Rendez-Vous [Ft. Dorian]

Les quelques lettres qu’il avait pu échanger avec Saoirse n’avaient pas beaucoup apaisé l’esprit du quarantenaire. Loin de là. En réalité, toute l'ambiguïté n’avait fait que devenir un peu plus ambiguë. Dans quoi avait-il mis les pieds ? Vraiment, ce n’était plus de son âge d’avoir l’esprit occupé par une jeune femme. Plus du tout de son âge. Il n’était pas ce genre d’homme. Pas le genre à fantasmer sur une jeune femme qui pourrait être sa fille. Non, vraiment, ce n’était pas lui. Et d’ailleurs, il ne fantasmait pas. Il n’avait pas pensé à quoi que ce soit de déplacé. Mais… Il avait pensé à elle. Beaucoup. Trop. Il avait aussi pensé à tout ce qu’il pourrait se passer si ils venaient à se fréquenter d’une façon ou d’une autre. Il avait pensé à Finn et ce qu’il pourrait penser. C’était un tel labyrinthe dans ses pensées. Et il n’avait lancé aucun fil d’Arianne. Autant vous dire qu’il avait peiné à travailler -ce qui lui avait valu quelques remontrances-, il avait peiné à écouter son neveu -ce qui le vaudrait sans doute de passer pour un oncle indigne-, il avait même peiné à courir avec ses chiens. Vraiment. Plus rien n’allait !

Et il s’était retrouvé devant son placard. A regarder ses costumes. A se demander lequel il était sensé mettre. S’il était sensé porter une tenue plus décontractée. C’était vraiment le genre de question qu’il ne se posait jamais. Et à vrai dire, il se demandait pourquoi ça prenait maintenant de l’importance… Il n’avait jamais accordé de crédit à l’apparence des autres, pas plus à la sienne, hormis pour des raisons professionnelles. Alors, il avait choisi de mettre une chemise que son neveu lui avait offert. Une à fleurs, blanche et noire, qu’il n’avait jamais vraiment eu l’occasion de porter. Au fond, c’était peut-être pour se donner un air plus jeune qu’il la mettait ? Peut-être. Ou juste pour avoir la sensation d’avoir son neveu un peu avec lui pour le conseiller. Il avait remis une dose de parfum avant de partir. Peut-être que ça faisait un peu trop. Rah. On s’en fiche de tout ça quand on va juste voir une amie.

Il arriva à l’heure. Et pourtant, Saoirse était déjà là. Un homme ivre s’éloignait d’elle au moment où il arrivait. Il espérait qu’elle n’avait pas été trop importuné. Il n’avait même pas besoin de lire dans les pensées de cet homme pour sentir que ça devait être un gros lourd. Il s’avança vers Sao, le sourire aux lèvres, un sourire tout en retenu, mais bien présent.

“Bonjour… J’espère que je ne me suis pas trompé sur l’horaire ? Je m’en voudrai de t’avoir fait attendre…” dit-il doucement.

Il ouvrit la porte du bar, l’invitant à entrer. Il n’avait pas osé faire quoi que ce soit comme geste pour lui dire bonjour, en dehors d’un petit signe de main. Il découvrit l’ambiance du bar. C’était calme. C’était plutôt agréable. Le genre d’ambiance qui plaisait aux gens de son âge en fait. Pas de dancefloor ou de musique trop forte. Il avança vers une table pour deux libre et tira la chaise pour Saoirse avant de s’asseoir.

“Ton travail s’est un peu calmé ?”

Oui, il ne savait pas forcément comment lancer la discussion…

Oh ? Elle lui allait vraiment bien cette chemise ? Il se sentait un peu ridicule dedans. Comme un vieux qui essaie de paraître plus jeune. C’était sans doute un peu le cas. Pour espérer moins attirer les regards en la compagnie de Sao. Peut-être bien oui. Mais si au moins ça lui plaisait, il n’avait pas complètement fait fausse route et son neveu avait bon goût quand il lui offrait des cadeaux.

