Sit back and enjoy the show [Silène & Octave]

Deux semaines s'étaient déjà écoulées depuis qu'il avait rendu les clés de son bureau. Il avait passé la première à broyer du noir, à s'occuper de toutes les conneries administratives, à pointer chez Magic Emploi, à échanger moult hiboux avec eux. La deuxième, il l'avait passée à se morfondre. Il était devenu un visage connu dans certains bars près de chez lui. Il fallait qu'il se ressaisisse, oui. Mais il n'en avait vraiment pas envie. Quelques jours plus tôt, il avait reçu une lettre de Hermance. Elle était partie avec les enfants depuis des mois. Et elle ne lui avouait que maintenant. Elle ne voulait pas qu'il la cherche. Bordel. Qu'est-ce qu'il avait fait pour que tout parte en vrille de la sorte ?

Il s'était encore réveillé à une heure pas possible, par un bruit sur la fenêtre de sa chambre. Un hibou qui lui apportait une beuglante du ministère parce qu'il n'avait pas répondu à l'une de leurs requêtes. Qu'ils aillent se faire foutre. Il jeta la lettre au feu. Il avait bien envie de tout envoyer valser. De partir loin, là où personne ne viendrait plus le faire chier. Mais il gardait l'espoir de retrouver Hermance et son fils. Et il avait un minimum de décence, qu'il conservait.

C'était la troisième nuit d'affilé qu'il sortait. Merci les potions de lendemain de cuite, pour l'aider à tenir. En attendant, les nuits alcoolisées restaient le meilleur moment de ses journées. Comme à son habitude, Octave se rendit dans un premier bar, dont il commençait à connaître le propriétaire. Il s'enfila deux bières en happy hour, avant de prendre un peu l'air et de recommencer dans le suivant. Il discuta avec une jeune femme, lui paya un verre. Et repartir dans le suivant. Cette fois, il engagea la conversation avec un homme qui semblait aussi dépité que lui. Et plutôt séduisant, en dépit de ça. Il lui paya un verre, tenta une approche, avec la subtilité d'un homme qui a déjà quelques bières dans le sang. En vain. L'autre le traita de tous les noms et lui renvoya dans la figure. Hé. On ne lui renvoyait pas une boisson dans la gueule comme ça ! Une insulte sur sa sexualité et ce fut la goutte d'eau. Octave se leva, colla un poing dans la gueule de l'autre homme. Avant de s'en prendre un en retour. Il frappait fort, ce connard.

"Frappe-moi, vas-y ! T'es un homme ou une fillette ?"

Octave n'entendit même pas qu'on tentait de le raisonner. Il se jeta sur l'homme, parvint à le mettre à terre et frappa de toutes ses forces dans les joues de l'homme. Même pas besoin de cours d'arts martiaux, un homophobe ça suffisait à lui donner la force de se battre. Il frappa une deuxième fois et sentit qu'on le tirait par la cape.
Sans surprise, on le flanqua à la porte.

"Ouais ! Tant mieux ! Vous me reverrez pas ici de sitôt !"

Il leur gueula encore, alors qu'on claquait la porte derrière lui. Il avisa un blondinet, qui le dévisageait et semblait n'avoir rien loupé de la scène.

"Quoi ? Toi aussi tu veux t'battre ?"

Partir de Londres quelques mois, ce n’avait pas été une mauvaise idée finalement. Il avait pu éviter de crever comme une merde dans un nouvel attentat. Franchement, c’était plutôt cool. Mais l’ambiance à son retour était digne d’une incitation au suicide. Franchement, Londres était triste à en crever. Et lui, Silène Beaumarchais n’était pas dans un bien meilleur état. La rupture avec Rufus était toujours trop fraîche pour lui. Il n’arrivait pas vraiment à tourner la page. Il avait hésité à le rejoindre. Abandonner lui aussi la magie, et vivre à nouveau parmi les moldus. Une part de lui, folle amoureuse, pensait cela, que c’était la meilleure de solutions pour être heureux, mais une autre ne voulait pas prendre le risque de tout quitter pour un homme, aussi charmant, gentil, et intelligent soit-il, son indépendance, sa liberté d’être sorcier prenaient le dessus. Mais cette liberté impliquait la solitude à nouveau. Il n’y était plus habitué. Quelques mois de bonheur avaient suffi à le rendre dépendant. C’était frustrant. Et que cette rupture ne soit même pas vraiment de sa faute… C’était assez terrible. De se sentir impuissant face à l’échec.

Alors, Silène avait retrouvé ses meilleurs copains, le chocolat, la poudre de perlinpinpin -le nom est pourri, mais c’est la drogue sorcière la plus sympa, et sans dépendance-, et la vodka. Au moins, la vie était un peu moins morne avec tout ça. Bon, c’était mauvais pour sa santé, et blablabla. Il s’en foutait un peu. Sans Rufus, le plan de vieillir ensemble, ça perdait pas mal de sens. Autant crever seul, oui mais avec panache. Ce soir-là, il était sorti, parce que boire seul dans sa chambre, c’était vraiment le summum de la déprime, valait mieux faire le tour des bars, en voyant d’autres épaves, on se sent moins seul. Et puis des fois, y’a du spectacle. Silène sirotait une vodka fraise alors qu’un mec draguait absolument pas le bon mec. Ah ces pédés avec un gay-dard tout pété. C’est quand même un peu drôle.

Oh les provocations sexistes… Franchement, c’était obligé ? Silène connaissait des filles qui tapaient vachement plus fort d’un gros et viril bonhomme. Le blond -oui, il avait changé de couleur de cheveux, ça lui allait bien, hein ?- suivit l’homme qui se faisait virer, posant son verre vide sur le bar au passage. Il applaudit l’homme avec un grand sourire alors qu’il se sentait de suite agressé.

“J’ai une gueule à vouloir me battre ?” demanda-t-il en rigolant. “Je suis là pour te remercier… C’était tellement pathétique comme scène, ça m’a redonné le moral ! Mais attends, montre-moi ton nez….”

Il s’approcha de l’homme et prit doucement son visage d’une main. Il avait pris un sale coup dans le nez. Il attrapa un flacon dans sa poche et versa une goutte d’essence de Dictame sur la vilaine plaie qu’il avait là. Histoire que sa belle gueule soit toute réparée pour le prochain round. Enfin belle gueule… Il avait vu plus beau. Plus moche aussi.

“C’est ta première soirée hors du placard pour avoir un si mauvais radar ? Ou alors t’avais besoin de te faire péter la gueule pour te sentir exister ? T’inquiète, je juge pas, on trouve ce qu’on peut pour tenir le coup, hein. Je t’offre le prochain verre ? Je connais un bar plus sympa à deux rues…”

Il marqua une pause, et reprit.

“Oh, et je m’appelle Silène. Sisi pour mes amis, mais j’en ai pas des masses, donc tu peux aussi m’appeler comme ça. Et toi ? Je peux t’appeler Chevalier pédé toute la soirée, mais ça risque d’être chiant pour toi…”

Qu'est-ce qu'il avait, à l'aplaudir, le blondinet là ? Il était bien remonté et bien à cran, Octave, après s'être fait jeter de ce bar-là. On ne l'y reverrait plus de sitôt. C'est l'autre type qui méritait d'être mis dehors, pas lui ! En se relevant, Octave épousseta sa cape, la remit convenablement sur ses épaules en dévisageant le garçon qui se foutait de sa gueule, face à lui. Le coup n'était pas bien loin de partir tant il était agacé. L'alcool n'aidait pas à faire la part des choses. Il se raidit, en voyant le blondinet approcher et pris très fort sur lui, serrant le poing, pour ne pas qu'il parte dans la gueule de ce dernier alors qu'il lui attrapait le visage.

Ce n'est qu'après qu'il comprit que l'autre venait juste de lui rafistoler la face.

