Lya N. Lacroix | AmaLee

L'histoire commence par un mariage. Un mariage loin de toute famille. Un sorcier, né non-maj épouse, par amour, une sorcière malédictus. Ils se connaissent depuis sept ans, s'aiment depuis cinq. Le temps étant compté, il est hors de question de gâcher les grains du sablier à attendre la bénédiction de qui que ce soit. Il voulait vivre avec elle et le reste importait peu. Samuel Lacroix épouse donc ainsi Florence Amyot.

Ils s'installeront au nord-est de la ville de Québec, dans un endroit isolé, et protégé des non-maj. Après vingt-trois mois de mariage, Florence met au monde une petite fille. À la maison, aidée par son époux. De par son tempérament, et sa malédiction, la sorcière aura refusé catégoriquement d'aller dans un hôpital. Heureusement, cette dernière avait étudié autant de sorts de soin que possible lors de sa scolarité à Ilvermorny. Tout se passera donc sans accrocs.

▬ Première, deuxième et troisième année :

« Les premières années de ma vie me semblent vagues. Je me souviens de notre petite maison entourée par la neige, d'une mère bienveillante, protectrice et chaleureuse. D'un père qui rentrait tard le soir, quand j'étais déjà couchée, afin de pouvoir petit-déjeuner avec moi le matin. Des rires d'enfants, de l'amour, de l'insouciance. Voir ma mère se changer en oie m'amusait, et je ne me posais aucune question. N'ayant aucun autre modèle, aucun contact avec d'autres bambins, pour moi, c'était parfaitement normal. »

▬ Quatrième année :

« À l'âge de quatre ans et demi, mes parents ont décidé de me mettre dans une école de non-maj, une maternelle. D'après mon père, voir comment ils vivent ne pouvait qu'être bénéfique. Et je devais me sociabiliser. Les premiers mois se sont bien passés. J'avais quelques amis, mais je commençais à comprendre que ma famille était différente. Difficile qu'il en soit autrement quand les autres enfants prennent le bus ou la voiture et non le balai ou la poudre de cheminette. Encore moins quand on a une mère capable de se changer en oiseau. »

▬ Cinquième année :

« Si la première année d'école chez les non-maj c'est bien passé, la seconde signa la fin de mon innocence et de mon ignorance. Les autres enfants commençaient un peu à se lasser de mes histoires de magie, d’aventures fabuleuses qui, pour eux, n'étaient que des mensonges d'enfant. Et les moqueries ont commencé. C'était innocent, mais pour une petite fille de cinq ans, les railleries d'un groupe ont bien assez d'impact. Et alors que j'étais en pleurs face à un garçon de mon âge, je me retrouvai au milieu de la classe adjacente en un éclair, sous les regards stupéfaits de tous ses occupants.

Pour me protéger, protéger le secret, mes parents ont du oublietter tout le monde. Heureusement, il n'y avait pas trop de témoins, mais le mal était fait. Je n'étais pas comme tous les petits enfants et j'en avais enfin parfaitement conscience. »

▬ De la sixième à dixième année :

« Après cette histoire, ma mère a voulu me garder à la maison. Moi-même, je n'avais plus aucune envie de sortir. Je me souviens d'un grand nombre de petites disputes que j'ai surprises entre mes parents. Mon père pensait que je devais retourner à l'école, mais en étant plus informée. Ma mère, protectrice, refusait de laisser son oisillon quitter à nouveau le nid au risque qu'il n'en souffre encore plus. Le temps passait et je m'isolais. Les disputes devenaient de plus en plus récurrentes.

Un jour, pour arrêter d'entendre une énième querelle, je demandai moi-même à retourner dans une école. Une autre, loin, je ne voulais pas revoir les élèves que j'avais connus, mais j'étais prête à retourner chez les non-maj.

