A Ghost ‖ Alcyone

“La fuite n'est qu'un détour. Si le détour est parfois salutaire, il est le plus souvent inutile.”

Drew s'était accordé une journée de pause, une journée où il ne faisait rien après une soirée au Cluedo et au Bal pleine de rencontres et de petites folies. Le dimanche qui suivait, il ne fit pas grand chose. Il resta à l'appartement, trainant dans son lit, lisant des livres, jouant un peu de musique. Il profita de cette journée au calme pour écrire beaucoup de musiques, de paroles surtout. Il avait été inspiré par le bal des monstres, et éprouvait l'envie de coucher des vers sur papier. Sa journée fut agréable et reposante, de quoi reprendre les cours avec facilité le lundi qui suivait.

Au matin du lundi qui suivait le bal, Drew se leva avec entrain. Sa journée de repos l'avait bien requinqué et il était extrêmement heureux de retourner dehors, croiser des gens, écouter en cours. Il rayonnait au moins autant que le soleil, en cette belle journée d'automne. Ses cours se passèrent sans encombre, même si, comme à chaque fois, il avait du mal à tenir en place. Plus le temps avançait plus il se rendait compte qu'il aimait bouger, et qu'il avait bien fait de choisir un cursus plutôt rapide. Qu'aurait-il fait s'il devait encore avoir 4 ans d'école après son année en cours? Il serait devenu fou, certainement. Alors il se remerciait d'avoir choisit un parcours qui ne lui demanderait plus qu'un an. Il avait à la fois hâte de terminer, et en même temps pas tellement. Le monde du travail l'angoissait un peu, et il savait qu'il ne voudrait jamais rester derrière un bureau. De toute façon, il n'était pas question d'arrêter la musique. Il faudrait l'emprisonner pour qu'il cesse.

Après ses cours de l'après-midi, Drew alla s'installer dans la cour de la MUL, s'adossant au tronc d'un arbre qui perdait ses feuilles peu à peu. L'hiver approchait et il voulait profiter un maximum des derniers beaux jours pour jouer de la guitare dehors. En hiver, il n'était pas certain d'avoir le courage de jouer quoi que ce soit à l'extérieur, même si l'image devait être belle, s'il neigeait. Il tenait à ses doigts, mine de rien. Il gratta les cordes un instant, hésitant sur la chanson à jouer, puis il se décida sur l'une de celles qu'il avait écrites, encore influencé par le thème des monstres au bal. Il joua les premières notes et se mit à chanter, un grand sourire aux lèvres. Il adorait ça.

― Welcome to the end of eras
Ice has melted back to life
Done my time and served my sentence
Dress me up and watch me die
If it feels good, tastes good
It must be mine
Dynasty decapitated
You just might see a ghost tonight

Il s'amusait déjà comme un fou. Il aimait jouer, il aimait chanter. Il se félicita d'ailleurs d'avoir mis des manches longues, car le vent se levait doucement. Sa chemise noire lui permettait d'avoir un peu plus chaud, et il était bien content d'avoir un veston de garçon de café gris en plus pour lui tenir chaud. Mais de toute façon, emporté par sa musique et sa chanson, il bougeait et chantait, s'activait et n'avait pas froid. Il rayonnait de bonheur, tellement content de baigner encore dans la musique. Qu'aurait-il fait sans?

― And if you don't know now you know

I'm taking back the crown
I'm all dressed up and naked
I see what's mine and take it
Finders keepers, losers weepers
Oh yeah
The crown...
So close I can taste it
I see what's mine and take it
Finders keepers, losers weepers
Oh yeah

Il rouvre les yeux et son regard noisette se pose sur une jeune femme qu'il n'est pas certain de connaître. Elle tient un crayon en main et semble dessiner dans un carnet. Lorsqu'elle relève les yeux vers lui, il lui sourit en chantant, et lui fait un clin d'oeil. Etait-elle en train de le dessiner?

“La fuite n'est qu'un détour. Si le détour est parfois salutaire, il est le plus souvent inutile.”