"Merci pour le nez ! Pathétique peut-être mais je refuse de laisser dire de la merde pareille. "

Habituellement, ça coulait sur lui et il laissait passer. Il n'était pas tellement justicier de quoi que ce soit. Mais il faut croire que l'alcool, ça faisait ressurgir ce côté là.

Il s'écarta du blondinet, sitôt son nez rafistolé. Calmant encore sa respiration pour ne pas retomber. Non mais c'est que l'autre se foutait de sa gueule en plus ? Il allait monter sur ses grands kelpys à nouveau. Mais l'idée de se faire payer un verre adoucit quelque peu sa colère. Et puis il n'avait peut-être pas tout à fait tort. Ces derniers jours, sa vie semblait passer tellement au dessus de lui qu'il avait peut-être besoin de ça. Quoi de mieux que de se prendre des coups et de frapper pour sa vie, pour se sentir exister ?

"Il me faisait des sourires depuis un moment. Ce type était bien plus gay que toi et moi. C'est juste un connard. Et va pour le verre ! Je te suis, je vais avoir besoin de nouvelles adresses."

Il le ferait pas plus de commentaires sur son radar. Parce que ça lui était un peu égal. Ça n'était pas tellement dans ses habitudes, d'aller payer des verres à des inconnus pour un peu de bonheur éphémère. Et il ne voyait pas ce qu'il y aurait de bien à se vanter de l'inverse.

Il le suivrait. Mais pas trop vite non plus. S'il n'en était pas encore au point de ne plus savoir aligner un pied devant l'autre, on ne pouvait pas dire qu'il incarnait la stabilité même, en cet instant. En marchant lentement, ça irait. Rien ne pressait.

Et d'ailleurs il s'arrêta. Et chopa l'autre par la manche. Ça commençait à bien faire.

"Écoute Silène." Il appuya le prénom, que l'autre venait de lui donner. " Je ne sais pas ce que t'as en tête mais ça risque de mal finir. J'ai remis ce mec à sa place parce qu'il m'avait manqué de respect. Rien d'autre. Si tu cherches le défenseur de tous les pédés du coin, va falloir te trouver un autre pigeon. Je ne suis pas ce mec là. J'ai mieux à faire de mes nuits."

Par exemple, boire d'autres verres et ne plus se faire péter le nez. Tout un programme. Il souffla et le relâcha.

"Tu peux m'appeler Octave. Je n'ai rien d'un chevalier."

Grogna-t-il, en se remettant en chemin. Ça aurait presque été classe, le volte face, la cape qui vole au vent, s'il n'avait eu besoin de se raccrochait au lampadaire qui tombait à pic, à côté de lui, pour ne pas perdre l'équilibre. C'était pas de sa faute, le trottoir n'était pas régulier, voilà tout.

"Et pour ton information, ce n'est pas souvent que je fais ça. Dis-toi que tu as assisté à un spectacle unique !"

Et ça devait se voir. Qu'il ne se battait pas souvent. Il était parvenu à mettre l'autre à terre avec rage mais il n'aurait peut-être pas gardé le dessus bien longtemps. Mais aussi qu'il n'allait pas souvent dans les bars et qu'il ne draguait pas souvent des inconnus. Il était encore plus mauvais à ça qu'à la baston.

Il sourit au mec. C’était pas la peine de remercier pour une goutte de dictame. Franchement. C’était pas grand chose par rapport au divertissement qu’il venait d’avoir.

“Oh, mais c’est tout à ton honneur de te battre pour le respect et la dignité.” commenta-t-il un brin railleur.

Le combattant n’avait pas l’air tout à fait calmé. Mais Sisi aimait vivre dangereusement. Au pire quoi ? Le brun allait essayer de le tabasser lui aussi ? Qu’il essaie, Silène en était pas à ses premiers combats de bar. Et même s’il n’avait plus de demi géant garde du corps, il avait appris à sauver ses miches. Il regarda le mec et pouffa quand il affirma que l’autre était plus gay qu’eux.

“Plus gay que toi, j’en doute pas, mais plus gay que moi, je crois que tu fais erreur. Vraiment.” corrigea-t-il en accentuant ses gestes déjà assez efféminés.

Silène commença à marcher d’un bon pas -il en était qu’à son troisième verre- mais il ralentit en voyant l’état de l’autre. Ils allaient pas battre un record de marche. Pas maintenant. Il se tourna légèrement quand l’autre lui saisit la manche. Ola, ola, fallait qu’il se calme Denis, là. Il montait un peu vite sur ses grands chevaux franchement.

“Ce que j’ai en tête, c’est aller boire un autre verre. Franchement, je voudrai pas te vexer, mais j’ai pas besoin d’un chevalier pour me défendre… J’ai peut-être même déjà botté plus de culs homophobes que toi, alors, détends-toi, chéri.”

Il s’attrapa une cigarette, proposant au passage à son compère d’infortune, avant de s’allumer la sienne. Le Octave, là, il avait l’air vraiment tendu du string. Fallait qu’il descende. Qu’il s’amuse un peu. Qu’il lâche du lest. Il était beaucoup trop tatillon.

“Oh, je suis flatté d’avoir eu cette occasion ! Et c’est pas souvent aussi que tu bois comme ça, non ? Sans offense, c’est juste que ça a l’air d’être une soirée compliquée… Dure semaine ?”

Ils ne tardèrent pas à arriver dans un autre bar. Plus coloré. Plus “open”. Ça se sentait dans les attitudes des clients. Silène aimait bien venir là, parce que justement, les connards homophobes, on les foutait à la porte, et souvent pas en très bon état. Et ici, il était un peu connu comme le loup blanc. C’était son territoire. Il suffit qu’il s’approche du bar pour que la serveuse lui fasse un grand sourire et une bise amicale.

“Tu me ferais deux Remontants s’il te plaît ?” demanda-t-il tout miel. “Hésite pas à les charger !”

Il se tourna vers Octave.

“Avec ça, je te jure, tu vas oublier tout tes problèmes ! Ce cocktail est du feu de dieu ! Et comme il est fait avec l’amour de la magie, t’es obligé d’aimer ! Par contre le secret de la composition est bien gardé, c’est le seul soucis !”

Il régla leurs deux verres. Les cocktails étaient d’une couleur changeantes, et elle ne se fixait qu’une fois dans les mains de son consommateur. Pour Silène, le verre prit une couleur bleu avec une odeur de curacao. Il tendit le sien à Octave. Et lui indiqua d’un mouvement de tête une table libre dans un coin.

“Bon Octave, t’as envie de te changer les idées non ? On jouerait pas ensemble ? L’action ou vérité, ou le cap ou pas cap, c’est toujours drôle dans nos états…”

Les manières du blondinet ne lui plaisaient pas vraiment. Non pas son côté efféminé, qu'il avait volontairement exagéré, ça il s'en fichait un peu. Mais les familiarités et les autres chéri, ce n'était pas tellement son genre. Heureusement, il avait bu. Et il était énervé sur d'autres choses pour laisser passer ça. D'autant qu'il avait aussi envie d'un autre verre. On n'arrêtait pas une soirée comme ça sur un fiasco et une baston. Et puis il n'était pas mécontent de s'être trouvé un peu de compagnie. Même s'il n'était pas encore certain qu'il apprécierait celle-ci bien longtemps. La preuve, il lui tapait déjà sur les nerfs. Ou plutôt, ses nerfs n'étaient pas encore redescendus et le blond ne faisait rien pour aider à ça.

"Tout va bien alors. Personne ne sera le chevalier de personne et on bottera des culs homophobes ensemble."

Il préféra conclure ça là dessus. Et refusa dans la foulée la cigarette que le blond lui tendait. Ils se remirent en marche tous les deux. Petit à petit, il revenait au calme. Pour retrouver un état plus proche de son flegme habituel. Il fronça les sourcils. Ca se voyait tant que ça, qu'il avait passé une semaine -deux même- épouvantable ?

