Bend the Knee [Loïs & Octave]

A peine deux semaines qu'Octave était arrivé et les dossiers commençaient déjà sévèrement à s'empiler sur son bureau, recouvrant ceux déjà laissés par son prédécesseur. On ne lui avait laissé le temps de rien, transporté de réunion diplomatique en réunion soporifique. On ne lui avait pas vendu le travail de la sorte. Tôt ou tard, il faudrait qu'il fasse un point avec son directeur à ce sujet. Mais il fallait se donner le temps. Et plus urgent encore que ses dossiers, il avait à peine croisé ses équipes depuis qu'il était arrivé. Tout juste le temps de se présenter oralement devant tous et il était reparti en réunion. Pour s'efforcer d'y remédier, il s'était planifié des rendez-vous avec chacun d'entre eux. Chaque jour de la semaine, en milieu d'après-midi. Et s'était pris une petite demi-heure avant pour les préparer.

Aujourd'hui, c'était au tour de Loïs Valentine. Le prénom lui était familier. Et la veille, il s'était souvenu pourquoi en le croisant en sortant des wc. Ils s'étaient déjà rencontrés. Les souvenirs dataient et il ne s'en souvenait plus très bien. Mais le père de Valentine faisait partie des têtes connues. Encore plus dans le milieu des sangs-purs français. Heureusement, le temps avait passé et cette lointaine amitié enfantine -si on pouvait nommer ça comme ça- ne devrait rien changer aux relations qu'ils entretiendraient. Il le souhaitait, en tout cas.

Comme tout bon chef d'équipe qui se respecte, Octave avait laissé traîner ses oreilles. Il avait récolté différents sons de cloche sur Valentine, certains plus plaisants que d'autres. Ce qui n'empêchait pas qu'il se ferait sa propre opinion. Dans l'ensemble toutefois, les gens semblaient satisfaits de ses compétences. Au travail. C'était déjà ça.

Il sortit de son bureau pour aller chercher le formulaire d'entretien à remplir et s'enquérir de dernières informations, quelques minutes avant l'heure du rendez-vous. Et partit chercher une nouvelle plume dans le placard à fourniture, la sienne commençant à gratter le papier.

Et laissez-moi vous dire qu'il ne s'attendait pas DU TOUT à trouver ce qu'il vit dans le placard à fournitures. Déjà parce qu'habituellement, personne n'allait se fourrer là dedans, c'était à peine suffisamment grand pour y tenir à deux. Et ... les deux qu'il y surprit y tenaient, tout juste. Il fallait que ce soit Valentine. Et un autre visage qu'il ne connaissait pas et qui n'était probablement pas dans son équipe. Les épaules l'en tombèrent. Il soupira, lança un sort pour faire venir à lui la plume qu'il était venu chercher.

"Besoin de vous détendre avant notre rendez-vous, Valentine ?"

Il les regarda l'un, puis l'autre. Au travail, avec tout les dossiers en cours.. n'avait-il vraiment pas mieux à faire ? Ca confirmait quelques rumeurs qu'il avait entendues. Et ça n'était pas forcément une bonne chose.

"Rhabillez-vous, Valentine. Je vous attends dans mon bureau. Vous finirez vos petites affaires hors des horaires de travail."

Faisant demi-tour, il referma la porte du placard et se dirigea vers son bureau. Il laissa la porte entrouverte et se rassit, attendant patiemment que Loïs pointe le bout de son nez. Il se releva lorsqu'il le vit enfin arriver, après quelques longues minutes et lui pointa le siège face à lui avant de s'y rasseoir.

"Loïs Valentine, c'est bien ça ? Installez-vous. Besoin d'un petit désaltérant peut-être ? "

Il pointa du doigt les mugs alignés dans la vitrine derrière lui et en fit venir deux à lui.

