Un mois de janvier bien foireux, quoi.

Donc bien évidemment, quand il avait reçu une invitation de sa dévergondée amie Isleen, il avait sauté sur l'occasion. Avec un peu de chance, elle le laisserait toucher ses boobs cette fois ! Et il pourrait se plaindre, bien manger, boire un bon coup et se plaindre encore. S'il savait, le pauvre. Une bouteille à la main (parce qu'on n'arrive pas les mains vides chez quelqu'un, un peu de savoir vivre !) il avait apparu non loin de son immeuble pour finir à pieds. Il était loin d'imaginer y trouver un autre invité devant la porte, croyez moi. Et croyez moi aussi si je vous dit qu'il connaissait assez bien Isleen pour comprendre le manège sans avoir à y réfléchir à deux fois. Elle allait l'entendre, cette petite teigne. Il n'était pas SI en colère que ça contre Jesus, même si ce dernier l'avait passablement exaspéré.

« Ca sera une manigance de cette petite emmerdeuse pour qu'on se parle, à mon avis. »

Il souleva le torchon du panier pour voir des mini pâtisseries, de quoi goûter, et bien sur, du gingembre confit. Elle allait le payer.

« J'aurais bien forcé la porte et ruiné son loft, mais je n'ai pas envie de me salir les mains aujourd'hui. Allons chez toi. »

Il était trop fatigué pour faire plus d'effort de forme, et franchement, il avait envie d'en finir avec cette histoire. Il ne devait rien à Jesus, dans sa tête bien sûr... Mais il sentait qu'on ne lui ficherait pas la paix tant qu'ils n'auraient pas fini ça. Isleen paierait, bien sûr. Mais la vengeance était un plat qui se mangeait froid. Enfin. Tiède. Il lança un "hominum revelio" pour voir qu'il y avait au moins une personne dans ce loft, et profita d'une ouverture pour y glisser un sort réfrigérant des plus... glaçants. Ca ne suffirait pas à le calmer, mais ça restait assez satisfaisant. Il attrapa ensuite le bras de Jesus qui n'avait pas son mot à dire, pour qu'ils apparaissent chez lui ou presque, et ne lui adresserait pas la parole jusqu'à être dans son appartement. Il n'avait pas besoin qu'un des emmerdeurs qui le suivait ces temps ci pour rapporter ses agissements à son père rapporte CA en plus du reste. Il défit sa cape et la retira comme s'il était chez lui, avant de se tourner vers Jesus et de enfin lui accorder son attention.

« Qu'est-ce qu'on fait. Parce que je ne toucherai pas à ce panier, et je doute que tu sois naïf au point de croire que ce qu'il y a pu avoir entre toi et moi peut continuer, maintenant. »

Oh, il se tapait sans problème des inconnus et des moins inconnus, même fiancé. Mais il doutait que Jesus accepte les termes de ce genre de contrat maintenant. Ses traits étaient définitivement tirés, et il n'avait pas son sourire malin habituel, pour sûr. Mais il n'y avait pas d'animosité particulière envers son hôte. Même s'il n'y avait pas grand chose d'autre non plus.

Il devait avoir l'air fin, le visage tout crispé, les traits tendus, les sourcils froncés, alors qu'il cherchait à comprendre ce qu'il se passait. Sa colère n'était pas dirigée vers Loïs, pour l'instant. Il était surtout énervé de trouver porte close. Puis de trouver l'autre trou du cul (littéral... oups 8D) devant lui. Lui n'avait pas l'air si surpris. Et les traits tout froncés de Jesus se tirèrent d'un coup lorsqu'il révéla ses soupçons. Une manigance. Pardon ? Pourquoi avait-il l'air si sûr de lui en balançant un truc aussi improbable ? QUI faisait des plans pareils ? Ah oui. Isleen. Il soupira. Mais de quoi elle se mêlait, celle-là ? Pourquoi est-ce qu'il faudrait qu'il parle à Loïs, hein ? Avaient-ils encore des choses à lui dire ? Bien sûr, il avait encore plein de venin à lui déverser dessus. Est-ce qu'une partie de lui était malgré tout contente de se retrouver face à lui ? Allez savoir. Si c'était le cas, c'était quoi qu'il en soit emmêlé dans bien trop de sentiments négatifs pour qu'il en prenne conscience.

"Heu... J'avais pas vraiment..."

On ne lui laissa pas tellement le choix. Ce n'était pas une demande ni une question mais une affirmation. Donc on piétinait son libre arbitre, tranquillement. Est-ce que ça l'étonnait vraiment de la part de Loïs et Isleen ? Non. Mais ça ne l'empêcherait pas de ruminer ça et de protester. Et d'un autre côté, aussi surpris et passablement énervé qu'il était de ce plan foireux, ça serait con de passer à côté de cette occasion de le revoir, lui soufflait une petite voix. Et il semblait que s'il refusait qu'ils aillent chez lui, ça allait couper court. Alors il chopa le panier d'une main, se laissa faire lorsque Loïs lui attrapa le bras, eût une pensée pour son appartement en bordel et ils transplanèrent tous deux jusqu'au couloir de la résidence.

"J'avais pas prévu. C'est pas vraiment... rangé."

Soupira-t-il alors qu'il ouvrait la porte de son studio. Et c'était un bel euphémisme. D'un coup de baguette rapide, il envoya se ranger les vêtements qui traînaient sur son lit et en boule dans un coin, les livres de cours et ses notes éparpillés au sol à côté des livres de recettes parce que son bureau était occupé par des boîtes d'ingrédients de potions, des fioles encore vides, d'autres en cours de test, les chaudrons qui traînaient au milieu de la pièce... Tout alla s'empiler et se caler dans son petit placard, capable d'engloutir bien plus que son volume ne le laissait supposer, merci la magie. Et il entra, à la suite de Loïs, avant de déposer le panier en plein milieu.

Sans s'attendre à ce que l'animagus attaque les problèmes... de front. Passant du panier à leur relation sans qu'il ne le voie venir.

"Heu... mais... je peux savoir, quand même, j't'ai fait un truc qu'il fallait pas ?"

Non, il ne faisait pas bien le lien, parce que ce qu'il y avait eu entre eux s'était fini il y a quelques temps déjà et qu'il n'avait toujours pas compris pourquoi soudainement l'animagus n'avait plus voulu le voir.

