Can you keep a secret ? ~ ft. Charlotte

Cela faisait désormais un petit bout de temps que les deux femmes d'affaires avaient fait connaissance. A vrai dire, cela s'était passé quand Charlotte avait acheté sa boutique. Sio, en grande curieuse, l'avait abordé dans les jours qui suivaient, intriguée, mais surtout pour l'abreuver de conseils - plus ou moins bons - à connaître en tant que femme commerçante. Etrangement, cela n'avait pas rebuté Charlotte. Elle ne l'avait pas mis à la porte en menaçant de lui faire subir les pires outrages si elle osait encore une fois se comporter comme si elle en savait plus qu'elle. Non, au contraire, et de façon étonnante, les deux femmes étaient presque devenues amies. Du moins, elles étaient assez proches pour se voir de façon presque régulières. Cha' tentait toujours de l'inviter à sortir, à s'amuser plus, et d'une certaine façon, Sio n'y était pas récalcitrante. En vérité, la légèreté de Charlotte la fascinait : elle qui n'avait jamais eu l'occasion de se comporter de façon aussi désinvolte que son amie, elle la jalousait presque parfois. Mais pas de façon négative, non, non, n'entendez pas les choses ainsi ! Disons plutôt qu'elle était admirative et qu'elle aurait aimé pouvoir se laisser aller autant que Charlotte. Parfois, elle avait presque l'impression que celle-ci tentait de l'aider à s'ouvrir un peu plus, à sa façon. Parfois seulement. La moitié du temps, Sio avait du mal à suivre le raisonnement de son amie. Mais elle aimait passer du temps avec elle, elle ne s'ennuyait jamais. Après ce week-end de pause dont elle venait de profiter, elle avait hâte de la voir et de lui donner le petit cadeau souvenir qu'elle lui avait acheté.

Sautillant presque sur le chemin, elle poussa joyeusement la porte de la boutique des Baguettes Dumont.




Toute sourire, elle posa donc sur le comptoir le paquet qu'elle avait emmené avec elle, et qui contenait une robe légère au motif fleuri, faisant très vacance à la plage, et un collier en perles colorées. C'était une des premières joies où elle offrait un cadeau à une personne qu'elle considérait comme une amie, alors elle avait hâte de voir le visage de Charlotte quand elle l'ouvrirait. Elle était tellement enthousiaste, qu'elle n'avait même pas remarqué qu'elle avait fait tombé sa baguette - ou plutôt ce qui aurait pu être sa baguette, si seulement elle avait été apte à la manier - quand elle avait sorti le paquet de son sac ...

Charlotte était une des rares femmes à qui Sio faisait confiance et à qui elle pourrais tout dire. Tout, ou presque disons ... Elle n'était pas allée au point de lui confier son plus lourd secret - son manque clair et évident de ce qui aurait dû faire d'elle une sorcière - mais parfois, parfois elle en avait réellement envie. Parfois, ce secret était sur le bout de sa langue et elle devait se mordre la joue pour s'empêcher de trahir ce secret qui, en plus de lui causer du tort, en causerait encore plus à sa famille. C'était dur de n'avoir personne à qui se confier ... Même si elle avait confiance en Charlotte pour ne jamais répéter ce qu'elle lui confierait, elle avait toujours cette peur, qu'elle laisse échapper cette information à quelqu'un d'autre sans le vouloir ou que si elles devaient se disputer Charlotte se décide à utiliser cette information contre elle. Parano, Sio ? Non, juste prudente. Même s'il lui arrivait de faire des gaffes, des maladresses, elle ne s'était jamais réellement trahie à ce point là. Mais un jour ... Un jour peut-être, elle se confierait à Charlotte. Elle espérait qu'un jour elle parviendrait à se débarrasser de ses angoisses pour enfin aller de l'avant et se confier sincèrement, assumer sa nature au grand jour. Même si elle acceptait ce qu'elle était, qu'elle avait appris à vivre avec, elle n'était pas encore prête à faire le grand saut. Mais au lieu de penser à ce genre de chose un peu déprimante, autant se concentrer sur la réaction de Charlotte face à son cadeau !
Elle ne fut pas déçue d'ailleurs ...




