Have you ever seen a flying raccoon ? (Lys & Yaya)

Revenir vivre avec Nathanael s’était imposé comme une évidence. Une nécessité. Parce que Hyacinthe ne voulait pas être loin de son frère alors qu’il vivait une période plus que compliquée. Il voulait le soutenir. Être là pour lui. Egoïstement, cela l’aidait aussi. Hyacinthe avait senti en lui se réveiller des angoisses anciennes. Impossible de retourner vivre à l’université comme avant. Il avait bien trop peur. Il ne pouvait pas retourner au milieu de tous ces gens. Il avait peur. Il faisait tellement de cauchemars aussi. Il n’avait plus aucune stabilité émotionnelle. C’était un calvaire pour lui d’aller en cours chaque jour. Il continuait pourtant. Parce qu’il savait que Nate ne supporterait pas de le voir arrêter à cause des récents événements, mais le coeur n’y était vraiment plus. Il était plus heureux quand il rentrait chez eux que lorsqu’il allait à l’académie. Il avait fallu un moment avant que Nate rouvre la pâtisserie. Hyacinthe l’aidait le soir. Parce que cela lui faisait du bien. D’être là avec Nate. Même si chaque sort que son frère ne pouvait jeter le déchirait. Il avait mal quand lui pouvait utiliser la magie pour les aider dans les tâches du quotidien. Il se sentait presque coupable d’avoir encore de la magie en lui. C’était difficile de ne pas s’effondrer. Il tenait pour son frère. Et Nathanael devait avoir le même raisonnement. Au fond, c’était terrible comme ils étaient indissociables.

Seulement, la nuit, quand les cauchemars le submergeaient, il était incapable d’aller voir Nate. Il était trop grand pour aller dormir dans le lit de son frère pour calmer ses crises de panique. Il enfila un pull, et mit ses chaussures, prenant sa baguette par reflexe. Il sortit de leur appartement. Le souffle rapide, les larmes sur les joues. Il avait toujours fait des cauchemars après l’accident de ses parents. Mais maintenant, il y avait de nouveaux démons pour attraper ses songes. Il n’arrivait pas à les surmonter. Il se sentait démuni face aux images de son frère ce soir là. Il regrettait tellement. Il n’avait presque plus de visions depuis. De toutes façons, ce don ne servait à rien. Il essuya ses yeux. Haletant toujours un peu. Il essayait de faire le silence en lui. Et…

Klong. Comment ça “klong” ? Il saisit sa baguette. Et pointa dans la direction du bruit. Une des poubelles de la boulangerie. Le monde magique avait ses limites, on éradique pas les déchets d’un coup de baguette. Il s’approcha. Doucement. Pas très rassuré. Toujours un peu sur la défensive depuis la soirée de la St Valentin. Ses doigts étaient crispés sur le bois de sa baguette. Son coeur battait encore plus vite. Et puis dans la pénombre, il réussit à distinguer… le cul d’un raton-laveur ? Mince. Il était en train de délirer ? La potion qu’il prenait pour réussir à dormir lui filait des hallucinations ? Il n’y avait qu’un moyen d’en être sûr.

Levicorpus.

Et le raton-laveur se mit à voler sous l'effet du sortilège informulé. Les pattes arrières au dessus de sa tête. Et Hyacinthe se retrouva à faire face à un raton la tête à l’envers. Mais même si la lumière était diffuse et faible. Il ne lui fallut pas longtemps pour réaliser…

“M...M...M...M...Mon...Monsieur… Di...Di Scipio ?” bafouilla-t-il surpris.

Il avait déjà vu son professeur sous cette forme, alors il n’avait pas de mal à le reconnaître. Mais il n’aurait jamais imaginé trouver son professeur, le cul en l’air dans la poubelle de la pâtisserie. C’était… Improbable. Comment avait-il pu se retrouver à faire les poubelles pour vivre ? C’était dramatique ! Il ne méritait pas ça.

“Qu’est-ce que… Vous… Enfin… C’est...C’est vous ? Ou...Ou… Je rêve… Et…. Ce...Ce serait beau...beaucoup… trop bi...bizarre.. Comme rêve…”

Il secoua un peu la tête. Il devenait complètement barge, ou quoi  ?

“Di...Di...Dites… moi… si… si… Je… Je suis… juste… Fou… Au point de… De parler à… Un… Un raton…”

Les gens étaient bavards dans la rue. Il avait entendu des rumeurs, le lendemain du grand bal de la saint valentin. Un groupe d’extrémistes en faveur des sangs-purs avait encore frappé. Un moment, il s'était demandé si la famille de son père en faisait partie. Avec les histoires qu'on lui avait racontées, le contraire l'aurait presque étonné. Mais ces préoccupations furent de courte durée. De toute façon, il ne les avait jamais connus. Plusieurs fois, le nom de la pâtisserie de Nathanael revint dans les échanges. Et si au début il n'y prêta pas attention, l'entendre à de multiples reprises finit par attirer son attention et son inquiétude. Ulysse n'était pas retourné à la boulangerie depuis que Nathanael l'y avait soigné. Sans doute un peu honteux. Il avait bien fouillé une ou deux fois dans ses poubelles lorsque son estomac criait famine mais il s'était toujours assuré que c'était le milieu de la nuit et avait déguerpi à la moindre lueur qui s'allumait.