Avoir du public, ça lui faisait toujours plaisir. Il fallait avouer que le sentiment positif créé lorsque l'on se rend compte que quelqu'un prend de son temps pour regarder, écouter, apprécier ce que l'on fait, a quelque chose de grisant. Il flatte l'ego, booste la confiance en soi. Il y a quelque chose de salutaire, de gratifiant, dans un regard ou une écoute pour son travail. Surtout pour Drew, dont la passion pour la musique était aussi dévorante qu'enivrante. Toute son âme vivait au rythme des notes jouées sur le manche en bois de sa guitare. Son corps vibrait en même temps que les cordes qu'il grattait avec entrain. Son sourire ne perdait pas en intensité, alors qu'il fermait parfois les yeux juste le temps d'apprécier le moment, un accord qu'il aimait, un instant chéri, suspendu dans le temps.

― Sycophants on velvet sofas
Lavish mansions, vintage wine
I am so much more than Royal
Snatch your chain and mace your eyes
If it feels good, tastes good
It must be mine
Heroes always get remembered
But you know legends never die

Son regard se pose sur la jeune femme qui le regardait. Au dessus de lui, la voûte céleste est magnifique, d'un bleu azuré presque uni. Seuls quelques nuages traversaient paresseusement les prairies du ciel. Une feuille de l'arbre se décrocha et entama une lente et virevoltante descente vers le sol, irrémédiablement attirée par la gravité terrestre. L'instant est hors du temps, alors que leurs regards sont plongés l'un dans l'autre. Il lui semble que la seconde dure une éternité, les grains de sable du temps s'accrochant aux parois du sablier. Le moment s'étire, se tord, s'étend dans son esprit. Il lui semble que tout vit au ralenti. Puis le temps reprend son cours, cycle irrémédiable. Et la jeune femme panique. De loin, Drew ne décèle pas les sentiments qu'il aurait peut être vus traverser les iris de la jeune femme. Tout ce qu'il voit c'est sa précipitation. Elle range tout dans son sac, ou plutôt, y jette toutes ses affaires. Elle s'obstine contre une fermeture qui ne ferme apparemment pas assez vite, pas assez bien.

― And if you don't know now you know

I'm taking back the crown
I'm all dressed up and naked
I see what's mine and take it
Finders keepers, losers weepers
Oh yeah
The crown...
So close I can taste it
I see what's mine and take it
Finders keepers, losers weepers
Oh yeah...

L'instant d'après, elle disparaissait. Elle laissait derrière elle le vide de sa présence, et un carnet perdu à terre. Plus personne n'était là pour le regarder et l'écouter, et Drew était bien trop intrigué par la réaction disproportionnée de la brune. Il s'arrêta au milieu de sa chanson et laissa pendre sa guitare autour de son buste, un peu interdit. Avait-il fait quelque chose de mal? Ou était-elle simplement d'une timidité extrême, de telle sorte que même un regard lancé vers elle la faisait paniquer? Dans tous les cas, Drew avait bien vu qu'elle avait fait tomber son carnet. Il avança sur les traces de la fuyarde, et s'abaissa pour récupérer le cahier. Il ne pu s'empêcher de le feuilleter, et tomba sur les croquis de lui. Son sourire s'étira légèrement alors qu'il s'observait à travers les yeux d'une autre. Ca avait quelque chose de flatteur, même s'il ne savait pas trop comment réagir. Le coup de crayon était impressionnant, et il se sentait honoré d'être un modèle. Il feuilleta les pages à la recherche d'une indication sur sa propriétaire, et les nombreux dessins de vêtements l'aiguillèrent sur un cursus en mode. Finalement, noté sur la page de garde, un nom. Alcyone Adaar. Le nom de famille lui disait quelque chose, et s'il avait cherché un peu il se serait souvenu que c'était celui de son professeur de Défense contre les forces du mal. Mais il était trop pressé d'aller ramener le carnet à sa propriétaire.

