T'as le cœur trop fragile, évite les idylles [Loïs & Jesus]

Les leçons étaient difficiles à apprendre pour Jésus. Celle de ne pas passer à l'improviste chez des gens, par exemple. Que voulez-vous, c'était dans ses habitudes. Et puis une surprise, si on prévenait avant, ça en ôtait tout le piquant !

Ça faisait des semaines qu'il s'était lancé dans cette idée de tarte aux fraises. Depuis que Loïs en avait acheté une part, la dernière fois. Oh, il n'avait pas travaillé non stop dessus non plus. Entre le travail à la cafétéria et celui chez Nathanaël, il avait peu de temps libre. Mais les essais s'étaient enchaînés. Tout son entourage avait pu goûter ses tartes aux fraises. Et les plants des serres de la MUL avaient été mis à contribution plusieurs fois.

Ce soir, il était parti plus tôt de la pâtisserie, avec l'accord de Nathanaël. Il lui avait sorti une excuse bidon à base de cours de rattrapage de potions - parce qu'il aurait pu faire un effort sur l'excuse mais à ça aussi, ça avait été fait à l'improviste-. Et il s'était lancé dans la confection d'une tarte aux fraises. Peut-être la dernière d'une longue série. Entre la première et celle-ci, il avait amélioré la pâte, la crème pâtissière, la cuisson, même la coupe des fraises. C'est qu'il savait être minutieux, lorsqu'il le voulait. Et lorsqu'il termina d’étaler le nappage, il n'était pas peu fier de lui. La tarte emballée avec précaution, il se hâta chez lui pour se doucher. Il enfila un jeans noir, une chemise à carreaux, prit le temps de se parfumer et d'arranger un peu ses cheveux.

Et le voilà parti devant la porte d'un immeuble qu'il connaissait bien. Sans doute trop bien. Mais il ne s'en rendait pas encore compte. L'éventualité que Loïs ne soit pas chez lui avait à peine traversé son esprit. S'il le fallait, il reviendrait le jour suivant. Mais la tarte serait bien meilleure ce soir. Et lui, il était guilleret. Ça devait faire deux bonnes semaines qu'il n'avait pas vu Loïs, un peu plus même. N'allons pas jusqu'à dire qu'il lui manquait. Mais il se sentait vraiment content et léger à l'idée de le voir.

Ce n'est qu'arrivé au dernier étage, sur le pallier, qu'il eût une petite hésitation. C'était vraiment une bonne idée ? Allez Jesus, tu ne vas pas te dégonfler maintenant. Tu as fait tous ces efforts pour ça ! Il s'éclaircit la gorge, frappa à la porte et attendit que Loïs ouvre.

"Surpriiiise !"

Il lui tendit l'emballage, un grand sourire aux lèvres.

Les préparatifs pour les voyages pour le travail sont toujours fastidieux. Mais quand on se retrouve avec le plus arriviste des Sylvanets, ça devient même plus que compliqué. Loïs fait bien son travail, attention, il était proche du zèle même et préparait les discours, déplacements, petites fiches sur les représentants qu'il rencontrerait. Mais là il avait l'impression de devoir abattre le double pour un emmerdeur. Au finale Octave était chiant mais... Moins insupportable. Et c'était dire beaucoup.

Sa valise était prête, sa veste n'attendait que lui, quand il entendit frapper a la porte. Quoi, il n'était pourtant pas convenu qu'ils se retrouvent ici. Caesar ne savait pas où il habitait, même si ça n'était pas difficile a trouver. Quelle ne fut pas sa surprise en voyant Jésus, une tarte a la main, derrière la porte quand il l'ouvrit. Le fait que le jeune homme avait fait un effort vestimentaire saurait aux yeux. Il sentait aussi le parfum. Gosh. Est-ce qu'Isleen aurait eu raison ? Loïs soupira, Pas le meilleur des accueils non, mais le laissa entrer. Il allait devoir lui expliquer les bases d'une relation basée seulement sur le sexe ? (Bon et là bouffe un peu aussi mais...)

« Je m'en vais pour quelques jours en voyage d'affaire Jésus. Je n'ai pas vraiment le temps pour ça. »

Il dit, le ton un peu ennuyé. Sa baguette a la main, il baissa les stores, remis en place les quelques objets machinalement.

« Et j'aime mieux quand les gens préviennent plutôt que de débarquer a l'improviste. Un hibou t'aurait épargné ça. »

Loïs était distant volontairement. En tout bon félin qui se respecte, il aimait et tenait a son indépendance. Et la façon dont cette relation casual tournait au rendez-vous ne lui plaisait pas beaucoup. Il n'avait pas beaucoup posé son regard sur lui. Maintenant que ses affaires étaient en ordre, il le considéra. Loïs espérait vraiment qu'il ne s'était pas entiché de lui. Déjà qu'un plan cul ok pouvait s'en lasser, ne parlons pas d'une quelconque relation. Trop peu pour lui.

L'improviste avait sa part de risque, il le savait, quelque part au fond de son petit crâne. Alors forcément, il avait été d'autant plus content et soulagé que Loïs réponde et ouvre la porte. Emporté par son élan, il tendit la tarte joyeusement, un grand sourire aux lèvres. Et se figea un peu devant le mur de glace qui lui faisait face. Visiblement, il n'arrivait pas au bon moment. Au point que l'animagus ne prête même pas d'attention à la tarte qu'il lui tendait et qu'il ne l'attrape même pas ? Il passa la porte, un peu perplexe et la posa sur le comptoir, puisque Loïs ne l'attrapait pas.

"Ok, j'vais pas rester longtemps t'inquiète, j'voulais juste..."

Il s'interrompit en regardant Loïs continuer ses affaires presque comme s'il n'était pas là. A noter pour les prochaines fois, ne plus passer à l'improviste chez Loïs. Ce dernier ne s'était pourtant pas gêné pour l'embarquer depuis son lieu de travail ! Mais... il n'avait pas l'air particulièrement réceptif à la réciproque...