La semaine d'après, avec l'aide d'un peu de magie, de conseils et de volonté, je retournais sur les bancs de l'école. Seulement, j'étais plus solitaire, moins sociale que les autres. Mais ça ne me déplaisait pas. L'école était collée à un petit parc et souvent, les canards passaient et je jouais avec, ou les observais de loin. Même quand ils n'étaient pas là, j'avais toujours de quoi m'occuper, avec un livre ou de la musique. Au final, je commençais à apprécier ces moments de solitude. »

▬ Onzième année :

« Alors que chaque rentrée scolaire s'était, jusqu'alors, bien passée, l'année scolaire de mes onze ans commença très mal. Alors que je m'attendais à retrouver les élèves habituels qui peuplaient ma classe, comme chaque année, une nouvelle tête fit son apparition. Ce n'était encore jamais arrivé : l'école était petite, le village isolé, donc peu de gens venaient. C'était même la condition sine qua non pour que ma mère me laisse retourner en cours. Ce nouveau, enfin, nouveau pour les autres, n'était autre que le garçon qui avait provoqué ma première manifestation de magie et il venait de s'installer dans la même classe que moi.

Même si lui ne se souvenait de rien, dû au sort d'amnésie parfaitement lancée par ma mère, moi, je savais. C'était suffisant pour provoquer une certaine angoisse en moi. Petite, mais constante. L'angoisse d'être à nouveau découverte par ce garçon précis, mais aussi cette idée, que je ne comprenais pas à l'époque, qu'il empiétait sur mon territoire, dans ma bulle. Lui qui m'avait déjà fait du mal, je ne le voulais pas dans mon domaine.

Par peur de demander de l'aide, par peur d'entendre à nouveau mes parents, je n'ai pas osé le leur dire. J'ai gardé en moi et pour moi cette colère et cette angoisse. Pendant plusieurs semaines, plusieurs mois. Sans rien dire. Jusqu'au jour où je demandai à mes parents s'il était possible de me changer d'école l'année suivante, en prétextant l'envie de voir d'autres endroits.

Ils se sont regardés l'un l'autre.« Mais, Lya, l'année prochaine, tu fais ton entrée à Ilvermorny. » Me rappelait, alors, mon père. « Il est temps pour toi d'apprendre la magie ! » Il semblait excité. Ma mère ajouta « Tu aurais déjà pu rentrer cette année, mais... j'avais peur que tu ne sois pas prête... »

Peut-être que l'idée de m'éloigner de la source d'angoisse qui me rongeait aurait dû me faire plaisir. Peut-être que la joie d'enfin apprendre à maîtriser cette magie qui me suivait depuis toute petite aurait dû me plaire. Pourtant, ce ne fut absolument pas le cas. Je n'osai rien dire à mes parents, et je partis à l'école sans demander mon reste.

Sur le chemin, tous ces sentiments se mirent à bouillonner en moi. Était-ce juste une impression dû à ce que je gardais pour moi, ou dû à ma malédiction ? Je ne serais pas capable de vous le dire, mais j'étais vraiment perdue, angoissée, triste, en colère... une bombe prête à exploser.

Ce garçon, que je fuyais comme la peste tant il me faisait me sentir mal, me regardais de loin. Je ne m'en apercevais pas, car je faisais tout pour ne pas m'occuper de lui, mais ce garçon me regardait depuis le début de l'année. Et, probablement en voyant le tourment sur mon visage, il a décidé de venir me parler ce jour-là. J'étais dans ma léthargie et comme je ne répondais pas quand il m’appelait, il m'a pris la main pour attirer mon attention. Ce contact un peu trop intrusif était l'étincelle qui fit exploser le cocktail explosif sentimental qui me tourmentait.

Soudain, sans que je puisse contrôler quoi que ce soit, sans que je comprenne comment, je sentis mon corps se changer. Ça m'a semblé être long, la première fois, mais ce fut probablement rapide. Mes yeux bleus sont devenus jaunes, le corps de préadolescente que j'avais se métamorphosa en un lynx à la fourrure longue et épaisse, grise et brune avec des taches sombres. Tout cela, sous les yeux de ce même garçon et devant toute l'école.

Je ne me souviens, en revanche, pas vraiment de ce qu'il s'est passé ensuite. Tout est flou et plutôt embrumé. Je me vois partir de l'école sous cette forme féline et rentrer. Je présume que je suis partie me défouler, avant de rentrer et que mes parents ont, une nouvelle fois, du effacer la mémoire de toutes les personnes ayant vu la scène. Après ça, je ne me suis plus sortie de chez moi, pas même pour finir l'année scolaire.

Ma mère m'a tout expliqué : le pourquoi du comment, ce qu'on était, m'expliquant enfin pourquoi il lui arrivait de se changer en bernache. Bien sûr, en bonne mère, elle aura bien essayé de me faire comprendre qu'il y avait du positif dans l'histoire.