“Merci… Un cadeau de mon neveu. Je lui dirai qu’elle plaît, il sera fier de lui.” répondit-il avec un sourire un peu amusé. “Je mentirai en disant que je me sens à l’aise dedans, mais au moins, elle plaît, je n’ai pas tout perdu. Il fallait bien que je fasse de mon mieux pour t’égaler en bon goût.”

Il était sincère. Saoirse semblait pouvoir s’habiller de rien et rester d’une élégance certaine. Dur de tenir la comparaison à côté d’elle. Ce n’était heureusement pas une compétition. Ils s’installèrent dans le bar dont l’ambiance ravit le grand brun. Il se sentait bien dans ce genre d’endroit. Le fond de musique tamisé était bien plus agréable que dans les bars branchés et dansants.

“Hm, j’imagine que les gens font un peu moins attention à eux quand arrivent les cols roulés… Mais vous aurez bientôt les fêtes de fin d’année pour vous donner beaucoup trop de travail, j’imagine… Profitons de l'accalmie, un peu de calme, c’est plaisant parfois.” Il acquiesça à sa question. “Oui, il ne s’est pas mal passé. C’est déjà ça. Et je regrette souvent de ne pas avoir plus de temps pour faire du tourisme. Au final, j’ai du faire deux ou trois fois le tour du monde, mais je n’en ai jamais vraiment profité. C’est dommage. Avec l’âge je regrette un peu de ne pas avoir plus de temps dans ce genre d’obligations…”

Il eut un soupir mais n’en perdit pas moins son sourire. Et quand le serveur arriva pour prendre leur commande, il se dit que Sao avait l’air de savoir de quoi elle parlait alors…

“Je prendrai la même chose. Je sais que tu as bon goût, autant te faire confiance.”

Et quand leurs verres revinrent, il ne tarda pas à lever son verre. Il trinqua avec la belle.

“Aux belles rencontres, effectivement.”

Il lui sourit et but une gorgée. C’était très bon. Elle ne s’était pas trompé.

“C’est délicieux, j’ai bien fait de te faire confiance !”

Il ne savait pas vraiment comment continuer la discussion. Alors, il reprit une gorgée du liquide bleuté. Il ne pouvait s’empêcher de trouver ce moment étrangement plaisant. Juste pouvoir poser son regard sur la belle lui suffisait. Mais il ne s’autorisait à la regarder que par intermittence, il n’aurait pas voulu être gênant.

“Tu as des projets pour les fêtes de fin d’année ?” reprit-il pour que le silence ne soit pas pesant.

Elle pensait vraiment qu’il avait des pulls en pilou pilou ? Il avait pour sûr des goûts de luxe à ce niveau et avait plutôt des pulls en laine de Mérinos, ou des tissus plus écossais. En tous cas, pas de pilou pilou ridicule dans sa garde de robe… Mais il notait que c’était une faute de goût tolérée par Sao. Si elle pardonnait ça, elle devait pouvoir tout lui pardonner question style.

Puis, ils se mirent à parler travail. Il n’avait pas vraiment idée de pourquoi et comment on devait prendre soin de sa peau à cette saison. Peut-être à cause des changements de température ? Il n’est pas un grand connaisseur. Et d’ailleurs, il n’avait pas changé ses mauvaises habitudes depuis sa rencontre avec Sao. Heureusement qu’elle ne voyait pas sa minimaliste salle de bain.

“J’imagine… Au moins, il y a des périodes un peu plus calme.”

Sous-entendu, qu’il aimerait bien en avoir lui aussi des périodes de calme. Et la question le laissa pensif. Un pays. Hm. C’était complexe, il avait vu tellement de choses, tellement d’endroits dans lesquels il aurait voulu séjourner plusieurs mois, plusieurs années pour en percer les mystères. Après réflexion…

“L’Egypte, je crois que c’est le pays qui m’a le plus fasciné depuis que j’y passe… Il y a tellement de beautés là bas, dans les constructions comme dans la Nature plus sauvage. C’est juste dommage que je supporte si mal le soleil…”

Il eut un petit rire. En général, il prenait de bons gros coups de soleil, mais ce n’était pas suffisant pour le dégoût de ce pays merveilleux. Il but une nouvelle gorgée de la boisson et il tombait d’accord avec Saoirse, ce devait effectivement être vraiment traître !