"J'voulais pas te l'envoyer par hibou ! Et puis..."

Il s'approcha du comptoir à nouveau pour déballer la tarte. Puisque Loïs ne le ferait pas de lui-même... Peut-être que la vue d'une bonne pâtisserie le rendrait un peu plus intéressé. Quoi, avec tout le mal qu'il s'était donné, sa tarte était franchement belle à voir. Et il fut soulagé de constater en ouvrant le paquet que les fraises n'avaient pas bougé, le nappage non plus.

"C'est une tarte aux fraises ! Comme tu les aimes ! J'ai galéré mais... j't'assure, elle est bonne celle-là !"

Sa baguette en main, il hésita à leur couper des parts mais se ravisa. Il n'allait pas non plus gaver Loïs de force. Si l'animagus n'avait pas faim... Mieux valait-il qu'il la garde pour plus tard. Il se tourna vers Loïs, qui continuait son rangement. Et s'approcha derrière lui, l'attrapant par les épaules pour glisser un baiser dans sa nuque. Ah, oui, il n'était pas très fin psychologue pour déceler quand ça n'était pas le bon moment. Et puis il se disait que Loïs apprécierait ça. Habituellement, il aimait bien...

"T'as même pas quelques minutes ? T'as l'air tendu, je peux remédier à ça..."

Il murmura, d'une voix qui en disait long sur ses attentions.

Le mal de crâne commençait a le gagner. Vraiment, Jésus ? Tu ne comprends pas quand quelqu'un essaie de te mettre gentiment a la porte ? Aussi occupé que l'esprit de Loïs puisse être en cet instant, pour être sûr de ne rien oublier surtout, il essayait de faire de la place pour un peu de diplomatie. He, c'était son metier après tout. Mais Jésus lui demandait beaucoup d'effort, a ne rien comprendre comme ça.

« Non, je n'ai pas le temps, Jésus. J'ai mon Portauloin dans quelques minutes et je dois encore me rendre sur place. »

Il lui dit, fermant la distance entre lui et la porte, s'arrêtant au niveau de Jésus. Alors il n'avait pas peur qu'il vole quoi que ce soit, mais ça restait chez lui. Et Loïs n'était pas sur d'aimer la façon dont Jésus s'appropriait tellement l'endroit.

« D'où le fait que j'aurais apprécié que tu préviennes. »

Il dit, jetant un œil a la tarte. Elle avait l'air sublime. Mais ce n'était pas le propos. Le propos, c'était que leur relation, ce n'était pas ça. Oui un petit coup par ci par là c'était plus que bienvenu mais... Ça n'allait pas au delà. Il y avait une limite, sur laquelle le jeune homme tanguait un peu trop. Il allait devoir le lui redire.

« Écoute.. j'aime beaucoup ce petit quelque chose, qu'on a tous les deux. Vraiment. »

Il dit en posant une main sur sa main et refermant la boîte.

« Mais j'aime mon indépendance. Et je tiens a ce que tu aies la tienne. Je ne doute pas de tes talents, mais une prochaine fois. »

Et il prit sa malette de voyage, faisant comprendre au garçon qu'il était temps d'y aller, là.

Décontenancé. S'il avait connu ce mot-là, c'est comme ça qu'il se serait décrit, en cet instant, alors que Loïs s'écartait de lui, avec froideur. Non, il ne comprenait pas bien. Il entendait que ce n'était pas le moment. Mais un Portoloin, ça n'était pas un train, ça pouvait bien attendre quelques minutes...

"Mais..."

Il voulut protester, se ravisa en voyant l'animagus l'inciter à prendre la direction de la porte. Ça avait le mérite d'être assez clair. Tout comme cette façon qu'il eût de fermer la boite de la tarte, sans même y prêter attention. Et c'était encore plus décevant que de se faire jeter. Tout ce travail... pour ça ? Même pas un coup d’œil, même pas l'envie d'y goûter ?

"Mais ça n'aurait plus été une surprise..."

Il grogna, pour lui plus qu'autre chose, en reprenant, le cœur serré et franchement déçu, le paquet et la tarte à l'intérieur. Il en perdit même l'envie d'insister. De toute façon, Loïs n'avait même pas l'air de l'écouter. Il sortit de l'appartement, le regard bas, triste et un peu énervé. Sans trop prêter de sens aux mots de Loïs. Il n'en retiendrait que le fait de s'être fait mis dehors, après s'être donné tout ce mal.

"Ouais. C'est ça. A une prochaine fois. Bon voyage."

Il lui fit un vague signe de la main, sans aucune conviction, passa la porte et transplana jusqu'au chemin de traverse. Pourquoi là bas ? Aucune idée. Il était déçu. Triste. Énervé. Et n'avait aucune envie de rentrer dormir avec autant de trucs contradictoires dans la tête. Pas plus qu'il n'avait envie d'aller à la Licorne Lubrique, il s'en rendit compte en se pointant devant et en faisant demi-tour. En plus, il avait toujours cette tarte stupide dans les mains et elle était devenue bien encombrante. Le gars à qui il avait déjà refilé des parts de tarte n'était pas là aujourd'hui. A croire que personne n'en voulait, vraiment. Il allait finir seul, comme un con, avec une tarte dans les bras. Il ne manquait que la pluie à l'appel. Heureusement, la nuit était encore douce et pas un nuage dans le ciel.

Sans trop savoir pourquoi, il finit dans un parc non loin du chemin de Traverse. Il s'assit sur le premier banc qu'il trouva, déposa le paquet de la tarte à côté de lui. Et cogna dans le banc. Avec pour tout résultat de se faire mal au poing. Ça y est, il s'en voulait. Il était énervé. Quelle idée à la con de vouloir faire une surprise à Loïs, vraiment, qu'est-ce qui lui avait pris ? Manquait plus qu'il le prenne pour un sentimental, en plus de ça. Il voulait juste lui faire plaisir, c'était si débile que ça ?

