Beloved Sister

Beloved Sister

”Saoirse !”
Isleen, dans sa discrétion naturelle, tape de toutes ses forces contre la pauvre porte qui n'a rien demandé à personne. Elle a bien l'intention de rentrer dans cet appartement, de gré, ou de force.
Qu'elle réveille sa soeur en pleine grasse matinée ? Qu'elle la dérange lors d'un de ses rares jours de congé ? Est-ce que l'irlandaise vous donne vraiment l'impression de s'encombrer de ce genre de détails ?
Tout avait l'air d'aller bien. Elle l'avait certes trouvée un peu aggressive à la maison, quand les O'Healy s'étaient tous retrouvés dans la maison familiale. Ça avait même eu ce parfum d'insouciance et de retour aux vieilles habitudes : Isleen aux fourneaux avec Papa, Saoirse profitant de la douceur du printemps dans le jardin avec Maman, Oisin papillonnant d'un duo à l'autre pour ne pas manquer une miette des conversations.
D'accord, même Maman avait trouvé que sa fille cadette mangeait bien peu. Cette dernière avait pu s'en tirer grâce aux taquinneries familiales – quand est-ce qu'Oisin se déciderait-il à ramener une fille à la maison ? Et toi Isleen, quand est-ce que tu nous présentes ce charmant jeune homme qui t'a fait tourner la tête ? – jusqu'au moment où l'aînée lui avait demandé où en étaient les choses entre sa soeur et ce bel homme dont elle lui avait parlé tantôt, dans une soirée avec un certain pussycat.
Ils avaient tous été surpris de voir Saoirse s'excuser pour partir s'allonger. Maman avait laissé passer quelques minutes avant d'aller rejoindre sa fille, et Isleen n'avait jamais su de quoi ces deux là avaient bien pu parler – elle avait toujours été plus proche de Papa, elle, de toute façon. Et c'était Oisin qui avait résumé ce que les trois ours restés à table pensaient à ce moment là.
“Someone needs to see his knees broken.”¹
Une petite phrase dont ils savaient tous le sens. La dernière fois qu'on s'en était pris à Saoirse, le pauvre jeune garçon avait passé un sale quart d'heure.
Et puis Maman était revenue, et avait balayé le problème du revers de la main. Quoique sa cadette lui ait dit, elle ne comptait pas en parler, ni ne comptait-elle les laisser y fourrer leurs nez.
La vie avait repris son cours normal dès le lendemain.
Jusqu'à ce samedi.
“Leen, dear, have you taken some ingredients from my reserve ?”²
Des produits qui disparaissent du stock de Maman, c'était inhabituel. Et non, ce n'était pas le fait d'Isleen, qui aurait eu la délicatesse de demander avant – et qui avait bien assez de stock elle-même dorénavant. Et quand elles ont fait ensemble la liste des produits manquants, les choses ont fait sens.
Et cette fois, l'aînée des O'Healy ne comptait pas laisser sa soeur s'en tirer comme ça.
“Open the door, Saoirse ! We need to talk ! Now !”³
La porte finit par s'ouvrir. A-t-elle voulu faire croire qu'elle n'était pas là ? Était-elle simplement sous la douche ? En tout cas, de simplement voir le visage émacié de sa soeur suffit à calmer une Isleen qui avait l'air jusqu'ici passablement agacée.
Un grand sourire fleurit alors sur ses lèvres.
“I brought breakfast !” fait-elle alors en montrant le sachet en papier kraft qu'elle tient à la main. “I even took your favourite thing, the stuff with strawberries !”⁴
Oui, le truc avec des fraises. Ce n'est même pas une vraie viennoiserie, on dirait qu'il n'y a pas de beurre dedans tellement c'est léger !
Mais bon, c'est pour sa soeur. Et vu qu'elle se gave de potions coupe-faim, il va falloir la jouer serrer.
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¹Il va falloir casser des genoux.