Ce soir, ça devait être la troisième fois. On lui avait piqué l'argent collecté dans la journée et de rage et de désespoir, il avait remballé ses affaires avant la tombée de la nuit. Son ventre râlait fort ce soir là. Alors forcément, lorsqu'il était repassé à côté de la pâtisserie, il n'avait pas hésité bien longtemps. L'avantage du chemin de traverse, c'était qu'il n'était pas la peine de vérifier ses arrières bien longtemps avant de changer de forme. Les animagi ne choquaient pas grand monde ici. Ni une, ni deux, il avait changé ses vêtements pour une fourrure à rayures et s'était glissé jusqu'à l'arrière de la boulangerie. En raton, les effluves étaient tout de suite plus marquées. Et une fois encore, ça sentait beaucoup trop bon par ici. Il s'assura toutefois que les lumières étaient éteintes dans la petite maison avant de s'aventurer à fouiller dans la poubelle. Des tas d'emballage de toutes sorte, des restes pas franchement accueillants, des bouteilles, il était en train de creuser dans tout ça lorsqu'il se retrouva... projeté en l'air, une paire de cerises vérolées entre les mains. Il émit un cri. Et se retrouva nez à nez avec un humain. Il le fixa un moment de ses petits yeux noirs et sursauta en entendant son nom. Monsieur... Monsieur Di Scipio ?? Ca faisait une éternité qu'on ne l'avait pas appelé comme ça. Il scruta le visage et reconnut le plus jeune des McDougall. Oh... s'il s'attendait... rha m...

Il se débattit pour se retrouver à terre sur ses pattes et le fixa encore, prêt à déguerpir. Le plus jeune lui tendait toutes les perches pour le faire. Ca serait si facile de le laisser croire à un coup de folie et de déguerpir. Mais.. Hyacinthe était un des rares à Poudlard qui l'appréciait encore. Et il y avait ces rumeurs. Et ... un peu tout le reste. Il hésita un moment avant de gigoter un peu en reprenant forme humaine.

"Pas un mot de ce que t'as vu. T'es pas fou. Mais si t'en parles, tu pourrais le devenir."

Il épousseta ses vêtements. A présent qu'il avait repris sa forme humaine, les odeurs qui restaient sur ses vêtements, des divers restes de la poubelle, étaient nettement moins alléchants. Il balança les deux cerises restées dans le col de sa veste et épousseta le reste de ses vêtements, sans grande efficacité.

"J'avais fait tomber ma baguette dans la poubelle. Enfin je croyais. Mais je l'ai retrouvée. Tout va bien, tu vois... Pas de quoi s'inquiéter. "

Il tenta, même s'il ne croyait pas lui-même à son excuse. Hyacinthe était parfois naïf, ou feignait de l'être. Il avait su se montrer discret malgré toutes les conneries qu'il avait faites à Poudlard. Fallait bien essayer..

"Désolé si je t'ai réveillé en faisant du bruit. Je ne voulais pas. Tu peux retourner te coucher, il doit être tard..."

La dernière fois qu'il avait vu Hyacinthe, c'était à Poudlard. C'était encore un gamin à ses yeux. Alors forcément, les vieux réflexes prenaient le dessus. Et puis il n'était pas trop sûr de savoir comment aborder quoi que ce soit comme sujet, en réalité. Il était inquiet pour Nathanael et pour son frère, après ce qu'il avait entendu. Mais savoir comment l'exprimer, c'était encore une autre chose..

Bon, soit, Hyacinthe était un peu moins naïf qu'il ne le paraissait. Il s'en doutait un peu déjà, en réalité. Il savait que le blondinet se doutait de certaines choses à Poudlard. Et comprenait que ses agissements n'étaient pas toujours guidés par la raison. Un coup de baguette et il sentit ses vêtements devenir un peu plus raides et consistants. La magie avait des côtés pratiques, de toute évidence. Mais même elle avait ses limites. Il avait cessé depuis un moment de tenter de ravoir ses vêtements avec des sortilèges. Ca tenait de moins en moins longtemps avec les années, avant qu'ils ne reprenne leur forme de haillons.

"C'était pas une menace. Je préfère juste prévenir."

Répondit-il en grognant un peu, presque vexé qu'on le remballe dans ses menaces. Certes, en tant qu'ancien prof, il n'avait qu'une crédibilité relative. Mais il fallait donner raison à Hyacinthe, il n'avait pas vraiment de raison de le menacer. Et puis en réalité, il ne voulait pas traumatiser le plus jeune. Juste sauver ce qu'il lui restait de son égo.
Il soupira. Il semblait que c'était peine perdue, pour se débarrasser vite fait bien fait de son ancien élève. Ce dernier semblait presque ravi d'avoir de la compagnie. Et en même temps, l'insomnie... il était le premier à la comprendre. Alors il préféra ne pas faire de commentaire là dessus. Et son sourcil se leva lorsque Hyacinthe lui proposa d'aller boire un verre. Il ne s'attendait certainement pas à ça. Même si l'hospitalité des McDougall n'était plus à démontrer, ça, c'était autre chose. Bon, là, il avait surtout la dalle. Il sentait son estomac se tordre et même les deux cerises vérolées - à présent écrasées au sol- lui semblaient appétissantes dans son état. Et... il n'était pas trop sûr d'avoir envie de la compagnie du blondinet. Mais d'un autre côté, à part trouver de quoi se remplir la panse, il n'avait pas un programme très chargé pour cette fin de soirée. Et après tout, si c'était offert... Il fronça le visage en l'entendant presque le supplier. Ce gamin était à deux doigts de lui faire de la peine. Enfin non. En fait, il lui en faisait un peu.