Je la revoie encore me dire « Tu sais Lya, la différence entre une malédiction et une bénédiction, c'est la façon dont tu vois et acceptes les choses. » Avant de me faire son sourire si chaleureux. Mais, même à l'époque, je n'étais pas dupe. C'était bien une malédiction, même si elle faisait tout pour que je ne le vive pas aussi mal qu'elle l'avait vécu. »

▬ Douzième année :

« Après des préparations et des achats qui me semblaient interminables au début, je suis arrivée à Ilvermony, ma baguette en bois de saule et plume de Phoenix en main. Comme chaque élève, je me suis avancée lors de la sélection devant les quatre statues. Tremblante, mise à nu devant toute l'école, j'étais vraiment mal à l'aise. Le Womatou se mit à rugir et simultanément, le Puckwoodgenie leva sa flèche. J'étais très surprise, et gêné, mais instinctivement, je décidai de choisir la créature humanoïde plutôt que le félin à six pattes. Ou alors était-ce plutôt par révulsion dû à sa ressemblance avec mon autre forme... ? »

▬ Treizième et quatorzième année :

« Petit à petit, j'ai pris mes marques dans l'école. Comme chez les non-maj, je suis resté plutôt solitaire, mais sans l'être excessivement. Peut-être la première année, mais en deuxième et troisième année, il n'y avait plus aucun souci. Je ne me faisais pas vraiment d'amis, mais je ne fuyais pas les autres. J'apprenais à gérer tout ce qui était social, petit à petit sans me forcer à en faire trop.

Du côté scolaire, je m'en sortais plutôt bien. Il n'y a que le cours de métamorphose qui me posait vraiment problème. Je n'étais pas non plus bien douée pour l'astronomie et l'histoire de la magie n'était pas aussi passionnante pour moi que pour mon père, mais le reste des matières me plaisait plutôt bien. Et quand je pus enfin l'avoir, je sautai sur l'option de soins aux créatures magiques, que j'avais attendu deux longues années. »

▬ Quinzième année :

« Cette année-là a été témoins de la seule véritable expérience sentimentale que j'ai eu. Parmi les quelques personnes, les rares personnes avec qui je passais un peu plus de temps que la moyenne, il y avait une jeune femme avec qui j'appréciais particulièrement de passer du temps. Les choses ont fait leur chemin, le temps passe et le lien se crée.

Cependant, je n'ai jamais osé lui avouer ce que j'étais, ma malédiction. J'aurais pu prétendre être un Animagus, mais je n'ai jamais aimé mentir et je préférais me taire. Un samedi soir, après une sortie plutôt entraînante, j'ai décidé de lui proposer de venir me retrouver à la volière, quand il n'y aurait personne pour venir nous regarder ou nous voir. J'avais décidé être honnête avec elle, mais de son côté, elle a interprété cela comme une proposition pour concrétiser notre relation.

Quand elle est arrivée, elle m'a regardé avec ses grands yeux chocolat. Elle m'a souri et sans que je puisse réagir ou comprendre, j'ai senti ses lèvres se poser sur les miennes. Même si le baiser, mon premier baiser était plutôt agréable en y repensant, pour moi, c'était trop, trop d'un coup. Devant ses yeux, alors que je la repoussais brusquement, je me changeai en cette créature féline.

Je n'ai pas su me détransformer avant plus d'une heure, mais elle a patienté. Et quand je repris ma forme humaine, j'entrepris de tout lui révéler, comme je comptais le faire. Elle écouta sans m'adresser un mot... ni même un regard.

Je n'ai jamais su si c'était le fait de lui avoir caché si longtemps, si c'était la violence avec laquelle j'ai dû la repousser pour lui éviter d'être blessé, si c'était la peur du danger ou encore de la malédiction, mais toujours est-il qu'après ce soir-là, nous ne nous sommes plus jamais adressé la parole. Elle me fuyait du regard, puis me fuyait tout court. Laissant mes sentiments naissants faner puis flétrir en entraînant avec eux mes faibles envies de sociabilisation. »

▬ Seizième année.