"Quoi, qu'est-ce que tu veux toi ?"

Oui, il venait de gueuler contre un raton laveur qui s'approchait un peu trop. Il shoota dans une canette qui traînait au pied du banc pour le faire fuir et le regarda déguerpir. Il aurait peut-être dû le laisser venir et lui piquer sa tarte. Au moins, elle aurait fait le bonheur d'un être vivant. Il laissa tomber sa tête en arrière dans un long soupir. Soirée de merde, vraiment.

Clairement, il y avait de l'incompréhension chez ces deux garçons. De l'indépendant de l'un qui ne répondait pas aux attentions touchantes de l'autre, et pourtant, le jeune Valentine aimait les attentions. S'il était persuadé que Jésus n'essayait pas de l'emprisonner dans une relation. Brrrrr... Il le laissa sur le pas de sa porte, hésita, mais finit par partir sans un baiser.

***

De l'autre côté de la ville, un homme plus grand, moins bien habillé, et l'air plus fermé était lui aussi sur le pas de sa porte. Il fermait a clef l'arrière boutique et laisse a la main, se préparait a sa ballade nocturne habituelle avec Cosmo le Doggamy. Parfois cette balade était courte, parfois plus longue en fonction de son humeur et de leurs besoins respectifs. Même s'il ne pouvait malheureusement plus apparaître dans un coin plus grand et dégagé... Nate réfléchissait clairement a déménager rien que pour cette raison là. Entre ça et là boutique... Il avait des choses a aborder à son cadet, ces temps-ci, qu'il n'arrivait pas du tout a aborder.

Un raton affolé lui était passé devant. Il se demanda une folle seconde s'il pouvait s'agir d'Ulysse. Mais c'était peu probable..? Il n'était peur être plus autant chez lui ces temps ci, mais il n'en était plus a parcourir les parcs pour manger la nuit... Du moins Nate l'espérait. Cosmo avait tiré sur la laisse et couiné, cherchant a rejoindre le rongeur, et Nate l'avait ramené a son pied. Il attendrait un moment avant de le lâcher pour qu'il court. C'est a ce moment qu'il reconnu la silhouette sur le banc.

« Jésus..? »

Il s'approcha, remarquant a présent sa position et son air défait. Nate réfléchit. Et puis il fit le tour du banc, venant prendre place de l'autre côté a une distance raisonnable.

« Je peux ? »

Il proposa, même s'il comptait bien se poser un moment. Il caressa son animal qui avait envie de piquer un sprint mais qui, particulièrement bien élevé, attendait sagement. Comment parler a un adolescent qui n'avait pas l'air dans son assiette. Il laissa un moment le silence entre eux tranquilles, histoire de ne pas être trop pressant. Et puis il se lança.

« Qu'est ce que c'est ? »

Il demanda, désignant la boîte sur le banc.

C'était surtout contre lui-même que Jesus était énervé. Qu'est-ce qu'il lui avait pris de faire ça, franchement ? Quoi, il avait l'impression que ça n'était rien de grave pourtant. Oui, il s'était donné du mal sur cette tarte-là. Et franchement, elle était plus réussie que tout ce qu'il avait fait jusqu'à présent.Est-ce que c'était mal de vouloir se donner ce mal là ? En tout cas, c'était beaucoup d'énergie perdue. Mais il lui en restait toujours suffisamment pour shooter dans les cailloux, à ses pieds. Le raton laveur avait disparu dans les fourrés et il se retrouvait là, seul, comme un con, en tête à tête avec sa tarte aux fraises.

Seul ? Il le croyait. Et puis il entendit les couinements d'un animal. Fallait bien qu'il y ait un connard avec son chien pour venir l'emmerder, en plus. Il avait presque envie de lui jeter des cailloux, tiens. Juste pour faire chier. Mais il reconnut la silhouette à temps, heureusement. Et se renfrogna en voyant Nathanaël. Oh, il n'avait aucune envie de le croiser, là. Mais c'était un peu tard pour transplaner ni vu ni connu hein...

Jesus fit un geste mou pour lui faire signe de prendre place. Puisqu'on ne lui demandait pas vraiment son avis, hein... Il n'avait pas vraiment envie de taper la discut avec son tuteur en cet instant. Ca devait crever les yeux, qu'il avait eu un rancard qui avait viré au fiasco. Entre ses fringues élégantes, ses dreads bien rangées et la tarte qui trônait à côté de lui. Non, il n'avait pas vraiment envie de parler de sa vie...sentimentale ? sexuelle ? quelque chose qu'il ne savait pas définir ? avec le pâtissier. Il se raidit, pensant à peine à respirer, tendu comme la corde d'un arc. Et fatalement, Nathanaël s'intéressa au petit paquet bien emballé. Il devait reconnaître sa façon d'emballer les pâtisseries, en plus. Est-ce que ça valait seulement le coup d'essayer de noyer le kelpy ?

"C'est une tarte."

Cap'tain obvious, sors de ce corps. Jesus soupira, à présent presque aussi blasé qu'énervé. Il faudrait peut-être donner quelques détails de plus...

"Aux fraises. Je l'avais faite pour un ... mouais. Peu importe. Pour un con.

C'était une bonne conclusion, en fait. Qui en disait long. Mais de toute façon, Nathanaël avait déjà vu les allers et venues de Loïs et ils en avaient discuté tous les deux. Et Jesus l'aimait bien, même si là il n'avait pas envie de parler à qui que ce soit, encore moins de ça. Mais il l'estimait suffisamment pour ne pas vouloir inventer des histoires à la con. De sa part, c'était déjà beaucoup. Il attrapa l'emballage, l'ouvrit, dévoilant la jolie tarte aux fraises, encore intacte, qui lui avait donné tant de mal.