“Je vais ralentir, ce serait dommage que je te fasse honte en ne sachant plus me tenir…”

Le Noël en famille, ça faisait longtemps que Dorian n’avait pas fait cela avec un peu plus de monde que juste son neveu. Il s’était habitué à cette intimité rassurante. Il avait oublié l’hypocrisie des repas en grand nombre. C’était plus simple comme ça. Mais cela manquait sans doute à Finn… Il s’en voulait d’avoir été si égoïste à le garder pour lui. Comme un dragon qui garderait un trésor.

“C’est un chouette programme. Et c’est toujours plaisant de chercher le présent idéal, et encore plus de l’offrir. La même quête m’attend, mais j’ai moins d’entourage.” dit-il avec un sourire. “J’espère pouvoir passer le Réveillon avec mon neveu… Pour le reste, j’ai toujours du mal à planifier quoi que ce soit. Les gens apprécient assez peu les désistements de dernière minute à répétition. Même quand ils savent qu’on a un métier prenant.”

Il n’avait pas encore songé à ce qu’il allait offrir à son neveu. Il trouverait bien. Et puis, avec l’âge, c’était moins la teneur du cadeau que son importance symbolique qui comptait. Il était loin le temps où il cherchait le dernier jouet à la mode, ou encore le balai dernier cri.

La proposition du cinéma lui fit hausser un sourcil. Il avait rarement été au cinéma. En raison du nombre de personne au mètre carré et de la force de leurs pensées quand ils étaient émus par ce qu’ils voyaient. Hm. Et en même temps, il avait envie d’essayer à nouveau.

“Eh bien, je n’y ai pas souvent été alors… Ce serait avec plaisir. Et pourquoi pas ce soir ? Je ne sais pas quand est-ce que je pourrai me libérer à nouveau alors… Autant en profiter ? Quand on aura fini nos verres, bien sûr !”

Pour lui, ça n’allait pas prendre très longtemps, mais il ne voulait pas presser Sao. Il ne voulait pas qu’elle se sente mal en absorbant trop vite l’alcool. Il n’était pas un goujat. Il attendit patiemment et quand elle fut prête à partir, il marcha à ses côtés. Ils discutèrent de tout et rien sur le trajet, jusqu’à arriver devant le bâtiment.

“Je n’y connais rien, donc, je pense qu’il vaut mieux que tu choisisses pour nous… Je te fais confiance…”

Le visage du grand brun était un peu plus fermé. Il y avait plein de monde autour d’eux, c’était compliqué pour lui de ne pas se faire submerger par les gens trop enthousiastes.

Probablement oui. Un meilleur écran protecteur et un peu moins de choses à penser pendant les dits déplacements. Mais bon, ce n’était pas pour tout de suite sa retraite. Et au fond, il se sentait mieux sur le terrain que dans son bureau à rédiger les rapports de mission. Même s’il n’était jamais en retard là dessus. Le professionnalisme avant tout. Un jour il verrait l’Egypte autrement qu’en mission, et avant ça, il réussira bien à trouver un cadeau à son neveu.

“J’imagine que même avec de bonnes excuses, on finit par oublier les fantômes.” ironisa-t-il à demi.

Et en même temps, il n’a jamais vraiment cherché à entretenir ses relations amicales, ou même familiales à la mort de sa soeur. Il ne blâmait pas les autres. Il était lui aussi coupable.

Le trajet était plaisant, il ne faisait pas encore trop froid. L’hiver approchait mais leur laissait quand même un répit. Et puis en présence de Saoirse, l’ambiance était tout de suite plus chaleureuse. Il aimait sa conversation. Même s’il s’agissait de parler de tout et de rien. Il y avait un peu de monde devant le cinéma et ce flux de personnes ne mettait pas forcément Dorian très à l’aise. Il avait quelques pensées parasites qui n’étaient pas les siennes, et c’était toujours assez désagréable de sentir ses barrières passées par des inconnus. Il devait avouer qu’il n’était plus complètement avec Sao, occupé à lutter pour que les pensées des autres restent hors de son crâne. Et puis, il faisait confiance à la jeune femme pour choisir la séance, lui, il naviguait en territoire inconnu. C’était assez plaisant quelque part. Mais il y avait des inconvénients aussi. Le monde autour d’eux rendait tout cela compliqué. Il attendit Saoirse à côté des caisses. Et eut un regard mauvais pour ce garçon qui avait vraiment des pensées dégradantes pour la personne qui l’accompagnait. Il ne put s’empêcher d’insuffler en lui un peu plus respect. Oups. Heureusement que le Ministère ne saurait jamais ça.

