Segin L. Travers || Elizabeth Woolridge Grant

Tu es la bonne petite dernière de ta fratrie, avec deux frères et une sœur aînée. T’as toujours apprécié cette position, surtout que dans tes souvenirs, vous vous êtes toujours entendus, les disputes étaient extrêmement rares ou coupées court. Ton enfance, t’en a que des bons souvenirs, que ce soit des moments passés avec tes aînés, ou l’ambiance qui y régnait. Si ça ne tenait qu’à toi, t’aurais bien vécu là, comme ça, toute ta vie. Que les vacances ne se finissent jamais, parce qu’à chaque rentrée, il fallait au début que tu te sépares de tes frères. Heureusement, il te restait encore ta sœur, que tu ne manquais pas de coller à la moindre occasion. En même temps, t’avais toujours trouvée Mara impressionnante. Parce qu’elle savait plein de choses, certes tes frères aussi, mais avec elle c’était différent, tu t’en sentais encore plus proche, ne serait-ce que parce qu’elle était aussi une fille et que l’écart d’âge était moins prononcé entre vous.

Puis c’était elle aussi qui avait réussi à te calmer après ton premier signe de magie. T’avais quatre ans, votre mère vous avait promis de vous lire une histoire mais traînait à arriver, alors ça t’avait énervée, et le livre qu’elle aurait dû lire avait commencé à prendre feu. Sans doute que tu n’avais jamais hurlé aussi fort de ta vie et que tu n’avais jamais non plus couru aussi vite jusqu’au lit de sœur, où tu t’étais réfugiée pendant le reste de la nuit. Encore aujourd’hui tu gardes une certaine crainte du feu, que tu n’as pas vraiment essayée de surmonter. T’avais été assez partagée, entre la peur que quelque chose d’autre ne prenne feu, et le bonheur d’avoir enfin ton signe de magie.

Le seul souvenir négatif que tu pourrais avoir, ce serait le jour où Mara dû partir elle aussi pour Poudlard. Tu te rappelles avoir pas mal pleuré lorsque vous n’aviez pas encore quitté la maison, parce que tu n’avais aucune envie de la laisser partir, t’avais bien essayé qu’on te laisse y aller avec elle, mais ça n’avait pas non plus fonctionné. Malheureusement. T’avais quand même essayé de sécher assez rapidement tes larmes, surtout parce que la menace de ne pas pouvoir l’accompagner à la gare avait planée, si tu continuais de pleurer, mais ça ne t’avait pas empêché de chouiner une bonne partie de la journée une fois que tous tes aînés furent partis. La maison était tellement plus vide, mais heureusement que ta mère ne travaillait pas et passait la plupart de son temps à s’occuper de toi. C’est à partir de ce moment là que tu as commencé à prendre goût à la cuisine aussi. T’aimais bien pour une fois faire quelque chose de tes mains, que tu pouvais en plus manger après. Quelque chose d’utile, en somme.

Et vint enfin le jour où tu pu entrer à ton tour à Poudlard. Tu n’en avais pas spécialement peur, mais surtout hâte, avec tout ce qu’on t’avait raconté à ce sujet, et surtout parce que tu pourrais retrouver Mara, même si vous n’étiez pas dans la même année. Tu n’avais pas été surprise de finir dans la même Maison que tes aînés, dès que t’avais posé tes fesses sur le tabouret, t’avais prié de toutes tes forces pour que le Choixpeau t’envoie à Serpentard, en même temps. Si tu pensais être heureuse avant, tu l’avais encore plus été là-bas. Tu n’avais pas directement cherché à te faire des amis, ou alors pas plus loin que ceux de ta sœur, tu les trouvais plus intéressants. Ce qui avait un peu posé problème lorsque tu rentra en troisième et qu’ils avaient tous finis leurs études. Les groupes s’étaient déjà formés dans ton année et te faire ta place n’avait pas vraiment été chose aisée. Mais ça ne te dérangeait pas spécialement, dans le pire des cas tu t’asseyais simplement avec eux, et ça te donnait l’impression de ne pas être totalement seule, ça te suffisait. T’avais mieux à faire, comme étudier par exemple. Parce que tu avais bien compris que tes parents n’avaient pas très envie de voir des échecs dans tes relevés de notes, même si tu avais du mal dans certaines matières. Comme la botanique. A quel moment on vous demandait de toucher des plantes et de la terre là, franchement. Après vous en foutiez partout et c’était dégueulasse.

