Le temps était froid, maussade et se reflétait infailliblement dans l'humeur de Victoria. Adossée au mur du bâtiment principal, elle avait perdu, l'espace du moment, son port altier et tentait de laisser vagabonder son esprit. La journée avait été longue, pénible même. Rien n'était sorti de l'ordinaire, mais une sorte de lassitude l'avait prise ces derniers jours, les larmes froides qui se déversaient encore en cette fin d'après-midi y étaient pour beaucoup. Avec un soupire, la jeune fille laissa échapper un filet de fumée âcre qui virevolta un instant en mille volutes avant de disparaitre dans l'air londonien. Ses yeux s'attardèrent sur un groupe d'étudiants qui traversait joyeusement le campus, sans doute heureux à la perspective de se retrouver autour d'un verre. Nouveau soupire. La serpentard ne les enviait même pas. Fuyant généralement la solitude qui lui faisait peur, elle avait aujourd'hui troqué ses amis pour une cigarette qui la réchauffait insidieusement. Il y a des jours comme ça, ou l'étrange besoin de se retrouver en tête à tête avec ses fesses devient pressant. Bref…Se décollant du mur d'un coup d'épaule tellement plein de désinvolture qu'il aurait fait hurler sa mère d'horreur, elle se débarrassa de son mégot et pénétra dans le bâtiment.
La sorcière avait encore à faire. Elle devait notamment mettre la main sur le concierge et cette idée lui tira un petit grimace. Une histoire de salle à réserver, rien d'important, rien d'insurmontable, mais poser les yeux sur  le traits niais de Aedan Lavellan était toujours une sorte d'épreuve et plus encore dans son état actuel. Soyons clair, Lavellan ne lui avait rien fait pour engendrer son animosité, mais Victoria n'était pas le genre de fille à devoir se trouver mille raisons pour déprécier quelqu'un. Il était juste gentil, discret, doux, mou …  oui voilà, mou, il était trop mou et ça l'horripilait.
L'épreuve n'avait rien d'insurmontable, elle devait juste le trouver, lui demander une salle et s'en aller, mais elle n'arrivait pas à se sortir de la tête son petit sourire gentillet. Nop nop, pas maintenant. Elle allait se donner le temps, remettre ne serait-ce que de quelques minutes cette entrevue.
Prenant le chemin de la bibliothèque, elle déboutonna son trench, laissant apparaitre son insigne de préfète. Petit geste inutile je vous l'accorde, mais elle aimait rappeler à tous sa position. Une attitude qui lui valait pas mal de mépris ou de rire sous cape, mais elle n'en avait que faire. Se faufilant à travers des étudiants, en saluant quelque uns au passage, elle arriva finalement à la bibliothèque et se présenta au guichet des prêts. Son sourire se fit plus chaleureux en reconnaissant la jeune fille qui se trouvait derrière le comptoir. Une étudiante de son année qu'elle avait appris à estimer malgré son manque totale de style. Le pauvre pull troué et la jupe en tartan trop grande qu'elle portait en ce moment lui piquèrent d'ailleurs les yeux, mais elle se contenta d'un léger froncement de sourcils. Ouais, elle devait vraiment apprécier cette fille. Après quelques politesses, elle lui tendit une feuille annotée et la bibliothécaire en herbe s'éclipsa. Elle revint un instant plus tard avec un livre dans les mains et un regard embarrassé "Voilà ton livre sur les directives du secret magique. Je t'ai réservé le parchemin que tu voulais, tu pourra venir le consulter demain en salle de lecture. En revanche…" Victoria qui n'avait prêté que peu d'attention, tendit alors une oreille curieuse. "…le livre sur les sortilèges informulés vient d'être prêté et je n'ai pas d'autre copie." Froncement de sourcils. "Je suis pourtant passée ce matin et j'ai bien dit que j'allais passer plus tard." Amelia qui était toujours enjouée et ne parvenait pas à déceler l'humeur des autres ne nota pas le changement d'atmosphère. Après tout, ce n'était pas la mer à boire. "Mes collègues ont du oublier de le mentionner. Désolée, tu vas devoir repasser dans quelques jours." Disant cela, elle déposa le premier livre sur le comptoir et lui présenta un fiche à signer. Fixant un instant son vis-à-vis, Victoria opta pour un sourire crispé au lieu de fire un scandale. Ouais, décidément elle devait vraiment aimer cette fille. S'exécutant, elle lui retendit la fiche, enfouit le bouquin dans son sac et releva son regard vers elle. "Tu n'arriverais pas à me dire qui l'a emprunté? J'en ai vraiment besoin. Je te revaudrais ça." Hésitant un instant, la blonde haussa imperceptiblement les épaules avant de se plonger dans ses fiches. Lorsqu'elle lui annonça le nom du malotru qui avait OSE lui piquer son livre sous le nez, Vicky eu une mimique qui n'annonçait rien de bon. Remerciant la jeune sorcière, elle réajusta son sac et se précipita hors de la bibliothèque.
