Sadly Ever After

La pluie n'empêchait pas les gens d'acheter des pâtisseries. Ses pâtisseries, en tout cas. Et l'idée même était rassurante, surtout aux vues des derniers mois. Si Nathanael n'avait pas retrouvé la fréquentation qu'il avait avant la perte de sa magie, c'était... hnnorable. C'était viable, tout juste. Mais il aimait toujours son travail, même s'il avait évolué, était devenu plus physique, le reste était le même. Et il avait un peu repris de l'entrain, avec cette réussite.

Bien sûr, les quelques visites d'Arthur et les escapades qu'ils avaient partagées allaient aussi dans ce sens, dans cette positivité retrouvée. Pour qui ne connaissait pas bien le pâtissier, on ne voyait peut être pas beaucoup la différence, il était toujours le même derrière son comptoir et faisait toujours bonne figure pour ses clients mais... Hyacinthe l'avait forcément vu. Il n'était pas le seul, mais Nate n'avait pas forcément envie d'en parler. Plus comme avant, parce qu'il avait honte, qu'il ne s'accordait pas ça, ou qu'il n'assumait pas mais plus... Parce que c'était précieux. Qu'il voulait garder ces rares moments pour lui et Arthur. Et Cosmo, bien sûr. Aussi peut être parce qu'il savait qu'aussi beau que ce moment soit, il serait fugace. Il n'avait aucun moyen de savoir si l'Auror choisirait de se laisser tenter par la chimère d'une ancienne relation avortée ou quelque chose comme ce qu'ils avaient... qu'Arthur ne semblait pas s'accorder. C'était douloureux, pour le pâtissier. Mais la chaleur qu'il ressentait lorsqu'il pensait à Arthur valait bien ça.

Lorsqu'il entendit la clochette de la porte de la pâtisserie retentir, il s’apprêtait à aller retirer le panneau "ouvert", et servir son dernier client, quand il vit de qui il s'agissait. Il ne pouvait s'empêcher de sourire. Peut être pas aussi ouvertement qu'un autre mais le sourire atteignait tout de même ses yeux. Il n'avait pas eu de mot de lui depuis un jour où deux, et ça lui avait manqué. Il savait l'autre homme très solitaire, mais en voyant son regard, et son language corporel... Nate ne pouvait pas ignorer les signaux. La chaleur qui l'habitait habituellement en voyant l'autre homme s'était un peu tarie, et un air plus soucieux, presque douloureux, apparaissait sur les traits du pâtissier.

« Of course... Do you want to come upstairs ? Or we can... »

Il savait ce que l'autre homme était venu lui dire. Ou le savait-il ? Est-ce qu'une partie de lui, encore un peu naïve, pensait qu'il avait discuté avec la jeune femme dont il ignorait même le nom, et que ça avait mal fini, d'où ce visage fermé ? Il voulait espérer, mais quelque chose chez lui savait.

« Give me a minute. »

Il lui demanda, allant rentrer le panneau qui présentait les spécialités du jour, à l'extérieur. Il pleuvait. Comme la première nuit où il l'avait embrassé, presque deux mois plus tôt. L'image était fraîchement imprimée chez lui, et lui serrait le coeur. Il ferma la porte, et baissa les stores de chaque fenêtre, pour qu'ils aient un peu d'intimité. Et puis il revint vers lui, ne sachant pas quoi dire. Il avait envie de l'aider. Le plus vite, le moins douloureux, peut être ?

« Is it... »


***
Bien sûr... Tu veux monter ? Ou on pourrait...
Donnes moi une minute.
Est-ce que c'est...

I'd rather not.

C'était devenu impossible, en ce si court laps de temps, pour Arthur de monter chez le pâtissier ? C'était un peu une gifle qu'il lui mettait là. Mais le pâtissier savait encaisser, c'était même l'histoire de sa vie. Il n'avait que rarement explosé, et de différentes façons. Peut être, non même sûrement, que lorsque les deux hommes s'étaient liés l'un a l'autre ce soir de pluie bien arrosé, c'était une de ces façons là. Il avait tout envoyé paître, il avait été égoïste, irrationnel et spontané. Avec Arthur, c'était arrivé plusieurs fois, d'être irrationnel, spontané...egoiste. Et pas seulement parce qu'il avait besoin d'exploser, d'ailleurs. Mais parce qu'il avait vraiment de l'affection pour l'autre homme.