Après avoir demandé et cherché où vivait la jeune femme, Drew obtint le numéro de sa chambre. Il s'y rendit, ayant toujours sa guitare sur lui. Il n'avait pas le temps (ni l'envie d'ailleurs) d'aller la poser dans sa chambre. Il arriva devant la porte, enfila son plus beau sourire, et y cogna trois fois. Toc toc toc.

“La fuite n'est qu'un détour. Si le détour est parfois salutaire, il est le plus souvent inutile.”

Drew n'avait pas peur de se tromper de chambre. Pas qu'il soit certain de ne pas faire fausse route, il se faisait plutôt confiance quant à sa capacité à sourire et s'excuser pour le dérangement. D'ailleurs, il n'avait même pas pensé au fait qu'il pourrait déranger. Il venait lui ramener son carnet, à cette demoiselle. Il n'y avait aucune raison pour qu'elle le jette dehors, lui ferme la porte au nez, si? Il était venu pour elle après tout. Les croquis paraissaient prendre une place importante dans la vie de celle qui dessinait. Et Drew aurait vraiment apprécié qu'on lui ramène son carnet contenant ses lyrics et ses partitions, s'il venait à le perdre. Alors il se disait qu'elle devait y tenir, à ce calepin. Et elle serait heureuse de le voir. Le calepin, pas Drew. Du moins il se doutait bien qu'elle ne serait pas des plus ravies qu'il s'agisse de celui qu'elle fuyait, qui lui ramenait ses affaires.

Les trois coups moururent dans le calme ambiant, et il l'entendit approcher de la porte. Cette dernière s'ouvrit et le sourire radieux de Drew accueillit la jeune femme. La surprise se lut facilement dans le regard de l'habitante de cette chambre. De même que le soulagement lorsque ses yeux rougis de larmes se posent sur le carnet. Elle parle, invite Drew à entrer, et ce dernier ne peut qu'accepter, intrigué par cette jeune femme mystérieuse, aussi fuyante qu'une brise de vent.

― Oui je veux bien. répondit-il en entrant, quand elle s'effaçait pour le laisser passer. Tu as perdu ça en partant en courant tout à l'heure. Je me suis dit que ça devait être précieux... ajouta-t-il, en tendant le carnet de croquis vers la jeune femme.

Main tendue, il la regarda ranger son appartement avec rapidité, puis ses iris noisettes s'accrochèrent au violon qu'elle rangeait. Elle était musicienne! Elle jouait du violon! Drew aimait toujours découvrir de nouveaux instruments, surtout des instruments à corde. Son esprit lia rapidement cette découverte à ses futures recherches sur les effets de la musique sur les plantes. Il pourrait lui demander de jouer du violon, ça lui ferait un cas de figure en plus à étudier...

― Une tisane ce serait parfait, merci beaucoup. Je ne veux pas te déranger trop longtemps. répondit-il.

Après tout, elle l'avait fuit. Et aussi souriant était-il, il pensait la déranger. Qui voudrait que l'objet de sa fuite vienne jusque chez lui et y reste un temps indéterminé? En plus, elle avait pleuré. Était-ce sa faute ou celle de la perte de son carnet? Il n'en savait trop rien, il ne savait même pas ce qu'il aurait pu faire pour qu'elle soit amenée à le fuir comme elle l'avait fait.

― C'est moi qui suis désolé si j'ai fait quelque chose qui t'a mise mal à l'aise. Faire fuir son public c'est tout de même un comble pour un musicien. s'amusa-t-il, se moquant de lui-même.

Quel musicien digne de ce nom voudrait que son public disparaisse dès qu'il pose les yeux dessus? Personne ne serait assez fou pour désirer une telle chose. Le public, c'était tout pour un musicien. Surtout pour Drew. Il jouait et chantait pour ses propres angoisses, mais aussi pour calmer celles des autres. C'était la seule raison qui le poussait à jouer de la musique à l'extérieur de sa chambre. Aider les autres. Sinon, il garderait tout pour lui. Il oubliait presque qu'il était social.