"Pas la peine de te justifier, je suis pas du genre à refuser un verre lorsqu'il est proposé gentiment, tu sais !"

Même si clairement, vu les circonstances, ça ne pouvait qu'être gênant. Il rangea dans sa poche la baguette qu'il avait sortie histoire de se donner une excuse et pointa du bout du nez la ruelle pleine de tavernes.

"Je te laisse décider, il y a l'embarras du choix par ici."

Il lui embraya le pas et prit le temps de le regarder un peu mieux. Hyacinthe avait une gueule de mauvais jours. Ce qui signifiait que les rumeurs qu'il avait entendues étaient peut-être vraies. Est-ce qu'il allait falloir mettre les pieds dans le plat ?

"Mais t'avises plus de m'appeler professeur. Ni monsieur. Ce soir, je ne suis ni l'un ni l'autre. Et de toute façon, je ne suis même plus prof."

Hyacinthe devait déjà être au courant, il savait que les rumeurs avaient fait un bon tour de Poudlard. Mais autant désamorcer cette discussion direct. D'autant que le blondinet était sans doute des plus au courant des raisons de son renvoi. Il poussa la porte de la taverne choisie et pointa du doigt une table dans un coin, qui semblait les attendre. Ils s'assirent tous les deux avant qu'il ne se décide à crever l'abcès.

"Alors, qu'est-ce que tu deviens ? T'es retourné vivre chez ton frère ?"

Il tenta, une façon détournée d'aborder le problème. Il ne savait même pas si Hyacinthe avait continué ses études ou s'il travaillait avec Nathanael. Peut-être que ce dernier le lui avait dit mais il ne parvenait pas vraiment à s'en souvenir.

Monsieur Di Scipio voulait bien boire un verre avec lui ? Il n’était pas sûr de savoir s’il devait se réjouir ou non. Il n’avait jamais vraiment été boire un verre avec qui que ce soit. Et encore moins avec un ancien professeur. Il ne s’attendait pas vraiment à ce qu’on lui dise oui en fait. C’était vraiment surprenant. Il sourit à M. Di Scipio. Maladroitement. C’était vraiment bizarre pour lui. Il avait pas l’habitude de sortir à cette heure-ci avec qui que ce soit. Alors c’était vraiment déstabilisant. Il suivit l’homme sans vraiment réussir à dire quelque chose de plus. Il se demandait s’il n’était pas en train de faire une bêtise. Nate n’allait-il pas s’inquiéter s’il ne le trouvait pas dans sa chambre ? Mais… Il y avait peu de chance pour que son frère se réveille. Alors… Autant essayer de profiter de ce moment improbable ?

Il avança dans la rue. Il y avait tellement de choix. Tellement d’endroits dont il ne connaissait absolument rien. Il finit par choisir un endroit dont il avait entendu parlé à l’université en écoutant d’autres étudiants avant un cours. Au final, c’était Monsieur Di Scipio qui savait le mieux où ils allaient et ce qu’ils allaient faire.

“D’a...D’a...D’a...D’accord…”

Il baissa un peu la tête. Appeler Monsieur Di Scipio par son prénom, c’était un peu gênant, non ? Il fronça un peu les sourcils. Le pire, c’était qu’il savait très bien son prénom. Il ne l’avait pas oublié depuis qu’il l’avait entendu dit par un autre élève dans un couloir. Et c’était clairement bizarre de retenir comme ça le prénom d’un professeur. Et de le couvrir quand il fait des trucs illégaux. Juste parce qu’on aime bien ce même prof. En fait il aurait carrément pas dû lui demander d’aller boire un verre avec lui. Parce que ça tournait à fond dans sa tête, c’était n’importe quoi. Entre la petite voix qui criait qu’il faisait n’importe quoi, celle qui lui disait d’enfin se lâcher, l’autre qui disait de demander s’il était marié, c’était le bazar total.

En fait, il était vraiment content que Monsieur Di Scipio prenne la parole. Même si les questions n’étaient pas forcément simple. Et… Comment il savait qu’il vivait avec son frère ? Il lui avait déjà parlé de Nate ? Ce… Ce n’était pas impossible. Ou alors, il avait lu son dossier scolaire. Sans doute. Pas besoin d’y voir quelque chose de bizarre. Il ne devait pas savoir peur Nate non plus. Et…

“O...O...Oui… Je...Je vis… A nou… à nouveau… A...A...A….A...Avec Nate…” souffla-t-il tout d’abord.

Un serveur les coupa. Il était tellement peu habitué, qu’il fit juste signe qu’il prenait la même chose qu’Ulysse. Et essaya de reprendre là où il s’était arrêté.

“M...M...M...Mais… J’é… J’é...J’étudie encore… En médi...Médico...Magie…”

Il baissa un peu la tête.

“M...M...Mon frère… A… Sa….sacrifié… sa… sa… magie… Pen...pendant la prise d’otages...D...Du… Bal… A...Alors… J… Je reste… Pour… Pour l’aider… A….Avec tout ça…”

Sa voix était un peu chevrotante. Il avait du mal à parler de tout ça. Mais Monsieur Di Scipio pourrait peut-être avoir de bons conseils pour gérer tout ça ? Et puis... Il avait besoin de parler. De dire combien c'était dur de vivre tout ça. Qu'il était paumé. Qu'il s'en voulait tellement.

"E...Et...Et vous ? V...V...Vous faites quoi ? En...En dehors... des chutes de baguettes... Dans les poubelles..."

