Ain't no sunshine when she's gone

Comment s’était-il retrouvé là ? Seul, à boire dans un bar beaucoup trop fréquenté ? Il n’était pas sûr de vraiment savoir. Finn n’était pas là. C’était une absence tellement plus pesante maintenant. Il se demandait toujours si son neveu allait revenir. Maintenant qu’il savait. Qu’il savait tout. Il avait eu l’air de lui pardonner, mais… Il restait l’imposteur de l’histoire. Le lâche. Le putain de lâche. Il n’arrivait plus à se regarder dans un miroir. Si tant est qu’il ait pu le faire un jour. C’était devenu insoutenable ces dernières semaines. C’était probablement pour cela qu’il se retrouvait là, au bar, un verre de whisky à la main. C’était pathétique. Même le barman le trouvait triste à mourir derrière ses sourires commerciaux.C’était idiot de chercher du réconfort en ce lieu. Il n’en trouverait pas.

Il allait partir quand une voix lui posa une question. Il posa son regard fatiguée sur la jeune femme. Elle était belle. Beaucoup trop belle. Si jeune aussi. Il acquiesça. Poli. On ne refuse pas une si charmante compagnie. Aussi improbable soit-elle. Comme l’arc en ciel en plein milieu de la pluie. Il n’est pas dupe, elle ne doit pas venir parce qu’elle est subjugué par son charisme. Cela sonnait comme un pari. Ou comme une volonté opportuniste de trouver la bonne fortune auprès d’un homme plus mature. Il n’avait même pas besoin de se concentrer sur les pensées de cette jeune femme pour le savoir.

“Non, je n’attends plus personne depuis longtemps.” répondit-il d’une voix calme.

Il demanda au barman de lui remettre une dose de whisky alors qu’il préparait aussi la boisson de la nouvelle venue à ses côtés. Un orgasme. Et bien. On pouvait difficilement faire une approche plus directe. Elle allait être si déçue.

“Je ne suis pas sûr que vous ayez choisi la bonne personne pour vous tenir compagnie ce soir. Il y a beaucoup de personnes ici, je ne le prendrai pas mal que vous alliez parler à quelqu’un d’autre.”

Mais en gentleman, il régla leurs deux boissons. Son travail avait l’avantage de lui offrir une situation financière confortable. Le prix du silence. De la solitude. Il fit tourner les glaçons dans son verre. Il eut un nouveau regard pour la jeune femme. Elle était vraiment magnifique. Elle voulait rejouer la belle et la bête en venant le voir lui ?

“Mais sachez que je suis flatté qu’une femme comme vous puisse ne serait-ce que s’asseoir à côté de moi. Un pari avec un ou une ami-e? Je suppose.”

Il n’avait même pas besoin de lire les pensées pour deviner cela. C’était la plus évidente des hypothèses.

Il ne pouvait pas lui donner tort. Boire seul avait quelque chose tenant du pathétique et du désespoir. Il n’avait pas d’arguments pour la repousser. Et en même temps, ce n’était pas forcément nécessaire de se montrer rustre. Elle finirait par partir d’elle même vers des oiseaux au plus beau plumage.

“Faites donc comme il vous plaît, je serai bien rustre de vous repousser.”

Il n’est pas du genre à contrarier les gens sympathiques. Pas en général. Il fallait une bonne raison pour qu’il envoie paître quelqu’un. Elle ne méritait pas un si mauvais traitement. Elle n’avait rien fait qui soit déplacé. Pour le moment. Il aurait sans doute plus mal réagi si elle avait tenté de le toucher, ou d’avoir des élans d’affection physiques.

“Je ne vous en empêcherai pas et je serai sot de me sentir blessé d’un tel cadeau, mais vous savez je peux bien faire cela, étant donné que vous m’évitez de boire seul, et que mon grand âge m’a mis à l’abri du besoin.”

Il haussa un peu les épaules. Il s’en fichait qu’une demoiselle lui offre un verre, sa soeur lui avait prouvé dès son plus jeune âge que le sexisme n’avait vraiment pas lieu d’être. C’était juste qu’il ne se voyait pas mettre une plus jeune personne dans le rouge alors qu’il avait clairement les moyens de payer leurs consommations pour la soirée.