²Leen, ma puce, est-ce que c'est toi qui a pris des ingrédients dans ma réserve ?
³Ouvre la porte Saoirse ! Il faut qu'on parle ! Maintenant !
⁴J'ai ramené le p'tit déj ! J'ai même pris ton machin préféré, là, le truc avec les fraises !

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Pas étonnant qu'Isleen ait dégainé son sourire le plus solaire en réaction à l'état de sa soeur. Malgré des traits de caractères communs, elles étaient parfaitement opposées sur plusieurs choses. L'une est solaire, l'autre plutôt lunaire. L'aînée est Gryffondor, la cadette Serpentard. Leen a fait de lonues études, Saoirse a préféré travailler dès qu'elle en a eu l'opportunité.
Et surtout : elles n'ont pas du tout le même rapport à l'alimentation, l'une versant dans la boulimie là où l'autre a les deux pieds dans l'anorexie.
Les deux faces d'une même pièce.
“Then you'll have another one,” déclare la potionniste d'un ton assuré en entrant dans l'appartement comme si elle était chez elle – ne l'est-elle pas ? “'Tis not as if anyone could resist those little treats !”¹
Le sac en papier kraft est posé sur la table et voici que la jeune femme ouvre tous les placards à la recherche de quoi faire un bon chocolat chaud. Évidemment, rien ne trouve grâce aux yeux de la chercheuse qui a tôt fait de tout refermer. Comme si un placard ne contenant rien de plus sexy qu'un sachet de thé pouvait l'arrêter. Elle fouille dans son éternel sac en bandoulière, abandonné tantôt sur une chaise, et en sort une tablette de chocolat.
Jamais prise de court ! C'est qu'elle connaît sa soeur, hey.
Pour le lait… Elle sort sa baguette, l'agite, murmure une formule et pouf ! Voici qu'une bouteille de lait, tout droit venue de ses placards à elle, apparaît.
“You're so skinny a second breakfast can't hurt, sweety,”² fait-elle remarquer alors qu'elle s'est déjà mise derrière les fourneaux.
A-t-elle cru sa cadette quand cette dernière lui a dit avoir déjà déjeuné ? Pas une seule seconde. Saoirse ne mange déjà pas beaucoup en temps normal, mais si elle est retombée dans les potions coupe-faim comme elle le pense, la pauvre doit se contenter de manger une pomme par jour.
Quelle tristesse ! Une pomme par jour !
Non, elle ne peut pas laisser faire ça.
“Got a call from Mam' yesterday. Some ingredients were missing from her reserve.”³
Comment ça, tact et subtilité ? Je vous en prie ! Isleen, c'est la reine des pieds dans le plat ! Et elle y va de bonne grâce, sans vraiment s'interroger sur la brutalité du procédé. Ou plutôt, elle recherche ce choc. Voudrait-elle volontairement faire exploser Saoirse ? Ce n'est pas impossible. Après tout, cette méthode, elle l'a déjà expérimentée, et ça s'est avéré plutôt efficace.
Comment ça, c'était Pussycat qui l'avait utilisé sur elle ? Oui, bon. Mais si ça marche sur une O'Healy, ça marche sur l'autre aussi, non ? Et puis, elle n'a certainement pas les talents manipulateurs de son meilleur ami. Alors elle y va un peu à la va comme j'te pousse. Tant que ça marche…
“What is really weird about that is…” Elle marque une pause avant d'énumérer tous les ingrédients manquant, remuant le chocolat chaud dans la casserole du bout de sa baguette. Un à un, elle les cite. Et dans l'ordre dans lequel il faut les mettre pour obtenir… “… are all you need for a hungry no more potion.”⁴
Son attention s'est détourné de sa mixture. Isleen regarde sa soeur droit dans les yeux, bien décidée à ne pas la laisser s'échapper.