« Lors de ma cinquième année scolaire à Ilvermony, mes résultats de BUSE ont été plutôt bons, enfin à mes yeux. Un O pour le cours de soins aux créatures magiques et en botanique, ce qui fit la fierté de ma mère. Un E en potions et en sortilège, un A pour les défenses contre les forces du mal et en alchimie. Mais aussi un P pour le cours de métamorphose, un D pour l’astronomie et l'histoire de la magie. Cette dernière note désespérait un peu mon père qui enseigne cette manière.

En fin d'année, après mon anniversaire, j'ai également réussi à avoir mon permis pour transplanter. Étant née le 22 mars, j'étais majeure assez tôt pour pouvoir passer le test. Ma mère le prenait très au sérieux, mais malgré ses craintes, tout se passera relativement bien, enfin le jour de l'examen... Les leçons en revanche auront été quelque peu compliqué et douloureuse. »

▬ Dix-septième année :

« En sixième année, je choisis de me diriger vers des études de Vétomagie, avec l'envie de pouvoir soigner animaux et créatures fantastiques. Pour cela, j'ai décidé de redoubler d’efforts pour rattraper mes lacunes en métamorphose. Je convaincs le professeur de m'accepter malgré ma note au BUSE et lui demande même des cours supplémentaires. Cela paie, car, à la fin de l'année, pour savoir s'il n'a pas perdu son temps, le professeur me fait passer le teste des BUSE de cette année-là, lors de nos cours particuliers, et il me notera avec un A. Bien que cela ne soit pas officiel ni valable, cela remontait mon moral et mon amour-propre. C'est aussi là que je décidai d'aller faire mes études à Londres. La MUL était mon prochain but à atteindre après mes ASPIC. »

▬ Dix-huitième année :

« Cette année-là, je passe les ASPIC des cours imposés pour devenir vétomage. Je réussis à m'en sortir avec des notes plus que bonnes dans toutes les matières. La majeure partie de mon temps aura été d'étudier, mais les résultats étaient là et j'étais contente de finir mes études aussi bien. J'étais vraiment heureuse. »

▬ Dix-neuvième année :

« À la fin de l'année scolaire, je suis rentrée chez moi comme tous les étudiants. J'ai salué mes parents et défais ma valise. J'ai lavé toutes mes affaires et me suis reposée en profitant d'une soirée en famille. Le lendemain matin, sur un coup de tête, j'ai refait un sac et je suis partie, baguette en main, pour voyager. J'ai embrassé mon père sur la joue, ma mère sur le bout de sa tête duveteuse et en un éclair, j'ai transplané.

Pendant trois semaines, j'ai profité des vacances. C'était la première fois que je faisais cela. Je voulais voir le monde, mais surtout voir les créatures qui le peuplaient. Je restais une ou deux journées dans un coin, le visitais, en apprenais davantage sur ce qu'on pouvait y trouver avant d'avancer et d'aller ailleurs. Je récoltais plein de souvenirs d'informations, et même plusieurs ingrédients utiles.

Après avoir vu une bonne partie des endroits que je voulais, je suis rentrée, pensant faire une pause de quelques jours pour fêter avec mes parents la fin de mes études à Ilvermorny, ainsi que l'anniversaire de ma maman. J'avais même trouvé le cadeau idéal pour elle ! Mais en arrivant, j'ai bien vite déchanté.

Maman était toujours sous forme animale. Au début, j'ai cru que c'était comme d'habitude, mais ce n'était qu'une façon de me voiler la face. Maman allait avoir trente-neuf ans, c'était déjà un miracle qu'elle ait tenu si longtemps. Mon père m'expliqua alors qu'elle était dans cet état depuis plusieurs mois déjà. Depuis mis janvier. Il avait essayé de me prévenir, mais ma mère avait laissé des lettres avec quelques demandes à ce sujet.

Le courrier pour mon père donnait surtout des excuses, des souvenirs, des remerciements, combien elle lui était reconnaissante pour toutes ses années de bonheur, et combien elle l'aimait. Mais aussi des supplications. Elle le suppliait de garder le secret jusqu'à la fin de mon année pour éviter que le chagrin ne m'empêche de réussir. Mais aussi de refaire sa vie, s'il en avait envie. La lettre contenait aussi pleins de photo souvenirs.

Moi, j'étais là, écoutant mon père lire, et m'expliquer. Mais seul mon corps était présent. Moi, j'étais comme absente, en mode veille. Je sentais des larmes sur mes joues, mon cœur se serrer comme s'il se refermait sur lui-même tandis que je regardais cet oiseau qui ne se changerait plus jamais en la mère douce, aimante et chaleureuse que j'avais connue.