"Vous en voulez ? Promis, elle vaut le coup..."

Et rien que l'idée de la refiler à ses voisins de chambre, ça l'énervait encore plus. Ces crevards ne la méritaient pas. C'était du gâchis...

Comme avec un animal blessé, Nathanael prenait mille précautions avec Jesus, parfois. Il avait souvent l'air d'être à vif, et clairement ce soir faisait partie de ces jours là. Donc délicatement -aussi délicatement que sa taille le permettait en tout cas- il se rapprochait, laissant enfin Cosmo aller s'amuser dans le parc aussi loin que ses yeux pouvaient le voir.

Il avait reconnu le paquet, bien sur sa question appelait une autre réponse que celle simple et claire de son contenu, mais il n'allait pas demander plus. Et il n'en avait pas vraiment besoin, les précisions de Jesus parlaient pour elles même. A moins qu'il se trompe bien sûr mais... Nathanael se rappelait parfaitement le garçon qui faisait des oeillades à son assistant, et la façon dont Jesus réagissait. Et la discussion qu'ils avaient eue un peu plus tard, aussi. Son empathie s'exprimait assez fortement, comprenant plus qu'il ne disait, et sachant le sentiment qui traversait le garçon. La vie était rude, hein. La vie sentimentale surtout.

« Elle est superbe. »

Il dit gentiment. Et c'était vrai, Jesus avait fait de sacrés progrès en l'espace de deux mois. Si Nathanael avait pu se le permettre, il aurait vraiment aimé le prendre comme apprenti plus longtemps. Mais il ne pouvait pas le payer à plein temps. Il lui envoyait un hibou de temps en temps, comme promis pour lui demander s'il voulait venir travailler quand il y avait du monde. Il acquiesça, ça n'était pas qu'il avait faim mais il avait vraiment envie de faire honneur à la cuisine de l'autre garçon. Il attendit que ce dernier la coupe, parce que sans couteau et sans magie, il n'allait pas aller bien loin, et pris les devants pour goûter. Jesus avait définitivement écouté ses conseils.

« Et où est-ce que tu es allé trouver les fraises ? »

Il dit, souriant d'un air  entendu. Ce n'était plus vraiment la saison depuis longtemps, et s'il avait tenu à aller chercher des fraises pour son "ami"... C'était touchant. Jesus était décidément plein de surprises. Il ne trouva rien à redire à la qualité de son travail, pour une fois. Bien sûr le goût était différent des siennes, il n'avait pas les mêmes ingrédients ni le même four. Mais c'était drôlement bon.

« Elle vaut vraiment le coup oui. »

Et lui aussi, sous entendait le pâtissier. Il aurait aimé être plus encourageant, ou plus affectueux, mais ils se connaissaient vraiment trop peu pour ça, ça paraissait... déplacé. Cosmo était revenu voir son maître, après avoir fait le fou pendant un bon moment, il réclamait de l'attention lui aussi. Nate s'était relevé après lui avoir flatté la gueule et grattouillé les oreilles, et tourné vers Jesus.

« Tu veux venir ? »

Il ne lui avait jamais vraiment proposé de se familiariser avec Cosmo, le laissant faire ses affaires quand Nate promenait ce dernier. Mais peut être que ça ferait du bien au garçon de se dépenser un peu et de penser à autre chose.

C'était un peu stupide mais ça faisait plaisir, malgré tout, d'entendre ce compliment de la part de Nathanaël. Il ne savait pas vraiment s'il lui disait ça par compassion ou parce qu'il le pensait. Il préférait la deuxième option, parce qu'il savait qu'un compliment pareil de sa part valait beaucoup. A ses yeux.

Mais il haussa les épaules. Il lui faudrait plus de temps que ça pour digérer, après le mal qu'il s'était donné. Et les illusions qu'il s'était faites, surtout. Et qui le peinaient sans nul doute bien plus que sa seule tarte délaissée.

"J'les ai trouvées sur le campus. J'sais qu'on n'a pas trop l'droit mais y'a plein de fraisiers dans une des serres et si personne les cueille, elles vont pourrir... autant qu'elles servent quoi."

Il aurait pu inventer un truc. Pour ne pas avouer qu'il les avait volées. Mais il n'avait pas tellement le cœur à ça non plus. Il se contenta d'enrober le truc. Les fraises auraient probablement été cueillies par quelqu'un d'autre, en réalité. Mais il avait estimé qu'il en avait plus besoin, pour sa tarte. S'il avait su... Même les vers de terre en auraient fait meilleur usage, en réalité.

Cette fois, il ne s'en était pas servi de part pour lui. Il n'en avait coupé qu'une, pour que Nathanaël puisse goûter. Lui, il n'avait pas vraiment faim. Et la gorge serrée. Et il était énervé. Mais il connaissait le goût de cette tarte, pour avoir peaufiné la recette pendant longtemps. Il la trouvait vraiment aboutie. Ce qui n'enlevait rien au plaisir de recevoir les compliments de la part du pâtissier. Ça faisait du bien de l'entendre, surtout de Nate, qui faisait vraiment figure de modèle pour lui. Certes, il aurait préféré l'entendre de la part de l'autre crétin plutôt mais.. pfff. Il ne méritait vraiment pas cette tarte. Ni toutes celles qu'il lui avait faites auparavant. Quel naïf il était, franchement.

