Why don't you hit me with your best shot ? (Nathanaël & Mthunzi)

Les bars du Chemin de Traverse se ressemblaient tous un peu. A force de traîner la nuit dans tous les établissements, Mthunzi ne faisait plus vraiment de différences entre les enseignes. Surtout quand il en avait déjà visité certains. Il marchait encore droit, mais il était plus joyeux que d’habitude. Plus optimiste, ce qui n’était pas du luxe face à sa situation. Il avait envie de s’amuser, de passer une bonne soirée. Peut-être de repartir accompagné. Il avait entendu parlé d’un bar où on y faisait facilement des rencontres. Avec un peu de chance, il tomberait sur quelqu’un qui ne le connaissait pas, et il pourrait flirter sans avoir un questionnaire sur les Death Wing. Enfin… Il savait bien qu’il avait sans doute un agent du Ministère pour lui coller au cul. S’il le voyait, il irait peut-être le dragouiller, pour la blague.

Il ne tarda pas à trouver l’enseigne dont on lui avait parlé. Le Griffon Joyeux. Il passa le seuil de la porte, et… Visiblement, il n’était pas le bienvenue. Mais c’était mal le connaître que de croire qu’il allait rebrousser chemin face à quelques regards noirs. Il s’avança au bar, et interpella poliment le barman pour commander. Qui finit par venir le voir.

“Tu devrais sortir. Parce que si tu le fais pas, c’est le patron qui te fera sortir. On veut pas de gens comme toi, ici.” déclara-t-il sèchement. “Ici, on apprécie la diversité. Pas les Death Wing.”

Ah oui. L’hostilité est avérée. Mais il s’en fout. C’est pas les premiers à tenter de l’intimider.

“Ouais, et moi j’apprécierai que tu me serves un verre au nom de ta grande tolérance.”

Ok. C’était un peu de la provocation. Mthunzi était tellement habitué à l’hostilité qu’il jouait en permanence avec le feu. Et puis merde, on l’empêchait de venir pécho ici ? C’était pas très très tolérant comme attitude. Il était certain que dans ce bar, y’avait des Death Wing, juste, on avait pas vu leur gueule sur tous les journaux.

“T’as pas entendu le barman ?” lança un client.

“Ouais, dégage !”

Et les insultes arrivèrent par vague. Pas assez pour le faire bouger. Mais on l’attrapa avant qu’il puisse vraiment réaliser ce qui se passait. Wow. Faut pas déconner dans les bars gays en fait. Il se retrouva jeté dans la rue. Il aurait pu riposter. Sortir sa baguette et se lancer dans un combat perdu d’avance. Seulement, il était tellement surpris, et alcoolisé, qu’il ne put pas réagir. Il resta juste par terre. Réalisant qu’il avait pris un sale coup au visage. Il avait un goût de sang dans la bouche. Putain. Il pensait pas finir comme ça en venant draguer.

Il remarqua qu’un type le regardait.

“Quoi ? Tu veux venir me taper aussi ? Vas-y, fais toi plaisir !” lui lança-t-il en s’asseyant par terre, une main constatant les dégâts sur ses lèvres.

Cosmo avait compris en entendant son maître monter les escaliers que c'était l'heure. Et aussi digne et composé que le Doggamy aimait être, il se retransformait en gamin quand c'était l'heure de la promenade. Nate avait ouvert la porte et avait accueilli son enthousiasme avec un sourire et moultes caresses. Il s'en voulait toujours de devoir l'enfermer en journée. Malgré la pause promenade du midi, et le fait que l'animal s'adaptait a la taille de l'environnement qui l'accueillait, Nate savait qu'il était fait pour de plus grands espaces. Il le sentait.

« Du calme mon grand, on y va. »

Il lui avait dit en attachant son harnais. Cosmo avait déjà sa taille de grand chien (bleu, certes, mais quand même). Parfois Nathanael se demandait s'il ne devrait pas contacter Isleen, qui avait déjà mis en bouteilles de très utiles sortilèges pour lui, pour un charme d'illusion à lui passer sur le pelage / plumage de son animal de compagnie. De cette façon ils ne seraient pas limités au Londres sorcier.

Parfois il variait un peu sa promenade, mais a cette heure il faisait toujours un tour au parc pour le laisser se défouler. Ensuite, ils se calmaient en finissant doucement sans les rues encore animées, passant parfois dans les quartiers nocturnes du Londres sorcier. Que Nate connaissait bien. Une chose était sûre, les bars devant lesquels ils passaient, le pâtissier n'allait plus y mettre les pieds pour quelques temps. Il avait maintenant compris qu'il noyait beaucoup trop facilement son chagrin dans l'alcool ou les relations d'un soir. Et que ça ne lui apportait rien de bon.

Il entendit les voix et les tons qui montaient avant de voir la bagarre, et il n'arriva a hauteur du bar que lorsque l'homme venait de de faire envoyer a terre. Il ne le reconnu pas tout de suite. Seulement quand, après l'avoir attrapé par le bras, il l'avait soulevé de terre comme si de rien n'était. Cosmo grognait, Nate devait assurer sa prise sur lui et soutenir l'autre, pas une mince affaire.

" Qu'est-ce que tu fous ! Nate tu sais qui est ce type ! "

Oliver, le barman que Nathanaël connaissait un peu pour avoir autant écouté ses devoirs que l'inverse, semblait médusé. Ils connaissaient l'histoire du grand McDougall au Gryffon Joyeux. Plus par les journaux qu'autre chose. Nate remit alors le visage ensanglanté, et son expression changea. De renfermé a très renfermé, c'est subtile oui. Les paroles de Mthunzi Shafiq (il avait appris son nom par la suite) faisaient sens.

« Je ne vois pas ce que ça change. »

Il dit, sans se dégonfler. Ni lâcher l'autre.

« Je doute qu'on ait besoin d'un bain de sang supplémentaire ces temps ci. »

Il n'avait pas l'air de plaisanter. Il y eut des protestations, des crachats par terre, et puis Nate, regardant l'autre homme dans les yeux, lui dit qu'il venait avec lui. Il n'accepterait pas de refus. Si Hyacinthe avait été a la maison l'aîné des McDougals aurait peut être hésité, mais depuis qu'il était a nouveau indépendant, et qu'Ulysse était parti, il vivait a nouveau seul.

Il laissa Cosmo entrer le premier, ce dernier n'avait pas envie de quitter son maître et se plaignait de la présence de cet inconnu qu'il n'avait pas l'air d'apprécier. Passant par l'arrière cour, ils étaient dans la boulangerie éteinte qu'il ralluma.