Il lui avait fait un petit sourire. Essayant de plaisanter maladroitement.

Est-ce qu'il avait bien fait d'accepter ce verre ? Hyacinthe avait l'air plus que gêné et il commençait à se demander. Était-ce une formule de politesse qui n'attendait surtout pas un oui ? D'un autre côté, il avait tout de même insisté... Mais visiblement, lorsqu'il disait qu'il n'avait pas grand monde avec qui sortir, fallait le prendre au pied de la lettre. Bon. La patience n'était pas forcément sa plus grande qualité mais il savait en faire preuve lorsqu'il le fallait. Il tenterait, en tout cas, pour mettre un peu plus à l'aise le jeune McDougall. Le serveur arriva et ils commandèrent deux pintes de bière. Et des biscuits apéritifs pour éponger un peu tout ça.

Il n'aimait pas trop tout ça. Hyacinthe semblait plutôt nerveux. Et il était bien retourné chez Nathanael alors... Il commença à se mordiller les lèvres, lorsque le plus jeune confirma les rumeurs qu'il avait entendues. Alors c'était vrai. Nathanael avait sacrifié sa magie.. Il baissa un peu le regard. C'était vraiment triste. Ulysse les savait nés moldus tous les deux mais.. la magie faisait partie d'eux depuis longtemps à présent. Il ne pourrait s'imaginer vivre sans magie, lui. Il ne faisait que peu usage des sorts au quotidien mais passait presque la moitié de sa vie sous la forme d'un raton. Redevenir un humain à temps plein, c'était inconcevable. Alors même si leurs usages de la magie n'étaient pas les mêmes, il se disait que pour Nathanael, ça devait être très difficile aussi.

"Je suis désolé pour vous deux. J'avais entendu des rumeurs sur cette nuit mais j'ignorais qu'elles vous concernaient et qu'elles étaient vraies. C'est horrible, ce qu'ils ont fait.. "

Hyacinthe avait définitivement trop le cœur sur la main, il lui semblait. Déjà lorsqu'il l'aidait à Poudlard, le blond lui semblait beaucoup trop dévoué à la tâche. C'était pratique bien sûr et Ulysse en avait bien profité mais.. parfois, il se demandait si Hyacinthe vivait aussi pour lui-même.

"Nathanael tient le coup ? Comment il va ? Ca doit être difficile à la maison... En tout cas, il doit être soulagé que tu sois à ses côtés."

Il ne cachait pas tout à fait son inquiétude. Il faudrait qu'il trouve le courage de retourner voir le pâtissier directement, à l'occasion. Même s'il n'était pas certain que sa présence serait bienvenue.. N'empêche, il aurait aimé être là et les protéger, l'un et l'autre. Même s'il était loin d'être auror, il aurait peut-être pu faire quelque chose... Peut-être.
La question se retourna vers lui alors qu'il était plongé dans ses pensées et il fronça les sourcils. Merde, c'était de famille, aussi, de lui retourner la question dans la tronche quand il ne s'y attendait pas ? Heureusement, les boissons arrivèrent presque à point nommé. Et il attrapa son verre pour trinquer avec Hyacinthe.

"A ce verre, dont tu avais besoin ?"

Ouais, c'était la plus nulle des raisons de trinquer mais hé, ce n'était pas facile de trouver un truc et d'improviser alors que derrière, il réfléchissait déjà au reste. Ça tournait dans sa tête pendant qu'il buvait sa première gorgée de bière.

"Je fais ça, principalement... Faire tomber ma baguette dans les poubelles !"

Il lui sourit, essayant de prendre ça à la dérision. Putain, pourquoi fallait-il qu'on parle toujours de sa vie. Il regarda son verre de bière déjà à moitié vide et le fit tourner un peu entre ses mains avant de relever le visage.

"Sinon, je fais de la musique. Du ukulélé principalement, et je chante. Ça change de Poudlard, c'est sûr !"

Il haussa les épaules. C'était plutôt Poudlard qui avait changé du reste de son rythme de vie, en réalité. Et même s'il n'avait toujours pas digéré d'en être renvoyé, le métier de prof, ça n'avait en réalité jamais été pour lui. Le soin des créatures fantastiques oui, mais l'enseigner c'était tout autre chose.

"Il n'y a rien que l'on puisse faire, pour ton frère ? Pour qu'il récupère sa magie ? Qu'en pensent les médicomages ? "

Oui, il était préoccupé, c'était rien de le dire. Il n'avait même pas vraiment prêté attention à ce que Hyacinthe lui avait dit sur ses études. Mais... ça ne faisait pas si longtemps que le pâtissier lui était venu en aide et il n'avait même pas pu en faire de même.

Hyacinthe triturait le sous verre qui traînait sur la table. Il ne cherchait pas forcément ces “désolé” ou ces “c’est horrible”... Il voulait juste se changer les idées. Arrêter de penser à ça. Mais c’était mission impossible. Sans doute. Il baissa un peu la tête. Si en plus les rumeurs allaient si vite… C’était pour cela qu’il avait du mal à relever la tête dans les couloirs de la MUL. Il sentait ces regards de pitié. Ces rumeurs. C’était assez insupportable. Il haussa les épaules aux question de son ancien professeur. Elles étaient un peu idiotes ces questions. Comment Nate pouvait-il aller, franchement ?