“Saoirse… It's the last thing you need.” Plus qu'un ton moralisateur, c'est de l'inquiétude qui transparaît dans sa voix. “I thought you were done with those… What happened ?”⁵
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¹T'en prendras un autre alors. C'est pas comme si on pouvait résister à ces petites choses !
²T'es tellement maigre qu'un deuxième petit déj ne te fera pas de mal, mon lapin.
³J'ai eu maman au téléphone hier. Des ingrédients ont disparu de sa réserve.
⁴Ce qui est bizarre, c'est que… (…) … ce sont les ingrédients dont on aurait besoin pour une potion coupe-faim.
⁵Saoirse… C'est la dernière chose dont tu aies besoin. Je croyais que tu en avais fini avec ça… Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

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Il n'y a pas grand chose qui puisse détourner Isleen d'une casserole de lait dans laquelle elle fait consciencieusement fondre des morceaux de chocolat. L'agressivité de Saoirse en fait partie, de toute évidence, car elle suspend son geste au-dessus du feu, dévisageant brutalement la jeune femme.
Il s'est passé quelque chose. Elle s'en doutait, bien sûr, mais là ce n'est plus l'heure des suppositions. Oisin avait raison : il allait falloir ressortir la batte et aller casser des genoux.
D'un mouvement lent, la potionniste entreprend de remuer le contenu de la casserole du bout de sa baguette, qu'elle peut poser ensuite : le chocolat chaud se fait tout seul, désormais. Et elle s'approche de sa soeur, sourcils froncés. Les vannes s'ouvrent, il n'y a plus rien d'autre à faire que d'attendre que l'orage passe.
Du sourire, Isleen passe à la grimace en entendant les divers commentaires de sa soeur. Hideuse. Une belle histoire.
Comme Papa et Maman.
Quelque part, derrière leur tempéramment volage, n'ont-elles pas toutes les deux cherché à reproduire ce modèle ? Un couple solide, comme leurs parents ? Ça fait rêver quand même…
“Oh, sis'…”
Voici une chose qui n'arrive pour ainsi dire jamais : la chercheuse a abandonné son chocolat chaud. Elle s'est approchée de sa soeur et l'a entourée de ses bras joliment potelés pour la serrer contre elle. Faire disparaître son corps si frêle dans ses bras.
Et alors qu'elle essaie de bercer la jeune femme contre elle, la colère monte, insidieuse, dans ses veines. On a fait pleurer sa soeur. Ça, c'est impardonnable. Il y a tout à parier que ça se paiera, d'une façon ou d'une autre. Entre son fouineur de frère – digne héritier de leur père –, Pandora qui doit encore avoir des entrées partout, voire Loïs qui est toujours très bien informé… Elle trouvera le moyen de mettre la main sur ce pauvre con.
“You're perfect, darling. If he can't see that, then he's nothing but a jerk.”¹
Elle serre un peu plus fort et l'embrasse sur le front. Oui, tout à fait, un connard. Et encore, elle est gentille : elle a bien d'autres qualificatifs qui lui viennent en tête, beaucoup moins sympathiques.
Elle se détache une fois qu'elle sent les pleurs se tarir et glisse une main pour essuyer les larmes de sa soeur. Oh, que ça la met en colère ça. Ça commence à se voir d'ailleurs. Ses sourcils se sont froncés, ses lèvres se sont pincées dans une imitation parfaite du visage de leur mère quand Oisin fait une grosse bêtise.
“Do you want me to go and break his knees ?”² siffle-t-elle, tout à fait sérieuse. Un mot de Saoirse, un seul, et elle va lui régler son compte comme elle a réglé celui de l'autre dégénéré qui avait osé diffuser des photos de sa soeur du temps de Poudlard.
Les conséquences légales ?
Boarf. Elle y pensera le moment venu. Là, elle veut juste aider la jeune femme à aller mieux. Et s'il faut traîner Dorian par les cheveux, les genoux en morceaux, jusqu'à elle pour qu'il rampe à ses pieds et lui fasse des excuses, qu'il en soit ainsi.