« J'ai quelques potions de soin a l'étage, et de quoi te soigner. Reste là et ne touche a rien. »

Il n'était pas tout a fait aussi rassurant et gentil qu'avec ses autres patients. Et après tout, cet homme avait rejoint le groupuscule qui était responsable de son état. Et de bien d'autres choses horribles ces temps ci.

Le nouveau venu avait pas l’air de vouloir le frapper. Au contraire. Mthunzi était méfiant. Parce qu’on l’aidait pas souvent. Surtout face à autant de gens hostiles. C’était un peu con de vouloir le défendre. C’était qui ce type ? Il l’observa, et il ne lui fallut pas très longtemps pour le remettre. Parce qu’ils s’étaient croisés tous les deux à un moment crucial de leurs deux vies. Le sacrifié. Celui qui avait préféré sacrifier sa magie pour sauver les autres. Le héros du jour. Faut croire qu’il aimait jouer les chevalier. Mthunzi trouvait cela ridicule. Franchement, ça lui apportait quoi ? Et c’était tellement… infantilisant de se faire relever comme ça. Il avait pris des coups, mais il pouvait bien se lever seul. Sans doute. Seulement, le preux chevalier lui laissait pas vraiment de marge de mouvement. Et physiquement, il avait bien plus de masse musculaire que lui. Putain. Il se faisait vraiment ridiculiser. En plus de se faire cracher dessus. Génial.

“C’est bon, je te suis… Mais j’peux marcher seul.” répondit-il sans sympathique, un peu piqué dans son ego.

Ce qui lui posait problème, c’était pas qu’un cracmol l’aide, c’était juste avoir besoin de l’aide de quelqu’un pour se sortir d’un mauvais pas qui avait un sale goût d’échec. Il aimait être indépendant, libre, et capable de sauver son fion. Il avait pas besoin d’un sauveur en mal de reconnaissance. Il avança sans faire de commentaire, le visage fermé. Plus intéressé par l’animal que par le maître. Il avait déjà vu de ces animaux, mais ils étaient rarement gardé en ville. Pas franchement un animal adapté pour les petits espace. Pour le climat aussi. Ils s’épanouissait mieux au nord. En Scandinavie par exemple. Il en avait vu à l'état sauvage là bas, il avait eu cette chance là.

Il suivit l’homme dans sa demeure. Dans son commerce aussi. Il comprenait pas pourquoi il tenait à l’aider. C’était un bon samaritain à l’extrême. Il se prenait pour la réincarnation sorcière de Jesus ? Qu’importait. Mthunzi leva les yeux au ciel en l’entendant lui dire de ne toucher à rien. On le prenait pour un voleur en plus ? C’était vexant. Heureusement le doggamy resta en bas. Méfiant. C’était ce qui l’intéressait. Il s’assit par terre. Et se mit à imiter ses jappements. Modulant sa voix avec habitude. Penchant la tête comme un canidé. Et s’allongeant même carrément pour prouver au chien qu’il n’était pas là pour lui voler son territoire. L’animal d’abord étonné et craintif, avait cessé de grogner. Il avait relevé ses oreilles, et s’approchait lentement pour le renifler. Il sentit sa main et s’assit à côté de lui. Mthunzi put se rasseoir alors que son maître revenait alors qu’il posait une main sur la tête de l’animal en continuant de “parler” avec lui. Il retira sa main quand il vit l’homme, et stoppa son discours canin.

“Je lui ai fait aucun mal.” lâcha-t-il sur la défensive. "Je lui ferai jamais de mal à lui."

Il se releva. Il avait plusieurs blessures au visage, visiblement un genou qui avait pris de sérieux coups.

“Pourquoi tu veux m’aider ? C’est ton truc de passer pour le preux chevalier ? Tu cherches quoi faire pour te faire canoniser ?”

Ouais, Mthunzi était aussi méfiant que le doggamy quelques minutes plus tôt. Et sans doute qu’il serait bien plus dur à convaincre.

Peut être qu'un Nathanael de meilleure humeur aurait noté que son blessé n'était pas très coopératif. Peut être qu'il en aurait eu quelque chose à faire. Mais le Nathanael qu'on connaissait de nos jours n'avait plus la patience que celui d'autrefois. Et là, ce qui le rendait comme ça, ce n'était pas seulement la présence de ce garçon qui défiait toute logique dans sa boutique, non. C'était ce monde qui ne tournait pas rond en général, ça ajouté à tout ce qui s'était passé ces derniers mois. Il n'avait rien répondu à l'autre, et avait marché silencieusement tout du long parce qu'il ne se sentait pas d'humeur à être plus diplomate de toute façon.

Il ne lui faisait pas plus confiance ou moins confiance par rapport à un autre, mais il ne se voyait pas lui offrir l'hospitalité de sa maison encore, psychologiquement, c'était un peu trop. Il savait que Cosmo était capable de se défendre, après tout l'animal pouvait quadrupler de volume et le bouffer. Même si les humains pouvaient faire bien pire... Il n'avait pas trop de choix. Il savait que le canidé aurait tout détruit chez eux s'il l'avait laissé là haut. Il avait développé un lien fort avec son maître et le savoir avec un inconnu qu'il ne "sentait pas" littéralement... Aussi fut-il surpris en redescendant, d'entendre des jappements qui ne venaient pas de ce dernier. Il n'avait pas assisté à toute la scène mais rien que de voir la main de Mthunzi sur la tête de son compagnon... Son coeur s'était arrêté une seconde, avant de constater qu'effectivement... tout allait bien.

« Je te crois. »

Il aurait tout aussi bien pu ne rien répondre. Son amabilité habituelle était inexistante. Nate notait malgré tout la différence de traitement que l'autre semblait attribuer aux animaux par rapport aux humains. Il tira la table la plus proche pour poser ses fioles et examiner, l'air concentré, les blessures qui recouvraient son visage. Un simple sort aurait pu le débarasser des plus bénignes mais malheureusement maintenant... Il lui fit signe de se rasseoir, et après être allé remplir une bassine d'eau, il prit une chaise pour se mettre en face de lui.

« Non. C'était mon métier, avant. »

Il avait été plus locaces avec d'autres. Notemment... Tout le monde qui lui était un peu plus sympathique. Il entreprit de nettoyer le visage du garçon, non sans douceur et savoir faire. Ses sentiments personnels n'entraient pas en compte lorsqu'il s'agissait de médecine. Il épongea comme ça un moment jusqu'à ce que la peau et les plaies soient visibles. Il lui tendit une potion à boire, lui indiquant de le faire, avant d'en appliquer une autre sur un linge pour tamponner les plaies délicatement. Cosmo les observait tous les deux, bien plus calme qu'avant.