C'était cette affection qui l'amenait à avoir mal pour lui en cet instant, en le voyant essayer d'exprimer quelque chose qui ne parvenait pas a sortir. Oh, ça faisait mal aussi de l'entendre vouloir mettre fin a ce qu'ils avaient, pour lui aussi. Mais Arthur peinait tellement... Nate ne lui en voulait pas, bien sûr. Mais il ne pouvait être d'accord sans une bonne raison.

« Did you talk to her ? »

Il demanda, d'une fois calme. Après tout, si Arthur tenait tant a être honnête avec lui, c'était par là qu'il ferait bien de commencer.

« Because if it's cause you're afraid of me getting too attached... Or it getting too complicated I'll...» il marqua une pause « But if you've seen her and... »

Et s'il avait pris sa décision, alors il comprendrait. Ses mots avaient eu beaucoup plus de mal a sortir. Il ne lui en voulait toujours pas, non. Parce qu'il lui avait promis, déjà. Que c'était ce qu'il voulait. Qu'il était adulte et responsable. Il savait ce dans quoi il s'engageait. Il pourrait bien sûr rejeter la faute sur lui, ou du moins, ne pas lui cacher la douleur que la décision d'Arthur provoquait mais pourquoi faire ça ? Alors qu'il pouvait lui offrir une porte de sortie. Il n'y avait qu'une raison qui pouvait pousser le pâtissier, à accepter, de toute façon. Si Arthur restait seul, alors il continuerait à se battre mais si... Merlin que c'était difficile a exprimer, aussi clair que ce soit pour lui.

« If she loves you... and you love her. Arthur there's nothing to be confused about. »

Pour ça, il pouvait se le reprocher. C'était sa faute si Arthur avait un choix à faire, au final. Nate essaya de le lui faire comprendre dans son regard. Il le pensait avec sincérité.

« And of course I want to se you again... »

Il finit par ajouter, sa voix a lui craquant sous le poids de l'émotion. Il essaya de sourire, mais c'était déjà assez dur pour lui de regarder Arthur dans les yeux sans sentir l'émotion avoir le dessus sur lui. Nathan, tu savais que ce jour arriverait. Ça ne rendait pas la choses plus facile manifestement. Mais il savait ce que ça signifiait et il s'était préparé, autant que c'était possible.

****
Est-ce que tu l'as vue ?
Parce que si c'est parce que tu as peut que je m'attache trop... Ou que ça devienne trop compliqué... Mais si tu l'as vue...
Si elle t'aime et...tu l'aimes. Arthur ça n'a rien de compliqué.
Bien sûr que je veux te revoir...

Pour beaucoup, le visage du pâtissier était un mystère encore à déchiffrer. Il avait l'air constamment fermé et un brin froncé, mais on lisait malgré tout beaucoup de douceur et de gentillesse sur des traits bourrus. Ses sourires étaient toujours timides, et il semblait porter le poids du Monde sur ses épaules constamment. Moins ces derniers temps. Mais là, c'était difficile de rester léger et fermé face à ce qui se passait. L'ancien Pouffsoufle ne voulait pas que sa douleur transparaisse, pourtant. Même dans un moment pareil il voulait épargner Arthur le plus possible. Et ses paroles le touchaient. Oui, il aurait envie de le revoir et de passer du temps avec lui. Mais après combien de temps est-ce que ce serait possible sans sentir son coeur se serrer comme maintenant ? Après Alexander et Arthur, peut être que ça finirait par l'insensibiliser suffisemment pour qu'il en soit capable.

Il avait baissé la tête, pensif, accusant le coup aussi, mais souriant à la gentillesse de l'homme qu'il commençait vraiment à trop aimer.

« Don't be sorry... I had... »

Est-ce que c'était une bonne idée de lui dire à quel point il avait apprécié ces moments en sa présence ? A quel point ça avait été salvateur dans un moment comme celui ci, où il avait perdu une part de lui même comme on perd ses jambes ou sa vue. Il avait appris à revivre, avec lui. Même si ce n'était pas que lui, il lui avait redonné beaucoup de confiance. Et aussi, il lui avait appris à accepter, et à se battre pour ce qu'il estimait ne pas mériter, avant lui. Il serrait ses doigts les uns contre les autres, toujours face à lui.

« You don't know how much you've done for me Arthur. »

Il avait envie de parcourir les quelques pas qui les séparait. Il avait envie d'un dernier baiser, mais c'était tout sauf une bonne idée. Sauf s'il voulait faire souffrir Arthur un peu plus.