"T'as l'droit hein, j'juge pas ou quoi mais t'sais, c'était un peu soudain ? Mais j'sais que tu m'dois rien hein..."

Il alla se caler contre son bureau, pour éviter de faire les cent pas dans son petit studio. Il avait peut-être l'air à peu près détendu mais il se retenait de ne pas exploser. Il ne s'attendait vraiment pas à ce genre de face à face. Mais puisque Loïs avait attaqué là dessus, c'était peut-être l'occasion de mieux comprendre certaines choses...

"T'peux t'asseoir hein. Même si tu veux pas du panier... tu veux un autre truc à boire ? Ou ... j'ai fait des chouquettes que j'voulais ramener pour Isleen, t'en veux ?"

Il posa la petite boite et l'ouvrit. Pas qu'il ait vraiment faim. Pour l'instant, il avait surtout le ventre noué. Mais peut-être qu'elles tenteraient Loïs... C'était tellement dommage qu'Isleen ne les goûte pas. Elles étaient vraiment pas mal, il en était fier.

"C'est à cause de ... tes fiançailles, c'est ça ? J'ai lu dans le journal..."

Il avait l'impression de marcher sur des œufs. Il ne savait pas si c'était un sujet sensible ou bien joyeux pour Loïs. Il avait du mal à l'imaginer marié mais après tout, qu'est-ce qu'il savait de lui ? Peut-être était-ce un mariage d'amour... Il n'y avait pas QUE des mariages arrangés dans le milieu des sangs purs..

"Est-ce que... " Comment posait-on cette question ? Pour une fois, il cogitait avant d'ouvrir sa gueule. Hé bah vous savez quoi ? C'était pas magique, le temps de réflexion. Il ne savait pas d'avantage comment poser sa question. "Je dois te féliciter ?"

Il demanda, d'une toute petite voix, comme s'il avait peur du retour de bâton. C'était tout juste s'il ne rentrait pas la tête dans son cou. C'était peut-être trop personnel et déplacé. Mais... ils avaient été intimes après tout et même si l'inverse n'était pas vrai, il tenait à Loïs. Quitte à risquer son courroux.

Que ce soit rangé ou pas n'avait pas vraiment d'importance. Peu de chose en avait, concernant Jesus en réalité. N'en déplaise à la joueuse -qui a envie de taper son perso. Isleen allait l'entendre, même si cette dernière avait sans doute deviné ce qu'il en pensait de ses petites manigances avec le sort qu'il venait de lancer dans son appartement. Il était mécontent. Mais là, il avait surtout envie de régler cette histoire une fois pour toute. Après tout, il était fiancé, maintenant. Il avait d'autres chats à fouetter que de se soucier des sautes d'humeurs d'un garçon qu'il s'était tapé.

Il détourna son regard des meubles -si on peut appeler ça du mobilier- de l'étudiant et de son bazar ambiant, pour le regarder lui. Une explication ? M'enfin, Jesus, plus d'une fois tu aurais dû comprendre que ce Valentine n'était pas pour toi. Lui même n'a pas conscience d'avoir livré de messages qui aurait pu être interprêté différemment de... ce qu'ils faisaient. S'amuser, c'est tout. Et quand on passe à autre chose, on passe à autre chose. Loïs soupire. Bien sûr que si, il lui "doit" quelque chose. Sans quoi il lui aurait pas fait toute une scène à Halloween dernier.

« Tu n'as rien fait de spécial, Jesus. C'est la vie, tout simplement. Un jour on s'amuse bien, et l'autre on passe à autre chose. »

Il s'assit à peine l'autre garçon le lui avait proposé. Il refusa les chouquettes d'un geste. Elles avaient l'air délicieuses, soit, mais il n'était pas d'humeur.

« Tu le sais depuis le début, qu'il ne faut pas s'attacher. Je ne t'ai rien promis, et tu as commencé à être... Ca, là. »

Il montra Jesus tout entier. C'était si compliqué, de dire le mot "amoureux", pour toi Loïs ? C'était un peu de sa faute en même temps. A trop donner... Au moins, il y en avait comme Octave qui comprenaient. Arthur était un autre problème. Et là, il avait trop de problèmes à gérer pour jouer aux romances universitaires, aussi mignon soit le garçon.

Il fustigea un peu Jesus du regard quand il lui demanda s'il devait le féliciter. Et le jaugea. Ca n'était pas à ébruiter, que son futur mariage battait de l'aile à peine dans l'oeuf. Et en même temps, à qui Jesus allait le répéter ? Finalement, il attrapa une chouquette pour se l'enfiler sans aucune délicatesse.

« Pas vraiment, non. Mais c'est comme ça. J'ai des responsabilités et des obligations que tu n'imagines même pas. Ca n'aurait pas pu continuer bien longtemps, même sans ton caractère de chiotte. On aurait pu en rester là, mais il fallait que tu t'attache ? »

Il protesta, même si Jesus n'avait pas vraiment demandé ça, ni dit quoi que ce soit.. Et tenez vous, il ne va pas s'arrêter là.

« Tu es un gentil garçon, beau comme un dieu mais le jour où tu as commencé à te ramener, là, avec tes tartes et ton sourire et ta chemise... Non. Il y a un adorables garçon qui t'attend, quelque part, mais ça n'est certainement pas moi. »

C'était un problème qu'il avait déjà tourné et retourné dans tous les sens. Il avait déjà eu cette impression qu'il en avait trop fait et que ça avait braqué Loïs, quelle qu'en soit la raison. Et d'une certaine manière, c'est ce que ce dernier confirmait. Il savait aussi l'animagus volage et il ne s'était pas attendu à autre chose. Mais ça faisait quand même chier, de l'entendre de la bouche du principal concerné. Et il commença à s'offusquer lorsque ce dernier lui prêta des intentions...

"Mais j'ai pas dit l'contraire ! J'étais pas..."