“Je… Je sais pas… Il… Il va comme quelqu’un qui vient de perdre sa magie… Parce que son crétin de frère l’a traîné dans un stupide bal…” lâcha-t-il presque sans hésiter. Il eut un soupir. “J’en… J’en sais rien… Mon frère… Il est pas du genre loquace… Mais… Vous le connaissez ?”

Il trouvait cet intérêt que son professeur avait pour son frère étrange. Il ne lui avait jamais parlé de Nathanaël plus que cela. Il n’avait jamais vu M. Di Scipio à la boutique. Alors c’était vraiment bizarre. Après… Ce n’était pas bien grave. De toutes façons, il n’avait pas l’énergie pour être paranoïaque. M Di Scipio pouvait bien être un stalker psychopathe, présentment, il s’en fichait. C’était juste étrange de l’entendre si préoccupé pour son frère. Peut-être qu’il était un peu jaloux. C’était complètement stupide d’être jaloux de son frère. Merde, il lui arrivait quoi ? C’était complètement stupide !

Hyacinthe trinqua sans grande conviction. Il but une gorgée de la bière. Il n’était pas habitué. Le goût était si amer, qu’il en eut une petite grimace. Il écouta le professeur. Boire, faire les poubelles et jouer du ukulélé ? Sa vie n’avait pas l’air très… stable. Ni très enviable. Hyacinthe ne voulait pas porter de jugement, mais… C’était loin d’être une vie de rêve selon lui. Est-ce que son professeur était plus heureux comme ça ? Il se le demandait, mais ce serait sans doute indiscret de verbaliser cette interrogation. Aussi naïve soit-elle. Le blondinet fit un léger sourire à son professeur. Ne sachant pas trop quoi répondre. De peur de faire une gaffe ou de le vexer. Il préféra boire quelques gorgées du liquide houblonné.

Et M. Di Scipio revint à la charge à propos de Nate. C’était… Agaçant. C’était si compliqué que ça à comprendre qu’il avait envie de penser à tout, sauf à ça, présentement, et que c’était bien pour ça qu’il avait envie de boire un verre ? Visiblement c’était pas assez évident. Il eut un soupir.

“Mons...Hm… U...Ulysse… Sans...Sans vouloir vous vexez… Vous croyez pas qu’on s’est déjà posé la question ?” répondit-il peut-être un peu trop sèchement. “Il...Il est suivi… A Ste Mangouste… Mais… Pour l’instant… On peut rien faire… A part continuer de vivre… Et emmerder ces connards…”

Il reprit son verre, et le but d’une traite. Je les emmerde, ces connards. Il fit signe au serveur de lui ramener un verre de la même chose. Il avait déjà les joues qui lui chauffait, et les oreilles rougies. Sa peau beaucoup trop laiteuse laissant apparaître son peu d’endurance à l’alcool.

“On… On peut parler… D’autre chose ? Vraiment… Je… J’en peux plus de tout ça… De ces même questions… Des “désolé”... C’est déjà assez dur de… De savoir que Nate a fait ça pour me protéger…”

Il eut un soupir.

“... C’est quoi… La chanson que… Que vous préférez jouer ? Vous…. Vous… Vous pourriez me la jouer après ?”

Préoccupé comme il l'était par l'état de santé de Nathanael, Ulysse ne s'était pas vraiment demandé si c'était le bon moment pour poser la question. Et il ne s'en rendit compte qu'à moitié en entendant le blondinet lui répondre un peu sèchement. En d'autres circonstances, il aurait pourtant été le premier à réagir de la sorte. Lorsqu'il trouvait qu'il n'y en avait que pour son frère, entre autres. Il soupira. Évidemment, Nathanael n'allait pas au plus fort, il n'aurait pas pu en être autrement. Mais il ne pouvait pas s'empêcher de se faire du souci. Et avec tout ça, il ne s'était même pas rendu compte que Hyacinthe ne savait probablement rien de ce qui les unissait tous les deux. Lui-même n'avait fait le lien que tardivement, entre le jeune McDougall qu'il avait à peine connu et son grand frère qui avait tant occupé ses pensées d'adolescent.

"De vieille date... Tu ne te souviens sûrement pas, t'avais à peine quelques années. Mais Nathanael et moi étions amis lorsqu'on était à Poudlard. Enfin... il était surtout ami avec mon frère, en réalité..."

Il avait un peu grommelé les derniers mots. Ils s'étaient un peu éloignés, lorsqu'Ulysse avait compris quelle relation unissait les deux aînés. Il avait ravalé sa peine de cœur dans son coin. Enfin. Il profita de l'arrivée des boissons pour trinquer un coup et noyer ses pensées ainsi que les questions en suspens dans sa boisson. Et fronça plus franchement les sourcils en voyant Hyacinthe tiquer à nouveau. Il ne s'était même pas vraiment rendu compte qu'il revenait sur le même sujet. Et que c'était peut-être blessant. Il était juste... vraiment trop inquiet. Et peut-être qu'il culpabilisait aussi un peu de ne pas être revenu le voir pour le remercier. Et qu'il n'avait aucune idée de comment retourner le voir à présent, dans ces circonstances.

"Emmerder ces connards, c'est déjà un bon programme... En tout cas, si je peux vous aider pour.. quoi que ce soit... N'hésitez pas à me demander."

Il se doutait qu'il ne leur serait pas d'une grande aide. Mais c'était important pour lui quand même de le dire... Et c'était sans doute plus facile de proposer ça au plus jeune, qui semblait garder une image de lui un peu idéalisée. A son tour, il prit son verre en main et sentit un pincement au cœur lorsque le plus jeune lui fit part de son agacement. Ça confirmait ce qu'il avait déjà compris. Il était sans doute allé trop loin et de façon trop insistante dans ses questions. Reposant son verre qu'il venait de terminer, il hocha la tête. Et regarda un peu dans le vague, en réfléchissant.