"Ouais, c'est pas souvent. Semaine de merde. Et toi donc ?"

Ils arrivèrent devant un autre bar, dans lequel il n'était pas encore passé vider son sac. Ça tombait bien. Il en avait marre de se taper l'affiche dans les autres et de devenir un visage connu. Ici, le blond semblait connu, lui. Et il ne fallait pas longtemps pour comprendre que l'ambiance était bien différente de l'établissement dont il s'était fait jeter. Un bar gay, donc. Pourquoi pas. C'était rare qu'il les fréquente, ceux-là. Il ne se sentait pas vraiment à sa place. Octave observa, salua de loin la serveuse qui se montrait familière avec Silène.

"Tu le vends bien !"

Il sourit et attrapa le cocktail aux couleurs changeantes. Dans sa main, le sien devint d'abord rouge vif avant de filer vers l'ocre. Une odeur acidulée et sucrée. C'était la première fois qu'il en voyait des semblables. Il faut dire qu'effectivement, il ne venait pas souvent dans des bars.
Et s'il ne l'avait pas avoué un peu plus tôt, Silène l'aurait deviné sans mal, tant à sa dégaine et sa façon de dévisager tout le monde qu'à sa démarche plus que maladroite, après ces quelques verres d'alcool. Lorsqu'il s'installa à la table, quelques gouttes du cocktail s'étaient renversées sur le dos de sa main. Et avaient repris leur couleur rouge vif. Il porta sa main à sa bouche pour lécher les quelques gouttes avant de trinquer avec Silène.

"Au bottage de cul !"

Il sourit -profite, Silène, tu le sais pas encore mais c'est pas courant- avant de porter son verre à ses lèvres. Le goût était particulier. Un petit peu pimenté, une note sucrée sur la fin, dosé bien comme il faut. C'était parfait.

"J'ai vraiment une tête à jouer à action ou vérité ? Je ne dis pas non pour se changer les idées. Mais... "

Il reprit une gorgée du cocktail. Vraiment, c'était une bonne découverte. Il pensait déjà que la prochaine tournée serait pour lui alors qu'il n'en avait bu qu'un quart. Qui se transforma rapidement en moitié. La table était collante. Il grimaça en reposant lourdement son verre dessus. Et soupira. Après tout, au point où en était cette soirée... Si l'autre pensait vraiment que ça pouvait lui changer les idées, qu'est-ce qu'il y perdait ?

"Ton tour, tu commences."

Il attendit qu'il se décide et réfléchit. Ça devait bien faire depuis Poudlard qu'il n'avait pas joué à ce jeu. La dernière fois, c'était sans alcool. Une action, hein ? Il prit une autre gorgée de cocktail, y cherchant l'inspiration. Et regarda autour d'eux. Avant de se tourner vers Silène, un petit sourire aux lèvres.

"Tu vois le couple là bas ? Sur le canapé ? Je te mets au défi de leur demander une place sur le canapé ! On y sera bien mieux qu'ici. Ils peuvent avoir notre table en échange !"

Quoi, autant que ça soit utile, non ? Le blond avait l'air doué pour baratiner. Il ne doutait pas qu'il saurait s'y prendre !

Est-ce qu’il avait eu une dure semaine ? Hm. C’était pas vraiment la semaine. En fait, c’était un paquet de choses, un paquets de jours, de semaines, et bientôt sans doute des mois. C’était rare pour lui d’aller bien longtemps. Mais étaler ses états dépressifs devant un inconnu, c’était vraiment pas le but de la soirée, surtout s’il finissait par vouloir le pécho.

“Ouais, quelques mauvaises nouvelles, mais rien qui m’empêche d’apprécier pleinement la soirée !”

Il ne voulait pas forcément se mettre minable, il voulait juste… Penser à d’autres choses. Rencontrer de nouvelles têtes. Tomber sur la bonne personne. Bon sang, Rufus, tu m’as fait devenir aussi niais que ça ? Ou je l’étais déjà avant toi ? C’était sûr que le mec à côté de lui avait rien du prince charmant. Mais… C’était un moyen d’occuper l’ennui. De tromper la tristesse.

“Au bottage de culs… Sauf quand c’est le tien ! Ou le mien !” ironisa-t-il amusé.

Il but quelques gorgées de plus de son cocktail. Et fut plutôt content que le brun se prête au jeu. Bien malgré lui.

“T’as une tête à vouloir te changer les idées, c’est tout !”

Fallait vraiment qu’il se détende, si même alcoolisé comme il l’était il avait du mal à jouer à action ou vérité, il était vraiment… Coincé ? Il était tombé sur Super Coincé ? Ce serait un comble pour lui qui pensait passer une soirée un peu légère dans tous les sens du terme. A le voir péter des gueules, il semblait plus funky le Octave. Qui appelle son enfant Octave ? C’était presque aussi sadique que d’appeler son enfant Silène.

Et son défi… Il haussa un sourcil. C’était nul comme défi ça ! Il eut un petit rire. Ok. Il allait faire ça, alors… Il regarda le couple sur la banquette. Oh. Mais… Il avait déjà picolé avec eux, ça allait pas être si dur que ça… Il accepta donc, en prenant avec lui son cocktail, quand même, on oublie pas les priorités !

“Salut ici !” lâcha-t-il en s’affalant dans le canapé à côté du petit couple.

Il conversa gaiement avec eux, prenant des nouvelles, se faisant passer pour un ami -alors qu’ils s’étaient à peine croisé en soirée-, et en quelques minutes de sourires, de jolis mots, et d’oeillades, il le fit bouger. Ils n’allèrent même pas à la table d’Octave. Non, vraiment, il avait réussi à les coller pour la nuit entière avec ses conseils et autres doux mots. Si vous avez besoin de vous assurer d’être dans le lit de quelqu’un, appelez Tata Sisi, elle saura argumenter auprès de votre amant pour qu’il veuille tester plein de nouveautés… Il regarda le brun et tapota la place à côté de lui avec un sourire victorieux.

“C’est à mon tour du coup ? Je suis sûr que tu vas dire vérité… Et que t’es mauvais joueur, donc tu finiras par éviter ma question… Mais je te pardonnerai si tu paies la prochaine tournée !” rigola-t-il un peu plus joyeux, sans doute parce qu’il avait fini son cocktail.

Il s’adossa confortablement, peut-être un peu lascivement dans le canapé. Il était pas si mal Mister coincé sous cet angle-là…

“Mais si tu me laisses poser la question… On va dire… T’as un fantasme inassouvi à nous partager ?”

Ouais, il voulait voir Mister coincé tout coincé dans sa gêne !

Ça n'avait pas loupé. Le blond semblait doué pour baratiner et faire ami ami avec le premier venu. Curieux et amusé, Octave l'observa discuter, faire des gestes dans une direction et dans l'autre, argumenter et... finalement saluer le couple qui s'en allait. Alors certes, son défi n'était peut-être pas le plus original mais ils allaient nettement gagner en confort de place. Et ça, c'était une bonne nouvelle ! Avec un peu de chance, la table là bas collerait moins, aussi. Parce que même un peu alcoolisé, Octave rechignait encore à poser ses manches sur le bois sale et suintant. Il attrapa son verre, se releva et se raccrocha d'une main à la table pour ne pas valser. Ah, c'était bien malin d'éviter à tout prix de la toucher pour finalement l'empoigner de pleine main. Il grimaça, en décollant ses doigts maintenant tout poisseux. Et sortit sa baguette pour nettoyer ça -les priorités...- avant de rejoindre le blondinet. Il rangea sa baguette dans sa veste, déposa son cocktail déjà bien entamé sur la table et s'installa aux côtés de Silène. Plus lentement, cette fois, pour assurer ses mouvements. Même si cette table-là semblait un peu moins collante.