Quoi de mieux, entre deux papiers barbants, que de croiser le regard d'une bien belle de direction du département de la Justice Magique au détour d'un couloir un jour ou le travail vous ennui plus que tout au Monde. Loïs Valentine était un garçon droit, en ce qui concernait le professionnalisme attendu d'un employé du département de la Coopération Internationale Magique. Il remplissait ses mémos avec soin, préparait ses réunions et soignait sa présentation. Quand aux relations internationnales en elles même ? On avait rarement connu plus courtois et taillé pour ce métier. Il maniait la langue de bois à la perfection. Faut dire, il avait hérité d'un père qui graissait la pâte de tellement de gens hauts placés, forcément, c'était presque inné. Il savait se montrer un peu plus acide parfois lorsque l'envie lui en prenait, et depuis quelques années qu'il avait commencé ici, on aurait presque dit qu'il s'était assagit. C'était surtout qu'il trouvait de quoi se défouler à l'extérieur. Quand le temps le lui permettait.

Aujourd'hui, il avait beaucoup à faire. Mais comme il avait une entrevue avec le nouveau responsable du département, il avait intérêt à être sous son meilleur jour. Hors, il ne l'était pas. Déjà parce que cette histoire avec Ash Nightingal n'allait pas tout à fait dans le sens qu'il l'aurait souhaité. Et puis parce qu'il avait passé un sale weekend à Paris à poireauté pour rencontrer un porte parole du président français -oui parce que ce merdeux arriviste n'allait pas le rencontrer lui, hein, fallait pas rêver- pour rien ou presque. Bref, un lundi de mauvais poil, il n'avait pas fallu plus qu'un regard avec cette jeune femme qu'il croisait parfois dans les couloirs pour que quelques secondes plus tard ils se retrouvent la langue dans la bouche de l'autre mutuellement. C'était bien, les placards, pour ça. Ils avaient à peine leurs chemises sorties et à moitié déboutonnées et leurs ceintures défaites qu'on venait les interrompre. Quelle impolitesse, on frappait avant d'entrer, merde !

« Mr. Sylvanet. Je suis à vous dans une... cinq minutes. »

Il lui sourit, d'un air mi insolent, mi poli, attendant qu'il referme la porte pour retourner à ce qu'il avait commencé. Même la jeune femme de son âge environs n'en revenait pas du naturel avec lequel il venait de répondre à son supérieur hiérarchique. Bah quoi. Quitte à prendre un blâme, autant en profiter, non ? Il ne leur fallu pas longtemps avant de retourner à ce qu'ils avaient entamé, et une fois leur petite affaire terminée, se rhabiller correctement. Elle lui sourit, et lui dit à la prochaine, et il lui répondit de même avec un baiser soufflé depuis sa main, avant de reprendre le couloir en direction du bureau du fond.

Sylvanet. C'était un nom qui lui disait vaguement quelque chose, et il avait dû redemander à sa mère avant de remettre le pré adolescent qu'il avait vu une fois à une soirée organisée par le paternel à Paris.

« Belle après midi, pas vrai ? »

Il dit en montrant le temps radieux dehors -meme s'il faisait plus allusion à sa partie de jambe en l'air précédente, prit un siège en face du bureau de l'autre, tandis que ce dernier attirait des mugs vers lui. Loïs n'aurait pas dit non à plus frais, mais que voulez vous, ces adultes et leur besoin de boisson chaude... Il attendit que ce dernier lui ait versé le thé pour le glacer à l'aide de sa baguette, et le siroter.

« Toutes mes excuses pour ce dont vous avez été témoin un peu plus tôt. J'oublie souvent l'utilité des verrous, aux portes. »

Il prit un air penaud un peu crédible. Un peu. Il était encore trop exalté par l’adrénaline de ses ébats pour arriver à être plus appliqué que ça.

« Sachez que ça n'entrave à rien mon efficacité au travail, cela dit. Je suis sur mon rapport sur l'entrevue de ce weekend avec le porte parole du président Français. Vous l'aurez demain matin sur votre bureau. »

Il finit, posant son mug et prenant place plus confortablement sur sa chaise. Il observa le bureau qui l'entourait, posant ses yeux un peu partout. Il ne connaissait rien de lui, au final, si ce n'était ce côté "grand garçon" qu'il s'était donné à l'époque quand lui n'avait que quoi... six ans ? Et les scandales de sa famille. Valentine Senior avait beaucoup à raconter sur lui. Loïs tenait à se faire sa propre opinion.

Quelque chose lui disait que Loïs Valentine n'allait pas être des plus faciles à gérer. L'insolence dont il avait fait preuve lorsqu'il avait ouvert le placard en disait long. Et il espérait ne pas avoir à entrer en conflit avec lui directement. Ni devoir lui coller un blâme.