Un pas en avant, trois pas en arrière. Il avait cessé de le nier devant certaines personnes mais devant Loïs ? Et puis quoi encore ? Pourtant, est-ce que ce n'était pas le moment de grandir et d'accepter vraiment ? Face à lui ? Il s'interrompit, pour le laisser poursuivre. Et encaisser, non sans quelques pincements au cœur. Il fronça les sourcils, se retenant de protester lorsque Loïs sous entendit que c'était de sa faute, s'il s'était attaché. Comme s'il avait fait quelque chose de mal. Et secoua la tête. Il n'avait pas envie d'un gentil garçon. Pourquoi croyez-vous qu'il s'attachait à des gens comme l'animagus ? Et puis...

"Qu'est-ce que ça peut te foutre, que j'sois attaché ou non ? Et puis j'suis pas... j'aimais juste bien passer une soirée avec toi de temps en temps, t'vois..."

Et il avait voulu lui faire plaisir, cuisiner quelque chose qui lui plaise, parce que c'était ce qu'il savait faire. S'habiller un peu mieux, pour changer et parce que ça lui plaisait à lui, aussi. Grand mal lui en avait pris, hein. Bien sûr, il atténuait un peu le truc. Enfin il n'en savait rien. Des mois à ruminer ça ne lui avait pas apporté la lumière divine.

"J'allais pas t'demander en mariage hein. J'te demandais rien t'sais. Que j'sois attaché ou pas, qu'est-ce que ça change ? De toute façon, c'est pas comme si on choisissait hein..."

Ca ressemblait quand même à un semi-aveu. En tout cas, il ne niait pas tout et Loïs ne se rendait sans doute compte de rien mais ça lui coûtait sacrément, juste ça. Mais s'il avait pu décider, ÉVIDEMMENT qu'il ne se serait pas attaché à quelqu'un comme Loïs. Il n'était pas idiot. Il savait que ça n'irait nulle part. Il soupira longuement. C'était incroyable que ça le fasse encore autant chier après autant de temps. Il aurait juste voulu continuer un peu plus longtemps ce qu'ils avaient. Pas grand chose quoi. Mais de quoi s'amuser un peu. Et puisque justement, on parlait mariage...

"Va pas croire que t'es le seul à qui ça arrive, hein. Des responsabilités, on en a tous... Ceux qui viennent de longues lignées en tout cas."

Il ne l'avait pas encore mentionné à Loïs et celui-ci l'ignorait peut-être tant il s'était arrangé pour que ça ne se sache pas mais il en était, lui aussi. Même si ça ne se voyait pas à son attitude ni à son appartement. La richesse faisait partie de ce à quoi il avait renoncé, en s'enfuyant. Nul doute que s'il avait accepté le mariage qu'on lui destinait, il ne vivrait pas dans un 11m².

"J'peux sans doute pas imaginer, t'as raison. Mais... j'aurais dû me marier, moi aussi. J'devrais l'être depuis des années déjà. J'suis le seul fils de la famille, tu vois..."

Il n'en parlait jamais et se retenait même d'y penser. C'était du passé depuis longtemps enterré. Ça et ses parents, auxquels il n'avait presque jamais reparlé. Mais il ne pouvait s'empêcher de faire le parallèle, là. Même s'il savait les situations différentes. Il attrapa un élastique qui traînait sur son bureau et qui avait dû servir à attacher un bouquet d'herbes médicinales. Et le tendit entre ses doigts pour s'amuser à le pincer et le faire rebondir.

"Les mariages entre cousin, tout ça, c'est leur truc, à mes parents. J'étais en deuxième année à Ilver quand on me l'a annoncé. C'est pour ça que j'suis venu ici. J'voyais pas comment y échapper autrement. Et j'sais que c'est pas pareil et si ça t'convient, tant mieux hein ! Mais sinon..."

Ses doigts glissèrent, l'élastique partit comme une flèche et atterit en plein sur Loïs. Oups. Heureusement, il évita le visage pour s'écraser sur l'épaule. Plus de gêne que de mal normalement, il n'avait rien dû sentir ou presque à travers sa veste. Mais maintenant, en plus du reste, il se trouvait un peu embarrassé.

"Oups ! Pardon, je voulais pas... J't'ai pas fait mal ?" Evidemment, fallait que ça arrive maintenant. Il reprit, un peu désolé de l'attaquer frontalement de tous les côtés. "J'sais que c'est une situation de merde et y'a pas de solution miracle hein. Sinon j'en serais pas là. J'te dis pas d'te barrer comme je l'ai fait, j'le recommanderais pas. Mais si tu veux, j'connais d'autres mecs qui ont réussi à faire annuler leurs mariages. T'es pas seul face à ça. Et j'aimerais bien t'aider... Si t'es prêt à supporter d'voir encore ma gueule de dieu. Parce que j'supporte pas qu'on fasse encore ça en 2020.  "

Et ouais, sans doute qu'il le prenait trop à coeur et que Loïs allait l'envoyer chier. C'était pas ses affaires, il le savait bien. Mais c'était vraiment un truc qui le touchait. Il avait vu ses soeurs en souffrir aussi. Et pendant des années, il avait dû se reconstruire à cause de ces arrangements forcés. Il n'en était pas encore au bout.

"Que j'sois attaché ou pas, qu'est-ce que ça change"

Qu'est-ce que ça change ? TOUT voyons ! Quand on s'amuse gentiment sans lendemain, il n'y a pas vraiment de mal. Entre adultes consentants bien sûr. Mais là ? Ca voulait dire des responsabilités, un amant collant à qui on devait des comptes, des soupirs enamourés, des regards... bon si c'était que les regards encore. Mais tout le reste ! Loïs n'est pas un monstre, non plus, (NON) et il sait généralement préparer sa victime à ce genre de condition, mais là, il avait déconné. Est-ce qu'il avait passé trop de temps avec lui ? Est-ce qu'il s'était montré trop enthousiaste ? Certes, le mystère qui entourait Jesus au départ l'avait séduit, mais il n'y avait plus de mystère du tout, là. Rien qu'un adolescent vexé de s'être fait jeter, ou assimilé en tout cas. Certes il ne pouvait pas lui en vouloir, mais c'était la vie ? Ils ne se devaient rien, effectivement. La passion, ça ne se décide pas.