“Une femme comme vous, sous-entend une femme d’une grande beauté, au charme certain, dans la fleur de l’âge, et dont je commence à apprécier le bel esprit.”

Il eut un léger sourire. Une femme trop belle, trop jeune, trop malicieuse pour un vieux marin comme lui. Il ne put s’empêcher de la rassurer avec un geste de main, balayant le fait qu’elle vienne pour pari. Il ne s’en vexait pas. Vraiment. C’était un simple constat. Pourquoi donc s’en offusquer ? Il sourit en l’entendant enchaîner. C’était un beau rattrapage. Il préférait se dire qu’elle y croyait, sans vraiment le vérifier. Même si cela semblait de plus en plus louche qu’on s’intéresse à lui. Sa paranoïa professionnelle ne le lâchait jamais vraiment. Il finirait par sonder son esprit. Pour s’assurer qu’il n’était pas face à un ennemi mortel dans de très beaux atours.

Il allait répliquer quelque chose, mais il fut prit au dépourvu par le compliment qui lui cloua le bec. Lui, se méséstimer ? Que voulait-elle dire par là ? De pouvait-elle trouver d’attirant dans une épave comme lui ? Il eut un regard un peu surpris, et un rire légèrement gêné.

“Ou c’est vous qui me surestimez.” commenta-t-il juste un peu gêné.

Il écouta ensuite les questions.

“Disons que cela faisait longtemps que je n’étais pas sorti… Et je crois que ce bar n’existait pas la dernière fois que j’ai cherché un endroit pour boire un verre…”

Il se dit qu’il allait passer pour un vieux con ermite avec une telle sortie, mais il n’avait pas envie de mentir à cette demoiselle. Elle jouait cartes sur table visiblement, il allait faire de même.

“Qui n’a pas de soucis à oublier ? Et… Mes proches pensent qu’il faut que je sorte un peu plus.” répondit-il avant de boire une gorgée de whisky. “Vous avez besoin d’une parenthèse dans votre vie ?”

Son regard plongea dans celui de la jeune femme. Et les mauvais réflexes prirent le dessus. Obtenant les réponses avant même qu’elle ne réponde. Il était désolé pour elle.

“Une déception amoureuse peut-être ?”

Une façon d’avoir confirmation de ce qu’il savait pour l’aider à en parler, la réconforter si elle le voulait. Peut-être pas de la façon qu’elle espérait. Au moins maintenant, il savait qu'il n'avait vraiment rien à craindre...

Il ne s’était jamais posé la question de ce que ces jeunes femmes là voulaient. Il s’était juste convaincu qu’elles voulaient tout sauf lui. Il ne les attirait pas plus jeune, alors pourquoi cela aurait-il changé ? C’était surprenant de se dire que maintenant qu’il avait passé la quarantaine il existait finalement à leurs yeux. La revanche du physique d'intellectuel ?

“A vrai dire, je ne me suis jamais demandait qui pouvait intéresser les femmes comme vous… Vous avez tout à m’apprendre.” répondit-il humblement. “Je ne sais pas… La candeur ? La stupidité joyeuse propre à cet âge ? Je dois avoir oublié.” Il eut un léger rire au compliment. “Il faut croire que la roue tourne alors, ils n’auraient pas envié mon physique il y a vingt cinq ans.”

Il eut un regard surpris à sa remarque sur son sourire. Un peu incrédule. Il lâcha un “merci” pas forcément très convaincu. Il était perturbé par ces compliments. C’était dur de se sentir apprécié, ne serait-ce que pour des qualités physiques. Dans le miroir, il ne voyait plus que les cernes, les cheveux blancs, les rides sur son visage. Il avait oublié qu’on pouvait y voir d’autres choses.

Il ne renchérit pas. Il accepte les compliments. Silencieuse réédition. Il accepte son intérêt. Le fameux équilibre. Il faut bien. Elle a l’air tenace. Elle tient à ses idées. Il sait arrêter de contredire les convaincus.

“La devanture paraissait chaleureuse. Les gens semblent heureux ici. J’aimais juste… L’ambiance qui s’en dégageait je crois. Et le hasard a fait le reste. Il a été heureux de me mettre sur votre route, visiblement.”