« Tu as travaillé avec des créatures magiques, toi, je me trompe ? »

Il dit sur le ton de la conversation, occupé à nettoyer et voir si les potions qu'il faisait maintenant sans magie opéraient aussi bien que celles d'avant. La peau semblait se refermer et reprendre son élasticité mais... il n'était pas encore satisfait du résultat. Il lui demanda ensuite de lui montrer sa jambe sur laquelle il avait semblé boiter tout du long. Il attendit patiemment jusqu'à ce qu'il accepte, et tâta chaque articulation, os, muscle en commençant par le pied jusqu'à arriver à son genoux. Et là, il eut l'air embêté. Sincèrement.

« Je ne peux pas faire grand chose pour ça à part un bandage pour le maintenir en place. Au moins, tu gagneras une nuit avant d'aller à Ste Mangouste demain matin. »

Il expliqua, non sans amertume.

« La potion devrait soulager la douleur et l’inflammation mais il faudrait mieux jeter un oeil. »

Nathanael, pourtant si calme et posé habituellement, ne parvenait pas à décolérer. Cosmo était venu contre lui, sentant sa détresse, et son maître avait posé sa main contre son flanc pour le flatter et le rassurer autant que ce dernier cherchait à l'apaiser. Et ça marchait, doucement. Mais le visage du barman et de ses acolytes alors qu'ils s'apprétaient à ruer d'avantage de coups et de sorts Mthunzi... Pourtant il aurait dû être de leur côté, quelque part. Mais non. Ca le blessait plus qu'autre chose.

Le métis était circonspect. C’était vraiment bizarre d’être chez cet homme. Ça ne faisait pas sens qu’il le laisse mettre ne serait-ce qu’un pied chez lui. Lui-même n’aurait pas pu avoir cette clémence. En même temps, il était loin d’être une figure christique. Bien loin de ça. Il garda un air circonspect. Ça avait beau être son métier avant, ça justifiait que dalle. Il s’assoit sans quitter son air revêche.

“Ça justifie pas votre geste que ça ait été votre travail.” dit-il méfiant. “Allez pas me sortir que c’est votre devoir et tout ce bullshit. C’est franchement louche votre bonté. Je sais qui vous êtes. Et vous savez aussi très bien qui je suis. Alors clairement, ça ne fait pas sens votre comportement. Sauf si vous voulez devenir Mère Thérésa.”

Il se laissa faire. Il fronça un peu les sourcils quand le tissu passa sur les plaies. C’était toujours désagréable. Mais il était habitué. On l’avait élevé à la dure. Il ne laissa pas un son passer ses lèvres. Chez les Shafiq, on souffre en silence. Il serra les dents. Il regarda la potion qu’il lui tendait. Il la renifla avec méfiance. Il en goûta un peu. C’était visiblement vraiment sans danger. Il but le reste. Toujours aussi peu confiant. Cet homme était trop gentil. Et c’était bizarre. On est pas gentil sans raison. Ce n’est pas logique. Ce n’est pas cohérent. Ou alors cet homme risquait de crever prématurément. Parce qu’être gentil à ce point, c’est être faible. C’est être une proie bien trop facile.

“Oui. Leur présence m’est plus agréable que celle des humains.” dit-il succinctement.

Il ne comptait pas faire ami-ami avec le premier bon samaritain venu. Il avait son ego. Et là, il avait déjà mal son ego. Sa fierté lui faisait bomber le torse en quelque sorte. Il rechigna à lui donner sa jambe. C’était pas nécessaire. Mais l’autre insistait. Il aurait pas la paix sans qu’il l'ausculte visiblement. Il soupira et lui tendit la jambe. Il grogna en sentant les mains sur son genou. C’était déboîté pour faire cette douleur là. Il le savait. Parce que ça lui était déjà arrivé plus d’une fois.

Il regarda l’autre étonné par son ton de voix. Hey. Il avait pas demandé son aide, c’était pas la peine de s’énerver là.

“C’est rien. C’est juste déboité. Y a pas besoin d’aller à Ste Mangouste pour ça. Vous êtes vraiment trop sensibles par ici à aller voir des médicomages à tout bout de champ.” commenta-t-il d’une voix égale, toujours distante. “Vous tenez bien ma cheville, là ?”

Il saisit lui même sa cuisse, et prenant une impulsion sur l’autre jambe pour avoir assez de force. Sa jambe émit un “clac” assez sinistre. Et il émit un grognement bien plus bestial et puissant que jusque là. Ça faisait quand même mal cette merde. Il mit quelques secondes à reprendre le contrôle de sa respiration. Il regarda l’autre homme.

“Un bandage ça suffira. Je compte pas mettre les pieds à Ste Mangouste. Pour ma propre sécurité.”

C’était trop dangereux pour lui ces endroits. Un mouton noir, la journée, ça se cache. Il était courageux mais pas suicidaire. Son sacrifice n’avait pas été le même, mais il en avait fait lui aussi lors de cette soirée.

“C’est suffisant. J’ai rien là. Ça ira.” dit-il pour rassurer l’homme.

Nate entendait bien ce que Mthunzi avait a dire sur sa soit disant générosité mal placée. Il comprenait. Oh, bien sûr, il n'avait aucune idée de ce qui avait pu rendre le garçon aussi méfiant et amer. Ni prêt a rejoindre un camps qui repudiait et exterminait ceux qui étaient différents de lui. Mais est ce que ça changeait quelque chose au fait que c'était un patient qui avait besoin d'aide ? Peut être que Nate allait trop loin dans son besoin d'aider les gens. Et en même temps, quand c'était tout ce dont vous étiez capable... D'autres auraient fait la même chose a n'en pas douter.

Il n'avait pas répondu sur le moment, et s'était contenté de continuer ses soins. Il ne s'était pas attendu a ce qu'il ne l'écoute pas. D'une, mais surtout qu'il n'en fasse qu'à sa tête et qu'il remette son genoux en place comme ça. Le bruit était déjà suffisemment glaçant, mais la douleur ? A des kilomètres de ça. Nate avait bien tenté de l'avertir, mais c'était tout ce qu'il pouvait faire que de le maintenir pour qu'il ne se fasse pas encore plus mal tout seul. Les cris étaient a prévoir. Mais un tel air borné ? Ça laissa le pâtissier et ex médecin sans voix un moment, et puis il reprit la parole.

« Sauf qu'il ne s'agissait pas seulement d'un genoux démis. »

Il essaya de dire, aussi posé que possible alors qu'il avait envie de le traiter d'imbécile.

« j'ai senti une déchirure musculaire. En espérant que ce ne soit pas le ligament. Si tu as de la chance, c'est une simple foulure, mais si c'est plus grave que ça il faut ouvrir et opérer. »

Les techniques magiques et moldues se ressemblent beaucoup lorsqu'il s'agit de ça. Autant, réparer des squelettes ça peut se faire bien facilement. Mais les muscles et le reste...