La suite surpris plutôt l'animagus qui s'enfournait une deuxième chouquette avec délice en se léchant les doigts pleins de sucre. C'est qu'il avait progressé en pâtisserie le bougre, depuis ses débuts désastreux. Mais d'où venait cette nouvelle information ? Loïs qui se vantait de tout savoir sur tout le monde, tous les secrets, tous les ragots... Au moins, Jesus avait son attention là. Qui aurait dit qu'un mec avec si peu de manière et d'éducation venait d'une grande famille ? Son nom ne disait rien au Valentine, mais en même temps, même peu nombreux à force de croisement entre cousins comme disait si bien Jesus, il y en avait encore un bon paquet. Il en connaissait, côtoyait un bon paquet bien sûr, mais il n'avait pas non plus tous les arbres généalogiques en tête.

« Sinon... Quoi ? Je n'ai pas besoin d'un noble Prince pour me sortir de ma conditio-. »

Il dit, non sans un sourire malicieux qui rappelait un peu plus le Loïs qu'il avait été avec Jesus. Jusqu'à ce qu'il se prenne un élastique dans la figure. Bon, ok, l'épaule. Mais son superbe superbe visage n'était pas si loin ! Bizarrement, il ne fut pas vexé. Ca le vexait bien moins que la façon dont Jesus essayait de se mêler de ses affaires privées. Ca ne concernait pas l'apprenti pâtissier, clairement. Octave, à la limite... Et encore ! Loïs soupira et râla sans laisser l'autre finir tranquillement. Ca y est, il allait regretter d'avoir dit qu'il était beau comme un dieu. Que ce soit vrai ou pas n'était pas la questions.

« S'il te plaît, lâche cette affaire. C'est au delà de tes capacités. Ne mets pas le nez là dedans, tu m'entends? »

Il dit tout en regardant Jesus dans les yeux, bien plus sérieusement. Non, il ne tenait pas à lui. Mais ça ne voulait pas dire qu'il voulait que Jesus finisse avec un Avada dans une ruelle sombre parce qu'il s'était un peu trop mêlé de la vie du jeune Valentine. Un nouveau soupir un peu dramatique passe les lèvres de ce dernier. Et puis il se releva, pour se rapprocher de Jesus.

« Tu es terriblement mignon, c'est indéniable. Mais si on remettait le couvert... Peut être pas aujourd'hui, peut être pas le mois prochain, mais assez tôt tu finirais par en payer le prix. »

Et Loïs avait beau être un salaud, il n'était pas ce genre de salauds là. Même si les grands yeux de biche en face étaient tentants. Est-ce que ce serait si grave, une dernière fois ? Ses yeux de chat racontaient au moins ça. Ses lèvres aussi d'ailleurs.

« Isleen ne me lâcherait plus après ça. »

Est-ce que ça le surprenait vraiment que Loïs soit encore plus borné que lui ? En tout cas, il soupira et ses épaules retombèrent alors que Loïs le renvoyait dans ses cordes. Il ferait tout aussi bien de tout laisser tomber. C'était ce qu'il s'était dit quelques jours plus tôt et la raison pour laquelle il ne s'était pas présenté chez lui comme il avait d'abord songé à le faire lorsqu'il avait appris la nouvelle des fiançailles. Mais il faut croire que le destin -Ou Isleen... plus probablement Isleen- le poussait à s'en mêler quand même.

"Ça tombe bien, j'prétends pas être un beau prince !"

Il lâcha, une fois l'élastique parti tout droit sur l'épaule de Loïs. Ouais, il n'avait rien d'un prince charmant. Et puis de toute façon, les contes de fées, il avait toujours trouvé ça d'un niais et stupide... Mais Loïs ne comprenait pas que ça n'avait rien à voir ? Il tenta d'expliquer plus simplement, prenant sa situation comme exemple même s'il avait conscience que les deux ne se ressemblaient pas tellement. Ils avaient plus de points communs que Loïs ne l'imaginait, malgré tout. Ce qui ne parvint pas à convaincre Loïs d'avantage. A son tour, il lâcha un long soupir. Bon. Il aurait essayé. Pourquoi ça lui tenait tellement à cœur que l'autre accepte ? Il n'aurait pas su dire. Mais en tout cas, ça lui serrait le ventre de le voir refuser si froidement. Il leva les yeux au ciel.

"Évidemment que j'vais pas foutre le nez là dedans si t'es pas d'accord... J'vais pas l'faire dans ton dos t'sais..."

Et vraiment, il avait autre chose à foutre que de se mêler des affaires d'un mec qui le considérait si mal, surtout si ce dernier ne voulait pas de son aide. Mais ça le faisait quand même chier qu'il refuse. Et Jesus eût un mouvement de recul, leva un sourcil en l'entendant changer de sujet d'un coup.

"Mais c'est quoi l'putain d'rapport ?"

Il demandait pas à forniquer avec, là, il voulait juste faire capoter son mariage.. Pourquoi est-ce qu'il se rapprochait de lui d'un coup ?

"Et c'est pas ce genre de menaces qui me feraient flipper..."

Parce que de toute façon, le prix, il l'avait déjà payé, hein. Des semaines à ressentir une espèce de tristesse et de manque latent à cause d'un crétin pareil, c'était vraiment cher payé, il trouvait. Qu'est-ce qu'il pourrait subir de pire, franchement ? A part une maladie sexuellement transmissible, il ne voyait pas bien.

Il le regarda, perplexe. Il avait bien noté le changement d'attitude, les yeux doux, le rapprochement. Et son visage à lui n'en était que plus renfrogné. Il se payait sa tête ? Jesus ne recula pas mais ne fit aucun mouvement vers Loïs non plus. Il se contenta de le dévisager, les sourcils froncés.

"Tu vas t'laisser faire ? Juste pour tes putain de soit disant obligations et responsabilités et j'sais pas quelle connerie ? Tu flippes parce qu'on t'apporte une tarte aux fraises mais tu veux pas t'bouger quand on veut t'marier de force, vraiment ? Et là dessus, Isleen, elle te lâche ? "

Il tentait de rester calme mais ça le dépassait. S'il y a bien quelque chose qui le mettait encore plus en colère que les mariages arrangés, c'était la résignation. Et la condescendance à base de "tu peux pas comprendre". Quoi, Loïs pensait qu'il n'en avait pas, à l'époque, des obligations ? Que pour les autres c'était toujours plus facile ?