Dorian acquiesça. Oui. Sans doute que Finn était de bon conseil pour ce qui concerne les relations humaines. Il était bien plus doué que lui visiblement, qu’il s’agisse d’amour ou d’amitié. Comme quoi, l’âge ne fait pas tout. Finn avait un grand coeur, et tellement de chaleur à distribuer. C’était un formidable garçon. Il était si fier de l’avoir pour neveux.

Et Finn lui aurait sans doute dit qu’il n’avait pas le droit de fouiller dans la tête de cette inconnue. Et il avait heurté un pan sensible de sa vie récente. Elle n’avait visiblement pas envie d’en parler. Quel grand nigaud il faisait à sauter les pieds dans le plat. Il s’en voulut instantanément.

“Non, non… C’était… Juste une intuition, ne vous en faites pas…”

Il se sentait coupable d’avoir évoqué le sujet pour le coup. Il devrait lui dire ? Qu’il a lu ses pensées ? Ne va-t-elle pas lui jeter son verre encore plein au visage ? Il ne sait pas trop. Il craint encore de le dire. Ses vieilles défenses. C’est trop tôt.

“Oui, pardon, je ne voulais pas vous mettre mal à l’aise… Euh… Des loisirs ? Hm… J’en ai assez peu. Mon travail prend beaucoup de mon temps, mais j’apprécie la présence des animaux. Sans doute que je finirai ma vie dans une maison de campagne a élever toutes sortes de créatures… Rien de vraiment glamour…”

La suite lui fait hausser un sourcil.

“Oh. Effectivement… Je n’ai pas pour habitude d’aller en boîte de nuit. Et je danse très mal.” Il rit un peu. “Je n’ai pas dû y aller de mon plein grès depuis… Sans doute une vingtaine d’années… Je pense que je ne m’y sentirai pas vraiment à ma place. Mais si vous voulez, les promenades nocturnes peuvent s’avérer plaisantes à cette saison… Pour finir la soirée.”

Il ne pouvait pas lui promettre mieux. Il ne voulait pas qu’elle se fasse d’illusions. Elle était bien trop jeune. Elle aurait pu être sa fille dans une autre vie alors… Non. Il ne pourrait pas lui offrir mieux. Pas comme ça. Peut-être en d’autres circonstances… Par la barbe de Merlin, à quoi songeait-il ?

“Je n’aurai pas mieux à proposer…” préféra-t-il ajouter.

La beauté était certes subjective, mais il doutait que la demoiselle soit comparé à un mérou par autre chose qu’une personne jalouse. Mais elle avait le droit de penser ainsi. Elle manquait sans doute juste d’un peu d’objectivité sur sa propre valeur. Dorian ne la connaissait pas assez, mais le peu qu’il entendait et ce qu’il avait entrevu dans ses pensées lui laissait croire que sa confiance s’était effritée et c’était fort dommage.

La question sur son travail. Mince, il avait oublié ce que c’était que de rencontrer d’autres personnes. De devoir avancer le “secret professionnel” à tout bout de champs. Finn ne lui posait plus beaucoup de questions, mais c’était une grande part de sa vie dont il ne pouvait parler à personne. Hormis quelques collègues du Ministère, bien sûr. Mais parfois, il aimerait pouvoir s’ouvrir à d’autres, s’épancher, pleurer de certaines choses qu’il avait dû faire pour le bien de tous.

“Je travaille au Ministère, malheureusement, je ne vais pas pouvoir vous en dire plus.”

Il se frotta la nuque un peu gêné. Il eut un petit rire.

“Je ressemble à un personnage de roman de bas étage quand je dis cela, je suis désolé…”

Il l’écouta parler à son tour. De cochon domestique. C’était pas forcément le genre d’animal auquel il aurait pensé en voyant la belle demoiselle. Il aurait plus pensé à un Flereur. Mais c’était justement cette surprise qui donnait un peu plus de profondeur à cette belle. Elle n’était pas si prévisible. C’était touchant de l’entendre parler comme cela d’un animal qu’on associe plus au rôti qu’à la vie en communion avec l’humain.