― Pourquoi je l'aurais jeté? Il n'est pas à moi, ce n'est pas mon rôle de décider quoi en faire. s'enquit-il, avec une moue surprise. Pourquoi aurait-il fait quelque chose d'aussi méchant? Je vais rester debout, merci. J'étais assit toute la journée avec les cours. et il se mit à se balancer de droite à gauche en rythme, son regard glissant sur les murs de la pièce, curieux. Je m'appelle Drew. Enchanté Alcyone. se présente-t-il.

Son regard s'ancre sur le visage de la jeune femme après avoir accroché sur l'hématome qui se dessinait sur sa main. Était-elle colérique? Se faisait-elle frapper? Qu'est ce qui justifiait qu'elle se soit fait mal de cette façon? Ce n'était pas vraiment ses affaires, mais Drew ne pouvait s'empêcher de s'en inquiéter.

― Je suis désolé, j'ai été obligé de feuilleter ton carnet pour trouver ton nom et savoir où tu habitais pour te le ramener. il marqua une pause, son regard gambada, puis revint s'accrocher aux iris de la jeune femme. Tu dessines bien. Tu es en cursus de mode? J'aime beaucoup ce que tu fais en tout cas.  

“La fuite n'est qu'un détour. Si le détour est parfois salutaire, il est le plus souvent inutile.”

C'était amusant, en réalité, de se retrouver dans la chambre de quelqu'un. On découvrait des facettes insoupçonnées des gens, des sphères intimes dont on ne parle que très peu, en général. On voyait qui était ordonné, qui ne l'était pas. Les centres d'intérêts qu'on ne dévoile pas toujours, les préférences de style, de musique, d'ambiance, tout. Une chambre c'était un peu comme un cocon, une manifestation extérieure de ce qu'on était, à l'intérieur. Et Drew était un bordel sans nom. De même était sa chambre. Ou du moins, c'est ce qu'il pensait. En réalité, il était bien plus ordonné qu'il n'aurait voulu l'avouer. Alors il regardait, plein de curiosité, l'aménagement de la pièce, essayant de ne pas trop s'immiscer non plus dans sa vie privée. Quoi qu'il était déjà trop tard pour ça, n'est-ce pas? Le poufsouffle hoche la tête à la question de la jeune femme. Après tout, quelque chose de sucré ferait largement l'affaire. Elle aurait pu lui servir de l'eau avec du sucre ou du miel, qu'il n'aurait pas été malheureux. Tant qu'on ne lui parlait pas de café... La magie amena les tasses et prépara les tisanes. Drew se saisit de la sienne et enroula ses doigts autour du récipient chaud, réchauffant ses mains encore un peu engourdies par le vent extérieur. Ses bagues cliquetèrent contre la céramique, et il s'amusa avec le bruit, créant une petite mélodie en écoutant la jeune femme parler.

Des paroles qu'elle prononça attira son attention, la détournant de son mini concert improvisé. Pas l'habitude qu'on aille vers elle? Mais qui laisse quelqu'un tout seul? C'était impensable pour quelqu'un comme Drew. Depuis toujours, il avait été l'étrange dans les groupes d'enfants moldus. Lorsqu'il avait fait sa rentrée à Ilvermorny, il s'était promis de ne plus jamais ressentir cette solitude. Et il essayait de le faire avec les autres. Par la musique, par sa présence, il avait souvent abordé des gens qu'il avait vu seuls quand il en avait le temps. Peut être n'était-ce pas normal pour tout le monde, finalement.

― Pas l'habitude qu'on vienne vers toi? il était surpris. Tu as pourtant l'air très gentille. il se remet à regarder ses mains qui tapotent contre sa tasse, essayant de retenir les compliments qu'il voulait formuler.