Patiemment, il attendit jusqu'à ce que le brun arrive, espérant que le temps qu'il trouvait long soit pour se rhabiller et pas pour finir son affaire. Il n'en était pas certain. Mais peut-être valait-il mieux qu'il ignore ce genre de chose. Il faudrait qu'il en tienne informé le responsable de la femme qu'il avait surprise avec lui, qu'il ne connaissait pas. De chouettes moments en perspective.

Il préféra ignorer les allusions de Loïs, ou plutôt ne pas y répondre, se contentant d'amener à eux les boissons chaudes. Dans les formations de management, on ne leur apprenait pas à gérer ce genre de cas. Il attrapa sa tasse, écouta les excuses à peine provocatrices du brun. Se retenant de lui dire qu'il omettait surtout l'utilité de son travail. Bon.

"Que ça ne se reproduise pas."

Sans mauvais jeu de mot. Oui, il avait entendu que c'était loin d'être la première fois de Loïs Valentine au travail. Mais il n'était pas supposé le savoir. Et ça lui donnerait l'occasion de lui passer une vraie soufflante si ça recommençait.

"Certains se montreraient moins complaisants. Je compte sur vous pour me donner raison."

Même s'il doutait que ça passe à Valentine l'idée d'aller littéralement se fourrer dans tous les placards avec la première venue.

"Et c'est indépendant de votre efficacité au travail. Mais vous m'en voyez ravi."

Il prit une nouvelle gorgée de thé et reposa la tasse sur sa coupelle.

"Bien. J'ignore ce que vous avez entendu sur moi et ça ne me regarde pas. Je crois me souvenir que nous avons déjà eu l'occasion de nous rencontrer. Mais c'était une autre vie, n'est-ce pas ?"

L'espace d'une seconde, il eût un petit sourire. Qui se referma bien vite. Ses souvenirs du jeune Valentine étaient flous. Et il ne doutait pas qu'ils le soient d'avantage pour le plus jeune, vu leur écart d'âge.

"Je pense qu'une petite présentation s'impose. Je vais commencer, si vous êtes d'accord. Je m'appelle Octave Sylvanet, mais ça vous le savez déjà. J'ai 35 ans et j'exerce au Ministère Anglais depuis maintenant cinq ans, auparavant en temps que directeur d'audience au Magenmagot. Je viens d'être nommé à ce poste, vous ne l'ignorez pas non plus. Avant ça, j'étais au Ministère Français de la Magie."

Il omis de parler des quelques années d'errance entre Paris et la Haute-Savoie, lorsque son frère l'avait fait licencier du Ministère Français. Ça n'avait pas sa place ici.

"Je vais tout faire pour que l'on travaille bien ensemble. J'ai eu de bons échos de vous, je sais que vous êtes fiable."

Et c'était sincère. Il savait aussi Valentine Senior proche des Deathwings, du moins par ses idées. Mais ça ne lui posait pas de problème. Il ne rejetait pas l'entièreté de leurs idées, loin de là.

"Est-ce que vous avez des questions ? Je ferai mon maximum pour vous répondre en toute transparence, puisque nous allons être amenés à nous côtoyer quotidiennement. Et pouvez vous présenter à votre tour ?"

Il termina sa tasse de thé, fit revenir l'eau chaude pour s'en servir une deuxième tournée et s'assura que Valentine en ait encore avant de renvoyer la bouilloire.

"Que ça ne se reproduise pas"

Loïs avait presque pouffé de rire dans son thé, vraiment. Est-ce qu'il croyait qu'ils n'avaient pas essayé de le faire arrêter, ceux d'avant ? C'était bien parce qu'il avait de la famille au Ministère qu'on lui fichait la paix là dessus, Loïs se sentait, si ce n'était intouchable, en tout cas bien protégé. Et puis ça n'était pas comme si ça posait des problèmes, il ne le faisait pas sur son bureau non plus. Quoi qu'il pourrait. C'était à noter. Mais non il n'était pas dépravé à ce point juste... jeune et plein d'opportunités. Et ce travail demandait bien un minimum d'opportunités si on ne voulait pas pêter un plomb.