“C’est original… Mais je suppose qu’ils ont effectivement besoin d’un peu d’espace, et d’un peu de grand air…” commenta-t-il amusé.

Et quand elle questionne ses déclarations pour la danse, il sourit. Téméraire demoiselle.

“Je vous montrerai bien, mais je crois que vos chaussures ne sont pas assez solides pour protéger vos pieds… Je m’en voudrai de vous casser un orteil avec mes maladresses !”

Et quelque part, Dorian est soulagé que sa proposition de balade ne fasse pas fuir la belle. Il s’en serait voulu de la vexer. Il la trouvait touchante, et charmante. Elle ne méritait pas de passer une mauvaise soirée. Il la laisse commander leurs boissons.

“Au fait, je m’appelle Dorian, et vous ? Et d’ailleurs, vous, quels sont vos passions ? Vous avez aussi un métier qui implique de passer pour un personnage de mauvais film ?” demanda-t-il intéressé, son regard rivé vers elle mais son esprit loin d’espionner le sien.

Finn avait peut-être raison, on apprécie plus les autres quand on ne lit pas dans leurs têtes. Il avait besoin d’apprendre à nouveau à apprécier ces moments. A apprécier la conversation d’une inconnue. Les sourires. Sans douter de la sincérité des mots ou des sourires. Mais à cette jeune femme, il avait envie de lui faire confiance. Envie que ce pari se transforme en une belle rencontre pour elle comme pour lui.

Dorian ne put que faire une moue d’acquiescement. Oui, secret professionnel. C’était presque lassant de devoir le dire. Mais c’était sans doute mieux que la vérité. Le travail de Langue-de-Plomb n’était pas si reluisant que ça. Ce travail demandait des sacrifices. Parfois de se salir les mains. Autant ne pas gâcher une si belle soirée avec tout cela. Une parenthèse. C’était ce qu’ils avaient pour eux deux. Chacun avec leurs raisons.

Peut-être qu’il allait songer à prendre des cours de danse. Pour ne pas heurter les pieds de cette belle dame. Il y songerait. Sur son peu de temps libre. Vraiment. Histoire de ne pas épuiser son stock de pansements. Saoirse. Il avait bien noter son accent, mais son ascendance irlandaise s’imposait. C’était un charmant pays que l’Irlande. Dorian espérait avoir le temps d’y passer plus de temps pendant sa retraite ou ses vacances.

Esthéticienne ? Oh. C’était… Logique vu son maquillage et sa manucure impeccable. Et c’était un domaine qu’il ne connaissait pas. En même temps, on n'encourageait pas vraiment les garçons de sa génération à faire attention à leur teint ou à leurs ongles. D’ailleurs, il ne put s’empêcher de replier ses doigts et ses ongles rongés. De quoi rendre fou une esthéticienne sans doute… Il n’était vraiment pas le public cible de ce genre d’établissement. Il ne devait utiliser qu’une savonnette et un peu de mousse à raser pour prendre soin de lui. Sans doute que Saoirse serait folle en voyant son kit de toilette et ses habitudes.

“Je connais de nom… Mais je dois bien avouer que je n’y ai jamais mis les pieds.” avoua-t-il avec honnêteté.

Il ne dénigrait pas pour autant son travail. Même si quelque part, ce n’était pas vital à la société. Elle devait apporter beaucoup de bonheur et de réconfort à ceux qui ne pouvait avoir confiance en eux-même. Sans doute. Finalement, il aurait peut-être grand besoin de ses services et de ceux de son institut.

Il eut un sourire amusé à la réponse shopping.

“Hm. J’avoue que c’est un brin cliché.”

La suite lui fit hausser un sourcil. He bien. Il avait face à lui une artiste. Et aussi une vraie sportive. Il admirait ce genre de personnes. Il n’avait clairement pas ces talents-là.

“Hey bien, vous êtes pleine de surprises, et apparemment, une vraie artiste !” s’enthousiasma-t-il avec admiration.