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¹Tu es parfaite, ma chérie. S'il ne peut pas voir ça, alors c'est rien d'autre qu'un connard.
²Tu veux que j'aille lui péter les rotules ?

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Se faire reprendre par Saoirse a de quoi surprendre son aînée. Comment ça, c'est pas un connard ? Bien sûr que si ! N'importe quelle personne qui la ferait pleurer en est un, y'a pas à tergiverser. En revanche, cette façon de le défendre et de refuser l'aide providentielle – oui oui – qu'on lui propose, ça en dit long sur la façon de penser de la jeune femme.
Ou de ressentir, plutôt.
Oh la la, c'est vraiment bien plus grave que ce qu'Oisin et elle avaient envisagé. Maman avait dit quoi ? Ne la brusque pas trop, Isleen. Sage conseil. C'est qu'elle la connaît comme si elle l'avait faite, hein. Mais est-ce que Leen va suivre ce sage conseil pour autant ?
“Come on ! You're not to blame !” insiste-t-elle en l'écartant brutalement, à bouts de bras. “Look at you ! We could fit two of ye in one of me !”¹
Elle secoue la tête. C'est pas possible d'avoir des complexes pareils. Certes, elles se taquinnent l'une et l'autre en permanence sur leur physique et les différences de poids entre elle, mais ça n'a rien à voir là dedans. La Gryffondor est vraiment ce qu'on pourrait appeler une adepte, une prêtresse même, du mouvement body positive. Il n'y a qu'à la voir s'admirer dans le miroir et se dire qu'elle est sexy, parfaite,magnifique.
Elle vous dira même qu'elle ne prend pas de poids : elle crée de l'espace supplémentaire pour sa superbe.
Oui, oui.
Bon, elle ne va pas dérouler le sempiternel couplet sur les côtes que l'on voit à travers sa peau, ses joues émaciées, et ses cernes qui s'étendent sous ses yeux. Ça serait contre-productif. Le reste, en revanche…
“How many times will I have to tell you ? Everything is a question of diet. You can't have a glowing skin if you don't eat properly, right ?”²
Le régime alimentaire est la réponse à tout. Vous devriez le savoir, à force. Dans cinq minutes, elle clamera que le gras, c'est la vie, et on ne pourra certainement pas lui dire le contraire.
“Come on sweety, let's have a hot chocolate at least, I'm sure you haven't eaten this morning yet. Plus, chocolate is perfect to lighten up your mood, there's plenty of magnesium in it !”³
Le remède à tout, je vous dis. Et si on ne l'arrête pas, elle va continuer à lister tout ce que Saoirse doit manger pour se sentir mieux, hein. La glace à la vanille, les tartes de chez Carpe Diem, et pis l'Irish Stew aussi, tu te souviens, celui que Papa faisait quand on était petites, et pis…
“You know, if he's that important to you…” Elle avait enfin fini par se taire pour retourner s'occuper de son chocolat chaud. Il est presque prêt, d'ailleurs. Une petite touche de cannelle – pour le système immunitaire – et le tour est joué ! “… Famishing yourself isn't going to help you in any way. On the contrary : why don't you try and talk to him ? If he's not a jerk, he might even listen to you.”⁴
Oh Isleen, c'est pas joli ce que tu fais, de retourner les propos de ta soeur pour parvenir à tes fins. Pas joli du tout.
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¹Allez ! T'es pas fautive ! Regarde toi ! On peut en rentrer deux des comme toi dans une comme moi !
²Combien de fois dois-je te le dire ? Tout est question d'alimentation. Tu peux pas avoir une peau de rêve si tu manges mal, okay ?
³Allez ma belle, on boit au moins un chocolat chaud, j'suis sûre que t'as encore rien mangé ce matin. Et puis, le chocolat, c'est parfait pour le moral, y'a plein de magnésium dedans !