Sauf si on s'appelait Robot man Octave Sylvanet. Merlin qu'il parlait de façon bien trop rigide, est-ce qu'il avait un Nimbus dans le derrière, aussi ? Loïs retint son roulement d'yeux du mieux qu'il put, et écouta sa présentation tout en sirotant son thé à nouveau. Oui, il savait tout ça. Et Il l'avait probablement croisé au Ministère Français mais avait oublié cette rencontre. Quoi qu'il avait de vagues souvenirs... Effectivement, tout gamin, on l'avait présenté à cet espèce de chauve souris émo qui avait bien grandit depuis. Il faisait au moins deux mètres, ce type. Il faisait partie d'une grande famille puissante en France alors forcément... Mais maintenant, on présentait à Loïs plus de potentielles épouses que de jolis garçons. Enfin. Joli... Il avait un charme avec sa tête de chat égyptien. Peut être s'il avait un peu plus d'expression. Bref, Loïs divaguait en songes. Histoire de ne pas être impoli.

« Je le suis. Fiable, efficace, je vais généralement au fond des choses. »

Il dit, d'un air tout aussi naturel que pour le reste, ce qui laissait VRAIMENT planer le doute sur si oui ou non ce choix de mot était volontaire ou non. Oups. Il enchaîna histoire qu'Octave n'ait pas tellement le temps de trop réfléchir.

« Et je n'ai pas de question, pour le moment. Pour ma part je suis Loïs Oscar Valentine, fils de Victor Osric Valentine et de Velma Andersen. J'ai grandit en France mais ait effectué mes premières classes à Durmstrang, puis j'ai effectué un cursus en sciences politiques à l'Université Magique de Londres avant d'entrer en stage puis en poste au département de Coopération magique. Je suis trilingue Danois, Français et Anglais et je fais mes preuves ici depuis plusieurs années... Avec-vous d'autres questions, Mr. Sylvanet ? »

Il sourit, poli mais un peu félin malgré tout. Il reposa sa tasse à son tour, et puis repris avant qu'il n'ait tellement le temps de réfléchir.

« Je me demande simplement si vous avez changé, depuis ces quoi... presque vingt ans ? Je crois que vous avez vu que j'avais des activités extra curiculums, j'ai aussi d'autres passions en dehors du travail. Certaines me sont utiles lorsqu'il s'agit de coopération magique. Certains verses des liasses de billets et des pièces d'ors, mes talents font que je possèdes des secrets. »


Il attrapa un bibelot, un genre de statuette, repose plume ? Pour le faire tourner dans ses doigts de façon à les occuper. Il était toujours curieux, et un peu touche à tout.

« Oh et je suis un animagus confirmé. Mais ça vous avez dû le lire dans mon dossier. »

Au fond des choses, n'est-ce pas ... Octave ne releva pas, se contentant de regarder le brun, d'un air toujours égal. Il avait bien cette impression que Valentine essayait de le tester. Etait-ce pour cette même raison qu'il s'était enfermé dans un placard juste avant leur rendez-vous ? Allez savoir.. Quoi qu'il en soit, il était bien décidé à ne pas répondre aux provocations. Pas si vite. Il écouta le plus jeune se présenter, acquiesçant de la tête à l'évocation du père Valentine, qu'il connaissait tant de visu que de réputation. Plus d'une fois, il avait eu affaire à lui lorsqu'il travaillait au Ministère Français. Mais ça commençait à remonter.

"Beau parcours..."

Commenta-t-il simplement. Bien sûr, il avait d'autres questions. Mais chaque chose en son temps. D'autant que Valentine semblait avoir envie de parler. Bien, cet entretien était aussi l'occasion de le laisser s'exprimer pour apprendre à le connaître. Et là dessus, il ne pouvait pas être déçu.

"Presque vingt ans oui, si mes souvenirs sont exacts. Bien sûr, j'ai changé. Ca serait inquiétant sinon. Vous avez changé aussi. Et je serais bien embêté avec un garçon de six ans ici."

Hein ? Second deg-quoi ? Non, il n'en était pas à ce point. D'ailleurs, il avait souri. Un peu. Juste de quoi retrousser ses lèvres légèrement, n'exagérons pas non plus.