Il sourit un peu, en voyant le doggamy, tout fou, revenir vers eux. Jesus le connaissait un peu, même s'il ne l'avait jamais approché - à croire qu'il préférait les chats...-
Il fronça les sourcils à la proposition du pâtissier. Il ne s'attendait pas vraiment à ça. Et jeta un coup d'oeil à la tarte, déballée à côté de lui. Il n'avait pas vraiment envie de venir, non. Pas plus qu'il n'avait envie de rester sur ce banc à attendre que le raton revienne pour lui balancer des cailloux dessus. Il voulait juste se terrer dans un trou, là. Ce qui n'était pas vraiment une option envisageable. C'est donc après un long soupir qu'il se poussa à faire le plus raisonnable. Accepter, d'avantage pour faire plaisir à Nathanaël que pour lui. Il remballa sa tarte d'un coup de baguette magique, enchanta le tout pour les rétrécir et les rendre plus pratiques à transporter. Et se releva, pas vraiment de gaité de coeur.

"J'suis pas de la meilleure compagnie ce soir, vous allez vite regretter..."

Et ça l'embêtait un peu, vis à vis de Nathanaël. Mais là, son moral était vraiment trop enfoncé pour qu'il parvienne à faire semblant de quoi que ce soit. De toute façon, il n'était pas doué pour ça.

"Vous venez souvent le promener dans ce parc ?"

Ah oui. Déjà qu'en temps normal il était mauvais pour faire la conversation.. Non, fallait pas le laisser faire ça. On partait mal... Mais pour Jesus, c'était tant une façon de combler le silence qu'une manière de changer de sujet pour faire en sorte de ne pas parler de ce qui lui plombait le moral. Parce que c'était toujours plus facile de parler de la pluie et du beau temps, hein...

"C'est bien au moins ça doit.. être pas mal relaxant."

Voilà. On était à ce niveau de comblage de silence.. Autant dire que Jesus n'était pas des plus à l'aise, une main enfoncée dans sa poche, l'autre portant le petit emballage..

"Trouvées" hein. Nathanael avait soulevé un sourcil circonspect. Et avait pensé que le botaniste du campus aurait sans doute son mot à dire là dessus, mais vu qu'il avait tout fichu en l'air avec le fameux botaniste en question... Ça n'était pas comme s'il était du genre a cafter, de toute façon. Il finit sa part, ne laissant pas le gâteau se prendre de la poussière il l'avait refermé. Il demanda à Jésus s'il voulait la garder, et la lui confia pour pouvoir lui même ramasser des bâtons de choix et les lancer à travers la grande étendue d'herbe. Il lui laissa entendre, à son air de grand frère habituel, qu'il n'avait pas a s'excuser de ne pas être de bonne compagnie. Il n'allait pas être le meilleur compagnon de marche non plus.

« J'ai choisi ce parc parce que je sais qu'il n'y a personne à cette heure... Normalement. »

Il lui adressa un petit sourire, et puis regarda Cosmo partir comme une flèche à travers la nuit.

« Je ne pourrais pas le lâcher autrement. Sans magie pour le retenir, s'il arrivait quoi que ce soit... »

Honnêtement ? Il ne devrait même pas le laisser courir sans laisse, mais il était incapable de priver son animal de ces moments de liberté. Et puis 8l en revint à Jésus.

« Pardon... Tu vois, tu n'es pas le seul à ne pas être de très bonne compagnie. Est-ce que... Tu veux m'en parler ? »

Il lui proposa, en lui tendant un gros bâton (neuf hein, pas ceux pleins de bave que Cosmo avait déjà ramenés) un peu comme s'il lui donnait la parole. Nathanaël savait que ça ne servait a rien de brusquer les choses. Mais qui sait ce que le jeune homme traversait. Et surtout, vu son tempérament, il était probable qu'il n'ait personne à qui se confier. Les lampadaires éclairaient leur chemin et il n'y avait qu'eux deux, face à eux même. Si ça ne suffisait pas, il proposerait a Jésus de venir boire un café.

Ah. Personne à cette heure-ci. Ca tombait mal pour Nathanaël, hein ? Enfin il n'allait pas non plus s'excuser d'être là et d'exister. Déjà qu'il avait eu l'impression de devoir le faire face à Loïs... Décidément, c'était une bonne soirée de merde. Mais il pouvait comprendre ce que Nate voulait dire, malgré son état peu disposé à l'empathie. Lui aussi, il était venu parce que le parc semblait désert. Une bonne façon de se retrouver seul face à lui-même pour ruminer sa colère.

"Bah.. les chiens moldus, même les débiles et les dangereux, allez pas croire que leurs propriétaires les contrôlent hein. Ça les empêche pas de les lâcher sans en avoir rien à foutre. Leur seule magie, c'est parfois leurs colliers électriques de connards là. Ici, au moins, les gens peuvent se protéger eux-mêmes..."

Et lui, il était loin de trouver ça plus irresponsable que ce que faisaient les moldus, vraiment. Il entendait un peu, malgré tout, que le manque de magie pesait sur Nathanaël. Pour Cosmo comme pour le reste, ce n'était pas la première fois que le pâtissier laissait sous entendre ça. Mais il n'y pouvait pas grand chose pour l'aider, malheureusement. A part ses tentatives parfois maladroites à la pâtisserie.. Il s'était freiné là dessus. Et commençait à comprendre le fonctionnement de Nate à ce sujet. Bien mieux qu'il ne comprenait son propre fonctionnement sur... à peu près tous les sujets du monde. A commencer par celui que le pâtissier remit sur la table. Jesus enfonça ses mains dans ses poches, le petit paquet avec la tarte pendant à son bras.

"Y'a pas grand chose à dire j'crois. Y'a pas grand chose tout court, d'ailleurs."

Pas grand chose, sinon les films qu'il avait dû se faire dans sa tête. Il attrapa le gros bâton que Nate lui tendait (je ne pensais pas écrire cette phrase un jour...) et le lança au loin. Cosmo était toujours aussi majestueux, lorsqu'il s'élançait. Sa dégaine était parfois maladroite mais le camaïeu de bleu, malgré la faible lumière, restait un spectacle à part entière.