Il n’avait jamais eu beaucoup de talents artistiques. Sa soeur bien plus. Mais lui, il était sans doute trop terre à terre. Il n’y avait guère qu’en écriture qu’il avait quelques talents, la poésie seule part de rêve qu’il réussisse à apprécier et transmettre. Il but quelques gorgées de son nouveau verre. Il était bien avec Saoirse. Comme hors du temps. Elle avait raison sur les bienfaits de la parenthèse.

“Très bonne idée ! Evitons les bousculades, ce serait dommage que vos pieds soient écrasés sans même danser avec moi !”

Ils sortirent du coup. Le fond de l’air était un peu frais. Alors en gentleman, Dorian retira sa veste de costume, et avec son accord la posa sur les épaules de Saoirse. Il n’était pas prévu qu’elle attrape froid au cours de la promenade.

“Bien sûr, tu peux.” dit-il avec un sourire.

Il releva la tête vers le ciel.

“C’est dommage que les lumières de la ville soient si présente, j’ai l’impression que le ciel est particulièrement bien dégagé. On fait difficilement plus beau qu’un ciel étoilé, tu ne crois pas ? J’ai toujours été fasciné par la voûte céleste, son immensité, son calme apparent.”

Il ramena son regard vers la belle, tout en continuant de marcher.

“Il y a un endroit où tu aimerais aller ? Ou j’ai carte blanche ?”

Dorian ne peut que sourire, et se sentir un peu comme un gamin. C’est vrai que c’était un peu idiot de cacher ses doigts maintenant, elle avait dû le remarquer depuis longtemps. Il s’était senti un peu pris en faute dès qu’il avait su son travail. Et puis, il savait que c’était une très mauvaise habitude qu’il avait là. Depuis tout petit. Mais bon, malgré tout, peut-être qu’il irait lui rendre visite sur son lieu de travail ? Sait-on jamais…

La conversation sur l’art était bien plus dans son domaine. Même s’il n’avait rien d’un très grand artiste, il pouvait apprécier l’art. Il aimait l’art. Il avait un minimum de sensibilité tout de même. Il sourit.

“J’aime l’art de façon générale, j’aime passer du temps dans les musées, ou lire. Je n’ai pas forcément beaucoup de talents comme créateur, mais cela ne m’empêche pas d’apprécier. J’admire les personnes capables de créer.” expliqua-t-il avec le même enthousiasme qu’elle.

L’art avait un pouvoir de fascination. C’était indéniable. Sur lui et sur tant d’autres. Un lien entre tous les individus. Un langage qui peut transcender les différences. L’art c’est presque une utopie.

Dorian sourit à sa remarque. Décidément, elle y tient vraiment à ce qu’il lui écrase les pieds ? Il s’en veut presque de ne pas lui offrir cet écrasement si désiré ! Il secoua négativement la tête. Non, il n’aura pas froid. Il a connu bien plus rude comme climat, et il n’est pas vraiment frileux.

“Je dois plutôt avouer que cette veste me tenait affreusement chaud, je suis bien content de te la prêter !”

Et son regard s’illumina en apprenant qu’elle aimait aussi se perdre dans l’immensité céleste. Un point en commun qui allait l’aider à choisir leur plan de soirée visiblement. Il avait une petite idée qui germait dans sa tête. Observer les étoiles à Londres, c’était compliqué, mais il connaissait un endroit qui s’y prêtait parfaitement.

“J’ai peut-être une idée. Mais on ne va pas y aller à pieds, ce serait beaucoup trop long. Tu me permets de transplaner avec toi ?” demanda-t-il en lui tendant sa main.

Dès qu’elle eut saisi sa main et qu’elle fut prête, il transplana. Pour arriver dans le jardin d’un cottage, perdu au milieu du Yorkshire Dales. Il avait hérité de cette maison déjà depuis quelques années. Une ancienne ferme perdu au milieu de… Rien. Rien d’humain du moins. Une maison complètement dissimulée au regard des moldus. Un patrimoine idéal pour fuir la ville. Il y était allé quelque fois avec Finn, mais souvent, c’était seul, ou avec ses chiens qu’il venait là, se ressourcer pour quelques heures, parfois quelques jours.

Le ciel ici était un peu plus couvert, mais entre les nuages, on pouvait tout à fait voir les étoiles. Brillantes, pures.

“C’est mieux ici, non ? Pour regarder les étoiles ?”