« Si j'avais encore ma magie je serais capable de faire un diagnostic plus poussé mais malheureusement, tes nouveaux amis m'ont privé de cette possibilité là. »

Ce n'était pas du reproche dans sa voix, et pourtant sa sonnait comme tel. Il garda son air dur encore un moment avant de soupirer. Sur la table, il prit de quoi faire un bandage suffisemment serré, releva le pantalon de l'autre et s'y attela. Ça ne serait pas parfait mais... Mieux que s'il l'avait laissé à saigner sur le trottoir. Les regards pleins de haine des sorciers du bar n'étaient pas rassurants sur ce qu'ils auraient pu faire de lui s'il n'avait pas été là. Le pâtissier sorti une nouvelle fiole, plus petite, et la lui donna. Il n'avait rien a gagner a faire ça. Il ne se sentait ni supérieur, ni mieux. Et il lui coûtait un certain nombre d'ingrédients coûteux. Peut être que Mthunzi n'était pas capable de comprendre... Mais lorsqu'on avait été Médicomage, sur le front, et qu'on avait en son pouvoir la possibilité de faire quelque chose... On le faisait. Point.

« Écoute. Non, je n'ai pas oublié ce qui s'est passé. Et je n'oublie pas non plus que le groupe que tu as rejoint a fait des centaines de morts et de blessés début juillet. Mais ça ne m'empêchera pas d'agir comme je le sens. Je ne te demande pas de comprendre, juste de ne pas empirer ton état. Tu peux faire ça ? Le reste, c'est ton choix. »

Il dit, plus fatigué que rancunier, tout en laissant sa main sur l'encolure de son Doggamy.

« Aussi, tu ne peux pas faire beaucoup plus de dégâts dans ma vie qu'il y en a déjà. »

Ça expliquait pourquoi il n'avait pas eu peur de l'amener ici. Il n'irait pas jusqu'à lui offrir son lit, comme a Ulysse ou d'autres, mais il ne le craignait pas.

La douleur persistait. Et c’était pas normal. Il était habitué aux déboîtements. Et là, c’était différent. Il releva les yeux vers le médecin. Merde. Pourquoi il l’avait pas dit Mère Thérésa ? Bon sang, c’était bien mignon de vouloir l’aider, mais parler, et lui donner un diagnostic rapide, c’était mieux. Il le dévisagea avec une pointe de… colère ?

“T’aurais pas pu le dire plus tôt ?” gronda-t-il d’une voix un peu rauque. “Personne ne m’ouvrira. Pas en humain… Je connais de bons vétomage, mais jamais j’irai à Ste Mangouste ! Plutôt crever !”

Il aurait pu faire confiance aux siens. A des sorciers d’Afrique. A son oncle. Mais pas à ces petits blancs qu’il avait froissé en choisissant le mauvais camp. Au moins, en Serval, on le prenait pour un pauvre petit animal. On le soignerait. Et on lui demanderait pas de revenir sur ses décisions ou se confondre en pathétiques excuses.

Et maintenant l’autre parlait de ce qu’il ne savait pas. L’africain eu un tchip énervé qui passa sa bouche. “Ses amis” ? Mais qu’est-ce qu’il en savait ? Il savait quoi de lui pour parler comme ça ? Putain. Ça l’énervait. D’être sans cesse jugé par des ignares. Surtout par lui. Il avait eu le choix.

“Ce sont pas mes amis.” cracha-t-il pour toute réponse. “Evitez de parler de ce que vous connaissez pas. Vous avez choisi autant que moi. Alors venez pas me foutre vos remords sur le dos.”

Il était sec. Peut-être que la douleur ne l’aidait pas à faire semblant de compatir. Mais en même temps, cela lui tapait sur les nerfs qu’on repousse la faute sur les autres. Est-ce qu’il chouinait pour ses choix lui ? Non. Pas en public du moins. Fallait qu’il s’achète un peu de dignité le grand dadais là ! Il le laissa quand même lui faire un bandage. Parce qu’il était incapable de le faire aussi bien lui-même. La fiole qu’il lui donna ensuite, il ne la but pas. Parce qu’il ne voulait pas lui donner un ascendant sur lui. Ni être sa caution de bonne conscience. Il préférait avoir mal. C’était supportable. Il redescendit son pantalon. Il reposa la fiole sur la table.

“Sinon quoi ? Vous allez me faire les gros yeux ? Sérieusement, ça m’amuse pas spécialement de me faire dérouiller dès que j’arrive dans un endroit “progressiste”. Vous savez quoi, j’en ai même rien à battre des gens comme vous et votre frère. Je m’en fous de vous. De toute cette putain de guerre.”

Il lève les yeux au ciel. Et le désigna d'un revers de main.

“Mais regarde toi ! Tu veux quoi ? Que je t’achève ? Parce que c’est pathétique de te voir porter ta croix, là ! Et arrête de te faire passer pour le plus malheureux des hommes. Si t’étais si triste, tu te serais déjà foutu en l’air. T’as ta famille. T’as une vie. On te crache pas dessus à chaque coin de rue. T’arrives à marcher, t’arrive à penser, t’arrive même à me faire la putain de morale. Réveille-toi, putain. J’pourrai tellement te détruire plus. Mais j’aurai juste l’impression de donner un coup de pied dans une merde. Garde ta potion pour toi. T’en as plus besoin que moi, mais j’crois que ça soignera pas ta faiblesse.”

Il récupéra sa jambe. Enfin, la fit glisser jusqu’à ce qu’elle tombe par terre, heurtant le sol dans un bruit mat. Il serra les dents, et se releva. Pour marcher, ça allait être une autre paire de manche. Mais il restait fier. Fier comme un connard. Qui venait d’essayer de secouer un mec qui aurait dû être son ennemi. Putain, ça n’a aucun sens cette soirée…

Décidément, c'était comme si l'autre homme faisait un concours de celui qui trouvait le plus de raison d'insulter l'autre. Est-ce qu'il n'avait pas essayé de le prévenir ? De lui dire qu'il ne pouvait pas faire beaucoup mieux pour lui ? C'était épuisant a recevoir. Mais ça devait être aussi assez épuisant a vivre. Par contre, pourquoi diable parlait il de vetomagie ? Est-ce qu'il serait... Ça expliquerait des choses. Son agressivité n'avait peut être rien a voir cela dit. C'était comme si chacune de ses paroles était faite pour blesser. Comme un animal sauvage, en somme.