"D'autres passions ? Est-ce que vous pouvez m'en dire plus ? Des talents, hein ?"

Il espérait qu'il ne faisait pas mention de ses talents dans le placard. Mais il n'en était pas bien sûr, vu les insinuations de Valentine. Si c'était le cas, il faudrait qu'il lui explique que les négociations ne devaient pas se faire sous un drap. En théorie... En pratique, il savait que les choses n'étaient pas toujours propres, ici comme ailleurs. Et lorsqu'il ne s'agissait pas de coucheries, d'autres formes de corruption ou de pots-de-vin prenaient le relais. Il n'avait pas l'ambition de tout remettre droit. La majeure partie des affaires ne le regardaient pas. Et il fallait parfois se donner les moyens.. Mais il n'approuverait pas qu'un membre de son équipe ait à donner de son corps pour faire plaisir à la diplomatie.
Octave fronça les sourcils en voyant Valentine attraper son repose-plume. Mais il le laissa faire. Il n'aimait pas beaucoup que l'on touche à ses affaires. Pour autant, il ne tenait pas à le montrer tout de suite.

"J'ai lu ça. Animagus chat, c'est bien ça ? C'est un beau talent. Vous êtes déclaré, vous avez donc le droit d'employer cette forme. Tant que vous restez dans les limites de la loi. Mais je ne doute pas que vous le fassiez, bien sûr."

Lui-même avait envié les animagus, quand il était plus jeune. Mais devenir une tortue, ça ne l'avait jamais trop tenté. Certains étaient plus gâtés par la magie que d'autres. Chat, ça avait l'air de bien lui aller, à l'énergumène qu'il avait en face de lui.

"J'ai eu l'occasion de travailler avec votre père plusieurs fois. Il vous l'a peut-être dit. Comment va-t-il ?"

Naturellement, il était passé au français, qu'il avait bien moins l'occasion de pratiquer ces temps-ci. Il ne doutait pas que Loïs puisse lui répondre, après tout il était préposé aux affaires en coopération avec la France. Et né là bas, s'il se souvenait bien.

"Il doit être préoccupé, avec les affaires de ces Deathwings, non ? Nous le sommes tous... "

Oui, il était curieux. Et avait eu plus d'un écho sur le rapprochement de Valentine à ce groupuscule. De son côté, il n'avait pas d'opinion ferme sur eux. Il partageait certaines de leurs convictions. Mais en public, il suivait bien entendu les directives du Ministère.

Le côté premier degré de son interlocuteur amusait et destabilisait un peu le jeune Valentine, mais pas assez pour qu'il le laisse voir. Ensuite... Ce serait mentir que de dire que Loïs avait beaucoup de souvenirs d'Octave, vu l'âge qu'il avait à l'époque. Il se souvenait juste d'un grand garçon, un peu cool et un peu ténébreux pour le morveux qu'il était à l'époque. Il avait déjà une sacrée carrure étant petit mais là, Loïs avait l'impression d'être face à un géant. Ou un demi géant. Mais c'était impossible, jamais son père ne l'aurait invité à l'une de leurs soirées mondaines s'il avait eu ne serait-ce qu'une goutte de sang-mêlé. Par contre, lorsqu'il avait appris que ce dernier allait être son supérieur hiérarchique, Loïs avait effectué quelques recherches et avait trouvé bizarre qu'il soit remercié du Ministère de la Magie Française. Mais rien de plus. A part qu'il n'avait plus l'air de fréquenter non plus les soirées de son père et ses amis. La politique avait toujours son pan de petits secrets, et comme il s'était appliqué à le lui expliquer, Loïs en était friand.

« Oh, je crois que vous avez eu un aperçu de mes savoir-faire un peu plus tôt. »

Il dit, souriant comme le félin qu'il était.

« Mais pas seulement. J'ai un don pour me montrer convainquant, et je sais être parfaitement diplomate en toute circonstance. Enfin, dans le cadre du travail bien sûr. »

Il s'était assis plus en profondeur dans son siège pour appuyer ses mots, et avait croisé une jambe nonchalament. Gosh ce qu'il était coincé. Ouiiii il était professionnel. Et non, il ne mettrai pas le Ministère en porte à faux concernant ses transformations. Même s'il avait bien envie d'en abuser, en ce moment. Il en avait abusé déjà pas mal ces mois derniers à vrai dire. Mais pas d'une façon qu'Octave Sylvanet avait besoin d'apprendre. Il sourit à nouveau en entendant l'autre homme parler Français.