"Tu fous quoi là, t'veux qu'on oublie tout ensemble, soudainement ? Moi j'veux bien mais..." Soupir.
"T'es terriblement mignon aussi, c'est indéniable. Et terriblement tentant, là, ouais." Il détourna le regard de celui de Loïs. Bordel, il avait oublié à quel point il le trouvait beau.

Mais Loïs ne s'en sortirait pas juste comme ça. Parce que...

"Mais t'es surtout terriblement lâche si tu rends les armes avant même d'essayer..."

Non, ce n'était pas ses affaires. Mais c'était important. Même s'il se doutait que ça vexerait Loïs et qu'il pourrait s'asseoir sur cette idée de remettre le couvert. De toute façon, c'était pas une bonne idée, hein... En tout cas, il tentait de s'en convaincre.

Craquera, craquera pas... Comment vous voulez ne pas craquer devant une moue bougonne aussi adorable, franchement ? Qui fait son fier alors qu'il ne connait rien, RIEN de ce que Loïs traverse. Il en aurait des sueurs dans le dos c'est lui qui vous le dit. Mais non, Jesus fait le brave. Jesus n'a peur de rien, pas vrai ? Même plus d'être gay. Il en avait fait, du chemin, depuis cette boîte de nuit où leurs corps s'étaient embrasés. Depuis les folles nuits qu'ils avaient passées ensemble. Mais depuis ? Des disputes, des quiproquos... Des choses trop compliquées pour un Loïs qui n'a pas le temps pour ça. Plus le temps pour ça, en tout cas. Alors oui, il hésite, il observe, mais il sait bien que tout ça l'ennuie. Ils ne sont pas si proche que ça. Pas assez pour qu'il fasse des efforts.

Et puis, bizarrement, et à sa façon, il est aussi sincère. Il n'a pas envie que Jesus se retrouve face à la merde qu'est sa vie. Il n'en a pas les épaules, le bouchon. La preuve en était qu'il s'énervait là où Loïs était devenu plus pondéré. Plus résigné, peut être ? Ou simplement il attendait son temps. Une porte de sortie qui lui permette de s'en sortir sans trop de casse, justement. Parce que ça n'était pas si simple. QU'au moindre faux pas, c'était avec un Avada dans la figure qu'il se retrouverait. Ou pire. Il ne s'énerva même pas. Il continuait de sourire, simplement. C'était mignon de le voir s'énerver pour lui. Mais ça ne prendrait pas. Il s'approcha encore, pour aller prendre sa mâchoire entre ses mains et l'embrasser. C'était purement égoïste, mais c'était bon, aussi. Et ça avait le mérite de faire taire Jesus un moment. Et puis, doucement, il le relâcha.

« Ne t'en fait pas autant pour moi. »

Il posa ses deux mains sur le torse de l'autre garçon, replaçant ses vêtements là pour se convaincre autant que pour se calmer.

« Profite du pannier de l'autre harpie, tu l'as mérité. Prends soin de toi et de ton beau pâtissier. »

Il dit dans un sourire plein de sous entendu. Pas que Jesus et son mentor fricotaient ou quoi mais... Il n'y a pas de mal à regarder le menu, pas vrai ? Isleen ne se privait pas de lui en parler en tout cas. Une dernière caresse et il se détacha de l'étudiant, pour récupérer sa cape sur le dos de la chaise et son écharpe. Finalement, c'était peut être mieux que ça se finisse comme ça. Il en venait à penser que Jesus était un gentil garçon et qu'il méritait au moins ça. Oh, ça ne l'aurait pas déranger qu'il le déteste juste et qu'il lui reproche tout sans savoir pourquoi. Mais de cette façon... il avancerait dans sa vie ? Et bien Loïs, tu te mets à penser au sort de tes amants occasionnels maintenant ?

Sans regarder en arrière, il sorti de là, pour apparaître devant son loft à lui. Il allait devoir expliquer deux trois choses à Isleen, avant qu'elle mette tout le monde, y compris elle même, en danger. Mais pas ce soir. Ce soir, ça serait bain à bulles et verre... non, bouteille de vin sur fond de musique pas très classique. Et peut être, peut être qu'il s'autoriserait à penser à quelqu'un d'autre quand il serait suffisamment enivré. Ou à la soirée qu'il aurait pu passer avec Jesus s'il n'était pas parti.

Est-ce qu'il lui en voulait d'avantage de se laisser faire comme ça ou de le jeter comme une vieille chaussette ? Allez savoir. En tout cas, il avait le cœur qui s'emballait, au sens propre plus qu'au figuré. Il essayait de garder un ton à peu près calme et égal mais à l'intérieur, ça se mettait déjà à bouillir. Loïs lui faisait si peu confiance qu'il voulait absolument l'évincer de sa vie ? Le sous estimait-il à ce point, après ce qu'il venait de lui confier ? Au point de penser que sa vie était si différente, que sa valeur était bien plus importante ou on ne savait quelle autre connerie ? Il lui en voulait encore, oui. Peut-être plus qu'avant.

Mais à présent, il en voulait surtout à la lâcheté de Loïs. Et à sa façon de se rapprocher de lui pour changer de sujet et le faire taire. Il était peut-être impulsif mais il n'était pas complètement con. La manœuvre n'était pas suffisamment subtile pour qu'il ne la remarque pas. En témoignent ses poings serrés et crispés, alors qu'il lui jetait des coups d'oeil, le regard un peu fuyant, les joues un peu rouges malgré tout. Tant de colère que d'autre chose. Il n'était pas insensible aux compliments dissimulés de Loïs ni à sa présence.

Il soupira, lorsque Loïs mit fin, trop rapidement à son goût, à ce baiser au goût un peu trop nostalgique. Bordel, fallait qu'il lui rappelle à quel point le contact l'électrisait, à quel point c'était agréable, juste pour mieux l'envoyer paître après ? C'était quel niveau de dégueulasserie, ça ?

"C'est toi qui devrais t'en faire."

Et qu'on lui dise pas quel souci il devrait se faire ou ne pas se faire. Il se foutait de la gueule de qui, là ?

"Va t'faire foutre Loïs."