Il ne s'attendait pas a ce qui suivait. Les grondements, les insultes, passe encore. Mais les attaques personnelles ? Le visage froncé du pâtissier dépeignait une surprise et une colère froide. Cosmo n'aimait pas plus que son maître le ton que l'autre employait. Peut être qu'il sentait aussi Nathanael acculé, blessé par des mots qui touchaient tantôt dans le vide, tantôt en plein cœur. Mthunzi ne pouvait pas savoir ce qui avait traversé la tête du pâtissier ces dernières semaines. Combien de fois il avait contemplé le vide qu'était sa view considerant l'option d'y mettre fin. Et a quel point ces mots le transperçaient.

Il était tellement capable de lui enfoncer un point dans le visage, la, tout de suite. L'adrénaline grimpait a l'intérieur de lui comme un volcan qui bouillonnait.

« C'est toi qui devrait éviter de parler de ce que tu ne comprends pas. »

Il parvint tout juste a articuler. Non, l'autre ne pouvait rien faire de plus pour le détruire, Nate en était persuadé. Mais il pouvait le changer en monstre de colère s'il continuait, et ça, c'était hors de question.

« Tu es libre de repartir. J'ai fait ce que j'ai pu, le reste est en dehors de mes compétences. »

Son ton était blessé, mais ferme, ses appuis bien ancrés dans le sol. Si l'autre était trop fier pour l'aide qu'il pouvait lui apporter... Fut un temps où il aurait eu l'énergie pour aider Mthunzi à se débarrasser de toute cette colère qu'il avait ah fond de lui. Cette hargne qui le faisait blesser les autres. Mais de la même façon que Cosmo commencait a present a grogner sur L'autre individu, Nathanael avait ses défenses relevées, et trop peu d'énergie pour la compassion. Il regrettait vraiment son attitude mais il n'y avait rien qu'il puisse faire pour le changer. Ou l'aider.

Ah bha il avait fallu du temps avant qu’il réagisse. Faudrait peut-être attendre pour la canonisation. Ce qui en soi rassurait Mthunzi. Il n’aimait pas les Saints, il préférait de loin les humains et leurs colères crasses. Même s’il la cachait bien, il la ressentait. Il était comme tout le monde au final le martyr. Il faisait juste mieux semblant d’être civilisé. Cette hypocrisie humaine le faisait bien rire. Suffisait de le titiller encore un peu, et il serait enfin en accord avec tous ses instincts bestiaux.

“Sinon quoi ?” provoqua-t-il avec un air de défi.

Il eut un rire en l’entendant lui dire qu’il était libre de partir. Il le savait. Il aurait aussi été libre de ne pas venir. L’autre se foutait le doigt dans l’oeil jusqu’au coude s’il pensait qu’il avait besoin de l’autorisation de qui que ce soit pour faire ses choix. Il était venu ici parce qu’il le voulait bien. Il repartira quand il le voudra aussi. Et il n’en avait pas tout à fait fini ici. Et puis… En toute honnêteté, il était incapable de plier sa jambe. Du coup, bouger, c’était compliqué. Il aurait pu marcher sur trois pattes sous sa forme féline mais… Il n’aurait pas pu ouvrir la porte. Alors plutôt que d’avouer sa faiblesse, il préférait que l’autre le foute à la porte manu militari. Et en plus, ça lui ferait du bien d’évacuer toutes ces tensions en tapant sur sa gueule. Il en était convaincu.

“J’ai pas spécialement envie de partir. Et comme tu vas rien faire pour m’y obliger… C’est tellement beau cette patience.”

Il le défiait toujours du regard. Ce sourire moqueur aux lèvres. On lui avait souvent dit enfant qu’il n’était bon qu’à faire ressortir le mauvais en toutes choses, il comprenait un peu mieux. Il avait effectivement un petit talent dans le domaine. Le métis regarda le chien. C’était mignon cet instinct protecteur chez les canidés, et aussi ridicule. C’était une affaire d’humains, il n’avait pas envie que le doggamy s’en mêle et soit blessé. Alors, il tourna la tête vers le chien.

Il grogna, alors que ses mains bougeaient rapidement avant de s’enflammer un instant. Une variante d’Incendio. Qui faisait toujours son effet sur les animaux. Et son grognement aussi. Le chien recula, apeuré. Il savait qui était le chef maintenant.

Il n’eut pas le temps de regarder à nouveau l’humain qu’une vive douleur lui atteignait la machoire. Ah. C’était pas trop tôt… Par contre, il n’avait pas prévu que la douleur soit aussi vive, et qu’elle le projette vers l’arrière. Sa tête heurta le sol. Noir. C’était pas prévu comme ça son plan pour se faire mettre dehors…

Woh. Le mal de crâne était bien présent. Il entrouvrit les yeux. Merde. Il était où, là ? Il se redressa. Aussi vite qu’il le put. Ce qui n’était finalement pas si rapide. Il grogna quand il sentit à nouveau sa jambe. Et sa joue. Merde. Il était même pas dehors. C’était l’échec. Il regarda autour de lui. Et vit le cracmol. Et merde. C’était pas possible.

“T’aurais au moins pu me jeter dehors…” grommela-t-il en portant une main à sa mâchoire endolorie.

Il n'y avait pas de "sinon" dans la phrase de Nate, parce qu'il n'y avait pas de menace sous-jacente (contrairement à la constante agression qui semblait émaner de l'autre personnage). C'était une véritable injonction, avec toute l'autorité dont était capable un McDougall fatigué. Usé. On ne plaisantait pas avec ce genre de sujet. Nate pouvait comprendre que quelqu'un soit à vif. Blessé, tellement poussé dans ses derniers retranchements qu'il cherche à mordre quelle que soit la main qu'on lui tendait. Mais autant qu'il comprenait, il avait aussi beaucoup trop pris pour avoir la patience qu'il avait habituellement. Contrairement à ce que disait Mthunzi.

Nate lui répondit avec ce même regard fermé et usé. On ne réveille pas l'ours qui dort, ce n'était pas ce qu'on disait ? Alors autant dire qu'il ne fallait pas non plus le provoquer, lui jeter des piques à ce point allait finir par payer. Parce que c'était ce que l'autre cherchait, pas vrai ? Mais le pâtissier tenait bon. Pas parce qu'il était borné (pas seulement) mais parce qu'il se tenait à ces principes depuis bien trop longtemps et que c'était de toute façon bien trop ancré dans son caractère.

Par contre, il ne fallait pas toucher à Cosmo.

Le poing était parti avant même que son esprit ait pu enregistrer ce qu'il faisait. La douleur n'était même pas remontée dans ses os, pour avoir rencontré la mâchoire de l'autre, quand Nathanael avait compris ce qu'il venait de faire. Le feu l'aurait fait reculer s'il avait eu la moindre conscience du danger que Mthunzi pouvait représenter. En réalité, sa façon de pratiquer la magie l'avait plus subjugué qu'autre chose. Mais quand il avait compris qu'il s'attaquait à son familier et que Cosmo prenait peur, son sang n'avait fait qu'un tour.