⁴Tu sais, s'il est si important pour toi… T'affamer ne va pas t'aider. Au contraire : pourquoi tu vas pas essayer de lui parler ? Si c'est pas un connard, il t'écoutera sans doute.

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Bien sûr qu'elle est sublime ! Et comme sa soeur et elle se ressemblent comme deux gouttes d'eau – enfin, avec quelques kilos d'écart – Saoirse est donc sublime aussi ! CQFD !
Fière de cette constatation, Isleen s'apprête à en faire part à sa cadette quand cette dernière commence à négocier avec le chocolat chaud. Aaaah, bonne nouvelle ! Hop, on sort deux mugs, et on verse le chocolat dedans !
“Works for me ! Once you'll have tasted it, you won't be able to stop yourself from drinking anyway !”¹
Quel optimisme ! Et la voici qui s'installe à table, avec les deux tasses, et en pousse une vers sa soeur avec un sourire ravi. Elle pousserait bien le vice à un peu de chantilly mais… On va pas forcer la chance, hein. Alors elle écoute la suite des explications en veillant à ce qu'elle tienne parole et boive un peu de lait chocolaté. Quelques calories ne peuvent pas lui faire de mal.
Les interrogations semblent bien étranges à la jeune femme en tout cas. Que lui dire ? Enfin voyons Saoirse !
“Well, I would seduce him of course !”²
Non mais sérieusement ! Quand on veut quelque chose, on se donne les moyens de l'obtenir ! Croyez-vous que quand elle a envie d'une brioche, elle attend que cette dernière prenne ses petites papattes pour venir jusqu'à elle ? Que nenni ! Elle sort sa farine et ses biscottos et hop, au boulot ! C'est la même chose quand on parle d'un beau bipède : on sort le décolleté, le rouge à lèvres, et le regard de biche !
Saoirse ne pouvait pas avoir oublié ça, hein ?
“If he has problems to deal with, being on his own cannot help, you know. Sometimes you need a helping hand.”³
Comme elle était là pour sa soeur aujourd'hui. Comme Loïs avait été là pour elle quand elle avait dû faire face à la perte de Letha. Comme Gunnar avait été là pour sécher ses larmes. Elle attrape sa tasse et trempe déjà ses lèvres dedans. Hm. Ça manque de crème fouettée, vraiment. Même la cannelle ne saurait faire oublier ça.
“So what I would do… I would invite him for dinner. I would cook a masterchef meal, 'cause the only way to a man's heart is through his stomac – and not his dick, that's not a way to keep'em.”⁴
Et elle vous dit tout ça en buvant la boisson préférée des enfants. Admirez le paradoxe. Et les jambes croisées sous la table, elle continue son laïus sans sourciller.
“Or you can invite him at a restaurant. Either way, you need to start eating again.” Et là, les yeux noisette de la jeune femme cherche ceux, fuyant – j'imagine ? – , de sa cadette. “Saoirse, where are you hiding them ?”⁵
Pas besoin de préciser ce dont elle parle, c'est parfaitement limpide. Et il n'y a pas à en douter : elle ne partira pas d'ici sans avoir mis la main sur les potions coupe-faim de sa soeur et sans les avoir toutes vidées, une à une. Il y a fort à parier qu'elle vérifiera aussi que les stocks d'ingrédients sont vides également.
Il faut couper tout cela à la source. Et vite avant que l'addiction ne se réinstalle.
“You can come to my place for a few days if you want, so you can be sure you won't get tempted.”⁶
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¹Ca me va ! Une fois que tu l'auras goûté, tu ne pourras plus t'empêcher de le boire de toute façon !
²Bah, je le séduirais bien sûr !
³S'il a des problèmes, rester seul ne l'aidera pas tu sais. Des fois, tu as besoin d'une main tendue.