Il n'aurait pas de plus jolies paroles, alors que ce dernier s'écartait de lui après un sous entendu des plus écœurants pour son tuteur. Loïs avait au moins réussi une chose, la colère envers lui prenait le pas sur les sentiments -quels qu'ils soient- qu'il avait à son égard jusqu'alors. Est-ce que ça durerait ? Rien n'était moins sûr. Mais dans l'immédiat, il avait juste envie de le claquer contre un mur. Bon, il avait aussi envie de le tirer dans son lit, c'est vrai. Mais on passerait là dessus. Sitôt l'animagus disparu de chez lui, il cogna dans son lit puis dans le panier, encore intact, qui traînait au pied de son bureau. Loïs croyait vraiment qu'il avait envie de bouffer tout ça ? Il avait juste envie de chialer là. Et le ventre bien trop noué pour manger quoi que ce soit. Envie de se défouler, aussi, un peu. Il chopa le panier, encore entier mais un peu bousculé et transplana à nouveau devant chez Isleen. Après Loïs, c'était elle la responsable de tout ça, n'est-ce pas ?

Le panier tomba à ses pieds, alors qu'il tambourinait à la porte.

"Hé ! Tu t'fous de ma gueule ? C'était quoi ce plan de merde ?"

Il hurla, à travers la porte. Et continua à tambouriner. Si Isleen était derrière cette porte et était déterminée à ne pas ouvrir, elle avait intérêt à avoir de la patience. Parce que lui, de la colère, il en avait à revendre. Et la porte en bois allait prendre aussi cher que ses poings. Il faudrait un moment avant qu'il se lasse.

"Tu fais vraiment chier. Toi et tes idées de merde. Faut vraiment qu'tu t'mêles de tout ce qui t'regarde pas hein... Put*** mais ouvre cette **** de porte !"

Ah oui, des jurons aussi, il allait en avoir à revendre... Il nota à peine que ses yeux se remplissaient de larmes. Il était bien trop occupé à cogner contre cette porte pour daigner les essuyer... Journée de merde. Dire qu'il avait espéré juste se changer les idées.

Frapper cette pauvre et innocente porte permettait au moins de passer un peu de sa colère. Il ne savait même plus à qui il en voulait. A Loïs pour se comporter comme le dernier des connards ? A Isleen pour avoir manigancé tout ça ? A lui pour y avoir encore cru ? Au monde entier, tant qu'à faire, ça irait plus vite ? En tout cas, il était déterminé à ne pas arrêter avant de se faire mal aux poings. Au point qu'il s'arrête, vraiment surpris, lorsque la porte s'ouvrit enfin. Il ne s'attendait même plus à voir quelqu'un derrière. Les sourcils froncés, le visage en colère, il la dévisagea alors qu'elle le scrutait. Quoi, elle ne l'avait jamais vu rouge de colère ? Et puis il sentit des larmes couler sur ses joues. Qu'il s'empressa d'essuyer dans sa manche.

"Ça va, c'pas ce que tu ... "

Jesus, essayerais-tu encore de nier alors que tu te retrouves dans cette situation ? Il lâcha un long soupir de résignation, une fois son souffle calmé et entra lorsqu'elle l'y invita. Tout en se demandant ce qu'il interrompait, vu la tenue plutôt légère d'Isleen.

"Y'a quelqu'un d'autre ?"

Il se méfiait, quand même. Déjà qu'il n'était pas de bonne humeur, il n'avait aucune envie de devoir sociabiliser avec un amant d'Isleen. Merci bien. Et ce n'est qu'une fois assuré qu'ils n'étaient que tous les deux qu'il s'installa, essuya les dernières larmes qui coulaient. Et la regarda s'agiter pour faire à manger. Il faudrait qu'il lui précise qu'avec son ventre noué, il n'était pas certain d'avaler quoi que ce soit. Mais il avait la gorge serrée et il sentait que s'il se mettait à parler là dans l'immédiat, ça allait finir en catastrophiques sanglots haletants. Hors de question. Alors il resta assis, inspira, expira longuement en la regardant. Sans trop se calmer pour autant. Il prit la tasse qu'elle lui tendait mais la posa sur la table aussitôt.

"Désolée ? Mais tu peux pas arrêter de t'mêler de ce qui te regarde pas, merde ? Tu croyais vraiment que j'avais envie de le revoir ? Et tout ça pour qu'il se foute encore plus de ma gueule ? Tu crois que c'était pas déjà assez compliqué de tourner la page avant ?"

Bon, ses yeux n'étaient pas restés secs bien longtemps. Mais au moins, plus de sanglots. Il glissa ses poings serrés dans les poches de son hoodie. Evitant ainsi de déraper malencontreusement.

"J'veux plus jamais entendre parler de lui. C'est qu'un con."

Bien sûr, c'était faux. Même s'il le pensait sincérement. Si on lui proposait, là tout de suite, d'effacer Loïs de sa mémoire, il accepterait volontiers. Ca lui éviterait les émotions beaucoup trop à fleur de peau et tellement, tellement de déceptions. En réalité, il aurait surtout aimé que ça se passe autrement. Que Loïs écoute ce qu'il avait à lui dire. Qu'il ne le fasse pas languir pour ensuite se barrer comme un lâche. Mais ça, c'était trop tard.

"J't'avais fait des chouquettes, ti..." Oh non. Les chouquettes. Il les avait oubliées. Elles devaient être là où s'était posé Loïs. Il gâchait vraiment tout celui là. Et ce fut la goutte de trop, qui fit déborder le vase. Enfin ses sanglots, en l'occurence. Il les sentit le submerger, attrapa sa capuche pour la mettre sur sa tête, la tirer jusqu'à ce qu'on ne voie plus ses yeux et renifler dedans, plié en deux sur le canapé. Ah il avait l'air fin, à s'effondrer à cause de chouquettes oubliées -et pas du tout le reste, non non, c'était évidemment les chouquettes la seule raison-. Il était venu ici pour gueuler un bon coup sur Isleen, pas pour fondre en sanglots ! Quelle image pathétique il allait donner de lui encore...

Sans déconner, il n'avait pas tourné la page, ouais. Merci, cap'tain obvious. Jesus préféra ne rien ajouter. Il avait essayé de la tourner, merde ! Elle n'avait pas idée à quel point il avait essayé. Mais c'était difficile, ca n'était pas de sa faute quand même si tout lui rappelait ce crétin de chat noir. Et en quoi c'était supposé l'aider qu'il le revoie, vraiment, il le demandait.