T’avais remarqué qu’un élève de ton année par contre était vraiment doué là-dedans. Certes il était à Serdaigle, mais tu le connaissais de vue, il faisait partie d’une autre famille de Sang-Pur, et en plus ta sœur allait être promise à son frère. Plutôt que d’aller lui parler comme quelqu’un de normal, t’avais paniqué lors d’une interrogation écrite, et le seul réflexe que t’avais eu avait été de te mettre à côté de lui pour tricher sans aucune vergogne. Ca aurait sans doute pu passer, si dans la panique, tu n’avais pas en même temps copié son nom et son prénom sur ta copie, mais soit. L’enseignant n’avait pas manqué de le remarquer et de prévenir tes parents au passage. Bien la première et dernière fois qu’ils t’avaient passé un savon. Tu t’étais résignée à être d’une nullité sans nom en cette matière, sauf que Tomos avait proposé de t’aider pour la suite, ce qui porta nettement plus ses fruits que ta tentative de tricherie d’ailleurs.

Le reste c’était plutôt bien passé, si ce n’était que t’avais cette fâcheuse tendance à l’époque d’être d’une naïveté sans nom, et de craquer au premier compliment qu’on te faisait. Si au début ça n’avait pas posé problème, aucune de ces histoires d’amour n’avaient abouties à quoique ce soit de bien ou de concret. Parfois en larmes, lorsque tu te rendais compte que certains en jouaient. A chaque fois tu finissais par aller voir ta sœur, à vrai dire la seule devant qui tu n’avais pas vraiment honte de pleurer, ni même de raconter quoique ce soit, et à chaque fois que tu retournais en cours, tu n’avais aucune idée de ce qu’elle avait pu faire, mais tu n’entendais plus du tout parler de ces personnes. Ce qui t’arrangeait assez fortement.

En sortant de tes études, t’avais pris un peu de temps à trouver ce que tu voulais réellement faire. T’avais pas l’impression d’être douée en beaucoup de choses. Certes, tu savais en faire, mais pas à la perfection, ou alors ça ne te motivait pas tant que ça. Par défaut t’avais été dans la communication. Tu savais qu’il y avait pas mal de débouchées, mais c’est lors de ton stage dans les bureaux du Sorcière Hebdo, que t’as eu le déclic. Si en tant que stagiaire, tu n’avais pas fait énormément de choses, tu avais pu avoir un avant-goût de ce qu’être rédacteur était, et ça t’avait directement plu, tout comme l’ambiance qui y régnait. T’avais tout misé sur eux lorsque tu étais sortie de tes études supérieures, et par chance, ou simplement grâce au travail que t’avais pu fournir lors de ton stage, ils avaient tout de suite retenu ta candidature et t’y avais engagée. Au début tu n’avais pas fait énormément de choses, il fallait bien que tu te fasses un minimum au moule. Mais petit à petit les missions s’étaient corsées, jusqu’à ce qu’on ne te laisse écrire tes propres articles.

T’avais l’avantage d’avoir certaines informations exclusives aussi. Sans doute que ça n’avait rien de légal, que de demander à ta sœur de temps à autres ce qui pouvait bien se passer au Ministère, mais grâce à elle, on t’avait un peu plus fait confiance, et laissé de plus en plus de place dans le journal. T’aurais bien continué de vivre tranquillement de la sorte d’ailleurs. Sauf que dernièrement, tes parents avaient décidé qu’il était quand même temps de te marier. Certes tu étais la petite dernière, mais ce n’était pas pour ça que tu allais y échapper. Du tout. Le prétendant, tout aussi ravi que toi d’ailleurs, tu le connaissais un peu. Wezen Leryot. Vous vous étiez surtout retrouvés lors d’une soirée plus jeune, visiblement affamés, dans les cuisines à vouloir subtiliser de la nourriture. Fait que tu n’avais jamais relaté à qui que ce soit d’ailleurs. Puis même à Poudlard, vous aviez pu parler à quelques reprises, même si tu te souvenais juste qu’il passait pas mal de temps à te charrier et que tu finissais les trois quart du temps à bouder, mais bon. Tu te dis que ça aurait pu être bien pire, même si ça ne t’empêchera pas de faire preuve de mauvaise foi à son égard.