"J'ai un faible pour la musique moldue... Le vieux rock, principalement. Tu connais ? Mes préférées ne sont pas toujours les plus populaires et celles qui font s'arrêter les passants... J'aime beaucoup les Scorpions. Leurs chansons ont toujours quelque chose... qui fait du bien."

Il leva le nez, réfléchissant à celle qu'il préférait. C'était difficile d'en choisir une seule, ça dépendait tellement des moments...

"Il faudra qu'on se trouve un endroit plus calme, quand même, t'entendrais pas une note ici !"

Dans le fond du bar, un groupe de rock sorcier jouait de la musique relativement inspidide et passe partout. Et clairement, il ne prendrait pas leur place. Enfin.. Si Hyacinthe n'était pas pressé, il supposait qu'ils pourraient toujours terminer la soirée ailleurs. Et se prendre un casse-dalle au passage.

"Mais dis-moi, c'est quoi ta chanson préférée ... Avec un peu de chance, je pourrai m'adapter ! Pour une bière ou deux, je fais tout ce que tu veux !"

Il lui fit un clin d'oeil. Après tout, peut-être que ça aiderait aussi le blondinet à se changer les idées..

De longue date ? Hein ? Oh. Il tombait des nues. Il ne savait vraiment pas. Nate ne lui avait jamais dit quoi que ce soit. Et… Ok. Bon. C’était étrange d’apprendre qu’Ulysse était ami avec son frère. C’était plus qu’étrange même. De se dire qu’il avait eu… oui, des fantasmes, même gentillets, sur un ami de son frère. Ok. Cela lui faisait définitivement ranger ses fantasmes au placard. Il ne pouvait pas penser à faire des trucs avec un ami de son frère. Nope. Nope. Plus jamais aucune pensée de ce genre. Ne plus jamais penser à embrasser M. Di Scipio.

“Oh… Je...Je...Je savais pas…”

Il ne voulait pas poser plus de questions. Mais c’était vraiment bizarre de se dire qu’il avait connu Nate avant lui, et que là, ils étaient en train de boire un verre. Cela renvoyait Hyacinthe à leur différence d’âge plus que flagrante. Au moins, malgré ça, ils étaient en accord sur le fait d’emmerder ces cons.

“J’hé...j’hésiterai pas…”

Même s’il ne voyait pas trop comment le retrouver. Ni même quelle aide il pouvait vraiment demander à son ancien professeur. Il but une gorgée du nouveau verre que le serveur lui avait amené. Il buvait vite. Cela ne voulait pas pour autant dire qu’il tenait bien. Il n’avait pour ainsi dire jamais bu plus qu’un vin chaud à noel. Alors… C’était Ulysse qui allait avoir la surprise de découvrir son état. Il avait déjà beaucoup trop chaud. Il opta pour l’idée de retirer son pull. Maladroitement. Il se retrouvait en débardeur dans le pub. Dévoilant plus que jamais son corps aux regards inconnus. C’était rare de pouvoir admirer les muscles nerveux de ses bras. Voyant le verre vide de son professeur, il fit signe au barman pour lui. Il restait généreux que ce soit avec l’alcool ou avec ses sourires moins guindés au fil des secondes. Ses problèmes semblaient se diluer dans les bulles de la bière.

S’il connaissait le rock moldu ? Hyacinthe avait beau briller dans ses études magiques, il n’avait jamais oublié d’où il venait. Et de son père, il avait gardé une collection de 45 tours assez importante. Alors, oui, ça le connaissait le vieux rock. Il aimait cette musique parce qu’elle faisait un lien entre lui et le fantôme de son père. Il avait peu de souvenirs de lui, mais quand il écoutait cette musique là, il se sentait rapproché de son paternel.

“B...Bien sûr que je connais ! Scorpions, c’est trop bien ! Still loving you ! Ou même Wind of change ! Je connais mes classiques !”

Il s'enthousiasme. Ses joues sont écarlates, ses yeux brillants. Il ne voit peut-être plus très net. Les lumières du pub l’éblouissent peut-être un peu. Il s’en fiche. Il se sent plus léger que quand il était rentré dans ce bar.

“T’inquiète ! J’ai toute la nuit devant moi ! C’pas comme si quelqu’un m’attendait… Enfin si, mais Nate a pas dû m’entendre sortir !”

Il pouffa un peu, sans comprendre vraiment pourquoi il rigolait. Un bière et demi et il était déjà dans un état d’euphorie plus que risible. Il ne tenait vraiment pas du tout l’alcool. Il but une nouvelle gorgée. Réfléchissant à sa chanson préférée. C’était pas simple mais…

“Wonderwall d’Oasis, je crois bien… I said; maaaybe, you’re gonna be the one that saves me… And afteeeerall, you’re my wondeeerwaaall !”

Il avait chantonné, faux, mais avec un naturel joyeux, peu habituel chez lui. Ce fredonnement montrait des pans cachés de sa personnalité. Il rit un peu. Avant de fixer le professeur l’air étonné, et le regard brillant d’envie.

“Tout ce que je veux ? J’aurai le droit de vous gratter entre les oreilles sous votre forme animagi ? Parce que vos poils avaient l’air telllleeeeement doux !”