En tout cas, dans l'immédiat, ça n'arrangeait pas son cas. En témoigne la façon dont il avait éclaté en sanglots, à cause de vulgaires chouquettes. Mais hé, c'est qu'il y avait mis du coeur, à l'ouvrage ! Pour faire plaisir à Leen en plus. S'il avait su, il ne se serait pas emmerdé. Il aurait fait cuire des crottes d'acromentula qu'il lui aurait servi sur un plateau, elle ne méritait pas mieux hein.

Il laissa larmes et sanglots se faire. De toute façon, c'était un peu tard pour nier et pour cacher quoi que ce soit, là, hein... Il ne repoussa même pas Isleen lorsque celle-ci vint le prendre dans ses bras. C'est dire à quel point c'était sérieux. Mais ce qu'il y avait d'encore plus sérieux que sa peine de cœur, c'était la cuisine. Alors quand elle insulta ses chouquettes, il la repoussa immédiatement et la dévisagea. Le regard noir et assassin. Elle se foutait de lui ? Elle ne trouvait rien de mieux à faire que de critiquer de la bouffe qu'elle n'avait même pas goûtée ?

"Elles étaient parfaites. Même Loïs les a bien aimées."

Ce qui aurait pu le réjouir, encore quelques temps auparavant. En cet instant, il avait juste envie de le retrouver pour le forcer à régurgiter les chouquettes et lui gueuler dessus au passage. Il n'aurait pas du lui en proposer. Il reprit sa tête dans ses mains, tira sur ses dreads en se laissant aller contre Isleen à nouveau. Non, il n'aurait pas dû lui proposer quoi que ce soit. Et sûrement pas son aide pour faire annuler son mariage. Enfin si. Quel connard. Il aurait dû accepter. Quel lâche, franchement... Il lui en voulait, pour lui même mais aussi au nom de tous ceux qui avaient été mariés de force.
Et ses sanglots repartirent de plus belle. Arrête de penser à des trucs qui t'énervent, Jesus, tu ne vas rien arranger de cette façon. Il renifla, bruyamment et sans trop de grâce, essuya à nouveau dans ses manches toutes les larmes qui mouillaient ses joues. Et retrouva enfin un semblant de calme. Même si le chagrin n'était pas bien loin. Sa gorge était nouée au point de lui faire mal, sa bouche sèche, ses yeux piquaient.

"J'ai pas soif !"

Il rejeta le verre et le reposa sur la table. En l'état, il était incapable d'avaler quoi que ce soit.

"Ne plus jamais te mêler de mes affaires ? Et changer d'amis ?"

Suggéra-t-il. Parce que c'était de sa faute aussi, s'il l'avait revu, hein. Autant de raisons d'estimer Isleen coupable de tout ça. Soyons honnêtes, c'était toujours plus facile d'avoir un coupable. Et encore plus un coupable extérieur à tout ça, sur qui rejeter la faute.
Il secoua la tête. Non, il n'avait pas envie d'un punching ball. Il avait la coupable devant lui, c'était suffisant. Et il ne voulait pas non plus aller danser. C'était comme ça qu'il avait rencontré ce connard de Loïs, il serait capable de le recroiser sans le vouloir. Et bien sûr qu'il ne voulait pas de massage ni de ... Ses épaules retombèrent, il regarda Isleen, décontenancé et blasé. Elle se payait de sa tête, encore, hein... Le prendrait-elle jamais au sérieux ?

"T'en as vraiment rien à foutre ou quoi ?"

Lui, ça ne le faisait pas sourire, au contraire. Il détestait la voir si jouasse alors qu'il était au plus mal. Elle en avait vraiment rien à cirer de sa tronche hein.

"J'ai envie de rien, ok ? J'ai juste envie de chialer parce que pour une fois qu'il y a quelqu'un qui me plaisait vraiment, il en a rien à foutre de ma gueule. Comme toi. Putain, c'est moi qui ai un problème, c'est ça ?"

Oui, celui de s'emporter vite et de s'attacher aux mauvaises personnes, déjà. Un petit manque de jugeote, pour commencer. Mais merde, il ne se serait jamais attaché à Loïs comme ça si ce crétin ne l'avait pas rejeté, hein !
On remarquera qu'il avouait vraiment, cette fois, sans même tenter de faire de détour. C'était certes déjà une évidence pour Isleen mais ça restait une nouveauté, qu'il en parle avec tant de franchise.

"Mais si tu crois qu'une putain de pipe va tout rétablir, vas y, j't'en prie, ma braguette est à toi."

Et ses deux mains pointèrent son entre jambe, les cuisses largement écartées. Est-ce qu'il allait vraiment la laisser faire ? Bien sûr que non. La dernière chose dont il avait envie, c'était bien de se faire sucer par Isleen, croyez le. Mais elle, était-elle prête à ça pour le réconforter ? Notons qu'elle avait au moins éveillé sa curiosité -et sa colère-.

Évidemment, il ne se tournait pas vers Isleen pour sa délicatesse légendaire. D'ailleurs, il n'attendait rien d'elle, à la base. Rappelons qu'il était venu là pour cogner et insulter une porte d'entrée. Et se défouler. Et qu'il se retrouvait sur un canapé, à vider son corps de toutes les larmes qu'il ne pensait plus avoir. Mais ça ne semblait pas arrêter la jeune femme dans son tact légendaire. Car voilà qu'elle l'accablait de reproches, en plus de ça ? Quoi, il devait rire à ses plaisanteries mal tombées, parce qu'elle se donnait la peine de les faire ? Il devait trouver ça drôle alors que toute sa vie c'était de la merde et qu'il broyait du noir ? Elle se payait sa tronche ? Littéralement, oui.

"C'est peut-être parce que c'était pas drôle."

Non mais franchement, c'était quoi ce culot gigantesque que d'aller encore lui reprocher des trucs ? Elle n'avait pas le droit. C'était à lui que revenait le droit de reprocher des trucs, merde ! C'était son plan foireux qui le mettait dans cet état là. Il n'avait rien demandé, lui. Il était bien, le nez dans ses cahiers de cours de merde, avant qu'on vienne l'inviter à un traquenard.