Aedan Lavellan. Le nom résonnait encore dans son esprit. Putain de concierge. D'accord, toute personne normal aurait pris la chose avec diplomatie, après tout elle n'avait pas besoin de ce livre pour un cours, mais par pur intérêt personnel. Mais bon, elle l'avait déjà mauvaise avant de mettre les pieds à la bibliothèque et la voilà qui avait deux raisons de se retrouver face à Aedan. "Fait chier!" Ces mots passèrent la frontière de ses lèvres avec un peu trop de force, ce qui lui valu le regard étonné de quelques étudiants. Elle n'y prêta aucune attention et se dirigea vers le bureau de ce maudit concierge. Elle toqua, une fois, deux fois, trois fois, un putain de milliard de fois. Rien. Elle prit un instant pour inspirer longuement. Il fallait vraiment qu'elle apprenne à se canaliser. Franchement, un livre sur les sortilèges informulés, à quoi cela pouvait-il servir à un cracmol?! Elle était prête à se lancer à la poursuite du concierge dans tous les bâtiments de la MUL lorsqu'en se retournant brusquement elle percuta quelqu'un et se retrouva sur les fesses. Calme et sérénité Vicky, calme et sérénité putain de merde.

Aedan Lavellan…
L'étudiante ne savait pas très bien pourquoi elle avait du mal à le supporter. Non, faux. Elle savait très bien le pourquoi, mais ne pouvait totalement se persuader que cette inimitié soit réellement justifiable. Le concierge de la MUL était quelqu'un d'appliqué dans son travail, de serviable et tout le monde semblait l'adorer saut peut-être quelques sans-purs à la con lui reprochant l'inexistence de talents magiques. A vrai dire, ces gens et Vicky étaient certainement les seules personnes sur ce campus à déprécier le jeune jeune, mais pour des raisons bien différentes pour le coup. Elle n'était pas sûre qu'Aedan sache que ce n'était pas son état de cracmol qui dérangeait la préfète des serpentards, car oui, il avait sûrement du remarquer que ce n'était pas le grand amour. La jeune Richards ne prenait effectivement jamais la peine d'être chaleureuse en sa présence et limitait toujours leurs entrevues à quelques échanges formels. Elle ne se souvenait même pas de lui avoir, un jour, adressé un sourire, c'est vous dire. Il ne méritait pas du tout cette attitude froide et distante, mais la sorcière n'était pas du genre à forcer sa sympathie surtout si elle jugeait la personne en face d'elle insignifiante et ne pouvant pas lui apporter grand chose. S'il avait été prof elle aurait sûrement fait un effort, mais ce n'était pas le cas du coup…Non mais franchement, ça ne vous tend pas vous les gens trop lisses, trop gentils, trop polis? Aux yeux de Victoria, les gens comme ça sonnaient toujours un peu faux, elle les casait directement dans le tiroir "veut quelque chose en retour" ou "cache quelque chose". Alors oui, au fond elle savait bien que son vis-à-vis ne jouait pas un jeu de dupe, mais c'était plus fort qu'elle. En réalité, ce qui l'insupportait plus que tout, c'était que ce grand dadais n'était pas idiot. Il n'avait pas de pouvoir, d'accord, mais il semblait s'en accommoder, comme si ce simple fait suffisait à lui donner une excuse pour ne pas se bouger le cul et ne pas viser plus haut. Les gens sans ambition lui avait toujours été antipathique, d'autant plus ceux qui avaient du potentiel, un potentiel gâché inutilement selon elle. La plaie de la société je vous dis. Enfin voilà voilà, on ne choisit pas toujours les personnes que l'on apprécie, même si parfois certaines semblent vraiment le mériter.
La préfète était donc tombée à la renverse et ses charmantes fesses avaient eu la politesse d'amortir le choc. Elle frisait la crise de nerfs, mais heureusement elle le cachait bien. Seuls ses sourcils froncés à l'extrême laissaient transparaitre ses émotions, encore fallait-il que son vis-à-vis soit capable de l'interpréter. Le petit "désolé" qu'il lui servit ne fit que piquer un peu plus son égo, c'était comme s'il venait simplement de bousculer un insecte insignifiant. Lâchant un petit soupire, elle ignora la main tendue et se releva sans mot dire, avec le vain espoir de sauvegarder un brin de dignité. En entendant la suite, Vicky allait répliquer qu'elle avait forcément besoin de quelque chose, pour quelle autres raison poireauter dans le coin? Mais elle se ravisa avant de paraitre réellement impolie. Tentant une mimique crispée s'avoisinant vaguement à un sourire, elle réajusta la lanière de son sac sur son épaule et planta son regard dans celui du brun. "Effectivement. Deux choses pour être exacte. Auriez-vous un moment?" Monsieur le concierge voleur de livre et de temps précieux sembla-t-elle vouloir ajouter, mais à nouveau, elle se retint. Belle maîtrise Vicky, belle maîtrise.
