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Les soap opera ?
Alistair a beau avoir été marié à une moldue pendant près de dix ans, il n'a jamais regardé la télé et n'a aucune idée de ce dont son amie parle. En revanche, il voit où elle veut en venir. Quand on connaît la relation que Nightingal et lui entretiennent, on pourrait penser que cet espèce de triangle marital qui s'installe est une mauvaise blague.
Pourtant, l'écossais n'en éprouve pas moins d'estime pour son rival de toujours. On ne déteste que les personnes auxquelles on donne de l'importance, après tout.
Il écoute ensuite la réflexion d'Irina, silencieux, songeur. Il entend ses arguments ; il a les mêmes, après tout. La raison, le pragmatisme va forcément vers la solution que lui propose – il n'est pas passé par la maison des bleu et bronze pour rien.
Il entend également ses réflexions sur l'avenir, ses inquiétudes qu'il balaie d'un geste de la main. Un geste qu'on pourrait prendre pour de l'impatience… Ou une tentative de rassurer la jeune femme.
“You ken, lass, if you dinna want to marry me, you can just say it,” fait-il remarquer d'un ton qui n'a rien d'agressif. C'est ainsi qu'il interprète ce besoin de tout remettre en question, ces doutes. Cela ressemble à une crainte de s'engager. Cette crainte est inexistante avec un homme dont elle ne sait quasiment rien, évidemment.
“I wilna be holding it against you. Again, I'm just offering you a way-…¹
- Assez !”
Alistair hausse un sourcil et se tourne vers l'imposante silhouette d'Hildegarde qui vient de faire son entrée. Elle n'est pas seule, évidemment. La Cousine Emily est toujours assise sur la rampe du grand escalier, rejointe par le Grand Père Murchadh qui regarde la scène d'un air goguenard. Le Cousin Duncan s'est installé dans un fauteuil près du feu. Quant à l'Oncle Gregory et son éternel cornemuse, il se tient aux côtés de sa française de femme, à laquelle il est marié depuis près de huit cents ans.
“Enough indeed,” renchérit-il, indifférent au fait d'interrompre la conversation entre les deux vivants. “I thought you were a woman of your word yourself, Miss Slaviskova,” reproche-t-il sans aucune délicatesse. “Marriage is a commitment. It will be difficult from time to time, but it'll work in the end. It always does, if you dinna allow yourself any other possibility. And I know what I'm taking about, I've been married for the past eight hundred years !”²
Le chef de clan a visiblement laissé tomber l'idée de faire fuir ses ancêtres. D'autres spectres arrivent, spectateurs silencieux. Ils ont compris qu'un évènement majeur pourrait se produire. Et ils ne comptent pas louper ça. Il sera impossible de les raisonner.
L'entêtement, chez les MacFusty, c'est dans les gênes.
“What are you saying then lassie ? Is our lad not fine enough for ye ?”³
Non décidément, il ne regrettait pas d'avoir épousé une moldue, en son temps. Au moins, elle n'avait pas eu à subir ce cirque pas possible qu'ils pouvaient faire dès qu'il s'agissait de l'avenir de leur descendant.
Ce dernier, en revanche, se montre particulièrement blasé.
Saoulé, même.
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¹ Tu sais jeune fille, si tu ne veux pas m'épouser, tu peux simplement le dire. Je ne t'en voudrai pas. Une fois encore, je ne fais que t'offrir qu'une porte de sor-
² Assez, en effet. Je pensais que vous étiez une femme de parole, Miss Slaviskova. Le mariage est un engagement. Ce sera difficile de temps à autres, mais ça finira par marcher. Ca finit toujours par marcher, si on ne se laisse aucune autre option. Et je sais de quoi je parle, je suis marié depuis huit cents ans !
³ Qu'en dis-tu, gamine ? Notre garçon est pas assez bien pour toi ?

Il y a des jours, comme ça, où il aimerait mener une vie un peu plus normale. Avoir une petite maison en bord de mer, avec son fils. Vivre sa vie comme il l'entendait, partir travailler le matin et aller le chercher à l'école en fin de journée. S'occuper de lui faire faire ses devoirs, lui expliquer ce qu'il n'a pas compris, lui faire avaler des brocolis, et le mettre au lit. Puis, enfin, se poser tranquillement au coin du feu avec un livre, avant d'aller se coucher.
