Lizbeth Graves | Jennifer Morrison

Lizbeth, c’est un acte manqué, un projet non-abouti, une expérience ratée. Du moins d’après la vaste majorité de sa famille. Il faut savoir que les Graves ne sont pas des sorciers lambdas, oh non, les Graves sont importants, les Graves sont de ceux qui « comptent ». Descendants directs d’un des douze représentants à l’origine du MACUSA, la famille est composée dans sa quasi totalité de politiciens, diplomates, législateurs et toute autre profession étroitement lié au gouvernement sorcier américain.

Il n’y a que peu de place pour une passionnée de créatures magiques.

Pourtant la jeune Lizbeth n’était vraiment pas partie dans cette direction à ses débuts et rien dans ses premières années n’indiquaient la rébellion dont elle allait faire preuve. Née à Washington, dans le manoir familial, son arrivée dans ce monde suivit toutes les traditions et tout le monde était persuadée qu’elle serait une bonne Graves. Fille d’ambassadeurs, elle était plus ou moins destinée à suivre leurs traces et la petite famille quitta les Etats-Unis peu après le deuxième anniversaire de la petite.

Spécialisés dans les relations avec l’Amérique du Sud, les parents de Lizbeth furent mutés dans différents pays et elle passa son enfance et son adolescence entre l’Argentine, le Pérou et le Brésil. Leur vie était rythmé par différents événements mondains et la petite Lizbeth suivait ce vals sans fin, remplit de courbettes, de sourires policés et d’échanges douteux sous la cape. Docile et réservée, pendant longtemps elle garda le silence sur cette vie qui ne lui convenait pas, étouffant sans un bruit dans ce monde de faux-semblants où elle n’était rien d’autre qu’une silhouette sans importance.

Aujourd’hui, durant les quelques soirées où elle s’autorise à plonger dans ses souvenirs, elle admet avec amertume que son enfance fut tout bonnement misérable. Elle ne connaît tout simplement pas ses parents, des étrangers plus occupés par leur carrière que par leur fille et ses journées étaient tout bonnement sinistres, enfermée telle un oiseau en cage sous la vigilance des elfes de maison. Pourtant elle n’arrivait pas à se rebeller contre tout cela, c’était son quotidien et coupée de toute autre personne différant de cette vision du monde, elle ne pensait pas qu’autre chose était possible.

Puis sa lettre pour Castelobruxo arriva et son monde fut complètement bouleversé.

Dans ces murs dorés, elle découvrit un monde qui lui avait été fermé pendant longtemps, le monde de la botanique et des créatures magiques. La petite Lizbeth avait toujours été attirée par les animaux mais on l’avait sans cesse tenue à l’écart, ses parents jugeant cet intérêt comme dangereux et peu profitable pour la personne qu’elle était censée devenir. Loin de la tutelle étouffante de sa famille, la blonde put enfin explorer ce qui l’attirait et découvrir une bonne fois pour toutes quelle sorcière elle était.

Souvent, à ce moment de l’histoire, les choses tournent mal pour l’héroïne, elle doit se battre contre vents et marées pour ce qu’elle veut et si elle a de la chance, sa famille finit par l’accepter telle qu’elle est une fois ses preuves faites. Sauf qu’on n’est pas dans un conte et que les choses se sont déroulées de manière bien moins dramatique. Est-ce qu’elle a dû se faire violence, sortir de sa coquille pour parvenir à s’imposer dans sa propre vie? Certainement, il n’y eut pas une semaine dans son adolescence où elle ne vécut pas une dispute avec ses parents, que cela soit de vive voix ou par hibou. Elle sacrifia sa docilité et sa réserve pour s’affirmer, donner un bon coup de poing sur la table et prendre enfin les rennes de sa vie. Mais le changement ne se fit pas du jour au lendemain, il y eut des étapes, des hauts, des bas, des moments de doute. Est-ce que sa famille l’a accepté? Non, aucunement, mais ils ne sont pas démenés pour la ramener sur la « bonne voie ». Ils se sont contentés de hausser les épaules devant sa détermination, déclarer qu’elle n’était pas digne des Graves et plus ou moins tourné le regard de sa personne. Pas de cris, pas de larmes, pas de sortilèges volant dans la pièce, juste une méprisante indifférence et l’étiquette de mouton noir collée sur le dos de Lizbeth.

L’Américaine s’est donc durcie, elle a construit une carapace de femme forte et indépendante face à cet abandon dissimulé et a construit sa vie de ses propres mains. Une fois son diplôme en poche, elle a fait son sac, fermé la porte de la maison du moment et n’est plus revenue. Elle se contente d’envoyer une lettre pour Noël, histoire de faire savoir qu’elle est toujours en vie et se comporte comme une orpheline le reste du temps.

Globettrotteuse infatigable, elle a visité tous les continents, toutes les réserves et fait le tour de la plupart des créatures connues. Son expérience est impressionnante, surtout pour quelqu’un qui n’a pas de véritable formation officielle, juste mille apprentissages dans différentes réserves, une curiosité infinie et un don pour cohabiter avec toutes sortes de créatures. Sa plus grande fierté? Réussir à tenir une année dans une réserve de Dent-de-vipère du Pérou sans trop d’égratignures. Du moins aucune permanente.

Comment le directeur du MUL a réussi à mettre la main sur elle? Bonne question, elle-même ignore comment il a bien pu entendre parler d’elle. Son nom est certes connu dans le milieu mais de là à se voir offrir un poste d’enseignante il y a un monde. Pourtant, du haut de ses vingt-huit ans, après une décennie à aller d’un endroit à un autre, elle reçut un curieux parchemin lui proposant le poste de Professeur de soin aux créatures. Au début, elle crut sincèrement à une blague. Elle, enseignante? Pourtant sa curiosité fut piquée et elle tenta sa chance. Une année, pour voir. Convaincue qu’elle était de s’ennuyer et surtout de ne pas correspondre au profil recherché, elle ne pouvait envisager rester plus longtemps sans que ses bottes la démangent. Le directeur se contenta d’arborer un sourire amusé et de l’accueillir comme si elle avait prévu de rester mille ans.

Sur ce coup-là, elle s’était bien planté, il fallait bien l’admettre.

Elle entame aujourd’hui sa septième rentrée scolaire et elle adore son travail. Transmettre son savoir et son amour des bêtes est extrêmement gratifiant, et elle doit faire un boulot correct vu qu’on ne l’a pas encore virée. Lizbeth est pratiquement sûre qu’elle n’a pas véritablement la formation requise pour ce poste mais sa scolarité à Castelobruxo et sa propre expérience sur le terrain valent tous les examens du monde aux yeux de son employeur et elle ne peut que lui donner raison.