Il l’invita à le suivre. Un peu plus loin, dans le jardin, il y avait des sièges en bois, même une vieille balancelle. L’endroit idéal pour admirer les étoiles confortablement.

“C’est moins pratique pour marcher par contre par ici… De nuit, il y a vraiment trop de pièges pour tes chaussures à talons… Mais… Je peux vous offrir un thé ? Un café ? Ou même un chocolat chaud ? Je crois bien avoir ça dans cette cuisine… Je ne viens pas souvent mais je dois au moins avoir ça…”

Que l’endroit plaise à Saoirse, c’est une bonne nouvelle ! Il en était presque sûr après leur brève discussion sur les étoiles, mais un doute planait encore. On ne peut être certain qu’une fois que la personne a confirmé ce qu’on pensait. Il était heureux qu’elle apprécie ce petit coin de campagne. Cette verdure pouvait dépiter certains habitués des villes. Pour lui, c’était plus comme une grande bouffée d’air frais dans un monde asphyxiant. Il espérait que cela produirait le même effet sur elle. Ici, nul doute qu’un petit cochon domestique se serait bien plu.

“Ravi que ça te plaise !”

Il attendit qu’elle enlève ses chaussures, ce qui le surprit un peu. Il s’attendait plus à lui prêter son bras pour qu’elle ne tombe pas, mais marcher pieds nus, c’était très bien aussi ! Il l’accompagna, et dès qu’il sut ce qu’elle voulait, il s’excusa et la quitta quelques minutes. Un thé sans sucre. Il allait prendre la même chose. C’était plus raisonnable que le whisky. Il fouilla dans les placards, à la recherche d’un thé de bonne qualité alors que d’un coup de baguette, il avait mis l’eau à chauffer dans la bouilloire. Il mit la main sur un Earl Gray correct. Ouf. Une petite lévitation de tasses, un plateau, quelques biscuits dans une petite coupelle, et une théière remplie de ce délicieux breuvage.

Il revint vers la belle. Les tasses se remplirent, la théière virevoltant pour satisfaire la théière. Et l’une d’elle alla rejoindre les mains de Saoirse. Il prit lui même sa tasse alors que le plateau se pose sur un rondin de bois à côté d’eux. Il sourit doucement à son invitée, et à sa question.

“Cette maison appartenait à un vieil oncle… Il me l’a légué. Et quand j’étais petit, on m’envoyait souvent ici. Pour que je puisse trouver le calme. Cet oncle me comprenait. Je l’aimais beaucoup… J’ai beaucoup de bons souvenirs ici.”

C’était le seul legilimens dont il a été proche. Et son oncle avait choisi de se couper du monde pour vivre avec son don. Une vie d’ermite. Il n’avait pas voulu suivre la même voie, mais il y avait une raison derrière le leg de cet oncle. C’était la possibilité de pouvoir se retirer du monde. De trouver la sérénité. De ne plus devoir brider son don. Pas besoin de t’empêcher de lire les pensées quand il n’y a que les tiennes.

“Le calme ici m’a toujours été bénéfique… Je…”

Il marqua une pause. Il ne savait pas si c’était le moment de le dire.

“Enfant, j’avais beaucoup de mal, à fermer mon esprit aux pensées des autres. Ici, il n’y avait plus que les miennes. Et celle de mon oncle. C’est bien plus supportable pour un legilimens qui ne se contrôle pas. Ne t’inquiète pas, je n’ai pas utilisé mon don sur toi.”

Un léger mensonge. Mais si petit. Ce qu’il avait fait, ce n’était rien comparé à ce qu’il aurait pu faire.

Les grandes mains de Dorian étaient serrées autour de sa tasse après son aveu. Il n’était pas très à l’aise. Finn avait beau lui expliquer ce qui n’allait visiblement pas dans ses relations humaines, il n’était pas sûr d’avoir jamais eu le mode d’emploi des relations humaines sans lire dans les pensées. Alors il ne savait pas à quoi s’attendre. Et les remerciements, il ne s’y attendait pas. Pas du tout. Il regarda étonné la demoiselle. Merci ? Il n’était vraiment pas prêt à cette réponse. Il reste un peu incrédule, muet face à ça.