"Qu'est-ce que ça peut foutre, que j'sois ridicule ?"

Il ne les referma pas d'avantage. Y'avait de la place sur ce canapé et Isleen était assise en tailleur, il pouvait bien manspreader comme il le voulait. Et puis il était vexé. Il n'allait pas juste obéir à Isleen, hein. Il s'installerait mieux un peu plus tard, une fois qu'ils seraient passé à autre chose. Mais d'abord... d'abord, il fronça les sourcils. Quoi, plus de reproches encore ? Oui, il avait une légère tendance à tout prendre mal et trop à cœur. Surtout quand il était à vif, justement.

"Ouais, un putain de trou du cul."

Dans tous les sens du terme, effectivement. Certains qu'il préférait à d'autres.

"Mais j'étais pas amoureux. A la base. J'aimais juste bien... le voir de temps en temps, t'vois..."

A la base, hein. C'est qu'en quelques sortes oui, il s'était rendu compte de son attachement pour Loïs quand ce dernier avait commencé à le rejeter. L'esprit de contradiction, Jesus ? Si peu...
C'est vrai, il était tombé dans le panneau. Un peu trop rapidement. Mais hé, il n'était pas un cœur d'artichaut ! C'était bien la première fois qu'il avait des sentiments comme ça pour quelqu'un. Et il avait fallu que ça soit Loïs hein... Non parce qu'avant ça, il avait eu quelques relations, c'est vrai. L'une d'elles était bien en train de se foutre de sa gueule, devant lui. Mais il n'avait jamais ressenti ce genre de trucs pour quelqu'un d'autre. Et ça faisait chier...

"Ouais bah ça n'a pas aidé. Ça m'fait juste passer pour un con sentimental de merde."

La pire chose au monde, quoi. Les sentiments, quel vilain gros mot. Il replongea ses mains dans ses poches, un peu plus calme.

"Il a dû te dire qu'il allait se marier..." Ou Isleen avait dû l'apprendre par tout autre moyen. Il ne doutait pas qu'elle soit au courant. Elle savait toujours tout sur tout, celle là.

"J'voulais l'aider. Pour y échapper. T'sais... comme moi..."

Une histoire qu'il avait sans doute raconté à Isleen, un jour. Ils n'étaient pas si nombreux à y avoir eu le droit. Mais à l'époque, il en parlait plus volontiers. Et puis n'oublions pas qu'ils avaient été intimes tous les deux, même si ça n'avait pas duré très longtemps... Isleen faisait malgré tout partie de ceux qui le connaissaient le mieux.

"Il n'a rien voulu entendre. C'est un gros lâche en plus d'être un trou du cul. Il mérite juste d'être malheureux dans son putain de mariage arrangé que "tu peux pas comprendre, on peut rien y faire, c'est trop compliqué pour toi, ça te dépasse, ma vie est bien trop dramatique et dangereuse et t'es trop con pour biter ça.""

Il avait mimé des guillemets sur ces dernières paroles, s'efforçant de sortir ses mains des poches de son hoodie. Ouais, ça, il ne l'avait pas trop digéré. Et il lui en voulait. Peut-être encore plus que de l'avoir rejeté. Ou de l'avoir embrassé pour mieux l'envoyer paître après. Ou de... Bon. D'accord. Y'avait un paquet de raisons de lui en vouloir, en fait.

Au moins, là dessus ils étaient d'accord. Même si Jesus doutait un peu de la sincérité d'Isleen -il les savait proches, ces deux-là et s'il était moins focalisé sur son chagrin, il en serait déjà à se demander dans quelle mesure tout ce qu'il balançait allait être répété-, ça devait lui faire du bien de l'entendre dire que c'était un con, aussi. Pas qu'il en doute, hein. C'était passé au statut d'ultra-confirmé, depuis tout à l'heure. Mais il était quand même satisfait de l'entendre de la bouche de quelqu'un d'autre.

"Ils forment un couple de merde ouais."

Beau, non mais on se foutait de la gueule de qui ? Certes, Loïs était beau comme un dieu mais elle, il avait juste envie de l'éclater contre un mur. Quoi que c'était plutôt l'animagus qui méritait ça, à bien y réfléchir.

"T'façon, j'leur donne pas deux ans avant qu'elle vire folle avec un con pareil. Et encore, deux ans, c'est large... Qui le supporterait, franchement ?"

Oui, allez, essayons de nous convaincre de ça... Que Loïs avait trop mauvais caractère et que de toute façon, il le détestait. Ça n'était pas Leen qu'il duperait, hein. Surtout qu'il avait déjà avoué ses sentiments pour lui - chose dont la joueuse ne s'était toujours pas remis, vous imaginez le progrès de Jesus quand même ?-
Mais c'était plutôt lui qu'il cherchait à duper, en fin de compte. A force d'auto-persuasion, il finirait bien par croire que Loïs n'en valait effectivement pas la peine et que c'était un connard, qu'il n'était pas fait pour lui de toute façon. En attendant, il allait se faire une joie de se faire initier au plaisir de bitcher gratuitement sur des gens qu'il ne connaissait même pas.

Et à force de voir la tasse devant lui, il finit même par l'attraper. La boisson avait refroidi, il la réchauffa d'un coup de baguette. C'était... plus fort que ce à quoi il s'attendait mais plutôt bon, même s'il ne le dirait pas à Isleen hein. Elle avait critiqué ses chouquettes à distance sans même les voir, il n'allait pas lui faire un compliment non plus !

Ils passèrent un bon moment à critiquer cette pauvre fille qui devait avoir les oreilles qui sifflaient. Tout comme Loïs, d'ailleurs -mais lui, s'il avait la formule pour les lui faire siffler à distance, il ne s'en priverait pas, hein-.
Avant que Jesus ne se décide à rentrer chez lui. Il avait toujours le coeur lourd. Il s'en voulait à lui-même à présent, d'avoir été aveuglé et naïf. Et il lui faudrait encore quelques temps pour vraiment tourner cette foutue page. Mais il allait y arriver, hein. Lui n'y croyait pas encore. Mais sa joueuse a bon espoir, quand même.