Oui. Hyacinthe était déjà complètement arraché. Zero résistance à l’alcool. Nathanael avait pris tout ce qu’il y avait à prendre dans leur génétique !

Rien que de voir l'enthousiasme de Hyacinthe à l'évocation du vieux rock moldu, Ulysse se mit à sourire. Ce n'était pas si fréquent, dans les milieux sorciers. Beaucoup d'étudiants de Poudlard et de la MUL ne connaissaient rien, en dehors de la culture de ce petit monde fermé. Il y avait pourtant tant de merveilles à découvrir... S'il y avait bien une chose pour laquelle il ne regrettait pas d'avoir été élevé en partie dans le monde moldu, c'était bien ça. La musique moldue, le vieux rock en particulier, avait toujours été un peu particulier pour lui. Ca l'avait tellement aidé, bien des fois. Lorsqu'il s'était retrouvé seul, surtout. A nouveau, il leva son verre déjà presque à moitié vide et le fit claquer contre celui du blondinet, pour manifester son propre enthousiasme.

"Tu connais tes classiques, ça ne fait pas l'ombre d'un doute ! Ton frère t'as bien appris !"

Il lâcha, avant de se rendre compte qu'il venait encore d'immiscer Nathanael dans la conversation. Sans faire attention, presque. Comme pour se rattraper, il s'éclaircit la gorge et ajouta.

"Je pourrai t'en faire découvrir d'autres, si tu veux...!"

Mais c'était aussi parce que ça lui faisait plaisir, qu'on se passionne pour ces vieux groupes dont les sorciers se désintéressaient en général.

Et visiblement, le blondinet en connaissait encore quelques uns. Wonderwall. Oasis.. Si c'était dans ses compétences... Ulysse sourit en l'entendant fredonner, pas vraiment juste mais avec légèreté. Ca faisait partie de ses classiques, bien sûr. Des chansons moldues, elle se classait dans le top des top. Celles qui faisaient toujours plaisir à entendre et qu'il se lassait rarement de jouer, même lorsqu'il la répétait jour après jour. A son tour, il commença à fredonner le refrain, avec Hyacinthe, poursuivant quelques phrases lorsque ce dernier s'arrêta. Et il le dévisagea, un peu surpris ... enfin non, clairement surpris lorsque ce dernier formula une autre demande. Un instant, Ulysse le regarda, l'air sérieux, la mine un peu décomposée, avant d'éclater d'un rire franc. C'était sans le moindre doute la première fois qu'on lui demandait ça.

Les gratouilles derrières les oreilles, c'était tellement le kiff absolu. Ça n'était déjà pas si fréquent qu'on lui en fasse, les gens ne s'approchaient pas d'un raton laveur comme on accostait un chat. Mais du coup, on ne lui avait jamais formulé cette question. Il souriait stupidement en imaginant le truc. Et d'un autre côté... c'était quand même un peu humiliant, vu comme ça. Il lui faudrait sans doute bien plus de bière pour qu'il l'envisage.

"Tu sais que .. c'est pas vraiment le genre de trucs qu'on demande à un animagus, normalement ..."

Lâcha-t-il tout de même, pour ramener le plus jeune des McDougall à la raison. Il acheva sa seconde bière et sa chope désormais vide retomba lourdement sur le comptoir. Ses gestes se faisaient un peu moins précis. L'estomac vide, l'alcool agissait toujours beaucoup plus vite...

"Mais j'suis pas du genre à me vexer si vite... Si t'en as tellement envie hein, ça peut se négocier...!"

Il haussa les épaules. Il n'était pas bien sûr de ce que Hyacinthe y trouverait, même pas certain que sa fourrure soit réellement douce. Mais s'il ne fallait que ça pour le remercier du verre, hein...

"Tu veux pas qu'on aille se prendre un truc à boire et qu'on se barre d'ici ? Je sais pas toi mais j'ai carrément la dalle !"

Il fouilla dans sa poche. A l'intérieur, les quelques pièces qu'il avait amassées sur la journée, soit pas grand chose. Mais il ne voulait pas que Hyacinthe l'entretienne tout du long. Ca payerait au moins un hot-dog ou un sandwich au rabais...

Hyacinthe rigolait avec son professeur. C’était un peu irréel comme situation. Pas déplaisant mais vraiment surprenant. Il laissa leurs verres s’entrechoquer. Le sien laissant tomber sur son poignet un peu de bière vu qu’il était encore assez plein, et l’élan de son professeur assez imprévu.

“C’est…. C’est plus… Mon père… Que… Que Nate…” corrigea-t-il néanmoins.

Il n’avait pas passé beaucoup de temps avec son père, alors autant rendre à César ce qui est à César. C’était les moments passés avec son père qui lui avait donné envie de replonger dans ses vieux disques des années plus tard. Nathanael n’avait pas tant que cela à voir avec ça. Même s’il leur arrivait d’écouter ensemble de la musique, effectivement.

“Oh oui ! A...A...Avec plaisir !”

Parler de musique moldue, c’était un plaisir, et les interlocuteurs étaient pas si nombreux dans ce domaine-là à la MUL. Rufus peut-être. Mais Rufus passait beaucoup de temps à râler, plus qu’à partager ses passions. Et puis… Maintenant, il avait mieux à faire que passer du temps avec lui. Et Hyacinthe le comprenait très bien. Il espérait que son ami était juste heureux avec Silène.