« Il se porte comme un charme. Il m'a demandé de vous passer ses amitiés, lorsqu'on se rencontrerait. »

C'était un pieux mensonge. Son père lui demandait toujours de faire des ronds de jambes auprès du Premier Ministre et de ses supérieurs. Il était toujours bon d'avoir des gens hauts placés dans sa poche, semblait-il. Qu'on les méprise ou non n'était pas le problème. Alors ce genre d'amitiés, hein.

« Vous le savez, ma famille ne se préoccupe pas trop de ce qui ne lui fait pas d'ombre. Après tout, ce ne sont pas les sorciers de notre sang qui étaient visés à cette soirée là. »

Il laissa sur la table, pour voir ce qu'en dirait Octave. Et puis il feint l'embêtement. Bien qu'il n'ait pas vécu la soirée de sa vie, non plus, il n'avait jamais vraiment couru de véritable danger... pas vrai.

« Cette organisation a un gros problème d'image, si vous voulez mon avis. Ils gagneraient à faire moins de vague et à ne pas se comporter comme de vulgaires terroristes. Vous allez avoir du travail dans les mois à venir. »

Il conclut, l'air compatissant. Ca devait être une sacrée pagaille dans certains bureaux. Déjà que de son côté, il avait beaucoup de travail à calmer certains hauts dignitaires tout en préparant leurs allers et venus.

Donc c'était confirmé, Valentine était fier d'ajouter la coucherie à ses talents professionnels. Octave le regarda, l'air encore plus blasé qu'il ne l'avait eu jusqu'à présent. Il n'était pas bien d'accord avec ça. Il posa ses coudes sur le bureau, laissa échapper un souffle. Ce n'était pas un entretien fait pour cela. Il n'était supposé que faire connaissance avec Loïs. Pas le recadrer sur des pratiques qu'il jugeait indignes de ses services.

"Je ne doute pas que vous puissiez être convainquant et diplomate. Pour le reste... Mon prédécesseur était-il au courant ?"

Oh, il avait déjà une petite liste de reproches à son égard. Ca n'en serait qu'un de plus à ajouter. Il s'agissait surtout de savoir de quelle façon il aborderait les choses avec lui. Une prochaine fois. Que Loïs soit doué pour être diplomate ou pour offrir son corps n'avait rien à faire dans l'histoire. Il n'approuvait pas quoi qu'il en soit. Et autant ça lui serait égal s'il l'apprenait de façon détournée, autant il ne pouvait pas le laisser passer en l'entendant de la bouche du principal intéressé. Il en allait de sa réputation à lui, aussi.

"Nous aurons l'occasion d'en discuter à nouveau."

Octave sourit, de façon tout sauf naturelle, lorsque Loïs lui passa le bonjour de la part du paternel Valentine. Il n'était pas certain d'avoir envie de ses amitiés, non plus. Il avait eu l'occasion de le côtoyer et de travailler avec lui lorsqu'il travaillait au Ministère Français. Un peu moins, depuis. Mais il savait son frère proche de Valentine, son père aussi. Ce qui n'avait rien de réjouissant. Heureusement, l'un comme l'autre connaissaient leur intérêt à garder le silence sur les affaires familiales. Et lui, moins il se tenait proche d'eux, mieux il se portait.

"Malheureusement, lorsqu'ils visent la sécurité nationale, c'est nous tous qui sommes touchés."

Il balança, presque machinalement, les arguments du Ministère. A titre personnel, il se sentait surtout touché parce qu'il ne pouvait à présent ignorer leur présence du fait de son travail. En dehors de ça, cette petite guerre lui passait bien au dessus.

"Vous comptez les contacter pour les conseiller sur leur image de marque ?"

Il sourit, essayant de faire un trait d'humour.

"Nous allons tous avoir du travail"

Il rectifia, ne laissant pas Loïs se détacher de l'affaire. Elle les concernait tous. Même s'ils n'étaient pas les plus touchés, les relations internationales s'inquiétaient aussi des agissements de ce groupuscule.