. Est-ce qu'il voulait en parler ? Il ne savait pas lui-même. Parler de quoi, d'ailleurs, puisqu'il n'y avait, au final, rien ? Il se baissa lorsque le doggamy revint, attrapa le bâton que ce dernier déposa au sol et le lança à nouveau. Ca avait l'air chiant, la vie d'un compagnon à quatre pattes. Mais au moins, ils s'embarrassaient de bien moins de choses. Il soupira.

"J'aurais pas dû faire cette tarte. C'était complètement con. Et beaucoup trop de boulot. En plus maintenant elle m'encombre et j'sais même pas quoi en foutre."

Il regarda le petit sac qui oscillait à son poignet. Le sort de stabilisation fonctionnait suffisamment bien pour qu'elle reste intacte malgré ça. Mais à quoi bon, vraiment ? Cosmo retourna vers son maître, visiblement lassé du lancer de bâton de l'inconnu. Et tous trois se remirent en marche, alors que les mains de Jesus s'enfonçaient dans ses poches à nouveau.

"J'me suis emballé pour que dalle, c'est aussi bête que ça. Y'a pas grand chose à en dire de plus. J'comprends rien aux gens j'crois. "

Tiens, il semblerait qu'il y avait un peu à dire, quand même.. Il haussa les épaules. Pas certain de savoir pourquoi il en parlait. Mais rien que de mettre des mots dessus, il se sentait mal à nouveau. Qui était le crétin qui disait que ça faisait du bien de parler des choses ? Lui, en tout cas, il était presque tremblant rien que de l'évoquer. C'est que ça devenait un peu plus concret, comme ça...

Jesus avait une drôle de façon de consoler les gens. C'était... Maladroit, mais ça venait du coeur -comme toujours avec lui, Nate avait finit par comprendre- et ça touchait le pâtissier. Il appréciait son apprenti pour ces moments de franchise intense dont il était bien incapable, lui.

Cosmo n'avait pas l'air de lui en vouloir non plus. La première fois où Jésus avait lancé son bâton, a une distance qu'il estimait insuffisante, il avait fallu que ce dernier aille le chercher lui même. Mais dans l'ensemble il était satisfait de son service. Ces distractions aidaient le processus de discussion entre les deux hommes. Nate écouta en silence, le laissant s'exprimer jusqu'à ce que les choses sortent un peu plus. Il avait l'impression de se revoir a son âge... A cela près qu'il était rentrée dans cette relation toxique plutôt que de de faire rejeter des l'arrivée. Ça aurait peut être mieux valu au final. Mais ça ne rendait pas la chose plus facile.

« Je ne suis pas tout a fait d'accord... Tu sais pourquoi je t'avais demandé de faire tes tartes pour quelqu'un ? »

Il dit tout en marchant sur des œufs. Ils avaient finalement récupéré Cosmo et terminaient leur promenade dans le parc.

« Pour progresser, les faire pour soi ne suffit pas... Je suis désolé que ça se soit passé comme ça, mais ça n'est pas une perte de temps, je te le promets. »

Il lui avait sourit gentiment. Doucement, il l'emmenait en direction de la pâtisserie. Et le jeune homme faisait mine de le suivre donc il continuait à ses côtés. Nate laissa un peu de silence avant de continuer.

« Ça peut paraître compliqué aujourd'hui... Mais on apprend. Et puis, ça fait partie de ta personnalité de t'embaler. Je trouve ça... »

Comment trouver un adjectif qui ne vexe pas Jésus ? C'était difficile, parfois. Pourtant il était réellement attachant, quand on apprenait a le connaître et faire avec ses humeurs. Ils étaient presque arrivés lorsqu'il se dit qu'il ferait bien d'être franc finalement.

« Attachant. Un jour quelqu'un s'en rendra compte, alors ne change pas. Tu veux entrer boire un café ? J'ai probablement des bières au frigo, sinon. »

Convaincre quelqu'un en train de broyer du noir, c'était peine perdue. Et Nathanaël avait bien du mérite de s'y risquer vu l'état de Jesus. Déçu, énervé et vexé comme il l'était, il n'était de toute évidence pas disposé à entendre grand chose.

"Mouais. Ça y ressemble quand même beaucoup..."

A une perte de temps. Et de fraises. Et de tous ces autres ingrédients. Et que penser de toutes ces tartes qui avaient certes régalé ses voisins de cité universitaire mais n'avaient servi à rien d'autre ? C'est sûr, il avait amélioré sa recette de tarte aux fraises. Il était devenu plus efficace et plus attentif à certaines choses. La texture de la pâte, la cuisson... Mais à quoi bon, franchement ? Nathanaël ne le laissait toujours pas faire de pâtisserie, ça n'était pas à la cafétéria qu'il allait pouvoir s'entraîner et s'il ne pouvait pas les offrir... non, vraiment, ça ne servait à rien lui semblait-il.

"J'sais même pas pourquoi j'me lance là dedans. Ça mène à rien..."

Et on ne parlait plus vraiment de tarte aux fraises, là, il semblait. De relations ? De son avenir professionnel ? Allez savoir. Tout commençait à se mêler dans sa tête. Forcément, plus il ruminait, plus il voyait tout le négatif de cette situation. Dans son ensemble. Sa vie, quoi.
Ils continuaient à marcher, Jesus suivant le pâtissier alors qu'ils sortaient du parc. Il soupira, alors que Nathanaël commençait à parler de lui. Quoi. Sa personnalité n'allait pas, à lui non plus ? Il était prêt à s'emballer. Son coeur avait déjà commencé à accélérer la cadence, d'ailleurs. Mais il ne s'attendait pas franchement à ce qu'on le catégorise comme... attachant. Et il regarda son tuteur, entre le doute profond et l'incrédulité la plus totale. Disait-il ça pour le réconforter ? Parce qu'à part le laisser dubitatif...

"J'suis plutôt partant pour une bière ouais."