Après leurs fredonnement, il but un peu plus de bière. Ça descendait vite finalement. Plus vite que ce qu’il faudrait sans doute. Il venait de dire une bêtise ? Il fixa son ancien professeur un peu interdit et désolé. Il avait fait une bourde ? Il écarquilla un peu les yeux. Zut. En même temps, il n’avait jamais fréquenté d’animagus alors… Il avait dit ça sans penser à mal !

“Je...Je… Je pensais… Pensais pas à mal… C’est… C’est juste que… Vous...Vous êtes mignon en raton.. On a envie de vous câliner… Plus qu’en humain…. Enfin… Je… Enfin vous avez… été… mon prof… Alors…”

Il s’enlisait si profondément dans les méandres du malaise qu’il préféra plonger son nez dans sa chopine pas encore vide. Bon, maintenant, elle était vide… Il releva les yeux au dessus du verre, regardant timidement Ulysse. Et il sourit, un peu rassuré. Au moins il ne l’avait pas vexé !

A la proposition de partir, Hyacinthe ne réfléchit pas, et acquiesça, tout pour fuir ce moment gênant. Il ne reparlerait plus de lui gratouiller les oreilles. Même si ça lui faisait vraiment envie. Il était si mignon en raton-laveur…

“J’ai… J’ai pas très faim… Mais… Mais je suis… Tou...Toujours prêt pour grignoter !” répondit-il en souriant.

Il régla leurs verres et il sortit du pub. Maintenant, c’était Lys qui le guidait, parce qu’il ne connaissait vraiment pas les adresses nocturnes du coin. Même les diurnes à dire vrai. Il se faisait l’effet d’un vrai ermite…

Non, définitivement, il n'était pas vexé. C'était beaucoup trop amusant pour qu'il se sente contrarié. Ce n'était pas la première fois qu'on lui disait qu'il faisait un mignon raton laveur. Mais c'était peut-être la première fois qu'on lui disait en tant qu'humain. Les rares qui avaient déjà lâché ce compliment l'avaient fait au raton laveur qu'il était, sans savoir qu'un animagus se cachait derrière. Et puis voir le blondinet s'enliser dans ses paroles et ne plus savoir comment s'en sortir, ça avait quelque chose de frais et d'attendrissant. Il n'explosa pas de rire à nouveau, se retenant pour ne pas le gêner. Mais son sourire était large sur son visage.

"J'le prends comme un compliment, t'en fais pas ! Ca ferait sans doute pas le même effet si j'étais un scorpion ou une mygale."

Et heureusement qu'il ne l'était pas, d'ailleurs, il ne donnerait pas cher de la vie d'un animagus insecte, écrasable par le premier humain qui passe. Si les ratons laveurs, en tant que nuisibles, n'attiraient pas que la sympathie, il n'avait au moins jamais été victime de ça.

Il remercia Hyacinthe de payer leurs consommations et sortit du bar, après lui. Il ne savait pas vraiment où aller. C'était un coin qu'il fréquentait souvent pour jouer de la musique, moins pour consommer. Ils prirent la direction d'une grande rue commerçante et Ulysse ne tarda pas à trouver ce qu'il cherchait. Un vendeur de hot-dog, pas de la meilleur qualité sans doute mais peu cher et suffisant pour tenir à l'estomac. Il s'en prit un, demanda à Hyacinthe s'il en souhaitait aussi avant de régler leurs consommations avec ses fonds de poche.

"Tu me suis ?"

Sa main attrapa celle du blondinet et ils transplanèrent tous deux. Ils atterrirent dans un vieux wagon abandonné. De la végétation commençait à pousser à travers les fenêtres, les portes. L'endroit était tagué de partout. Les sièges en cuir à moitié défoncés. Ça faisait longtemps qu'il n'était pas venu par ici. Cette boite de ferraille lui avait servi de refuge, quelques nuits. Il savait qu'elle avait servi à d'autres, depuis. Mais ce soir, il n'y avait qu'eux. Eux, et une douzaine de petits niffleurs qui se faufilèrent dans tous les recoins en les entendant arriver.

"Fais comme chez toi. C'est pas chez moi non plus ! C'est chez eux, surtout !"

De son doigt, il pointa l'un des niffleurs qui s'avançait vers eux, avec hésitation. Il s'assit en tailleur sur l'un des fauteuils, se déplaçant un peu pour ne pas se prendre un ressort dans le derrière. Et croqua quelques bouchées de son sandwich, avant d'attraper son sac.

"Wonderwall, alors ?"

Il attrapa le petit ukulélé, commença à l'accorder avant de s'éclaircir la gorge. Les notes, si familières pour lui, commençèrent à résonner dans le wagon. C'était un morceau qu'il connaissait par coeur. Ses doigts bougeaient le long du manche du ukulélé sans qu'il n'y prête attention. Fermant les yeux, il commença à chanter, d'une voix douce. N'osant même pas hausser le ton pour ne pas faire peur aux quelques niffleurs, curieux, qui s'aventuraient près d'eux.
Il ne rouvrit les yeux qu'à la fin du morceau. Deux niffleurs s'étaient glissés contre ses cuisses. Il rit et en gratouilla un sur le dessus du crâne. Et se tourna vers Hyacinthe à nouveau.

"Ca vaut pas l'originale, c'est sûr mais.. ça t'as plu ?"

Il le regarda, un sourire aux lèvres. C'était agréable, de chanter pour quelqu'un qui avait réellement envie de l'entendre et pas juste pour des passants qui balançaient des pièces pour se sentir meilleurs. Et c'était si rare qu'il le fasse, il s'en rendait compte en cet instant.