Elle était ravissante, il n'y avait aucun doute là dessus. Elle aurait forcément du se faire aborder par les gens les plus lourds, qui n'avaient aucun savoir-vivre. Aussi s'efforçait-il de ne pas donner l'air qu'il était comme ces gens qui complimentaient pour avoir des choses en retour. Lui, ne pouvait pas s'empêcher de dire ce qu'il pensait. Il aimait faire plaisir, voir sourire. Il se fichait bien du reste. C'était amplement suffisant. Les questions qui suivirent collèrent un sourire immense sur les lèvres du garçon. Parler de musique, c'était certain qu'il adorait ça! Le compliment qui suivit le ravit tout autant, et il releva un regard pétillant vers elle.

― Oui! Ca doit bien faire vingt ans, si pas plus, que j'ai une guitare entre les mains. Mes parents m'ont toujours dit que je jouais de la musique avant même de savoir parler. s'exclama-t-il, amusé. Merci pour le compliment. Ca me touche. ajouta-t-il, souriant.

Alors elle déprécia ses propres croquis, et le regard de Drew se fit un peu dur. Il ne cautionnait pas, et était en désaccord avec elle. Comment pouvait-elle douter du talent que lui voyait en elle? Il en porterait tous les jours, des costumes qu'elle dessinait! Il serait même prêt à essayer les robes qu'elle avait esquissé dans ces pages! Quelle idée de penser qu'elle n'était pas douée.

― De toute façon, personne n'est jamais parfait. L'imperfection, c'est ce qui rend unique. C'est ce qui donne de la vie. De la saveur, aux choses. C'est l'originalité, l'unicité. Quel ennui ce serait, si tout était parfait. râla-t-il presque, une moue boudeuse enfantine sur le visage.

Touché, il avait eu raison sur son cursus. Cela lui remit le sourire aux lèvres. Il était sûr qu'il allait visiter sa boutique quand elle serait ouverte! Le nombre de costumes qu'il allait lui faire faire, il avait déjà hâte que ce soit le cas. Il avait toujours adoré s'habiller, et n'était pas doué avec ses mains. Et même si les moldus avaient un choix bien plus vaste de vêtements, il ne trouvait jamais vraiment les choses qui le faisaient vibrer. Alors il se contentait de son costume rouge, au milieu de toutes ses nuances de gris et de noir. Mais au fond il avait vraiment envie de nouvelles choses.

― J'ai hâte de pouvoir visiter ta boutique et porter tes vêtements dans ce cas. Je me répète mais j'aime beaucoup ce que tu fais. s'enquit-il, incapable de ne pas vocaliser ses pensées. Oh non, pas du tout! J'étudie pour devenir Herbolomage. J'aimerais avoir une serre expérimentale pour lier la musique et les plantes. J'espère aussi trouver des gens pour compléter le groupe de musique que j'avais avant d'arriver. il tapotait toujours des doigts sur sa tasse. Je pense que j'aimerais vraiment vraiment beaucoup que la musique marche pour moi. Mais l'Herbolomagie me passionne aussi, c'est quelque chose que j'adorerais faire en attendant de voir si le groupe peut décoller. son regard s'accrocha au violon dont elle parlait. Non, je n'ai jamais joué de violon. J'adorerais apprendre! il sourit et accepta volontiers une Chocogrenouille. Il adorait le sucre, après tout.

Son regard glissa finalement sur le carnet de croquis de la jeune femme. Il mourrait d'envie de lui demander de lui créer un costume, mais se mordit la lèvre pour s'en empêcher. Il venait de la rencontrer, et elle avait très certainement autre chose à faire. Aussi se contenta-t-il de boire sa tisane en tapotant.

― Tu pourrais jouer quelque chose au violon? finit-il par demander, le regard pétillant.

“La fuite n'est qu'un détour. Si le détour est parfois salutaire, il est le plus souvent inutile.”