L’homme suivit la belle dès qu’elle fut revenue. Il n’était pas très habitué, il regardait tout avec un regard un peu fasciné. Et s’installa là où Saoirse lui dit qu’ils seraient bien.

“Je te fais confiance ! Tu es un peu le guide ici !” confia-t-il en se penchant à son oreille pour ne pas déranger tout le monde.

Il découvrit les joies des publicités d’avant séance. Il eut un petit sourire. Il trouvait les publicités moldues plus drôles que celles des sorciers. Mais bon, ça restait de la publicité. La suite fut bien plus déstabilisante. Le film était très prenant. Trop. Un peu trop. Dorian se laissa submerger par les émotions que le film déclenchait en lui. De la colère. Surtout de la colère. Ce tueur le répugnait et le révoltait. Il ne fermait plus son esprit. Il se resaisit avant que quoi que ce soit ne se passe, mais il eut du mal. Le film était presque fini, mais il ne tenait plus.

“Excuse-moi, je dois sortir… Je t’attends dehors…” souffla-t-il désolé.

Il avait besoin de s’isoler vite pour éviter les grabuges. Il n’avait pas vraiment envie d’insuffler de la colère dans la tête des gens partageant la salle par exemple. Il sortit et atterrit dans la ruelle qui servait aux sorties de salle. Il était plus ou moins seul. Il en profita pour s’adosser contre un mur et reprendre le contrôle de ses esprits. Il ne s’attendait pas à ce que le film soit aussi intense et rentre autant en résonance avec sa propre histoire. Il attendit là, s’allumant une cigarette pour calmer ses nerfs.

Il fit signe à Saoirse quand il la vit sortir. Il s’approcha d’elle.

“Pardon pour cette sortie un peu rapide… J’avais besoin de sortir pour… garder le contrôle.”

Il pointa sa tête d’un geste discret. Elle connaissait son don, elle ferait sans doute le lien.

“Le film était un peu trop prenant…”

C’était bien la première fois que quelqu’un oubliait sa particularité alors que la dite personne était au courant. C’était étrangement plaisant de savoir qu’elle avait pu omettre cette partie de lui. C’était vraiment grisant. ça lui faisait presque oublier le sentiment de colère désagréable que le film avait fait plané en lui. Le dégoût était presque parti. Il balaie d’un geste de main ses excuses. Elle n’a pas besoin de s’excuser, elle n’est pas responsable de son émotivité, et de son manque de contrôle.

“Ce n’est pas grave… Il doit être bien. C’est moins qui suis probablement trop sensible pour ce genre d’histoire. C’est compliqué pour moi de juste apprécier la qualité de l’histoire.” Il marqua une petite pose. “Tu n’es pas responsable de tout cela, Saoirse.”

Il lui sourit. Elle n’a rien fait de mal. Il ne peut pas lui en vouloir. En réalité, il est heureux malgré ce désagrément. Malgré ce couac dans leur programme. Il ne sait pas ce qu’il a envie de faire. Il ne veut quand même pas terminer sur cette fausse note. Il inviterait bien la belle à passer une autre nuit à regarder les étoiles à la campagne. Serait-elle lassée ? Il n’a pas le temps de proposer ce projet. Ils sont interrompus par un homme ivre. Ivre, vulgaire, révoltant. Dorian ne supporte pas ce genre de personne. Et il supporte encore moins qu’on dénigre une personne. Encore moins quand cette personne est Saoirse. S’il avait passé son chemin à la première remarque, Dorian aurait pris sur lui. Mais… Il avait fallu qu’il continue.

Dans un élan de colère, le grand brun saisit l’homme par le col. Il empestait l’alcool. Il le plaqua contre le mur. Abruptement. Avec violence. Un peu trop, il se laissait submerger par la colère. La sienne, peut-être celle de Sao. Surtout la sienne.