Cette oie... Était-ce uniquement un oiseau ? Avait-elle conscience de mon chagrin, avait-elle les souvenirs de ma mère ? Est-ce qu'elle était aussi triste que moi ? Je n'en étais pas sûr et je ne le serais que quand la même chose m'arrivera, mais, toujours est-il que l'oie s'est approché de moi et a frotté sa tête contre ma main, comme pour me consoler.

Pour moi, c'était largement assez. Cette bernache était ma mère, quoi qu'on en dise. Et je me refusais à la quitter. Malgré tout ce que mon père en disait, et les nombreuses discussions, je ne fis pas mes bagages à la fin de l'été. J'avais trouvé un travail pour gagner quelques galions et ainsi participer aux frais de la maison. Fin août s'ajouta un petit travail les week-ends pour me faire un peu d'argent non-maj.

Inconsciemment, je cherchais à me surmener, à ne me laisser aucun temps libre pour réfléchir. Cette situation dura un moment, plusieurs mois. Je travaillais, mangeais, dormais et retournais m'épuiser à la tâche. Comme si je n'avais pas quitté le mode veille.

Ce fut à la mi-octobre de cette année-là que je sortis enfin de ma torpeur. La chasse, comme chaque année, était ouverte et les dégénérés de sortie avec de quoi compenser leurs complexes et frustrations sexuelles. J'étais partie pour me balader en forêt pendant un jour de repos. Je voulais aller poser un peu de nourriture pour les oiseaux, à l’abri des chasseurs. En transplanant, je me suis rendue dans une des forêts que j'appréciais et en arrivant, je suis tombée sur le cadavre d'une pauvre Bernache.

Ce n'était pas ma mère, j'en avais conscience, c'était impossible que ce soit elle. Mais, mon sang n'a fait qu'un tour. C'était comme si je l'avais perdu une deuxième fois, comme si le chasseur, qui n'avait probablement pas fait exprès, était responsable de ce qui était arrivé à ma mère. Et comme la première fois que ça m'était arrivé, je me transformais sans même m'en rendre compte ni comprendre.

J’entendis très vite le non-maj revenir pour prendre la dépouille de l'oiseau qui gisait à mes pattes et impulsivement, je me mis à courir après lui, emplie de rage. Et la seconde d'après j'entendis le bruit d'un coup de feu, puis une douleur brûlante me transperça la hanche et je m'écroulais en sentant le sang s'échapper de la plaie. Le froid m'envahit petit à petit, m'engourdissant, m'endormant lentement. J'entendais des humains fuir et s'éloigner, me laissant seule. Le lynx est un animal protégé, il faudrait être fou pour risquer de s'embourber dans les problèmes, même pour sauver la vie d'une bête dangereuse, je suppose....

J'étais donc là, seule, triste et en colère. Je sentais littéralement la vie s'échapper de mon corps, persuadée que tout allait finir là quand, au bout de ce qui me semblait être une éternité, j'entendis une voix. Lointaine... Et inconnue. Mais je n'avais plus de force, ni pour résister, ni même pour ouvrir les yeux. »

Par miracle, un garde forestier n'était plus très loin. Il découvrit le corps de l'animal et s'empressa de le ramasser pour le faire soigner. La sorcière avait de la chance, car, ce non-maj était ami avec quelqu'un de confiance, un jeune homme répondant au prénom de Jude. Quelqu'un qu'il savait étudiant vétérinaire. Il frappa chez lui, portant le lynx à bout de bras avant de tout lui expliquer.

Grâce aux connaissances et au talent du zoolomage en devenir, ainsi qu'un brin de chance, la balle sera vite extraite de son corps et la plaie soignée. Ses jours n'étaient plus en danger, mais elle était encore très faible.

« Quand j'ai ouvert les yeux, j'ai découvert un endroit que je ne connaissais pas. Il faisait sombre, je n'y voyais pas grand-chose, mais rien ne m'était familier. L'odeur, l'ambiance, et les quelques parties de l'endroit que je percevais ne me disaient rien. Ni même les bruits aux alentours. Encore moins la cage dans laquelle j'étais enfermée. Mais la douleur lancinante qui me brûlait les entrailles était assez claire pour que je devine les raisons de ma présence dans ce lieu. Et très vite, je rencontrais le maître de maison.