C'était donc tout nouveau pour elle, de socialiser de la sorte. Elle ne devait pas connaître les groupes d'amis, les sorties, les soirées. Elle ne devait pas connaître la proximité, les rires, quand on se cherche et se taquine. Elle ne devait pas connaître l'inquiétude d'un ami qui ne répond pas, le soulagement quand on a des nouvelles. Drew était triste pour elle. Mais en même temps, il se promit d'au moins essayer de la sortir de sa solitude. Après tout, il le faisait déjà là. Et il continuerait, autant que possible. Elle l'intriguait beaucoup, avec ses airs effarouchés, alors qu'elle se laissait tout de même approcher assez facilement. Comme un animal sauvage qui souhaite connaître la domestication. Elle semblait voir ce qu'elle ratait, et même si elle ne faisait pas le premier pas pour s'en sortir, elle cessait de fuir. Drew était content, il pourrait être utile à quelqu'un, aider quelqu'un à ne pas se sentir comme il s'était senti avant Ilvermorny. Les mots qu'elle prononça hérissa les poils de Drew de colère. S'habituer? S'habituer à ce genre de chose injuste? Il avait envie de remonter le temps et de tout faire pour qu'elle ne s'habitue jamais à tout ça. Il ne pouvait s'empêcher d'être un peu en colère, pas contre elle, mais contre tous les autres qui auraient pu passer cinq minutes de leur temps avec elle, et lui éviter toutes ces années à s'habituer.

Son compliment fait mouche, et il sourit, oubliant très vite l'énervement au profit de la joie. Après tout il était comme ça. Enterrer les émotions négatives, ne laisser paraître que le positif. C'était comme ça qu'il fonctionnait, puis quand il était seul, il laissait la musique faire son travail d'exorcisme sur ces poids dans sa poitrine. Il se refusait à laisser le négatif l'emporter. Un jour peut être que ça se retournera contre lui, mais il n'y pensait jamais, ça viendrait déjà si ça devait venir, à quoi bon anticiper? Encore un compliment qui faisait mouche, il s'amusa gentiment de ses réactions. Elle n'avait vraiment pas l'habitude qu'on la voit avec une telle positivité, et les sentiments de surprise qui passaient dans son regard, aussi fugaces que visibles, avaient quelque chose d'intriguant. Drew avait envie de continuer de la flatter, juste pour continuer de voir ses réactions, comment elle prendrait les choses, à quel moment elle en aurait marre et voudrait le mettre dehors, trop gênée pour continuer à écouter des compliments qu'il ne pouvait s'empêcher de formuler.

Alors qu'il buvait une gorgée de sa tisane, elle lui souhaita le meilleur pour ses projets. Son sourire rayonnant lui répondit, alors qu'il jouait un nouveau rythme en faisant cliqueter ses bagues sur sa tasse. Il avait envie de jouer, et d'écouter de la musique. Sa guitare pendait d'ailleurs toujours dans son dos, il ne l'avait pas déposée. Il l'aurait presque oubliée si elle n'était pas si importante pour lui.

― Celle que j'ai joué aujourd'hui oui. Mais je fais aussi des reprises de groupes que j'aime bien, alors ça dépend de quand tu m'as écouté. s'amuse-t-il, lui lançant un regard curieux.

Depuis quand le regardait-elle? Il ne l'avait remarquée que ce jour là, mais d'après ses dires, elle l'avait déjà écouté plusieurs fois. Il était curieux de savoir depuis quand, qu'est ce qu'elle avait entendu, ce qu'elle avait aimé et pas. Mais il décida de ne pas lui poser la question. Elle en parlerait déjà si elle en avait envie, il ne voulait pas la brusquer. Il prit une sucrerie et la rattrapa, comme elle, quand elle s'enfuyait. Il croqua dedans en retenant un soupir de contentement, il aimait vraiment beaucoup ça. Elle céda à sa requête et Drew l'écouta avec émerveillement, son regard ne quittant l'instrument que pour se perdre sur son visage concentré. Elle semblait aimer en jouer, et même s'il décelait quelques notes qui ne semblaient pas tout à fait justes, elle jouait vraiment très bien. Il ne pu s'empêcher de s'agiter faiblement, bougeant au rythme de la musique qu'elle jouait pour lui. Ses paupières finirent par se clore et il apprécia la mélodie en tapotant doucement contre sa tasse. Peut être lui fallait-il un ou une violoniste, finalement, pour compléter les harmonies de certaines de ses chansons. Il y réfléchirait plus tard. Pour l'heure, il profitait simplement.