***

Dans sa chambre, Nathanael assit au sol câlinait Cosmo dans son panier et lui disait des mots rassurants. Il lui demandait pardon, aussi. Et il lui le remerciait. Le reste, il devait le faire seul. Cosmo était tout de suite plus petit dans ce panier, il avait l'air beaucoup plus fragile aussi. Une dernière caresse et il se résolut à retourner dans son salon, où il avait laissé son "invité". Autant dire que le regard qu'il lui adressait n'était pas des plus amical. Il opta pour le silence comme toute réponse, pour commencer. Et puis il alla dans le frigo pour récupérer un bout de viande (pardon Cosmo, il sacrifie ton dîner) et l'emballa dans un sachet avant de le donner à l'autre sur le canapé.

« Je regrette déjà. »

Et le pire ? C'était qu'il ne regrettait pas complètement. Il préférerait ne pas être aussi Lawful Good parfois, qu'est-ce que vous croyez. Mais il avait connu les patients retorts. Insultants. Amers. Il avait été sur le front, merde, qu'est-ce que ce gamin croyait. Ca ne rendait pas l’échec plus facile de son côté non plus. Il finit par soupirer, et aller s'asseoir sur le fauteuil non loin de là avec lourdeur. Sa fatigue, il ne la cachait même plus. Il se laissa aller contre le dossier, tête en arrière, fermant les yeux.

Et même là, il continuait de prendre soin de lui. C’était vraiment un mec énervant. Ça énervait Mthunzi cette bonté. Merde, il avait rien à gagner. On lui avait pris tellement et il continuait de donner comme ça.Quand est-ce qu’il allait réagir ? Merde quoi. C’est insupportable cette gentillesse.

“Faudrait arrêter de faire des trucs si c’est pour les regretter ensuite…” grommela-t-il avec difficulté.

Il grogna un peu en posant la viande glacée contre sa joue. Il l’avait pas loupé n’empêche. Il frappait fort. En même temps, vu sa carrure… C’était pas si étonnant. Comme quoi, il était pas sans défense le cracmol. Loin de là. Et puis, il avait pas eu le temps de la voir venir cette patate là. Il le regarda s’asseoir, fatigué. Il avait l’air tellement épuisé. En même temps, sa présence aidait pas au repos. Il eut un soupir.

“Merci…” lâcha-t-il en détournant le regard. “Mais j’pensais qu’vous alliez me foutre dehors… J’peux pas marcher… J’comptais sur vous pour me balancer dehors… D’habitude les gens ont pas autant de patience que vous…”

Il s’allongea sur le canapé. Le regard tourné vers le plafond. Il n’aimait pas spécialement croiser le regard des autres quand il n’était pas dans la provocation et l’agressivité. Sans doute parce qu’il n’était pas habitué à montrer d’autres émotions.

“Je lui aurai rien fait… C’était juste pour qu’il intervienne pas… Ils ont peur du feu… C’est à peu près le seul moyen qu’on a pour gagner la dominance quand ils sont en groupe… Mais… Le vôtre, il vient du marché noir, non ? Il a l’air craintif… Il a été maltraité ? Comment il s’appelle ?”

Sa voix était toujours plus douce quand il parlait des animaux. Un ton de voix qui en devenait presque agréable à entendre. Prouvant que sa détestation était surtout une façade destinée aux humains.

“J’vais vous décongeler la viande… Mais… Vous allez pas la jeter ? Vous voulez pas la cuisiner ? Pour votre Dogamy…” demanda-t-il soucieux du gaspillage.

Nathanael était fatigué, en effet. Il avait l'impression d'avoir dix ans de plus en permanence, mais ce soir ? Il avait dépassé les soixante ans. Comment est-ce qu'il avait imaginé donner des cours, un jour. Ou bien est-ce qu'il avait perdu tout ça avec le temps ? Dans son fauteuil, il observait l'air las l'autre homme, jeune homme, faire ses observations. Cosmo était en sécurité dans sa chambre, et rassuré. Heureusement que sur certains points, il se comportait comme la plupart des canidés, rassurés dans les espaces restreints. Mais ça avait fendu le coeur du pâtissier de le voir assumer une forme plus petite pour tenir dans son placard. Mais revenons à nos patients.

« Je ne "fous" pas les gens dehors. Tu pourrais toujours Apparaître. Mais ça reste dangereux, vu ta jambe et ton alcoolémie. »

Il observa sans jugement, clairement. Et puis il écoutait. Curieusement, et aussi horrible qu'il avait été, Nathanael avait envie de le croire. Qu'il était incapable de faire du mal à Cosmo. Même si c'était sa seule once d'humanité, d'être incapable de blesser les créatures innocentes... C'était amusant, voire un peu triste, de voir où ce garçon plaçait sa limite. Aider un groupuscule terroriste à faire du mal aux humains, ça oui, par contre.

« Cosmo. »

Il répondit, sans particulièrement ouvrir la conversation.

« Je l'ai récupéré dans un refuge de créatures magiques... Il n'a pas eu une vie facile. Et oui, je compte la cuisiner pour lui ensuite. »

Il s'était levé, et avait replacé le steak au bon endroit pour une plus grande efficacité sur son patient, avant d'aller ouvrir le frigo qu'il avait installé avec Hyacinthe. Ca faisait partie des choses nouvelles, même s'il avait grandit avec, qu'il avait du réintroduire dans sa vie. Il alla sortir des restes qu'il avait dedans et de quoi boire, posant le tout sur la table. Et puis il se rassit, silencieux, prenant un livre pour finir la soirée silencieusement.

Il désigna la porte.

« Tu peux utiliser la salle de bain, si tu veux. »

Il resterait encore un peu, le temps de s'assurer que son patient ne fasse pas n'importe quoi. Peut être qu'une fois qu'il serait rassuré, il prendrait une douche à son tour et il irait dormir. Peut être.

Tomber sur le seul sorcier qui a plus de patience que lui de potentiel pour exaspérer, c’était quand même assez incroyable. Mthunzi était bien obligé de se résigner à rester là. C’était assez frustrant. Parce qu’il sentait bien que l’homme prenait sur lui, et se sentir aussi peu désiré dans cette pièce, c’était désagréable. Être détesté de tous, ok, mais il aimait pas spécialement se prendre cette réalité en pleine face pendant des heures. Et c’est ce qui s’annonçait…

“Oh… Et vous ne songez pas à lui rendre sa liberté un jour ?” demanda-t-il doucement. “A moins qu’il soit trop fragile pour retrouver la vie sauvage ?”