Elle repéra alors SON ouvrage au milieu des bouquins qu'il avait sous le bras. Plissant les yeux et arborant un sourire en coin quasiment imperceptible, elle croisa les bras en le toisa un instant avant de reprendre la parole. "Je vois que vous avez de quoi vous occuper. Vous prévoyez un week-end lecture peut-être?" En tout cas une chose était sûre, il allait lui manquer un livre pour ce distrait ce soir, car la brune n'avait pas l'intention de repartir sans son ouvrage, mais alors il n'était même pas la peine d'y songer une seconde. Elle le voulait, elle l'aurait, quitte à se montrer désagréable.

Vicky était une chieuse, elle l'avait toujours été. Si quelque chose n'allait pas dans son sens, elle pouvait devenir une véritable harpie, une peste diabolique, un troll en furie, ouais d'accord, je m'égare. La jeune fille n'avait même pas besoin de se forcer, le simple fait de se laisser constamment guider par son égo la poussait vers l'excellence dans ce domaine. Elle avait tendance à laisser ses mauvais côtés prendre le dessus, même avec ses amis, heureusement ceux-ci y étaient habitués et faisaient en sorte de tourner leur serpentard préférée en ridicule plutôt que d'en prendre ombrage. Le truc s'est qu'elle ne s'en rendait pas vraiment compte. Elle avait toujours fonctionné comme ça et comme "être gentille et compréhensive" rimait avec "être faible et inutile" dans son esprit brumeux, inutile d'espérer un traitement socialement acceptable si vous n'aviez pas un minimum d'autorité à faire valoir. Malheureusement, ce n'était pas vraiment le cas du concierge d'autant plus que son petit sourire maladroit lui donnait envie de simplement lui arracher le livre des mains et de s'en aller comme si de rien n'était. Elle était presque sûre que le cracmol n'oserait même pas réclamer. Par Merlin, il avait vraiment le charisme d'une limace narcoleptique prête à se lancer dans un marathon. Ca la tendait tellement de voir quelqu'un de visiblement, allez soyons sympa, intelligent se laisser ainsi impressionner par les autres. Un bisounours voilà, Aedan était la transcription vivante de l'un de ses insignifiants petits oursons avec un coeur peint sur le ventre. Encore une fois, et son esprit se répétait peut-être, mais…pathétique.
Une petite lueur de dédain traversa d'ailleurs son regard lorsqu'il répondit bien gentiment à sa remarque, lui servant d'une traite comment il pensait occuper son weekend. *Alors là mon grand, j'en ai strictement rien à foutre*. Il aurait pu lui dire qu'il pensait poser une bombe au ministère qu'elle n'aurait pas prêté plus grande attention à ce qui sortait de sa bouche. Lorsqu'il lui demanda si elle-même avait des projets elle dû lutter, et hardiment s'il-vous-plait, pour ne pas ostensiblement lever les yeux au ciel. La préfete eu un petit sourire à ce moment là, repensant à ce que lui avait dit un jour Annabeth au sujet de ses "levage d'yeux" qui un jour risquait bien de lui faire découvrir la petitesse de son cerveau en roulant aussi exagérément dans leurs orbites. Ahhhhh elle adorait cette sale petite garce.
Elle réprima bien vite son sourire cependant, ne voulant pas donner l'impression à son interlocuteur du moment qu'il avait quoi que soit à voir avec la subite amélioration de son humeur. Réajustant ses cheveux en les assemblant au-dessus de l'une de ses épaules, la jeune fille retrouva donc son air un peu pincé. "J'en avais oui, mais il semblerait que quelqu'un ait décidé de m'en priver." Elle avait envie de le laisser patauger. C'était presque drôle de le voir se demander ce qu'elle lui voulait réellement, de ne pas savoir quelle attitude adopter. C'était certainement la plus longue interaction, on ne pouvait pas vraiment parler de discussion, qu'ils aient eu depuis l'arrivée de la brune à la MUL. En général leurs entrevues se résumaient à un "bonjour, j'ai besoin de ci ou de ça"  ponctué d'un hochement de tête et d'un aurevoir à peine prononcé. L'absence de merci n'étant pas vraiment une omission. La sorcière n'était pas sûre de lui en servir un à chaque fois. Après tout c'était son boulot non? Elle non plus on ne lui disait pas merci à chaque fois qu'elle finissait un livre ou rendait un travail écrit. Enfin bref, il était peut-être temps d'arrêter de torturer ce pauvre gars. Relevant les yeux vers son vis-à-vis, elle agita vaguement la main comme pour passer à autre chose. "Comme je vous l'ai dit j'ai besoin de vous. Avant tout, j'aurais besoin de réserver une salle. La 14b mercredi prochain de 15h à 18h. Ca serait possible?" Bien sûr que c'était possible, en tout cas, c'était ce qu'elle s'attendait et voulait s'entendre dire.