Lorsque la musique s'arrête, Drew met quelques secondes à rouvrir les yeux, et un sourire se dessina sur ses lèvres. Il était ravi, content, et finit sa tisane pour reposer sa tasse et se balancer de droite à gauche de nouveau. Il voulait jouer aussi, maintenant.

― C'était magnifique. Tu joues vraiment très bien. Merci de m'avoir montré ce que tu sais faire. la remercia-t-il, radieux. J'ai envie de jouer aussi maintenant. Je peux? demanda-t-il, attrapant sa guitare dans son dos et approchant du lit pour s'asseoir. Il avait laissé une chanson en plan pour la suivre et lui rendre son carnet. Ca avait un goût d'inachevé.

“La fuite n'est qu'un détour. Si le détour est parfois salutaire, il est le plus souvent inutile.”

La durée depuis laquelle la jeune femme l'observe en secret le surprend. Deux semaines après la rentrée, ça faisait donc presque un mois et demi qu'elle le regardait, l'écoutait jouer, et qu'il ne s'était rendu compte de rien. La surprise se lisait aisément dans son regard. Comment avait-il pu ne pas la remarquer? Elle était soit extrêmement habile pour se dissimuler, soit lui était toujours bien trop concentré sur ce qu'il faisait pour ne jamais l'avoir remarquée. C'était aussi touchant qu'étrange, et Drew ne savait pas trop sur quel pied danser. Il était heureux qu'elle ait été honnête avec lui, et d'imaginer qu'elle devait apprécier son travail pour continuer de l'écouter pendant autant de temps. Et en même temps, il se demanda s'il semblait fermé, ou inaccessible, pour qu'elle n'ait jamais osé lui parler. Et surtout, qu'elle se soit enfuie le jour où il avait finit par la remarquer. Son sourire reprit le pas sur la surprise. Après tout, c'était flatteur dans tous les cas.

― Et tu as toujours aimé ce que tu as entendu et/ou vu? s'amusa-t-il, décidant de le prendre extrêmement bien. La question qui suivit le laissa pensif un long moment. Lister les groupes qu'il aimait, c'était difficile, surtout s'il ne voulait pas faire des listes longues comme des romans. Beaucoup... En ce moment mes préférés sont Imagine Dragons, Linkin Park... Twenty One Pilots. Et plein d'autres. J'en ai des dizaines qui me viennent en tête, j'écoute pas mal de choses et comme je sors souvent en soirée... J'entends de tout! finit-il par répondre.

Elle joua et ils se laissèrent porter un moment. Finalement, elle rougit sans pouvoir se retenir face aux compliments. Le sourire de Drew devint radieux. Il était tellement fier d'avoir réussit à la faire rougir! C'était un peu idiot, s'il y pensait, mais il était content de pouvoir flatter son égo, avec des choses qu'il pensait réellement. Elle n'avait pas l'air d'avoir beaucoup confiance en elle, ou en tout cas, elle semblait trop critique envers elle-même. Alors chaque compliment accepté était une petite victoire pour le musicien. Elle accepta et Drew ne se fit pas prier. Il s'assit sur le lit, plaça sa guitare sur ses genoux et s'apprêta à commencer lorsqu'elle lui posa une question très étrange. Le... LE croquer? Son regard surpris et interrogateur se leva vers elle. Etait-ce des avances? Non, elle était trop timide pour ce genre de choses... Si? Pas qu'elle ne soit pas ravissante et qu'elle n'avait pas la capacité d'attirer Drew, mais le renversement de situation le laissait un peu perplexe. Ca ne pouvait pas être ça, si? Les phrases qui suivirent finirent de le perdre. De quoi parlait-elle? Faire semblant de ne pas savoir qu'elle le mordait? Se contenter de l'écouter? Le rose mordit ses joues alors qu'il était perdu dans les mots.