La première chose que me frappa chez lui, c'était l'odeur de tabac froid qu'il dégageait, une odeur que je ne connaissais pas encore, puis sa timidité. Je restais à l'observer un moment, sans le laisser m'approcher. Après tout, je ne le connaissais pas ! Mais avec du temps, la patience et en montrant une certaine gentillesse, je finis par le laisser approcher pour qu'il puisse me soigner.

Je ne sais pas combien de temps cela aura duré exactement, mais je dirais un mois probablement. Et quand arriva le jour de retrouver ma liberté, je dus lui montrer que je n'étais pas un animal. En premier lieu pour ne pas rester plus longtemps sous cette forme, pour éviter d'être conduite trop loin de chez moi, mais aussi peut-être par honnêteté envers la personne qui m'avait sauvée.

Sa réaction était bien différente de ce que j'imaginais. Loin d'être dégouté, il était surtout surpris. Même pour un sorcier, voir le lynx qu'on garde dans une cage depuis plus d'un mois se changer en femme ne doit pas être commun. Il s'en est d'ailleurs excusé, même si je ne lui en voulais absolument pas. Je l'ai remercié, aussi sincèrement que possible. Puis, juste avant de retourner chez moi, je lui ai dit qu'il était vraiment très bon dans son domaine et qu'avec lui, les créatures étaient entre de bonnes-mains. Ce que je ne lui admis pas, en revanche, c'était qu'il m'avait aidé à ouvrir les yeux et à avancer. »

▬ Vingtième année :

« Après être rentrée par des moyens non-maj, suite à la perte de ma baguette, j'ai ouvert la lettre de ma mère. Je l'ai lue, et j'ai repris ma vie en main, comme elle me le demandait. Il était trop tard pour suivre l'année en cours, mais je fis ma demande pour l'année suivante. Je travaillai le reste de l'année pour mettre beaucoup d'argent de côté, autant que possible, sorcier et non-maj, à Londres les deux me seraient sûrement utiles !

Le temps a passé, et la rentrée est enfin arrivée. Une nouvelle ville, de nouveaux horizons, nouvelle baguette, nouvelle couleur de cheveux. Un nouveau but également. Je décide que je veux protéger les animaux et non plus me contenter de vouloir les soigner. »


▬ Vingt-et-unième et vingt-deuxième année :

« Ma deuxième année à MUL. Tout se passait bien, je me faisais à la ville, à l'université et aux nombreux sorciers qui y étaient présents. Bien que je restais toujours, souvent dans mon coin, l'idée d'enfin pouvoir approcher des créatures me donnait des ailes. Et l'année d'après s'est tout aussi bien passée. J'étais de plus en plus à l'aise, et grâce à la technologie et la magie, je pouvais régulièrement avoir des nouvelles de mon père et ma mère. »

▬ Vingt-troisième année :

« Comme chaque année, je ne préoccupais nullement de la Saint-Valentin. Et cette année, plus que les autres, j'ai bien eu raison d'éviter les festivités données dans la grande salle. Une partie de moi culpabilise pourtant. Est-ce que j'aurais pu aider ? Probablement que non, il faut se l'avouer. J'avais échappé à l'horreur de la scène, au danger et à tout ce que cela aurait pu me coûter. Mais étant rongée par un mal d'origine magique, devenir Cracmol n'aurait-il pas été quelque chose de bénéfique pour moi ? Le doute s'est immiscé dans ma tête un moment. Mais ce n'était qu'un doute et il se dissipa quand je repensai mes convictions et à mon choix de parcours. »

▬ Vingt-quatrième année :

« Alors que je pensais encore finir mes études sans soucis, l'été marqua la fin définitive de la possibilité d'avoir une vie tranquille. L'attaque fut si violente que cette fois, même moi, je m'y retrouvais mêlée. Comptant parmis les nombreux blessés, je n'ai pas su fermer les yeux face au danger. Face à ce qui se passait. Et même une solitaire dans mon genre ne serait pas rester de marbre. Malgré les contres-indications, puis les supplications de mon père, je refusais de rentrer au Canada. La menace ne tarderait de toute façon pas à se répandre de toute façon. J'avais assez de raison d'avoir des craintes, mais je décidais volontairement de ne pas ajouter les Deathwings à cette liste. »