"J'ai même pas le choix, c'est ça ? Vérité, pour te faire plaisir, dans ce cas ... Je payerai la prochaine tournée !"

Peut-être qu'il aurait dit autre chose, allez savoir. Laissant le blond réfléchir à sa question -qui était peut-être déjà toute pensée-, il s'occupa de terminer son cocktail. Et fit signe au serveur, lorsqu'il le vit passer, de leur remettre la même chose.
Et ça ne tombait pas plus mal, qu'il ait fini la boisson avant qu'il n'entende la question de Silène. Ça éviterait ce moment de gêne en recrachant sa boisson. Non, en fait, il se contenta de pouffer un peu -comme quoi, tout peut arriver, Octave qui pouffe c'est de l'inédit-. Ne le prenons pas pour plus naïf qu'il n'était, il se doutait bien que Silène n'allait pas lui demander sa matière préférée à l'école. Mais là, on pouvait dire qu'il y allait sans trop de pincettes. Fallait vraiment qu'il réponde à ça ?

"Ça attaque fort ! Pas que le cocktail ..."

Il fit mine de réfléchir, sentant le rouge lui monter un peu aux joues. Honnêtement, il n'en savait trop rien lui-même. Ça faisait déjà longtemps qu'il n'avait pas assouvi quoi que ce soit, à part avec sa main droite. On était loin du fantasme.. Il hocha la tête, l'air grave. Comme s'il allait avouer quelque chose de dramatique.

"Avec un inconnu. Les yeux bandés. Rien de très exotique mais je n'ai jamais tenté ça..."

Et l'idée avait quelque chose qui titillait sa curiosité. De là à faire le lien avec le presque inconnu encore qu'était Silène... il n'ajouterait rien de plus. C'était déjà beaucoup pour lui de balancer ça, comme ça. Pas que ça soit son plus grand secret. Mais tout de même, il parlait rarement de ces choses là. Il aurait pu mentir. Mais le jeu aurait perdu tout intérêt..

"A ton tour. Vérité aussi, pour varier les plaisirs ?"

Et puis quoi, ils n'allaient pas changer de table cinq fois dans la soirée. Et leurs cocktails étaient déjà commandés. Aucun intérêt de lui demander une autre action, donc... D'ailleurs, le serveur revint avec leurs deux verres. Octave fit à nouveau claquer son verre contre celui de son compagnon de soirée et en prit une gorgée, le temps de réfléchir à une question.

"Je pourrais te retourner la question mais ça manquerait d'intérêt. Donc... hm... Quel est le truc le plus tordu que tu aies fait, au lit ? Ou .. ça peut être en dehors d'un lit, aussi.."

Par Merlin, il avait l'impression de retourner des années en arrière, à fouiller dans sa tête pour retrouver les questions qu'ils se posaient alors. Qu'est-ce que c'était stupide... Mais un peu marrant, aussi. Mais surtout très con. Le pire, c'est qu'il avait un petit sourire en coin. Il n'avait même pas vraiment envie de connaître cette réponse-là. Même s'il était curieux malgré tout de savoir ce que Silène allait lui dire. Seulement ce jeu voulait qu'on pose ce genre de question. Il n'allait pas lui demander qui était son compositeur préféré. Pourtant, ça l'aurait bien plus intéressé.  

“Je suis certain que t’es pas un homme d’action… Va pas te vexer, ça se voit juste que t’es un bureaucrate, Octave !” dit-il avec un petit sourire.

Ça avait un côté sexy cet air de bureaucrate coincé. Franchement… Qui n’a jamais fantasmé sur un secrétaire ou un directeur d’un département obscur d’une institution ? Silène avouait sans trop de mal l’avoir déjà fait. En même temps, quand il s’agissait de rêver de fesses, il avait l’imagination plutôt fertile. Clairement, il aurait pu se reconvertir en scénariste de films érotiques, il aurait pas eu trop de mal à avoir des idées originales. Peut-être carrément bizarres même des fois. N’allez pas lui parler d’extraterrestres, s’il vous plaît, ce serait vraiment trop chelou d’en parler à voix haute.

Il rigola un peu lui aussi. Quoi ? C’était soft comme question ça ! Pas si direct que ça, quand même. Il aurait pu faire bien pire ! Il le regarda avec un sourire amusé. Il avait l’air si tendu à l’idée de lui dire un truc salasse. Franchement, c’était Mister Coincé. Et c’était super cute. Voire un peu sexy. Parce que Silène voyait le potentiel derrière toute cette gêne. Il lui tardait de voir ce que ça donnait. Ah, il venait de décider que c’était son plan du soir ? Visiblement oui. Il était pour. Restait plus qu’à convaincre Mister Coincé. Ow. Son fantasme. C’était vraiment chou.

“C’est super mignon… Et plutôt facile à réaliser… C’est un super point… Enfin après, faudra que tu en trouves un autre…” commenta-t-il amusé, mais pas malveillant.

Il était si touchant avec ses joues rougies. Silène avait bien envie de leur faire conserver cette charmante coloration pendant un moment. Il sirota un peu de son verre. Et ne contredit pas le brun. Allez, vérité, pour changer. Il acquiesce et l’écoute. Il ouvrit grand les yeux à sa question, et eut un éclat de rire. Il lui posait vraiment cette question.

“Octave, t’es déjà tout rouge… Ne bois surtout pas pendant que je réponds, j’ai pas envie d’avoir ta mort sur la conscience… Et… Je pense que t’es un petit coquin sous tes airs coincés pour me demander ça.” lâcha-t-il une fois la surprise passée.

Il prit le temps de réfléchir. Parce qu’il y avait vraiment l’embarras du choix. Il but un peu. C’était en fait une question assez épineuse. Il avait fait un paquet de trucs bizarres pendant l’état. Il était même pas sûr de se souvenir de tout. On fait beaucoup de merde quand on est déprimé. Du coup, la gradation était complexe à définir. Vraiment complexe. Et puis, Octave allait pas lui en vouloir s’il en choisissait un qui était à égalité avec un autre. Hein.

“J’ai fait ça avec plusieurs mecs. Bon, ça, encore, c’est pas foufou, je veux dire, ça arrive, c’est pas si tordu. Seulement, j’étais attaché, tu vois, genre, suspendu… Un des mecs faisait ça, attacher les gens, c’est une pratique qui vient du Japon. Ben… C’était franchement bizarre. Et en même temps, assez plaisant… Même si j’ai cru que j’allais finir par mourir étranglé…”

Il haussa les épaules. Et rigola un peu.

“Et puis j’l’ai fait avec des gars déguisé en chiens… Genre vraiment dans le délire… Heureusement que j’étais bien alcoolisé ce soir-là, parce que je crois qu’autrement j’aurai pas réussi à pas rire…”

En y repensant, c’était vraiment bizarre. Il avait sans doute été un peu trop “no limit” sur le cul ces derniers temps. C’était tellement dans la démesure et dans l’improbable. Et ce n’était même pas ce qui lui avait apporté le plus de plaisir. En fait… Il avait été plus heureux dans les bras de Rufus. Leurs parties de jambes en l’air étaient pourtant pas… si acrobatiques, ou performantes. Mais il l’aimait. Et ça changeait beaucoup de choses. Tout était plus intense quand on se soucie de l’autre, et qu’il en va de même pour son partenaire. Il sirota son verre, un peu perdu dans ses pensées. Avant de se souvenir qu’il n’était pas seul. Il regarda à nouveau Mister Coincé.

“Action pour toi, parce que faut sortir de ta zone de confort. Embrasse quelqu’un…” lui lança-t-il avec un air de défi.

Sans préciser que ça ne devait pas être lui. Mais sans le préciser non plus, histoire de pas passer pour un crevard en manque.