― Ah euh j-je... bafouilla-t-il. Je suis pas certain de comprendre pour être honnête euh... Tu veux me.. Me croquer? Genre me mordre? C'est.. Soudain. Surprenant. Euh... il regarda sa guitare, un peu gêné. S'il s'attendait à ça...

“La fuite n'est qu'un détour. Si le détour est parfois salutaire, il est le plus souvent inutile.”

La surprise avait été telle qu'il avait presque oublié qu'elle lui avait dit qu'elle-même ne sortait pas en soirée. Il se serait certainement offusqué, il lui aurait proposé d'y aller avec elle, ou elle de venir avec lui. Peu importe la formulation, l'objectif était le même : la sortir de chez elle et l'emmener s'amuser. Il lui aurait certainement proposé sans hésiter, si le quiproquo n'était pas de taille. Mais le fait était là, bien que plutôt habitué à se faire draguer du fait de sa propention à sortir s'amuser, doublé de sa passion pour la musique, la situation faisait qu'il se sentait presque mal à l'aise. Au fond, il espérait se tromper. C'était embarrassant, puisqu'il n'avait rien vu venir. Son regard quitta sa guitare qui se trouvait être son point de contact, son porte-bonheur qui lui permettait de garder un peu ses esprits, pour se poser dans le regard vraiment surpris de la jeune femme. Oh. Il avait certainement mal compris. Le soulagement le prit immédiatement et son sourire réapparut sur ses lèvres, comme un phoenix, renaissant de ses cendres.

Suite à l'incompréhension dont Drew avait fait preuve, Alcyone se retrouva des plus gênées. Elle détourna d'ailleurs le regard, et Drew en profita pour prendre une grande inspiration, pour ne pas rire nerveusement sous le coup du stresse qui avait été soudain. Elle se justifia et expliqua ce qu'elle entendait, et Drew se sentit bête de ne pas connaître ce mot. Après tout il n'était pas en arts, et malgré sa formation de journaliste, il ne connaissait pas tous les mots spécifiques de tous les domaines. Ou peut être était-il censé le savoir, mais que sa passion pour la musique lui avait fait porter peu d'attention sur ce genre de vocabulaire. Il se détendit subitement et ne pu s'empêcher de rire un peu, le regard pétillant. Il était joyeux.

― Désolé, je ne savais pas que croquer était aussi un verbe pour faire des croquis. Mais oui, bien sûr que tu peux me dessiner. s'amusa-t-il, riant de bon coeur de son incompréhension.

La gêne se lit facilement dans le comportement de la jeune femme, et Drew ne trouva pas d'autre moyen pour la détendre que de commencer à jouer quelques notes, sourire radieux aux lèvres.

― C'était drôle comme quiproquo! Désolé de t'avoir mise mal à l'aise. s'excusa-t-il en grattant les cordes, concentré sur ses accords.

Il joua une mélodie douce pour essayer de détendre l'atmosphère, ses doigts bougeant avec doigté sur le manche de sa guitare ( ). Il joua quelques minutes, jusqu'au compliment inattendu de la jeune femme. Le musicien arrêta tout ce qu'il faisait pour lever un regard surpris sur elle, avant de se mettre à rire avec entrain.

― Merci!

Elle l'encouragea à reprendre, et il commença les premiers accords de la chanson qu'il avait débutée avant qu'elle ne s'enfuit. Il joua et chanta tout ce qu'elle avait déjà entendu, paupières closes et sourire aux lèvres.

―Mortal kings are ruling castles
Welcome to my world of fun
Liars settle into sockets
Flip the switch and watch them run chanta-t-il, lui lançant un regard amusé sur le mot "run", taquin.

Il termina les deux refrains qui finissaient la composition, ayant complètement oublié qu'elle était en train de le dessiner.