Puis il écoute. Finalement, il n’y a pas besoin de lire dans la tête des gens. Ils parlent finalement si vite parfois. Dorian est un peu désarçonné par l’honnêteté de la belle. Il ne s’attendait pas à ça. D’habitude, il pouvait toujours anticiper les dires de ses interlocuteurs. Là… Il se faisait surprendre. Ça avait quelque chose de presque grisant ? Seulement, comment être sûr que c’était sincère ? Ah si, il savait, juste en croisant son regard. Elle était si émouvante. Il ne savait pas bien quoi lui dire. Comment la rassurer. Et finalement… La conclusion lui arracha un nouvel air étonné. Oh. Bien. C’était. Imprévu.

Il sauta sur l’occasion de rire. Un rire un peu gêné.

“Seulement du Earl Grey, mais ne t’excuses pas, c’est juste que je ne suis pas vraiment habitué à entendre ce genre de choses… Je suis juste un peu surpris.” la rassura-t-elle.

Il but quelques gorgées de thé.

“Tu sais… En dehors de mon neveu, je ne fréquente pas grand monde. Et… J’ai toujours eu peur des réactions des gens face à mon don. Alors, j’ai fini par ne plus essayer d’en parler. Mais finalement, quand je vois ta réaction, je me dis que je devrai être honnête plus souvent.”

Il lui sourit doucement. Puis posa sa tasse. Il releva la tête vers le ciel. Après tout, ils étaient surtout venu pour ces demoiselles aux robes clinquantes. On les voyait beaucoup mieux qu’en ville, et ca malgré quelques nuages assez persistants. Et puis, elles étaient terriblement apaisantes. Avec leur douce lueur. Et parfois, une météorite tente de rentrer dans l’atmosphère.

“Oh, regarde, une étoile filante !” lança-t-il comme un enfant en pointant du doigts la direction du faux astre fugueur.

Il fit un vœu. Le vœu d’un monde meilleur pour son neveu. Il ne pourrait pas toujours le protéger à l’avenir, alors il espérait que les choses de ce monde allait s’améliorer.

Alors Dorian avait un privilège ? Eh bien. C’était beaucoup de chance et de responsabilité sans doute. Il ne savait pas bien s’il en était vraiment digne, mais c’est le genre de cadeau qu’on ne peut refuser. Une telle confiance. Il allait tout faire pour la mériter. Il boit encore un peu de sa tasse. Elle est presque vide. Le temps semble filer si vite et si paisiblement à la fois. C’est un sentiment si étrange. Il n’aurait pas su dire quelle heure il était.

“Oui… Je suis né comme ça… On explique assez peu l’apparition ou non de la legilimencie dans une famille.” dit-il doucement.

Il écouta la demoiselle. Elle était adorable à le rassurer comme ça. Les personnes qui lui étaient chères… Il n’y avait guère que son neveu dans cette catégorie. Les autres étaient à une certaine distance. Il peinait tellement à s’attacher. C’était compliqué. Et si douloureux que de risquer de perdre ceux qu’on aime. Il ne voulait pas risquer de leur faire mal aussi. En disparaissant de leur vie, avec son travail, on ne sait jamais vraiment ce qui peut arriver. Aussi prudent soit-on. Il sourit à Saoirse. Il ne peut pas la contredire. Ou lui dire toutes les difficultés qu’il éprouve. Tout simplement parce qu’il n’arriverait pas à les dire ces mots-là. Il sont trop dur à avouer. Ces peurs, ces angoisses, il peine encore à se les avouer, alors les dire à une autre personne, il n’y est clairement pas prêt.

Son air réjoui quand elle voit elle aussi l’étoile, le fait un peu rire. Elle paraît si jeune. Si inocente. Et dire qu’elle avait essayé de le draguer. C’était si absurde. Elle ne devait pas être beaucoup plus vieille que Finn. C’était vraiment très étrange de se faire aborder par une femme si jeune. Il ne comprenait définitivement pas ce que les jeunes filles trouvaient aux hommes de son âge. Il trouvait juste cela improbable. Flatteur peut-être mais… Il préfère lever la tête, et regarder à nouveau les étoiles.