Il laissa l’homme replacer la glace en grognant quand même un peu pour la forme. Il suivit ensuite l’homme du regard. Il faisait quoi ? Mthunzi était circonspect. Il lui offrait à manger ? C’était clairement trop bizarre cette situation. Et cet homme trop gentil. Beaucoup trop gentil. Un vrai martyr à canoniser. C’était agaçant ces gens-là. Ils le faisaient tellement se sentir comme une grosse bouse d’Eruptif. Il regarda l’homme se rasseoir en silence.

“Hm… Merci…” bougonna-t-il d’une voix à peine audible.

ça lui arrachait vraiment la gueule de dire “merci”, fallait l’avouer. Ce type-là, il l’énervait à être si gentil. Si parfaitement bon. Merde quoi. Il méritait pas tout ça. Il resta immobile un long moment. Avant de tendre la main vers la table, et prendre la première assiette devant lui. Il avait faim mais il mangea doucement. Pour ne pas avouer qu’il était reconnaissant qu’on le nourrisse. Le comportement d’une bête farouche en somme. C’était délicieux en plus. Il se surprit à savourer les bouchées qu’il prenait, avec cet air de contentement sur son visage qu’il effaça dès qu’il s’en rendit compte. Il reposa l’assiette vide. Et eut un regard vers la salle de bain. Il se serait bien douché, oui, mais il avait toujours ce problème de déplacement. Il était hors de question qu’il demande de l’aide. Il allait trouver une solution. Il regarda que la porte soit bien entrouverte. Bon…

Il posa la viande à moitié décongelé sur la table. Puis se concentra, et plus vite qu’il ne l’avait pensé, son corps se mua en celui d’un serval. Sur quatre pattes, on peut en avoir une qui fonctionne moins bien, on arrive quand même à bouger. Il descendit du canapé, même si le saut lui arracha un grondement de mécontentement. Il boitilla jusqu’à la salle de bain sans un bruit, et ne se retransforma qu’une fois dans la salle d’eau. Il se débrouilla tant bien que mal pour se déshabiller. La douche lui fit un bien fou. Sans doute parce que cela apaisait un peu la douleur des différents coups. Et puis, l’eau a toujours quelque chose d’apaisant. Il resta un moment sous l’eau et sortit de la douche. Il s’essuya, et…. Se rhabiller, ça allait être une autre paire de manche. Il arriva à remettre son boxer, un peu par miracle, mais le pantalon, c’était mission impossible. Tant pis. Il posa son pantalon sur le radiateur, et enfila le reste de ses vêtements avant de se re-transformer en félin. Il sortit de la salle d’eau. Boitant toujours autant. Il avança vers le canapé, mais sauter allait lui faire extrêmement mal… Il s’arrêta. Il regarda l’homme, et alla vers lui, s’appuyant sur ses jambes pour lui grimper dessus, et pouvoir s’installer sur son accoudoir sans avoir trop mal…

Effectivement, il était difficilement envisageable de remettre Cosmo en liberté, il avait été bien trop habitué à la présence humaine pour ça, et il avait probablement grandit en captivité la plus grande partie de sa vie. La seule chose que Nathanael pouvait envisager à ce jour, c'était de le confier à quelqu'un de plus compétent que lui. Mais pour ça il faudrait un bon paquet de confiance et pour le moment, Mthunzi était tout sauf celui qui lui viendrait à l'esprit en tout cas.

Il prit place dans son fauteuil, ne jugeant ni n'observant plus l'autre quand il mangeait. Pour lui, c'était la base de la décence, pas de la charité ni de la gentillesse. Ils avaient décidément des bases très différentes. Nate nota les difficultés de Mthunzi à marcher mais avec son bandage, se disait qu'il pouvait boitiller sans problème et se débrouiller tout seul. Après tout, il n'avait pas l'air de bien prendre les choses quand il essayait de l'aider. Quelle ne fut pas sa surprise quand il vit l'homme se transformer en Serval comme sur les couvertures du roman Animorph, devant lui. Il avait beau vivre dans le Monde Sorcier depuis des années, certaines choses ne cessaient de le surprendre et un peu de l'émerveiller. Ça lui manquerait, s'il en venait à le quitter.

Il était dur de se concentrer sur son livre pendant que le presque inconnu faisait un boucan d'enfer dans sa salle de bain. Ce garçon avait vraiment des problèmes. Après tout, il avait rejoint les DeathWings, pas vrai ? Mais de là à refuser toute aide se sa part, même la moindre preuve de gentillesse. Il pouvait comprendre qu'il n'était pas le mieux placé pour ça vu le rôle qu'il avait joué le soir de la St Valentin mais... Refuser de l'aide à ce point ? Ca dénotait d'un sacré égo. Ou d'un égo blessé... Damned conscience, il avait envie de l'aider, aussi en colère qu'il puisse être contre ses agissements. Cosmo avait été la ligne a ne pas franchir.

Il ne dit rien en le voyant revenir, et bien que sursautant a la façon dont il l'avait utilisé comme échelle, ne dit rien quand il grimpa sur son accoudoir, préférant se remettre a sa lecture. Après quelques minutes Nate parvint à se détendre. Et ils restèrent un moment dans cette position, calmes tous les deux. Et puis, il était bientôt l'heure du coucher. Le pâtissier se leva, et alla chercher une couverture dans la commode près de l'escalier pour la poser sur le canapé non loin de Mthunzi.

« Je vais promener Cosmo rapidement, fais comme chez toi en attendant. »

Son Doggamy aurait besoin de se détendre avant de dormir et lui aussi. Est-ce que l'Animagus serait toujours là a son retour ? Aucune idée. Il ne savait pas non plus ce qu'il préférerait. Les deux n'allaient pas être de tout repos, pour des raisons différentes. Il monta chercher son animal de compagnie bleu et descendit rapidement faire un tour dans la nuit.

L’avantage de sa forme féline, c’était qu’elle lui évitait d’avoir à parler. Il voulait juste s’allonger, et dormir. Il avait besoin de sommeil. Sa patte lui faisait mal, mais il avait l’espoir qu’après une bonne nuit de sommeil tout cela ne soit plus qu’un mauvais souvenir. Après tout, il avait connu pire, et puis, il n’était pas un petit blanc faiblard. L’escalade le long de sa jambe n’était pas très agréable, enfin, c’était surtout terriblement gênant d’en arriver là. Il avait juste besoin de repos. Heureusement que l’autre homme ne dit absolument rien. C’était tellement humiliant comme situation.

Il s’enroula sur lui-même, prit sur lui de ne pas ronronner. ça aurait été la tuile qu’il se mette à faire ce bruit de gentil petit chaton. Non. Non. Il releva la tête quand l’autre se leva. Il l’observa avec méfiance. Il ne bougea pas. Il se contenta de le regarder. Et de miauler comme réponse à son affirmation, avant de se remettre dans la même position. Fallait pas non plus que le MacDougall croie qu’il avait besoin qu’on prenne soin de lui. Franchement, c’était hors de question. Il attendit d’entendre la porte se refermer. Il remit sa tête entre ses deux pattes avant.