S'il savait... Octave préféra ne rien dire, sur la bureaucratie. Un petit rire amer et hop, on balaye tout ça d'une gorgée de cocktail. Et de ses doigts qui tapotent un peu nerveusement sur la table. Ce n'est pas vraiment qu'il se vexait mais... le sujet était sensible. Ironiquement même plus que celui de ses fantasmes inavoués.

Qu'il avoua d'ailleurs, après réflexion. Oh, y'en avait sans doute d'autres. Peut-être plus difficilement avouables. Mais ceux-là, il ne les avait pas en tête. Et puis c'était déjà bien suffisant. La preuve, il rougissait. Ce qui lui donnait encore plus l'impression d'être un adolescent. Ça ne serait peut-être plus si désagréable s'il parvenait totalement à lâcher prise. Mais on n'y était pas encore, malgré une certaine quantité d'alcool ingurgité.

"Entendu, je ne bois pas, regarde, je repooose mon verre."

Et le voilà qui claquait sur la table en bois à nouveau. Il regrettait déjà d'avoir posé cette question. D'une, parce que ça ne l'intéressait pas vraiment, en fait. De deux parce que c'était si loin de lui... ce qui rejoignait un peu notre premier point. Mais le mal était lancé, il ne restait plus qu'à écouter et s'en mordre un peu plus les doigts en écoutant le plus jeune lui raconter des choses... qu'il aurait sans doute préféré ne pas savoir, en fin de compte. Et son air un peu surpris et déconfit se changea en grimace qu'il ne pouvait plus masquer lorsqu'il parla des déguisements. Comment on pouvait fantasmer sur des trucs comme ça ? Il se le demandait. Enfin non, il ne se posait pas vraiment la question. Il jugeait, d'avantage.

"J'aurais peut-être pas dû poser cette question. Mais... Merci pour ton honnêteté."

Son visage avait dû gagner une ou deux teintes de rouge. Mais il s'efforçait de cloisonner suffisamment son cerveau pour ne pas imaginer les trucs tordus que Silène lui avait balancés. Et ça fonctionnait ... moyennement, dira-t-on. C'est que les chiens, c'était un peu trop imagé pour que rien ne se dessine dans sa tête. Alors il grimaça encore un peu. Et puisque Silène en avait terminé pour l'instant, il s'autorisa à boire. Quelques bonnes gorgées. Histoire de faire passer tout ça.

Il retrouva le sourire, ou plutôt un petit rire amusé, au défi que lui lançait Silène. Il faudrait être naïf pour croire qu'il ne s'agissait pas de rentre-dedans à peine maquillé. C'est que l'autre ne semblait pas vraiment faire dans la subtilité. Et en même temps, sinon, ils ne seraient pas là, si ? N'était-il pas sorti pour se changer les idées ?

Prenant son temps, il jeta un coup d'œil autour d'eux, quand même. Puisque le défi n'avait pas de cible précise... C'était juste histoire de faire durer le suspens, avouons-le. Parce qu'il n'allait pas embrasser un inconnu dans la salle, non. Déjà qu'autant d'interactions sociales lui demandaient beaucoup...
Il se leva de son siège, d'un air qui se voulait nonchalant mais qui se rapprocha plus d'un raccrochage à la table pour ne pas perdre l'équilibre. Et se pencha en avant, repoussant leurs cocktails d'une main pour ne pas les renverser, s'accrochant au bord de la table de l'autre pour ne pas tomber. Dans sa tête, ça aurait été presque délicat. Mais ses gestes étaient un peu plus brusques, un peu moins précis, l'alcool aidant. On échappa de justesse aux dents qui s'entrechoquent. Non, l'atterrissage fut un peu brutal mais il rattrapa le coup. L'embrassant un peu timidement -on n'avait pas demandé un gros roulage de galoche, dans le défi-. Le bord de la table lui coupait un peu la circulation mais il n'y prêta pas grande attention. Il lui mordilla la lèvre, avant de s'écarter de lui. Clairement honteux. Et un peu attisé par tout ça. Il rouvrit les yeux pour croiser son regard, cherchant l'approbation. Et se rassit, avec un sourire en coin, pour reprendre son cocktail comme si de rien n'était.

"Action réussie ? Je sais que c'est pas du jeu mais je te retournerais bien le défi..."

De là à dire qu'il avait aimé ça ? Ce n'était honnêtement pas le baiser le plus agréable qu'il ait connu. Entre le bord de la table, l'arrivée un peu maladroite, il n'avait pas vraiment eu le temps de savourer. Ça demandait à être approfondi, disons...

"A moins que tu préfères qu'on aille chez moi ? Ça pourrait compter comme une action..."

Ou ils pourraient laisser tomber ce jeu stupide aussi, auquel il ne tenait pas particulièrement. Est-ce que sa jambe était en train de chercher celle de Silène, sous la table ? Il semblerait, oui. Et il semblerait que l'on ne tenait plus Octave, maintenant qu'il était sur sa lancée...

Voir la tête de Monsieur Coincé se décomposer au fil des anecdotes, ça n’avait pas de prix, vraiment, c’était trop drôle de le voir réagir comme ça. En même temps, c’était lui qui avait posé la question ! C’était sa responsabilité ! Il rigola en le voyant aussi déconfit. C’était si drôle !

“Hey, c’est toi qui a été trop curieux ! La curiosité est toujours un vilain défaut…” lâcha-t-il amusé, en lui faisant un clin d’oeil mutin.

Il but lui aussi quelques gorgées. Et ces verres se vidaient beaucoup trop rapidement. Bien trop rapidement ! Il avait déjà encore fini son verre ? C’était pas possible, ces verres étaient percés… Il eut un soupir désolé à ce constat, mais heureusement, il avait relancé les défis. C’était une maigre consolation. Il observa l’autre se lever, en se demandant quand est-ce qu’il allait se casser la figure. Il avait vraiment pas l’air très stable. Et… Il faisait quoi, là ? Oh… C’était pas très assuré comme gestes. Enfin, c’était assuré comme les gestes d’un mec beaucoup trop ivre. Il était pas forcément surpris qu’il l’embrasse, mais il était surpris par tous ces détours inutiles. Tout ça pour ça… C’était amusant. Franchement, c’était une soirée des plus drôles. Pas dit que ça fasse plaisir à Octave de savoir qu’il était si comique… Il embrassait pas hyper bien. Enfin… C’était passable. Déjà, Silène était content de pas se faire assommer… Ou de pas avoir perdu une dent dans la manipulation !

“Action réussie…” valida-t-il en riant. “Ah non ! Faut faire preuve d’originalité, sinon le jeu perd tout son intérêt !”

Et il marqua un arrêt, en sentant la jambe de l’autre contre la sienne. Oh… Il s’attendait pas à ce que cet homme prenne ce genre d’initiatives. Il avait l’air si coincé, et là, d’un coup, si entreprenant. Octave avait avec lui l’effet de surprise. Avec ce sourire, et cette détermination charmeuse, il gagnait en charisme. Vraiment.

“Très bien, on va chez toi !” lança-t-il sous le charme de ces initiatives. “Mais avant…”

Il se pencha vers lui, et lui offrit un vrai baiser. Pas un où on a peur pour ses dents. Un baiser langoureux, profond, et un peu taquin. Mordillant sa lèvre avant de se détacher, comme pour lui rendre la pareille. Puis il se leva. Pas très stable, mais quand même plus qu’Octave.

“Je te suis !”