Mais non.
Déjà, il devait supporter sa mère, qui vivait au château et ne pouvait pas s'empêcher de fourrer son nez dans ses affaires comme s'il était toujours un adolescent de quinze ans. Ensuite, il y avait son travail, qui était tout sauf reposant, et ne souffrait pas la monotonie. Autant dire que son emploi du temps changeait sans cesse.
Enfin, il y avait ses ancêtres hantant le château. Souvent, ils amusent les invités qui sont fascinés de savoir que les lieux sont hantés, échantés même des fois et qui comparent alors les murs à ces de Poudlard. Peu de personnes parviennent à saisir le poids permanent qu'ils représentent. Ils donnent leurs avis, jugent les choix faits par leur descendant, expriment des conseils rarement bienvenus, n'en font qu'à leur tête et interviennent sur des sujets qui ne les touchent pas.
Aujourd'hui en est un parfait exemple.
Et Alistair est las de tout cela. Parfois, il s'énerve et les renvoie dans les oubliettes du château pour avoir de l'air. Il ne semble pas en avoir la force ce soir. Il devrait pourtant s'affirmer, ne serait-ce que pour épargner à son amie de devoir y faire face. Mais le discours constant qu'on lui sert depuis deux ans, au sujet d'un remariage possible, commence à lui peser.
Est-il soulagé d'entendre la Russe décliner son offre ?
Peut-être, au fond. Bien sûr qu'il n'avait pas fait une telle proposition à la légère, et il aurait tenu ses engagements avec la même droiture que celle qui l'a toujours caractérisé. En revanche, il a bien conscience de ce que symbolise une telle décision. Quand bien même elle lui semble la plus sensée à cet instant, il est incapable de savoir si cela lui aurait été possible, psychologiquement.
L'ombre de Charlotte hante toujours son coeur, à défaut d'avoir son spectre pour hanter le château. Il est incapable de dire s'il sera un jour capable de tourner la page pour de bon. Retomber amoureux ? Cela lui semble improbable. Pas à ce point en tout cas. Elle avait tout été pour lui, celle pour laquelle il aurait essayé de déplacer des montagnes.
Aurait-il pu faire subir ça à Irina ?
Cela lui sembla un prix minime à payer, si cela pouvait lui permettre à elle d'échapper à un mariage malheureux, et surtout, surtout, où elle serait considérée comme un trophée et un incubateur à héritiers.
Ce n'est visiblement pas l'avis d'Hildegarde, qui émet un petit bruit méprisant en entendant la décision de la jeune femme. Mais elle n'a pas le temps d'en placer une.
“Allez vous en, ma tante. Vous, tous autant que vous êtes, nous avez assez imposé votre présence. Il est temps de prendre votre congé.” La voix qui sort entre les dents, les mâchoires serrées du chef de clan est sifflante, tendue. La lassitude est là, mais la colère couve toujours. Il peut exploser n'importe quand. Les spectres semblent hésiter, regardent tour à tour l'homme et la femme.
“A-nis !” tonne-t-il face à cette hésitation. Sa voix résonne dans le hall, et cette fois, il n'y a plus à se poser la question. Les fantômes s'envolent, certains en lâchant des commentaires outrés.
Mais ils s'exécutent. Ils ne discutent jamais bien longtemps les ordres du maître des lieux.
Ce n'est que lorsqu'il s'est levé pour faire le tour des lieux et s'assurer du départ de chacun de ses ancêtres qu'Alistair reprend la parole, une tension toujours présente dans la voix.
“Alright.” Il se contente de faire comprendre qu'il a entendu sa décision, quand bien même ne l'approuve-t-il pas. Et se réinstalle sur sa chaise, en bout de table, entend au loin qu'on ne devrait pas tarder à leur apporter le dessert. “Whatever happens, you know you'll always be more than welcome here.”¹ Il lui semble essentiel de le rappeler. “Lucàs !”
Le petit garçon entend la voix de son père tonner son nom, et réapparaît au coin d'un escalier. Il remonte des cuisines, où il est allé gambader avec sa peluche et arrive, avec Maggie, cette dernière portant une généreuse tarte aux pommes flambée au whisky pur feu.
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¹ Quoi qu'il arrive, tu sais que tu seras toujours plus que bienvenue ici.