"Mais je suis ravi d'apprendre qu'ils ne vous préoccupent pas. Il est de notre devoir, ici, au Ministère, de vous assurez que vous êtes en sécurité. Et malgré la menace, sachez que le Ministère fera tout pour vous protéger."

Et voilà une deuxième phrase répétée de façon automatique. Les beaux discours qu'on leur demandait de répéter pour rassurer les troupes. Loïs ne semblait pas particulièrement inquiet mais il se devait de le répéter à tous.

"Il va de soi aussi que l'on attend en retour de vous que vous me préveniez, si vous veniez à être au courant de leurs agissements ou étiez amené à être en contact avec l'un de ses membres. Le Ministère compte sur vous, bla, bla, bla..."

Il déroula son poignet, mimant tout le discours qui en découlait et qui de toute évidence le blasait un peu. Il ne croyait pas le moins du monde que de tenir informés les salariés de tout ça changerait quoi que ce soit. Il n'était pas naïf au point de penser que si certains étaient au courant des agissements des DeathWings, ils en tiendraient au courant le Ministère. Et de toute évidence, s'occuper de cette organisation ne faisait pas partie de ses priorités, loin de là.

"Bien. J'ai un rendez-vous la semaine prochaine à Paris, avec mon homologue français. Je souhaiterais que vous m'accompagniez. Nous ne seront pas trop de deux face à lui. Et ce sera l'occasion de faire plus ample connaissance... Cela vous convient ?"

Il l'informait, plus qu'il ne lui donnait son avis mais ça n'empêchait pas un semblant de politesse.

Il était TRES difficile pour Loïs parfois, dans l'exercice de ses fonctions, de ne pas rouler des yeux dans ses orbites jusqu'au plafond. C'était tout un exercice de maîtrise de soi et de sourires de façade. Et il était devenu très bon à ça. Comme au reste, comme il l'expliquait si bien à son nouveau patron. Gosh. C'était vraiment ça, son nouveau patron ? A ce niveau là c'était le tout dernier modèle de Nimbus ou d'Eclair de Feu qu'il avait dans le postérieur. Est-ce qu'il était naïf au point de croire que dans le métier, c'était chose rare que de coucher avec un ou une sénateur.trice ? Hors cadre de ses fonctions ou non, le gratin, ça ne faisait que ça ou presque. Bien sûr il fallait prendre ses précautions, et il n'était pas non plus à ce point versé dans le chtupre pour se taper tous les coincés de la Terre, mais ça arrivait, oui. Et c'était utile dans le travail, aussi.

« Il l'était, et il regardait de l'autre côté. Si ça peut vous rassurer je ne fais pas ça sur les heures de bureau. Enfin... Bref. »

Pas pour le travail, quoi. Mais là c'était sa pause. On n'allait pas l'empêcher de fricotter pendant sa pause maintenant, si ? Ohlala, que ça allait être compliqué. Il écouta sagement le reste, et acquiesça quand ce dernier le repris. Oui bon, bien sûr, il allait avoir masse de travail aussi. Il en avait déjà un paquet, à devoir rassurer les célébrités en visite sur l'archipel, c'était un concert de ronds de jambe et de mots rassurants et de faux semblants, appuyés par des "faits". Oui, le Ministère avait déployé d'avantage d'Aurors pour mener l’enquête et protéger les plus hauts placés. Mais aussi bruyants et fracassants qu'avaient été les Deathwings pour leur entrée ? Loïs ne les pensait pas idiots au point de se faire attraper si facilement.

D'un autre côté, il ne put s'empêcher de sourire lorsqu'Octave tenta de le "rassurer" quand à sa sécurité. C'était mignon, et il n'avait pas tellement l'air d'y croire non plus.

