Ain't no sunshine when she's gone

“Cela ne me dérange absolument pas. Autrement, je ne l’aurai pas proposé !” dit-il avec un sourire.

Il reposa sa tasse, et se leva pour remettre ses chaussures. Il était bien d’accord, même avec l’aide de la magie, réparer les dégâts fait par trois gros molosses, ça n’avait vraiment rien de plaisant. Et puis, Dorian aimait beaucoup trop ses animaux pour les laisser seuls trop longtemps. Il préférait passer du temps avec eux. On adopte pas des animaux juste pour les laisser après.

“Oui, et puis, je n’aime pas les savoir malheureux. Ils sont toujours là quand je me sens triste, alors, ça m’embêterait de les laisser malheureux.” expliqua-t-il calmement.

La remarque sur son neveu le laissa un instant silencieux, un peu pensif. Il acquiesça.

“En fait… C’est presque mon fils. Je l’ai élevé au décès de ma soeur. Alors… C’est sans doute pour cela que je me sens si proche de lui.”

Il sourit à Saoirse.

“Fais comme chez toi, en mon absence.”

Puis il transplana jusqu’à Londres. Directement dans le salon de leur maison. Les chiens jappèrent joyeusement. Ils arrivèrent vers lui très vite, sautant sur lui. Il les carressa avec tout son amour. Il frotta leurs oreilles, gratouilla leurs ventres. Ils allaient se promener au grand air, ils allaient être contents. Il prépara leurs harnais et leurs laisses. Ils avaient pris l’habitude du transplanage, mais il fallait quand même être prudent. Il appela les trois chiens, et ils serrèrent tous dans ses bras. Voyage retour. Ils apparurent dans le jardin du cottage. Il ôta leurs laisses et la pluie qui tombait encore n’empêcha pas les chiens de courir un bon coup. Dorian revint vers la porte, pour ne pas être trempé.

Il l’ouvrit, et resta immobile sur le seuil. C’était pour le moins… surprenant. Il observait la danse de la demoiselle avec un oeil fasciné. Un peu amusé par la situation aussi. Il finit par se racler la gorge. Qu’elle ne se sent pas prise en traître.

“On est revenu…”

A peine eut-il dit ces mots que les trois chiens se précipitaient sur le paillasson. Mais bien dressés, ils s’arrêtèrent, assis à l’entrée. Dorian se déchaussa. Et attrapa une vieille serviette enchanté pour sécher les gros molosses dociles. Et dès qu’ils avaient le poil bien sec, ils pouvaient aller. Et les trois, Debussy, le berger allemand, Berlioz, le malinois, et Mozart, le grand danois coururent vers la nouvelle venue. Pour lui quémander des caresses, pour lui léchouiller les doigts, et frotter son nez contre ses jambes.

“Excuse-les, ils adorent les câlins… Mais ils ne sont pas méchants ! Berlioz, Mozart, Debussy, assis !”

Et les trois s’assirent dans un même élan. La queue allant de droite à gauche au même rythme pour les trois. D’adorables géants canins.

Il sourit à la demoiselle. Et hocha la tête.

“Oui… C’est souvent qu’on vient ici… Des fois juste pour se promener… Ils ont pris de bons réflexes.”

Il se déchaussa lui-même pour suivre les molosses. Au fond, ses animaux lui ressemblaient un peu. Tous grands et minces, mais aussi vifs sous leur calme. Il s’approcha doucement du petit groupe. Les animaux ne le regardaient pas. L’attrait de la nouveauté sans doute. Ils voulaient savoir qui elle était. Ils voulaient aussi obtenir tous les câlins qu’il était possible d’obtenir.

“Je crois oui… Mais avec eux, on leur manque dès qu’on passe le pas de la porte. C’est assez flatteur de leur manquer autant. Pas vrai, les ingrats ? Ils n’ont d’yeux que pour toi…”

Il carressa la tête des chiens, qui le regardèrent seulement quelques secondes. Puis, finalement, ils s’intéressaient à nouveau à Saoirse. Il sourit à son invitée. Elle a repéré la subtilité de leurs prénoms. Cela plut à Dorian. Mais ce n’était pas si étonnant pour une artiste et une danseuse. Il posa sa main sur la tête du malinois. “Berlioz, c’est le plus vieux, mais il est encore très vif.” Il passa au grand Danois, le plus grand, mais celui qui avait le regard le plus doux. “Mozart, qui est aussi le plus jeune, même s’il est de loin le plus grand.” Il carressa la tête du berger allemand. “Et comme tu as pu le deviner, De Bussy, il est parfois un peu maladroit, mais il a bon cœur comme les autres.”