Ils entrèrent tous deux dans l'arrière cour de la pâtisserie, que Jesus commençait à bien connaître maintenant. Il n'avait même pas vraiment réagi, au fait que Nathanaël l'ait amené là. Un peu trop préoccupé par tous ces trucs dans sa tête. Une bière lui ferait du bien, il supposait.

"Vous êtes cool comme tuteur. Pour m'écouter parler de mes peines de ... coeur à la con."

Tiens, voilà qu'il reconnaissait -même s'il avait mis quelques secondes à le sortir- que c'était une peine de coeur. On progressait nettement, quand même. Il suivit Nathanaël à l'étage, qu'il découvrait, se demandant vraiment ce qu'il faisait là. Non pas qu'il ait mieux à faire, il ne regrettait pas vraiment le banc humide sur lequel il avait commencé à noyer sa peine ni le lit dans lequel il serait allé se morfondre s'il n'avait pas croisé le chemin de son tuteur. Mais ça restait bizarre...

"On va pas déranger votre frère ? Il n'est pas là ?"

Il l'avait croisé quelques fois, rapidement et ne savait pas trop s'il logeait là ou non. Il s'asit sur le canapé, un peu tendu et pas vraiment à l'aise et attrapa la bière que Nathanaël lui tendit, après avoir déposé la tarte sur la table basse. Il lui redonna une taille ordinaire et rouvrit l'emballage, pour laisser à son hôte la possibilité de se resservir. Lui, il n'avait vraiment pas faim.

"J'vous en veux pas hein, de m'avoir demandé de faire les tartes pour quelqu'un. Vous pouviez pas savoir. Et j'aurais dû mieux choisir. Mais pour lui... j'crois que j'aurais même pas dû essayer. J'aurais mieux fait de prendre les votres. Au moins j'aurais pas été comme ça pour ça..."

Et voilà, il ruminait encore. Tellement qu'il ôta ses chaussures, ramena ses jambes contre lui et se laissa aller en arrière sur le canapé, bière à la main. Pauvre Nathanaël, savait-il dans quoi il s'engageait en ramenant Jesus chez lui ?

C'était touchant de voir Jésus, qui jusqu'ici était un exemple de tête de mule et de caractère peut être un brin trop obtus, s'ouvrir... Normalement. La c'était aussi un peu triste. Parce qu'il était si négatif, et il avait l'air tellement perdu. Et Nathanael ne savait pas quoi lui dire. Il était perdu lui aussi. Surtout pour ces choses là. Il ne fit pas de remarque et le guida sans mot dire, jusqu'à ce qu'il entende ce compliment. Est-ce qu'il venait de lui dire merci, d'une certaine façon ? Non c'était plus que ça. Et pour le coup, Nate était encore plus touché. A un point qu'il n'en trouvait pas les mots.

Il avait accueilli le jeune homme chez lui, de la même façon qu'il accueillait les âmes en peine dernièrement. Il faisait ce qu'il pouvait, pour aider. Et en même temps il n'y arrivait pas forcément a chaque fois. Il suffisait de voir Ulysse. Ou Arthur. Pour ces deux là les résultats étaient encore pire qu'on pouvait penser. Il avait vraiment perdu la main... Donnant une bière au garçon, il espérait ne pas faire de bêtise avec lui.

« Non, il a son chez lui en ce moment. Il me demande de tes nouvelles parfois tu sais ? »

Hyacinthe qui se souciait aussi du sort des autres sans cesse, il n'était pas son frère pour rien ! Jusqu'alors, Nathanael n'avait pas particulièrement pensé a les présenter, et il l'avait fait lorsque Hyacinthe était venu passer un peu plus de temps un weekend et qu'ils travaillaient. Ils avaient eu l'air de bien s'entendre ? Ça faisait toujours plaisir a Nate de voir son petit frère s'épanouir.

Le pâtissier but une longue gorgée de sa bouteille, en essayant de démêler ce qui se passait dans la tête de Jésus. Il ne comprenait pas tout, et ça n'avait pas d'importance mais certaines choses en avaient.

« Je ne pense pas. Que tu aies mal fait, je veux dire. Ça fait partie des expériences de la vie... Il n'y a que toi pour choisir ce que ça t'apprend. »

Ohla, il sonnait comme un vieux maintenant ? Nate tu as pas 60 ans.

« Soit que tu dois te méfier et ne pas faire confiance aux gens ou bien tu peux... Pardonner. Même s'il n'est pas ce qu'il te faut, il t'a fait progresser. Tu peux être fier de toi. »

Il conclut gentiment. Il le regardait dans les yeux, essayant de comprendre s'il suivait ce qu'il essayait de lui dire. Lui aussi, avait fait des erreurs dans sa jeunesse. Il avait beaucoup trop donné a un garçon qui lui avait brisé le cœur pendant des années durant. Et il était en train de recommencer avec Arthur. Même si ce dernier n'était rien d'aussi toxique, c'était un homme bon. Compliqué mais bon. Mais c'était une erreur de tirer les mauvaises conditions de son échec avec lui. Ou Ulysse. Ou Noah... Il avait vraiment tout gâché, pas vrai. Mais au lieu de se renfermer sur lui même et se flageller, colle il le faisait, ne ferait il pas mieux de tirer d'autres leçons de tout ça ? Il devait d'abord s'excuser auprès de ces hommes la.

« Je voulais te parler d'une chose, au sujet de la rentrée. Je ne sais pas... Où les choses vont m'amener dans les mois prochains, mais si tu es toujours d'accord, je pense que je peux t'offrir de te payer les weekends, a mi temps pour quelques mois. Ça ne sera pas incroyable comme paie mais... »

Il ne savait pas ce que deviendrait la boutique d'ici quelques mois. Mais en attendant, il voulait aider Jésus a aller de l'avant. Parce qu'il avait du potentiel, ce garçon. Et il avait failli ne pas le voir.