« C'est bien aimable à vous, enfin, au Ministère de penser à la sécurité de ses petites mains. Je dois avouer que je me demande s'ils savent seulement qu'on existe, en dehors des têtes de département... Mais la pensée est là. »

Il se permit, sachant que nouveau chef ou pas il était évidement qu'avec son nom seulement il avait quand même pas mal de passe-droits. Mr Sylvanet allait s'en rendre compte bien assez tôt. Ce qu'il lui annonça ensuite l'intéressa d'avantage que tous les blablas protocolaires, ceci dit. Un voyage d'affaire, donc, en sa compagnie ? Ca voulait dire de la paperasse avant et après, mais enfin un peu de mouvement ! Loïs avait beau être moins un garçon de terrain et il n'aimait pas particulièrement se mouiller (c'était un chat jusque là, voyez vous) mais voir du pays et changer de la routine de bureau monotone, ça oui, ça le branchait. Il se garda bien d'avoir l'air trop enthousiaste, et sourit poliment.

« Vous m'en voyez ravi. Je pense que je peux dégager mon agenda pour ça. »

Il sorti un petit livre avec une couverture en cuir ouvragé, tapa l'ouverture avec sa baguette et feuilleta pour tomber sur la bonne semaine, déplaça quelques rendez vous de la même façon et une fois les mots envoyés et replacés, il nota cette nouvelle information.

« Je m'occuperai des réservations. Avez vous des exigences particulières quand à l'emplacement et au standing ? Allergies alimentaires peut être ? Quel est notre budget, qui nous accompagnera et surtout, avec vous déjà vos rendez vous ou dois-je m'en occuper aussi ? »

Quand je vous disait que c'était un assistant on ne peut plus professionnel. Octave Sylvanet allait apprendre ce que c'était que de voyager avec un Valentine comme planificateur. Il rangea son livre, et se leva, l'entrevue probablement bientôt terminée.

Une chose était certaine, Loïs allait lui donner du fil à retordre. On passait sur l'insolence dont il semblait savoir faire preuve. C'est surtout sa façon d'assumer de manière décomplexée qu'il s'offrait au premier venu pour la diplomatie ou pour toute autre raison qui le préoccupait. Et savoir que son prédécesseur était au courant -aux dires de Loïs, mais il n'irait probablement pas le vérifier auprès du concerné- n'arrangeait rien à l'affaire. Enfin. Il s'en préoccuperait en temps voulu. Pour l'instant, il avait d'autres chats à fouetter -non, pas Loïs-.

Il ne releva pas non plus les railles du brun sur le ministère. Son boulot, c'était de dire à chacun qu'ils étaient en sécurité et qu'ils comptaient pour le ministère. Voilà les paroles officielles. Ce qu'il en pensait... ça n'entrait pas en ligne de mire. Et ça lui était bien égal que Loïs veuille remettre ça en cause. Si ça ne tenait qu'à lui, il se serait bien gardé de tenir ce genre de discours qui à ses yeux ne servait strictement à rien. Mais ça faisait plaisir à ses supérieurs... Et son arrivée était encore suffisamment récente pour qu'il veuille leur faire plaisir et qu'il respecte les consignes.

En parlant de consignes, il sourit, ravi que Loïs ne cherche pas à décliner la proposition de voyage à Paris. Même s'il ne s'agissait pas vraiment d'une proposition... Octave l'observa faire, songeant qu'il posait beaucoup de questions, sans doute dans l'espoir de paraître...concerné par son travail ?

"Je n'ai pas encore toutes les informations, je vous les communiquerai en temps voulu. Nous irons à deux, nous serons accompagnés sur place d'un auror français. Le rendez-vous est déjà fixé."

Il lui fit signe qu'il en avait terminé et qu'il pouvait ranger son calepin qu'il venait d'ouvrir. Et se releva après avoir déposé sa plume à côté de l'encrier.

"Le ministère a une liste d'établissements dans lesquels nous sommes autorisés à séjourner. Une affaire de sécurité. Vous les trouverez sans mal, je pense. Vous avez d'autres questions ?"

Il le raccompagna vers la porte, l'ouvrit.

"Merci Valentine. N'hésitez pas à venir me voir si vous avez des questions ou besoin de quelque chose, je suis aussi là pour ça. Et je n'ai pas d'allergies alimentaires. Faites selon votre convenance."

Un soupir glissa de ses lèvres lorsqu'il referma la porte derrière lui. Ça n'allait pas être une mince affaire, de travailler avec Loïs. Mais c'était les joies du ministère. Lui-même était pistonné, comme la majorité des personnes présentes en ces lieux. Ce qui ne simplifiait jamais les choses.