Oh. Ca, c'était bien du Charlotte tout craché. Extravertie et gênée de rien, ou presque. Tout le contraire de Sio. Pas pour rien que notre petite potionneuse était désormais rouge comme une tomate. Elle avait l'impression que la température de la pièce venait d'augmenter sans prévenir, et elle s'efforça de ne pas laisser son regard errer sur Charlotte. Elle regarda partout, sauf par terre, ou elle aurait pu voir qu'elle avait laissé choir ce qui aurait pu lui servir de baguette. D'ailleurs, elle ne le remarqua uniquement que lorsque son amie lui en fit la remarque. Mince ! Elle avait été imprudente ...




Elle détestait les mensonges ... Elle savait le faire, sans aucun problème, mais lorsqu'elle était confronté à ses mensonges, elle ne savait jamais réellement comment réagir. Sûrement parce que cela n'arrivait presque jamais. Elle avait presque envie de prendre la fuite, de faire demi-tour et de quitter la boutique pour ne jamais y remettre les pieds, mais elle ne pouvait pas faire ça. Tout d'abord, parce qu'elle appréciait Charlotte, et ensuit parce que cela serait totalement irresponsable et malhonnête ...

Etre une Cracmol vivant cachée parmi les Sorciers, se faisant passer pour une des leurs, ce n'était jamais de tout repos. Devoir mentir à tout ses proches, enfin, à ses rares amis - puisque sa famille était la raison même de son mensonge - était un travail à plein temps, extrêmement éreintant et si contraignant ... C'était devenu difficile depuis quelques temps, mais Sio savait que si elle voulait continuer à vivre la vie qu'elle avait réussi à se créer à force de travail et d'acharnement, elle ne pouvait pas se permettre de dévoiler sa véritable nature au grand jour. S'il lui était déjà arrivé que des gens la soupçonne de quelque chose, jamais personne ne lui avait posé la question aussi franchement que Charlotte, et c'était sûrement ce qui avait causé son léger accès de panique et qui lui avait posé problème pour feindre que tout allait bien et qu'elle possédait réellement des pouvoirs. Et puis Charlotte avait triché en plus, elle l'avait d'abord déstabilisée en se déshabillant comme ça, sans prévenir ! Comment est-ce qu'elle voulait que Sio ne perde pas tous ses moyens et sa contenance après ça ?!




Bon sang, entre Charlotte à moitié nue et Alistair, Sio ne savait plus quoi faire pour garder des pensées pures. Ce sont les paroles suivantes de la belle blonde et le fait qu'elle la serre dans ses bras qui la forcèrent à se concentrer une nouvelle fois sur ce qui avait de l'importance : le fait que Charlotte semblait fortement soupçonner la véritable nature de la petite potionneuse.  Un peu chamboulée, mais reconnaissante, elle accepta l'étreinte et la rendit même, en se serrant un peu contre son amie. Puis, elle se décida de prendre son courage à deux mains : il était temps pour elle d'enfin s'ouvrir à quelqu'un, et autant que ce soit quelqu'un en qui elle avait véritablement confiance. Alors elle s'extirpa du câlin de Charlotte, à regret, et lui adressa un petit sourire timide. Elle prit une grande inspiration et fit un saut dans l'inconnu, en priant pour ne pas faire une grosse erreur.



Car oui, si le monde apprenait que j'étais une Cracmol vivant parmi eux depuis tant d'années et me faisant passer pour l'une des leurs ... Il me le ferait durement regretter ... Et puis ma famille se chargera de terminer le travail en m'achevant, avec souffrance et le plus lentement possible.