Ils sortirent du bar, et sur le trajet, Silène se permit de fumer une cigarette. Sans doute la dernière de la soirée, il était respectueux, il fumait pas chez les non-fumeurs. Et puis, il espérait bien qu’Octave lui ôte l’envie de fumer pendant un moment… Après tout, ils allaient pas chez lui pour une partie de scrable…

Oh, l'heure n'était plus tellement à l'originalité. Comme Octave le faisait comprendre à son compagnon de soirée par une jambe venue chercher sa comparse, sous la table. C'est qu'il n'était pas aveugle au petit jeu de Silène. Ni insensible à ses propositions, un peu aidé par l'alcool. Et ce baiser, bien que très maladroit et peu agréable pour les deux protagonistes, avait fini de le convaincre. Il n'avait pas relancé le défi par manque d'originalité. Même si, avouons-le, il n'était pas comme un kelpy dans l'eau lors de ce petit jeu. Mais il avait surtout envie de goûter à nouveau aux lèvres du poufsouffle. Et il se sentit aussi fébrile que soulagé que ce dernier accepte sa proposition. Pour ne pas passer tout seul pour quelqu'un qui avait vraiment trop la dalle. Il allait se relever mais se figea aux derniers mots de Silène. Quoi, qu'est-ce qui n'allait p... oh. Ça. Ça allait très bien. Le baiser, nettement plus agréable que le premier partagé, les accorda tous les deux. Il lui sourit lorsqu'ils s'écartèrent et se tint à la table pour se relever. Avec pas beaucoup plus d'équilibre que la fois dernière. Il régla toute la note, sans plus se souvenir de qui avait offert quoi, et ils sortirent tous les deux.

"Il y a un peu de marche..."

Mais dans leur état, impensable de transplaner. Heureusement qu'il n'habitait pas si loin. Ils profitèrent du trajet pour s'échanger quelques autres vérités. Et un ou deux baisers -une fois la cigarette de Silène terminée-, sur un banc, contre un arbre, pour ponctuer le trajet. Bras dessus, bras dessous, ils finirent par arriver au pied de l'immeuble d'Octave. Il s'arrêta, tira sur le bras de son compagnon qui allait continuer et le ramena vers lui pour le plaquer contre la porte de l'immeuble et l'embrasser avec envie, ses mains agrippées aux vêtements du plus jeune. Et puis glissant sur ses bras, ses épaules... A ce rythme, ils n'étaient vraiment pas arrivés. Il fallut qu'il se détache, qu'il fouille dans ses poches pour trouver ses clés et qu'ils gravissent les étages pour enfin se retrouver dans l'appartement d'Octave.
C'était le désordre, plus qu'à l'accoutumée. Même si pour une personne non maniaque, c'était juste un appartement vivant. Des papiers traînaient ici et là, la vaisselle du midi était dans l'évier et n'avait pas encore été faite, les coussins n'étaient pas tout à fait alignés sur le canapé. Rien dont il se préoccuperait dans l'instant, il avait mieux à faire. Ils entrèrent tous les deux, Octave ôta ses chaussures et se débarrassa de ses affaires dans l'entrée et proposa à son invité de faire de même.

"Je te sers quelque chose à boire ?"

Lui, il se prit pour commencer un grand verre d'eau. Et en profita pour sortir les quelques bouteilles de liqueurs et autres alcools qu'il avait, selon les préférences de Silène.

"Fais comme chez toi, installe-toi."

Il n'était pas des plus à l'aise, avec un invité chez lui. Surtout après les avances non dissimulées qu'il lui avait faites. Ce n'était pas dans ses habitudes, loin de là -mais ça le deviendrait peut-être...-. Heureusement, il avait encore un peu d'alcool dans le sang pour l'aider à lâcher prise. Même si la petite promenade dans la fraîcheur nocturne l'avait un peu fait déssaouler. La raison, peut-être, pour laquelle il se servit un verre de vin blanc.

Un peu de marche, ça ne pouvait pas leur faire de mal ! Au contraire, ça allait peut-être les faire décuver un peu. Il marchait quand même un peu mieux que M. Coincé. Enfin, la fumée de cigarette lui faisait un peu tourner la tête. ça faisait un combo assez explosif avec l’alcool. Heureusement que son hôte de soirée faisait des pauses. Et les pauses avaient un goût de cocktail. Et de nicotine grâce à lui. C’était étrangement agréable. Il s’attendait pas à ce que M. Coincé fasse ce genre de pauses sexy en cours de route. Silène ne pouvait pas s’empêcher de surveiller les alentours à chaque arrêt. Parce qu’aussi bourré qu’il était, Silène gardait un instinct de survie, et il savait que les pédés, même chez les sorciers, c’était pas toujours hyper bien toléré, surtout à cette heure avancée de la nuit et de l’alcoolémie.

Silène avançait encore tranquillement quand Octave le tira en arrière. Aoutch. Son dos avait heurté plus fort que prévu la porte. Il allait râler contre M. Coincé, mais il n’en eut pas vraiment le temps. Sa bouche fut vite occupé à autre chose que bougonner. C’était fourbe de lui faire ça. Et en même temps, vraiment excitant. Et ce malgré la douleur dans le dos. Il allait le déshabiller là ? Ou… Ils allaient monter à l’étage ? Il était vraiment déroutant M. Coincé. Qui aurait cru qu’il pouvait avoir autant… D’initiatives…

Il continua de le suivre. C’était vraiment pas ce à quoi il s’attendait. Sous ses airs de ne pas y toucher, il avait l’air rudement sûr de ce qu’il voulait, Octave. Il rentra dans l’appartement. Jetant un oeil curieux. C’était plus vivant que ce qu’il aurait pensé. Il aurait vu un appartement rangé au cordeau. Il posa sa veste et ses chaussures. Il dénotait un peu. Trop coloré dans cet environnement.

“Un verre d’eau s’il te plaît !” demanda-t-il avec envie.

Il avait besoin de se réhydrater. Histoire de comprendre un peu mieux ce qui se passait. Il but son verre d’une traite dès que son hôte lui avait tendu. Il s’assit ensuite sur le canapé. Il ne savait pas bien quoi faire maintenant. Il avait l’air vachement plus à l’aise devant la porte, le Octave. Du coup, c’était maintenant qu’il prenait le relais ? Il en savait trop rien. Mais… Il avait un foulard autour du cou, et l’autre un fantasme à accomplir ! Il attendit qu’Octave s’assoit. Et il s’approcha de lui, félin. Il attendit qu’il ait bien entamé son verre, et le reposa sur la table. Il reprit là où ils s’étaient arrêtés. D’abord un baiser, puis, il le poussa doucement contre le dossier du canapé, et vint s’installer sur ses cuisses, reprenant le baiser avec un peu plus de conviction.

Discrètement, il dénoua son foulard, et profita du baiser pour glisser le foulard sur ses yeux et l’attacher doucement autour de sa tête.

“Autant réaliser tes rêves ce soir…” souffla-t-il mutin. “Enfin… Si tu veux… Moi, ça me fait toujours plaisir d’être le merveilleux inconnu des hommes en détresse…”

Le moment de lucidité fut de courte durée. Ce petit instant durant lequel il se demanda ce qu'il foutait, à ramener chez lui un mec qu'il avait rencontré à peine une heure plus tôt. Non pas qu'il ne sache pas ce qu'il allait lui proposer, hein. On était d'accord pour dire qu'ils n'allaient pas jouer au scrabble, ou alors une version interdite aux enfants qu'on préférerait ne pas connaître. C'est justement le problème. Ils savaient très bien l'un et l'autre pourquoi ils allaient chez Octave et c'est ce qui le fit douter, alors qu'il servait leurs verres d'eau.

Parce qu'aussi inconcevable que cela paraisse vu ses agissements à venir, ce n'était pas dans ses habitudes. Du tout. La drague tout court, d'ailleurs, était sortie de sa vie depuis qu'il avait emménagé à Londres ou presque. Alors non seulement il était rouillé mais en plus de ça, il en venait à penser aux conséquences. Etait-ce encore bien de son âge ? Hm. Il jeta un coup d'oeil à son invité, déforma un peu ses lèvres en réponse à son petit sourire mutin. Et se servit un verre de vin. Il se poserait les questions le lendemain.