“Tu lui dois des excuses.”

L’homme baragouine des insultes mais pas d’excuses. Dorian répète. Mais le nouveau flot d’insultes lui fit perdre son peu de sang froid. Son poing s’abattit une première fois sur le visage de l’homme. Puis une seconde.

“Dis lui tes excuses !” s’énerva-t-il alors que son poing continuait de s’abattre, implacable.

Peut-être qu’il avait perdu le contrôle de la colère qu’il contenait en permanence. Il ne se transformait pas en un monstre vert, mais il en avait la rage incontrôlable. Si Saoirse n’intervenait pas, il allait frapper cet homme jusqu’à ce que la douleur vienne de sa main. Cela pouvait durer longtemps. Il y avait tellement de haine et de violence au fond de ses entrailles. Toute cette rage qui était contenue par la bienséance. Elle avait volé en éclats.

La colère avait clairement pris le dessus sur la raison de Dorian. Comme rarement. C’était sans doute le cocktail de plusieurs ingrédients qui avaient fait ainsi explosé la soupape de sa retenu. Le fait qu’on s’en prenne à Saoirse. Le fait qu’il soit déjà mal à cause de son don. Le fait que cet homme ait insisté. N’empêche que ses poings s'abattaient avec une régularité redoutable. L’homme avait perdu connaissance. Si la main de Sao ne s’était pas posé sur son bras, il aurait sans doute continué. Il se dégagea par réflexe de ce contact. Il posa son regard sur elle. Tenant toujours l’homme plaqué contre le mur de son autre bras.

Il resta immobile une seconde. Réalisant sans doute enfin la portée de ses actes. Il reporta son regard sur l’homme. Il avait le visage en sang. Merde. Il avait complètement déconnecté de la réalité. Il se voyait porter le premier coup, mais après, il avait juste vu rouge. Il ne voulait pas en arriver là. Et il voulait encore moins mettre Saoirse dans cet état. Ou la confronter à une telle violence. Son comportement était pire que celui de l’ivrogne. Il relâcha sa prise, accompagnant l’homme pour qu’il tombe assis le long du mur. Il resta accroupi en face de lui. Saoirse était paniquée. Il sentait sa panique au plus profond de lui. Il n’avait pas voulu ça.

Il regarda autour d’eux, il n’y avait personne. Il attrapa sa baguette, et lança un sort d’oubliette à l’eau, ainsi qu’un sort de soin. Histoire de soigner ses blessures les plus graves. Il aurait encore quelques blessures, mais rien que la médecine moldue ne puisse réparer. Il se releva. Beaucoup trop impassible et calme. Il avait bloqué ses émotions, pour les préserver tous les deux. Il s’approcha de Saoirse, et prit son bras pour l’attirer dans une embrasure de porte et transplaner. Il valait mieux qu’il ne fasse pas de vieux os.

Ils apparurent dans le jardin de sa maison de campagne. Son lieu de paix. C’était comme un réflexe d’aller ici quand tout dérapait avec son don. Il s’éloigna de Saoirse, lâchant son bras. Il fit quelques pas, mettant une certaine distance entre eux.

“Désolé.” souffla-t-il d’abord.

Il s’éloigna encore. Il était dangereux. Il le savait. Il ne devait pas s’attacher aux gens, dès qu’il s’attachait, il devenait trop sujet à la colère. Il était trop protecteur. Trop violent.

“Je… Je voulais pas que tu vois ça. Je suis désolé. Je… Je crois qu’il vaut mieux que tu rentres chez toi, Saoirse. Je ne veux pas te blesser, ou te faire peur à nouveau.”

Va-t-en, laisse-moi, crie son regard. Il ne peut pas rester à ses côtés. Un jour, ça pourrait être elle à la place de cet ivrogne. S’il perd le contrôle. Qui sait. Parfois, il n’est que la part la plus sombre de l’humanité. Il n’est pas un homme bien. Il n’est qu’un monstre qui bride sa colère en permanence, un monstre qui arrive bien à faire semblant d’être humain. Un monstre rendu si fragile par ses sentiments.