⁴Donc, ce que je ferais… Je l'inviterais à dîner. Je lui ferais un dîner de grand chef, parce que le seul chemin qui mène au coeur d'un homme est par son estomac – et pas sa bite, c'est pas comme ça qu'on les garde.
⁵Ou tu peux l'inviter au restau. Dans tous les cas, ça implique que tu recommences à manger. Saoirse, où est-ce que tu les caches ?
⁶Tu peux même venir chez moi quelques jours si tu veux, comme ça tu seras sûre de pas être tentée.

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Les aveux arrivent. C'est bon signe : Saoirse a conscience que ce n'est pas normal, et qu'elle a un problème. C'est déjà ça de pris, se dit la potionniste qui a déjà vidé sa tasse de chocolat et commence à taper dans les viennoiseries ramenées pour le petit déjeuner – tout en surveillant que sa soeur boive bien quelques gorgées au moins de sa boisson chaude.
Va-t-elle pour autant fouiller là où lui indique que se trouvent les potions ? Bien sûr que non. Elle attend que la jeune femme ait fini de lister, lui lance son regard pénétrant pour lui faire avouer d'autres cachettes inavouées, se souvient des endroits où Pandora planquait ses propres démons et se dit qu'il y a forcément des endroits auxquels elle ne penserait pas.
Alors elle ne prend pas de risques. Une fois qu'elle a obtenu tout ce qu'il y avait à obtenir de sa soeur, Isleen s'empare à nouveau de sa baguette et l'agite en murmurant une formule d'attraction. Plusieurs fioles lui parviennent, sortant de placards et lieux parfois improbables, voletant jusqu'à la table où elles sont installées. Les sourcils froncés, la chercheuse avise les contenus d'un oeil critique : si le mélange n'est pas exécuté à la perfection, des conséquences encore pire que l'anorexie aurait pu atteindre sa cadette, et ça, elle refuse de l'envisager.
Et si une anomalie se présente, il y a tout à parier qu'il lui faudra fournir un antidote – mais elle ne doute pas de sa capacité à en produire un.
Elle attrape les fioles qui flottent à ses côtés une à une. Elle les débouche, les examine, en renifle le contenu, avant de lancer un Recurvite ! et de recommencer avec cette rigueur qui a caractérisé ses études. Tout en écoutant sa soeur accepter de venir chez elle – oh, elle s'était attendue à devoir batailler pour ça – et énoncer un blasphème.
Isleen la dévisage comme si elle venait d'énoncer un blasphème en tout cas. Et c'est le cas ! Quelle offense au Dieu Nourriture et au Panthéon Alimentaire !
“Oh dear, don't be so narrow-minded ! Food is also about fruits, and vegetables, and… So many things !”¹
Bon, sans gras, c'était tout de suite moins sympa. Mais elle pouvait l'initier au miracle des salades d'été, avec des tomates séchées et des petits morceaux de mozzarella bien laiteuse, ou au plaisir du gaspacho andalouz avec quelques petits croûtons à l'ail…
Elle a faim. Et abandonne son examen de potions un instant pour avaler une nouvelle viennoiserie.
“Fat and sugar are essential, but… We can start with that, if you feel safer about that. As far as you eat, to start with, it'll be a good start.”²
Et elle a fini d'examiner et vider la dernière fiole. Pfiou. Elle avait pas fait semblant, la frangine.
“Should we start packing up some of your things before heading to my place ?”³
Ah ça, elle ne va plus la laisser s'échapper, et ne compte pas lui laisser le temps de changer d'avis. On sait jamais.
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¹Oh ma puce, ne sois pas si réductive ! L'alimentation, c'est aussi les fruits, les légumes, et… Tellement de choses !
²Le gras et le sucre sont incontournables mais… On peut commencer avec ça, si tu es plus à l'aise à ce propos. Tant que tu manges, pour commencer, ce sera un bon début.
³Allez, on va préparer quelques unes de tes affaires avant d'aller chez moi ?