Le temps de finir de décanter ses réflexions et il vint s'asseoir aux côtés de son invité. Maintenant qu'ils étaient chez lui, il se sentait un peu plus hésitant. Ce que le plus jeune dû remarquer, se montrant à son tour entreprenant. Tout incertain qu'Octave soit en ce moment, il ne fallut qu'une poignée de secondes pour le convaincre à nouveau. La présence de Silène avait au moins l'avantage de le faire se sentir bien, dans l'instant. Le reste, on en reparlerait. Il l'embrassa, partageant la fougue de son compagnon. Et se laissa faire lorsque ce dernier décida de le pousser pour venir s'installer sur ses cuisses. Le contact, loin d'être désagréable, ne fit que l'asseoir un peu plus dans ses convictions. Le baiser se fit un peu plus approfondi, Octave déposant ses mains sur le torse du poufsouffle, commençant à se familiariser avec ses formes... Et se figea d'un coup alors qu'il sentait quelque chose lui passer devant les yeux. Il faudrait un peu de temps pour que le lien se fasse. Et Silène anticipa, devançant ses neurones qui tournaient au ralenti. Oh. Celle-là, croyez-le, il ne l'avait pas vue venir. Pas de cette façon en tout cas. Au point de le laisser muet et stupéfait. Une partie de lui regrettait déjà cet aveu. Et l'autre.. il soupira. Il n'était plus à ça près, hein...

"Mais ... je ne t'ai pas montré où se situe la chambre."

Comment allaient-ils faire maintenant pour se rendre jusqu'au lit ? De toutes les questions qui lui traversaient l'esprit, voilà celle qu'il avait décidée de formuler. On mettra le choix douteux sur le dos de l'alcool. Et au milieu de toutes ses inquiétudes et hésitations, il y avait quand même une vague de chaleur qu'il ressentait, dans son bas ventre. Il aimait bien l'audace de son invité.

"Autant ne pas mourir ignare, tu seras le merveilleux inconnu."

Et pour sceller ça, il l'embrassa à nouveau. Heureusement que sa main était toujours posée sur la joue de Silène. Il aurait eu bien du mal sinon à ne pas rater le mouvement. De là à voir dans les yeux bandés la meilleure excuse pour avoir des mains baladeuses ? Il fallait bien qu'il reconnaisse le terrain... Tous deux firent durer l'échange un moment avant que des questions plus pragmatiques ne lui reviennent en tête.

"La chambre, c'est la porte derrière le bar, là bas... je te laisse m'y conduire ?"

C'était bizarre, dans son propre appartement. Heureusement que l'alcool l'aidait à lâcher prise, ne pas penser à toutes les conséquences que ça pourrait avoir de se retrouver avec un inconnu chez soi, les yeux bandés. Il n'était pas tout à fait détendu à cette idée pour autant. Mais néanmoins curieux.

La surprise et les inquiétudes d’Octave prêtaient à rire. Vraiment. Silène ne put retenir un grand sourire moqueur. Heureusement que l’autre ne pouvait pas voir qu’il se gaussait intérieurement de ses angoisses en terme de lit et de chambre. Franchement, qui avait besoin d’une chambre pour faire des cochoncetés ? Silène se serait très bien contenté de ce canapé. Mais il ne voulait pas brusquer celui dont il exauçait les désirs. Il voulait qu’Octave se sente bien. Et avoir son aval était aussi nécessaire. Ce qui ne tarda pas à arriver. C’était grisant d’être promu au rang de merveilleux inconnu. Vraiment, c’était grisant et flatteur. Cette soirée se terminait encore mieux que dans ses fous espoirs. Et puis Octave n’avait vraiment plus l’air coincé du tout. Il se laissa aller lui aussi aux caresses, baisers, et autres soupirs lascifs près de ses oreilles. Il aurait probablement continué de déshabiller Octave là, si l’autre homme ne l’avait pas ramené à des questions bassement logistiques. Il y tenait à sa chambre. ça manqua de le faire rire, tellement c’était redondant.

“Oui… T’inquiète, je te guide…” concéda-t-il avec un ton amusé.

Il l’embrassa une dernière fois avant de se lever. Il attrapa sa main, l’aidant à se mettre sur ses deux pieds et tenir en position debout. Puis il le guida lentement, se permettant quelques pauses pour l’embrasser contre un mur ou le désorienter un peu. Quoi ? C’était quand même tentant de le sentir un peu à sa merci. Et puis, on n’a pas un fantasme pareil pour vivre une expérience toute tranquille. Il faut un peu de piquant.

Il poussa doucement Octave jusqu’à le faire tomber dans le lit. Un peu brutalement peut-être. Ou alors c’était Octave qui ne tenait vraiment plus sur ses jambes. peut-être les deux. Mais il ne le laissa pas bien longtemps seul. Le rejoignant avec rapidité. Ils avaient un fantasme à assouvir tout de même !

*
**

La première chose que Silène constata, c’était qu’il avait la gorge sèche, et la bouche pâteuse. Comme un bon gros lendemain de cuite. Vint ensuite la migraine dès qu’il essaya d’ouvrir les yeux. Outch. Dure nuit. Il tatonna à sa droite pour trouver une vieille bouteille d’eau sur sa table de nuit mais… Attendez. Il était pas dans sa chambre là. Il tâta encore un peu à côté de lui et… Oh merde, il avait la main sur une gueule. Et il venait de grassement appuyer sa main sur le nez de ce pauvre homme.

“Me…*kofkof* rde… Pardon… ‘Jour… ”

Il regarda le mec. Il était… Pas glorieux. A la lumière du jour. Il était loin d’être un canon. Passable quoi. Un peu comme lui. Il sourit. Parce que petit à petit la mémoire lui revenait. Et… Y’avait eu du bon dans la soirée.

“T’aurais… T’aurais pas un truc pour la gueule de bois, Octave ?”

Heureusement -ou malheusement, le lendemain nous le dirait- il avait bu suffisamment d'alcool pour ne pas se poser trop de questions. Juste se laisser porter par l'instant présent, en profiter sans penser à rien d'autre. Ça n'arrivait que trop rarement dans sa vie. Lui qui avait ce besoin de tout contrôler en permanence, il était en train de prendre goût à ce lâcher prise.

Il faut dire qu'il avait un petit goût acidulé de cocktail et une audace qui lui plaisait bien. Et puis c'est peut-être ce qui expliquait ce fantasme, allant totalement à l'encontre de ses habitudes. Il se laissait porter. Pas littéralement, quand même, son invité aurait eu un peu de mal. Il avait suivi ses mains, avait râlé un peu pour la forme lorsque Silène s'était amusé à le faire tourner et à lui faire perdre ses repères. Jusqu'à ce qu'il atterrisse sans délicatesse sur son lit, emportant son invité dans sa chute.

Ça avait été déroutant. Peut-être même plus qu'excitant, au final. Mais son invité était habile de ses mains, de ses lèvres, de son corps et ils étaient parvenus à se satisfaire l'un l'autre et à y trouver leur compte.

Plongé dans un sommeil de plomb, Octave sursauta lorsqu'il sentit qu'on lui posait la main sur le visage. Il ouvrit les yeux d'un coup, se redressa, chercha d'instinct sa baguette sur sa table de nuit. Elle n'y était pas. A la place, ses doigts attrapèrent un foulard. Il posa enfin le regard sur l'intrus. Qui n'en était pas tout à fait un. Il relâcha le foulard, se laissa à nouveau tomber sur l'oreiller, dans un soupir. Sa tête tournait. De s'être levé trop vite, oui. Mais surtout des excès de la veille.

"Bonjour"

Il ferma les yeux à nouveau, prêt à se rendormir. Son corps était lourd, sa tête aussi. Et il sentait que la migraine n'était pas loin. Des images de la veille lui revinrent en mémoire. Des sensations, surtout. Il tendit la main pour reprendre le foulard. Ils avaient vraiment fait ça ? Péniblement, ses yeux se rouvrirent.