Il sentit la première goutte. Oh, mince, ils allaient devoir rentrer ? Il n’eut pas le temps de dire quoi que ce soit que c’était des trombes d’eau qui leur tombaient dessus. Oh non. Saoirse allait être trempée et… Elle ne bougeait pas. Il la regarda, un peu ébahi.

“Oui… Vraiment surprenante…” confirma-t-il d’une voix un peu perdue. “On devrait sans doute rentrer… Sinon, on va attraper la mort, Saoirse…”

Il se leva, et tendit la main à la belle. Il ne voulait pas qu’elle attrape froid. Ce serait vraiment dommage. Dès qu’elle eut pris sa main, ils avancèrent vers la maison. Ils étaient déjà trempés alors, pas la peine de courir. Ils entrèrent dans la petite maison. L’endroit était authentique, des murs de pierre, une belle cheminée, des meubles anciens, de grandes bibliothèques. Il lança un sort pour allumer un grand feu dans l’âtre, et se tourna vers Saoirse.

“Le mieux serait peut-être que tu prennes une douche chaude ? Non ?”

Il l’accompagna jusqu’au bout d’un couloir, et lui sortit tout ce qui était nécessaire, serviette, savon, peignoir, et vêtements propres… De sa garde-robe.

“N’hésite pas à me dire si tu as besoin de quelque chose…”

Il alla quand à lui, se sécher dans sa chambre et se changea rapidement. Histoire de pouvoir l’accueillir dans un état décent après sa douche. Il ne savait pas bien ce qui allait arriver après. Il n’y pensait pas vraiment. Tout était si imprévisible ce soir…

La chaleur du feu de cheminée avait quelque chose de vraiment apaisant, rassurant. Il avait passé des heures et des heures à lire assis là. De son enfance, à son adolescence, jusqu’à maintenant. C’était son havre de paix ici. Personne d’autre que lui, Finn ou son oncle n’avait habité ici. Maintenant, il y avait Saoirse qui connaissait cet endroit. C’était peut-être une erreur de l’avoir amené ici. Et en même temps, ça lui avait paru tellement logique de lui accorder de venir ici. De lui faire confiance. Est-ce que c’était normal ? Il ne savait vraiment pas pourquoi. Tout s’était enchaîné si simplement. Il espérait juste ne pas avoir fait une bêtise.

Il refit chauffer de l’eau. Pour s’occuper. Est-ce qu’il devait proposer à Saoirse de dormir ici ? C’était sans doute la chose la plus polie à faire, mais… Il ne voulait pas qu’elle s’imagine quoi que ce soit. Il voulait juste être gentil, et se comporter comme il fallait. Il n’avait juste jamais trop eu le mode d’emploi pour une situation pareille. Il mit quelques feuille de thé à infuser dans l’eau, la tête ailleurs. Quand la belle reparut. Elle n’avait mis que sa chemise. Oh. Même si elle arrivait au milieu de ses cuisses, c’était tout de même une tenue très légère. Il baissa le regard.

“Tu veux un peu de thé encore ?”

Il s’occupa de verser le thé dans une nouvelle tasse. Et l’amena à Saoirse dès qu’elle fut assise dans le canapé. Il ressortit quelques biscuits encore. Il vint s’asseoir à nouveau. Il s’installa dans le fauteuil. Il n’osait pas vraiment regarder Saoirse. De peur qu’elle interprète mal son regard, ou que ses yeux soient trop curieux.

“Si tu veux, tu peux rester ici, cette nuit… Il y a deux chambres, et les draps sont propres alors… Si la campagne te fait du bien, autant que tu puisses en profiter… J’irai sans doute chercher mes chiens si nous restons ici ce soir…” proposa-t-il doucement. “Ils vont saccager notre maison à Londres autrement… Ils n’aiment pas la solitude, et je crois que mon neveu n’est pas là ce week-end…”

Il but une gorgée de thé.

“Mais tu veux peut-être rentré chez toi… C’est toi qui vois.”

Il exposait juste les possibilités. Sans doute qu’il aurait été content de passer plus de temps avec elle. Mais… Il n’était pas une personne qui exige quoi que ce soit des autres.