Et il prit le temps de les congratuler tous les trois. Il les aimait. Cela ce lisait dans ses regards, dans ses gestes. Il était tellement affectueux avec ses chiens. On aurait pu y voir un report. Un report de paternité.

“J’aime effectivement la musique classique. Sa régularité a quelque chose d’apaisant pour moi. Je préfère les compositeurs assez classiques. Les compositeurs contemporains ont mis trop d’irrégularités, de soubresauts, j’ai… J’ai trop l’impression d’entendre la même mélodie que… Que celle qui émane des foules quand je perds le contrôle.” confessa-t-il sans même s’en rendre compte.

Il s’assoit lui aussi sur le canapé. Les chiens s’approchent, mais ils savent que monter, ça, c’est interdit s’il n’y a pas leurs couvertures sur le dit canapé. Il gratouille leurs têtes. Il se sent un peu fatigué par tout cela. Et en même temps, il n’a pas envie d’aller dormir tout de suite. Il voulait juste profiter encore un peu de ce sentiment de quiétude. Du feu dans la cheminée. De l’étincelle de vie qu’il sentait au fond de lui.

“Merci Saoirse… D’être là. De… D’avoir rendu cette soirée si belle. Je ne l’oublierai pas.” murmura-t-il en la regardant droit dans les yeux. Sincère.

Dorian ne sait pas bien ce qui se passe en cet instant. Cet échange de regards était si intense. Il ne savait pas ce qui arriverait par la suite, mais il espérait juste qu’ils se reverraient. Peut-être souvent. Peut-être qu’une fois de temps en temps. Il n’en savait rien. La croisée de leurs deux destinées était déjà tellement improbable. Ils n’avaient pas vraiment de points communs de prime abord, et pourtant, ils étaient si bien là. Ils n’oublieraient pas. C’était déjà magnifique de savoir que cette soirée les marquait tous les deux. C’était rare d’avoir ce genre d’oasis dans la désolation du moment. Dorian sourit. Il est apaisé. Heureux.

Il accepta évidemment qu’elle se blotisse contre lui. Même s’il ne comprenait pas bien ce que ça pouvait avoir de rassurant de se blottir contre lui. Il passa son bras par dessus ses épaules, caressant doucement son bras. Il sentait bien qu’elle sombrait dans le sommeil, mais il n’avait clairement pas le coeur à la réveiller ou lui dire d’aller dans une chambre. Alors, il resta là. Même si la position n’était pas pour lui des plus confortables. Il hésita pas mal de fois, à la prendre dans ses bras pour la porter dans un lit mais… Il avait trop peur de la réveiller. Alors, il se résolut à dormir là. Il se cala un peu mieux contre le dossier du canapé. Et s’endormit d’un oeil. Réveillé au moindre bruit, au moindre mouvement. Comme d’habitude.

Le soleil se lève à peine quand Dorian ouvre les yeux. Il a le corps endoloris, engourdi. Il mit quelques secondes pour se souvenir de qui est allongé sur lui. Il sourit en la voyant encore endormie. Il réfléchit quelques instants avant de bouger, le plus stratégiquement possible, la posant le plus délicatement possible sur le canapé. Il la couvrit d’une couverture sous le regard des chiens qui se réveillaient aussi. Il passa par sa chambre pour enfiler une tenue de sport. Il avait beau approcher de la cinquantaine, il ne se laissait pas aller, son footing du matin était très important. Et pour les chiens aussi !

Il sortit aussi discrètement que possible avec ses compères et les voilà tous les quatre sur les chemins autour du cottage. Il avait besoin de se mettre en forme chaque matin. De courir avec eux. De se vider la tête. Même si ce jour-là, Saoirse était bien présente dans ses pensées. Il n’arrivait pas vraiment à mettre un mot sur ce qui s’était passé la veille, et c’était vraiment très étrange. Il courut pendant une bonne heure, de quoi permettre aux molosses de se dépenser un bon coup. Puis ils revinrent. Il prit le temps de ramasse les tasses et autre théière qu’ils avaient oublié à l’extérieur. Ils essayèrent de rentrer dans le calme. C’était un peu compliqué avec les trois chiens qui se jetèrent sur leurs gamelles d’eau et de croquette.

Mince. Ils avaient réveillé la belle ? Encore en short et tee-shirt, il croisa le regard de son invitée.

“Désolé… Pour le bruit… On t’a réveillé ? Oh… Et bonjour… J’espère que tu as bien dormi ?” demanda-t-il doucement.

Il ôta ses chaussures et se dirigea vers la cuisine pour se laver les mains et préparer un petit déjeuner décent à son invitée.

“Tu aimes les pancakes ?” demanda-t-il en sortant les ingrédients.

Le café était déjà en train de chauffer dans une vieille cafetière italienne, mais c’est avec ça qu’on fait le meilleur café d’après Dorian.