"Toi aussi ? Tu veux pas.. dormir... un peu plus ?"

Il articula, espérant gagner quelques minutes de sommeil. En vain, visiblement. Dans un soupir, il consentit à se redresser à nouveau. Et posa enfin le regard sur son invité, en baillant à pleine mâchoire. Il cligna des yeux et lui sourit. Il faisait jeune, vraiment jeune. Il n'avait pas souvenir de ça. Probablement qu'il aurait passé son chemin s'il n'avait pas bu autant. Mais ce qui était fait était fait, hein ? Et puis les souvenirs de la veille, ceux qu'il lui restait, n'étaient pas déplaisants. Avec difficulté, il s'extirpa des draps, les emportant avec lui avant de se rendre compte qu'il laissait l'autre homme nu sur le lit.

"Oh, pardon..."

Il lâcha le drap, se retrouvant à son tour cul nu le temps d'attraper un sous-vêtement propre dans sa commode. Il en profita pour passer un pantalon avant d'aller fouiller dans sa salle de bain. Évidemment, il ne lui restait plus de potion anti gueule de bois. Il avait déjà tout fini. Il chopa les ingrédients.

"T'es doué en potions ?"

Demanda-t-il en ressortant de la salle de bain, les ingrédients à la main. La potion anti gueule de bois n'était pas très difficile à réaliser mais dans cet état, il n'était pas certain du résultat. Il restait le thé ou le café, nettement plus abordable dans son état. Retrouvant enfin sa baguette après avoir retourné la moitié des coussins du canapé, il fit chauffer de l'eau et lança la cafetière, avant de sortir deux grandes tasses.

"Installe-toi. Je dois avoir de quoi faire des oeufs brouillés ou des toasts..."

Il n'avait pas très faim pour l'instant mais il lui semblait que ça ne ferait peut-être pas de mal à leur gueule de bois, de remplir un peu leurs estomacs... Ils avaient beaucoup bu et s'étaient dépensés, la veille !

Le prince charmant avait pas l’air d’avoir un meilleur réveil que lui, c’était rassurant en un sens. Il n’était pas le seul à déguster après les festivités. Faut savoir partager la gueule de bois autant que les plaisirs, hein. Et puis il y avait quelque chose d’assez marrant à voir la gueule de l’autre -même si la sienne devait pas être mieux-. Il sourit en le voyant refermer les yeux. Ah oui, c’est dur les lendemain de cuite…

“Vu le marteau piqueur dans mon crâne…. Dormir semble compliqué.” répondit-il d’une voix tenant plus du râle.

Assis sur le lit, Silène patienta. Il sourit en retour à Octave. Il était assez charmant son sourire, ça, ça n’avait pas changé avec le réveil. Il regarda l’autre se lever. C’était un beau spectacle de dos. De charmantes fesses qu’il voyait là. Même si pour cela, il devait se retrouver tout nu sur le lit et sans drap pour faire preuve de pudeur. Comme si la pudeur était quelque chose qui lui correspondait. Il rigola un peu en voyant l’autre s’excuser de sa nudité. Franchement, lui, ça le dérangeait pas de se balader nu. Visiblement, l’autre était pudique pour deux.

Il reprit les draps pour lui faire plaisir. Et s’en drapa avec un certain style. Il avait la flemme de chercher ses affaires. Il ne savait même plus où est-ce qu’il avait pu enlever tel ou tel vêtements. Il verrait ça après la potion anti gueule de bois. Et puis, il fallait avouer que la mode grecque lui allait pas si mal. Il prit le chemin de la salle à manger.

“J’ai mon petit talent dans le domaine… Et j’ai l’habitude d’oublier d’en refaire d’avance… Laisse-moi faire, sweetie.”

Il s’installa à la table, mais plutôt devant le chaudron.

“Hmm… Non merci… Juste un café, je suis pas sûr que digérer quoi que ce soit…”

Il retrouva sa baguette dans son blouson qui traînait sur le canapé, et s’attela à la potion avec concentration et dextérité. Il lui fallut moins de temps que ce qui est marqué dans les livres pour avoir la parfaite potion anti-gueule de bois. Il ajouta un goutte supplémentaire dedans, d’armoise. C’était sa touche à lui. Ca donne un peu plus d’énergie que la potion standard.

“Tu m’en diras des nouvelles… Des mois d’améliorations…”

Il en servit une petite coupette à son hôte et en prit une pour lui. D’ici quelques minutes, ils seraient complètement dégrisés.

Ils n'avaient pas fière allure, l'un comme l'autre, ce matin-là. La veille non plus ne devait pas être bien glorieuse mais elle était enjolivée par l'alcool. Là, ne restaient que le mal de crâne et les douleurs oculaires. Octave déposa tous les ingrédients sur la table et sortit un petit chaudron, ravi que Silène se charge des préparatifs. Il avait l'air bien aux faits de cette potion-là. Si ça ne tenait qu'à lui, il lui aurait fallu fouiller dans sa bibliothèque pour retrouver son manuel de potions et se rappeler des quantités exactes. A la place, il s'installa à table, puisque le petit dejeuner n'était pas de mise, et le regarda faire, un sourire amusé sur les lèvres.

"Tu m'as l'air expert en la matière !"

Lança-t-il une fois la potion concoctée, pour ne pas le déconcentrer pendant son oeuvre. De son côté, il avait préparé leurs cafés -nettement plus simple, même si selon le dosage on pouvait passer d'un bon café à un odieux jus de chaussette- et il le servit dans leurs deux tasses. Avant d'attraper le verre que Silène lui tendait. Il fit tourner le verre dans sa main, observant un instant le liquide. Et le sentit. Ca n'avait pas tout à fait l'odeur habituelle. L'amélioration dont il parlait ? De toute façon, au point où il en était, il ne perdait plus grand chose à la tenter et n'attendit pas plus avant de l'avaler cul sec. Au goût, on était toujours proche de la potion qu'il connaissait. C'était toujours aussi infâme. Et ça laissait une impression âpre sur la langue, donnant l'impression d'être doté d'une langue de chat. Mais Silène n'avait pas menti. Il n'avait pas fini son café que déjà le mal de tête commençait à s'estomper, la nausée avec. Ses yeux ne tiraient plus et ne criaient plus à l'assassinat dès qu'il levait le regard en direction d'une des fenêtres. Bientôt, ça ne serait plus qu'un lointain souvenir. Et il en serait peut-être de même pour le blondinet. Octave n'insista pas pour le petit déjeuner. Il n'avait pas vraiment envie d'avaler quoi que ce soit non plus. Ils terminèrent leurs tasses de café, échangeant quelques banalités. Et ce fut l'heure de se dire au revoir. Octave aida le plus jeune à retrouver ses affaires éparpillées, d'un coup de baguette. Et profita qu'il se rhabillait pour faire un peu d'ordre dans sa cuisine et dans le reste de son appartement.

Aussi honteux qu'il était de son comportement de la veille au soir, on ne pouvait pas dire qu'il regrettait. Les quelques souvenirs qu'il en avait gardés étaient plus qu'agréables. Et ça lui avait fait du bien, aussi éphémère que ce soit. Ainsi remercia-t-il le blond en le raccompagnant à la porte, avec un dernier sourire. Et après un temps d'hésitation, un dernier baiser, rapide, sur le coin des lèvres.

"Merci pour ta compagnie. Et peut-être à une prochaine fois, qui sait ?"

Il lui fit un clin d’œil et le regarda s'éloigner avant de refermer la porte. Et de lâcher un long soupir. Il allait vraiment falloir qu'il reprenne sa vie en main. Oui. Mais pas tout de suite. Là, il allait surtout se rouler dans ses draps à nouveau. Le reste, on verrait plus tard.