« I'm good, I really am... or I will be. Just... I'll need time, probably. »

Et comme la fois précédente, sur ce bout de rocher où il avait essayé de lui dire la même chose, il s'approcha maladroitement pour le prendre dans ses bras. Ca n'avait rien d'une étreinte amoureuse, vraiment. C'était celle d'un ami qui voulait réconforter. Il était confiant. Il souffrait, là, tout de suite, mais il était confiant et il voulait le lui transmettre.

« Take care and... be happy. »

Il lui demanda.

« And don't hesitate to take Enid here again will you ? »

Il le serra une fois bien fort, et le relâcha. Il espérait qu'il n'avait pas fait trop de mal, lui aussi. Il lui souhaitait vraiment tout le bonheur possible. Nate ne se faisait pas d'illusion, Arthur s'en voudrait mais... Il l'espérait, pas trop longtemps. Parce qu'il voulait parcourir à nouveau la forêt avec lui, et courir sur la plage. Et que Cosmo et Mordred s'amusent ensemble. Il ne voulait pas tout gâcher de ne plus voir Enid ou Viviane à cause de ce qu'il avait fait. Oser demander. Insister, égoïstement, pour avoir Arthur même si ce n'était que pour un labs de temps. Son sourire n'était pas moins douloureux mais il portait un peu plus d'espoir. Nate supposait que l'autre homme ne voudrait peut être pas rester, à présent. Il lui proposerait bien à boire mais honnêtement, il n'était pas certain de pouvoir faire bonne figure toute la soirée. Et il allait devoir, lorsque Hyacinthe rentrerait.

***
Ne sois pas désolé ... J'ai eu...
Tu ne sais pas combien tu as fait pour moi Arthur.
Je vais bien, vraiment... ou j'irai mieux. Juste... j'aurai besoin d'un peu de temps, probablement.
Prends soin de toi... et sois heureux.
Et n'hésite pas à ammener Enid ici encore, d'accord ?

Tout ceci sonnait beaucoup trop comme un adieu. Et en même temps, connaissant le caractère d'Arthur, même depuis si peu de temps... C'était normal d'avoir un peu l'impression qu'on ne le reverrait jamais, non ? Nate essayait de ne pas trop s'attarder sur ce sentiment qui lui serrait le coeur. Quel idiot il faisait, à s'être attaché autant. Il s'était promis qu'il gérait. Tu parles. Qu'il savait dans quoi il mettait les pieds... Pis encore. Il avait oublié ce que c'était que de s'attacher autant. Ce qui était, comme il le lui avait promis, une bonne chose qu'Arthur avait fait. Il lui avait rendu comme une partie de lui. Espérons juste qu'il ne reparte pas avec, plus les intérêts.

« I will. »

...Miss you. Mais il prendrait le temps, oui. Pour le moment, tout ce dont il avait envie c'était de serrer Arthur à nouveau dans ses bras et ne plus jamais le lâcher, alors... Il supposait qu'il faudrait effectivement du temps pour que cette envie s'estompe. En espérant qu'elle le fasse au plus tôt. Il lui sourit une dernière fois, alors qu'Arthur était sur le point de partir, et lui répondit d'une voix basse, la main tout juste soulevée alors que la porte tintait et se fermait derrière l'autre homme.

Ce qui suivit n'était pas particulièrement beau à voir. Et Nate, en homme qui gardait tout au fond de lui bien enfouit, ne pouvait qu'être soulagé qu'Arthur n'ait pas à en être témoin. Ni Hyacinthe. Ni personne. Seul dans sa boulangerie, il se laissa aller, contre son comptoir qui attendait encore d'être rangé. La pluie qui battait le pavé dehors était comme là pour l'autoriser à pleurer de tout son saoul. Il en avait besoin.

Plus tard, lorsqu'il serait vidé, il irait prendre une douche pour effacer les traces, que Hyacinthe puisse prendre ça pour de la fatigue. Que le garçon se doute de quelque chose ne faisait pas l'ombre d'un doute mais il ne voulait pas l'accabler. Il avait assez sur son assiette comme ça. Et il était hors de question de parler d'Arthur à Ulysse, bien sûr. Merci, cerveau, de lui rappeler à quel point il avait merdé. Alexander était hors de question lui aussi et... il n'y avait personne d'autre ? Arthur était devenu l'ami à qui il aimait se confier.

Le coeur lourd, mais un peu moins lourd qu'un peu plus tôt, Nate alla préparer le dîner en attendant son cadet. Demain était un autre jour.