C'était presque gênant, d'imaginer que Hyacinthe se préoccupe de lui. Parce que la réciproque était loin d'être vraie. Jesus n'avait que peu eu l'occasion de discuter avec le plus jeune des McDougall et il ne s'y était pas intéressé d'avantage. Mais il avait d'autres préoccupations pour réellement relever. Se contentant d'être soulagé que le blondinet ne soit pas présent. C'est qu'il était déjà dans un état suffisamment pathétique devant son tuteur, il préférait vraiment que ça reste en comité restreint. Attrapant la bière, il se laissa aller à se morfondre sur le canapé.

Ce que ça lui apprenait, c'était surtout de ne plus jamais se faire d'illusions. Ni de fréquenter un garçon et de vouloir lui faire plaisir. Ni même de fréquenter aucun garçon tout court, d'ailleurs. Parce que c'était nul, les relations, voilà. On en était presque au stade de se dévorer une boite de glace. Sauf que Jesus s'était fait jeter avant même un semblant de relation et ça, c'était encore plus nul. Pour la peine, il soupira et but une gorgée de bière, s'enfonçant encore plus dans le canapé comme s'il voulait s'y fondre. A quel point c'était pathétique de se morfondre devant son tuteur ? Il s'agaçait lui-même. Et enfonça sa tête dans ses épaules.

"J'crois pas qu'il y ait quoi que ce soit dont j'puisse être fier, là. Au moins ça m'aura servi de leçon hein."

Il termina sa bière, posa la bouteille sur la table. Avec des amis, il aurait pu s'aventurer à une deuxième bouteille. Et une troisième. Noyer la déception dans une petite beuverie digne de ce nom. Mais devant son tuteur, il préférait s'en tenir à une seule. C'était déjà suffisamment embarrassant de se retrouver dans cette situation là, on n'allait pas additionner les potentielles conneries qu'un peu trop d'alcool aurait pu lui faire faire.
Plus tard, il comprendrait ce que Nathanaël avait voulu dire, sans doute. Avec du recul, un peu moins de rancœur, lorsqu'il pourrait en rire. La déception était encore trop fraîche, pour l'instant. Il s'en voulait beaucoup trop à lui-même de se mettre dans un état pareil. Et à Loïs de l'avoir envoyé paître, bien sûr. Et ça tournait dans sa tête. Ca n'aurait pas arrêté de la soirée, si le pâtissier n'avait pas changé radicalement de sujet, réveillant l'intérêt de l'apprenti pâtissier. A défaut de paillettes dans sa vie, ça ramena un peu d'étoiles dans ses yeux.

"Carrément que j'suis d'accord, ça serait trop cool ! J'sais pas encore ce que j'vais faire à la rentrée... j'pense que je vais reprendre à la cafétéria mais..."

Mais ce qui devait être un petit travail pour payer ses études était en train de devenir son occupation principale. Et ça le préoccupait plus qu'il ne voudrait l'admettre. Ca faisait beaucoup de fois qu'il enchaînait les premières années sans jamais parvenir à s'y intéresser.

"J'aime vraiment bien la pâtisserie. Carrément plus que les sortilèges ou la métamorphose. J'sais que vous pouvez pas prendre un apprenti à temps plein hein. Mais j'sais pas si ça sert à quelque chose que j'reprenne d'autres études..."

Et il enfonça sa tête dans ses genoux. La soirée le poussait à bien trop de défaitisme et c'était loin d'être le moment idéal pour se pencher sur tout ça. A tête reposée, il verrait moins les choses en noir. Ce dont, bien sûr, il ne se rendait pas vraiment compte à l'heure actuelle, où tout lui paraissait si foutu. Au point d'occulter cette bonne nouvelle dont Nathanaël venait de lui faire part ? Non, pas vraiment. C'était la petite lueur dans sa soirée et ça lui faisait du bien, vraiment. C'était juste difficile de contrebalancer avec tout le reste..

Oui. Bon. Un jour Jésus reviendrait peut être, ou peut être pas du tout, sur leur conversation. Nate aurait aimé que ça marche un peu mieux mais il ne pouvait pas forcer les choses. Même s'il voulait aider. Est-ce que même le grand pâtissier commençait à apprendre des choses ? Jésus, tu accomplis des miracles là ! Le pâtissier en question n'était pas des plus a l'aise avec ses propres conseils, et le jeune assistant ne remarquera sans doute pas les longues gorgées de bière que son boss s'enfilait.

Il était sur de ce qu'il faisait en lui proposant de l'aide. Il connaissait la valeur du garçon, le véritable doute venait vraiment de sa vie et de ce qui se passerait dans les prochains mois pour la pâtisserie. Il l'aurait bien vu pâtissier a plein temps. Ho, sans doute pas propriétaire, Jésus manquait d'une base de... D'amour de son prochain, pour ça. D'envie de servir et... Oui bon, il fallait le forcer pour être agréable avec les autres êtres humains, c'était un sacré handicap.

« Et tu as pensé à pousser un peu cette passion que tu as pour les potions...? Tu as l'air tellement content quand tu en parles. »

Il souriait doucement. C'était positivement adorable quand Jésus s'emportait sur quelque chose qu'il aimait.

« Qui sait, l'un pourrait totalement aider l'autre... »

Et il finit doucement sa bouteille. Tous les deux allaient avoir de quoi discuter ces prochains mois, et aussi perdu que Nate était dans sa propre vie, il était tout a fait partant pour aider Jésus dans la sienne. Il serait un bon moral support autant qu'il lui était possible. ils finissent leurs boissons et Nate demandera a Jésus de lui laisser sa tarte. Pour que ce dernier ne rumine pas bien sûr, en la voyant chez lui, mais aussi parce qu'il était vraiment fier. Et puis il lui dirait au revoir. Et a bientôt !