Puis ses yeux revinrent vers la couverture. Elle avait l’air douce, molletonnée et vraiment chaude. Rien que d’y penser, ses griffes se mirent à pétrir l’air. Rah. Il serait sans doute bien emmitouflé là dedans. Et puis… Il l’avait mise là pour ça. C’était pas vraiment faire preuve de faiblesse. Il hésita encore. Il avança lentement vers la couverture. Il la pétrit de ses griffes, pour s’apercevoir de sa douceur. Définitivement, il devait s’enrouler là dedans. C’était la meilleure des places pour s’endormir. Vraiment. Purpurrr. Il souleva un bord de la couverture avec la patte, et se glissa entre les pans de celle-ci. Oh. Il en sentait déjà la chaleur. Il s’enroula dans la couverture, ne laissant que sa tête sortir du tissu. Rooh. C’était vraiment trop bien là. Il ne put s’empêcher de ronronner. Il s’endormit en continuant de poupougner la couverture sous ses pattes. Il était vraiment bien ici. C’était le rêve. Il sombra dans le sommeil.

Il se réveilla en sursaut quand il sentit la présence de l’homme dans la pièce. Le ronron s’arrêta dès qu’il réussit à se contrôler. Il regarda l’homme, enroulé dans la couverture. “Mraww” fut ce qui passa ses babines. Damn. On avait vu plus convaincant comme bougonnement. Il sortit de la couverture, pour s’allonger à côté. Il était pris en état de faiblesse. C’était une terrible humiliation.

Marcher désencombrait l'esprit, et la compagnie de Cosmo l'aidait d'avantage dans cette entreprise. Son Doggamy était devenu tellement important pour lui, Nate ne pouvait s'empêcher de se demander s'il ne le retenait pas par pur égoïsme. Mais l'animal semblait heureux et serein avec lui, quand il ne lui présentait pas des sorciers pyromanes... Il flatta son flanc et le laissa renifler toutes les pistes d'animaux divers et variés qui peuplaient le chemin de traverse. Il approchait l'heure de rentrer, et Nate laissa traîner leur promenade pour être certain qu'il avait laissé suffisemment de temps à l'autre animal. Qu'allait-il trouver dans son salon en revenant...

Un félin ronronnant ? Ca, c'était une surprise. Il avait l'air... inoffensif, si on oubliait les griffes qui pattounaient en dormant. Nate avait eu le temps de ranger la laisse et laisser Cosmo monter à l'étage, et de reprendre son livre pour aller au lit, lorsque le félin s'était réveillé d'un bond. Il s'était figé. Mthunzi avait miaulé. Toujours aussi peu convaincant, comme façon de faire du caprice. Il avait sourit, pour lui même. Et puis il était allé sortir un bol avec de l'eau et l'avait posé par terre non loin de lui.

« I'm going to bed, make yourself at home. »

Il dit en se retournant, ne faisant aucune remarque sur l'idiotie de l'Animagus. La grosse couverture resterait là, à sa disposition. Lui, il avait un autre animal qui l'attendait et avait besoin de lui -en ce moment, Cosmo dormait parfois au bout du lit malgré l'interdiction qu'il avait posée au départ.

***

La nuit fut courte, et parsemée de rêves où le pâtissier adoptait un chaton et lui achetait un panier, lui mettait un ruban autour du cou et dormait avec dans son fauteuil. Un cauchemar, donc ? Il descendit silencieusement, pour préparer le repas de petit déjeuner de Cosmo dans la cuisine. Il jeta un oeil par dessus le dossier de son canapé pour voir que le félin dormait étalé de tout son long, la couverture en travers de lui, et semblait plutôt détendu. Rassuré, il dit aux toutou de se coucher dans son panier et alla prendre sa douche. Il avait du pain sur la planche, littéralement, pour la journée. Il sorti de là tout fumant, en jean et T shirt frais, prêt à démarrer la journée.

Dès que l’homme était parti se coucher, Mthunzi avait regagné la meilleure place, sous la couverture. Il avait son caractère, mais il aimait vraiment trop la chaleur pour s’en priver. Il se glissa à nouveau sous le tissu bien chaud. Il ne tarda pas à s’endormir malgré la douleur qui irradiait encore de sa patte. Il avait connu pire. Il finirait bien par s’en remettre. Il arriverait à se fabriquer quelque chose demain. Quand il serait moins ivre. Il serait en état de se jeter lui-même un sort. Et peut-être que l’alcool lui évitera de trop se souvenir de l’humiliation de ce soir.

Quand il ouvrit les yeux, le soleil était déjà bien haut dans le ciel vu la luminosité dans la pièce. Il n’avait pas si mal aux cheveux que ça, par contre, sa patte, c’était vraiment douloureux. Il eut un long et triste miaulement qui lui échappa. Heureusement qu’il était tout seul. Il se leva, sortant de sous la couverture. Il ne lui fallut que quelques secondes pour reprendre forme humaine. Et ça faisait encore plus mal. Heureusement qu’il avait sa baguette sur lui. A défaut de se soigner, il pouvait au moins anesthésier la douleur. Il trouverait bien quelqu’un pour le soigner mieux. Et puis, il avait sans doute de quoi faire chez lui… Il se leva, boitant mais sans sentir trop de douleur à chaque pas.

Il regarda l’escalier, et eut un soupir. Il le descendit à son rythme, tant bien que mal. Il déboucha sur l’arrière de la boutique du McDougall. Il avança prudemment. Il attendit que l’homme finisse sa vente pour sortir de l’ombre. Il ne voulait pas lui causer du tort en étant visible de sa clientèle. Il savait quel effet répulsif il avait. Il patienta silencieusement, ce qui le trahit fut sûrement le couinement craintif du dogami dès que celui-ci l’aperçut.

Il avança à la vue du grand pâtissier.

“Bonjour.” lança-t-il poliment mais assez froidement. “Merci pour vos soins d’hier. Je ne devrai pas rester ici, cela risquerait de faire fuir votre clientèle. Mais… Sachez que je ne suis pas votre ennemi. Je n’ai rien contre les gens de votre sang. Et si je peux vous avertir de quoi que ce soit à l’avenir, je le ferai.”

Avouait-il qu’il n’était pas un bon petit Deathwing ? Peut-être bien. Et en même temps, il ne fallait pas être une lumière pour le deviner. Ils lui avaient beaucoup pris à lui aussi, et ne lui avait même pas offert une bonne vengeance.