Too quiet for a pixie

Le vent souffle fort sur les îles écossaises, ces dernières semaines. Aucun des habitants de l'archipel des Hébrides n'a l'air de s'en soucier. Les journées sont les mêmes, rythmées par le travail qui est constamment à abattre.
Ce dimanche, comme rarement, l'atmosphère est plutôt calme. Aucun dragon à soigner dans les enclos, peu d'oeufs à veiller, peu de blessures à traiter. Et c'est l'ensemble du clan MacFusty qui aujourd'hui profite de l'accalmie, car chacun d'eux sait qu'elle sera courte et que, dès le lendemain, la vie reprendra son cours avec l'intensité habituelle.
Dans le château qui surplombe l'océan du haut de sa falaise, l'ambiance est à l'étude. Lucàs, petit garçon de six ans, est installé dans la bibliothèque, à côté d'une large fenêtre laissant passer la faible luminosité des îles du nord. Plume à la main, langue tirée, il s'efforce de reproduire les lettres parfaitement calligraphiées sur un parchemin. Ce n'est pas facile, d'autant plus que la Cousine Emily, morte il y a six cents ans, est particulièrement exigeante en la matière. Elle ne laisse passer aucune erreur et l'enfant doit recommencer toute la ligne dès qu'il fait une tache d'encre. La barbe !
Et ce n'est pas son père, debout un peu plus loin entre deux rayonnages, qui va venir le sauver. Plongé dans un livre d'études sur les relations internationales des clans d'Ecosse avant les Highland Clearances du dix-huitième siècle, il s'efforce de comprendre les erreurs faites par les clans sorciers aujourd'hui disparus pour ne pas les répéter lui-même en ces temps troublés.
Un tremblement saisit alors les murs, et tout s'immobilise. Le spectre de la Cousine Emily lève la tête, guette autour d'elle, Lucàs suspend sa plume au dessus du parchemin, Alistair lève une main pour s'agripper au rayon de bibliothèque face à lui. Juste à temps, car voici que les tremblements s'intensifient alors que la bibliothèque, visiblement lasse de la vue qu'elle offre sur la forêt qui entoure le chateau, glisse le long des couloirs pour aller s'installer ailleurs. Les meubles gorgés de livres s'agitent, sans qu'aucun ouvrage ne tombe à terre. Le petit garçon s'accroche à sa chaise, et profite de cet instant de répit dans sa leçon – car ce dernier ne durera sans doute pas.
Et puis tout s'arrête, d'un coup. Encore un lourd bruit de pierre, et la bibliothèque semble satisfaite de son emplacement nouveau, face à l'océan.
“Come on Lucàs. Start your L line again.”¹
Et l'enfant de pousser un soupir, alors que le son d'une cornemuse s'élève, venant des remparts du château. Alistair soupire à son tour : encore un coup de l'Oncle Gregory, une ode au vent qui souffle à n'en pas douter.
“Cousin, weren't you expected somewhere this afternoon ?” interroge le spectre d'une voix doucereuse en profitant du fait que son parent ait été distrait dans sa lecture.
Ce dernier fronce les sourcils, avise l'heure sur une horloge au fond de la bibliothèque.
“Indeed. Will you see Lucàs to Moira once you've ended the lesson ?”²

Le temps est moins apocalyptique en Angleterre, remarque le chef de clan. Il observe le manoir alors qu'il remonte l'allée menant à la porte d'entrée, veste en cuir de dragon éternellement sur les épaules. Arrivé au pas de la porte, un bruit attire son attention avant qu'il ait le temps de frapper. Il parvient à saisir un éclat bleu, fronce les sourcils. Un Lutin des Cornouailles ?
Sans doute pas, il avait dû mal voir.
Il reporte son attention sur la porte et donne trois coups secs, un peu impérieux.
Knock, knock, knock.
Un sourire vient éclairer son visage quand la femme lui ouvre. Il observe l'oiseau sur son épaule et hoche la tête avec ce côté très cérémonieux, très traditionnel venu de son éducation.
“Good afternoon lassie,” salue-t-il calmement en laissant sa veste couler le long de ses épaules, dévoilant la baguette de cèdre coincée dans la ceinture de son kilt. “Thank you.”³
Il la suit dans sa demeure, le regard observateur scannant l'environnement. Ce devait être la première fois qu'il venait ici. On parlait souvent de son château, qui impressionnait souvent les visiteurs par son austérité, mais le manoir de son amie valait le détour également.
Arrivé dans le petit salon, il se dirige tout naturellement vers l'un des fauteuils, s'aperçoit qu'il est déjà pris, glisse une main pour gratter le chat derrière ses oreilles avant d'enfin s'installer sur le siège qui était libre.
“I'd love a dram of mead.”⁴
Elle s'éclipse, il profite de l'occasion pour observer les lieux autour de lui. Le calme de la demeure est extrêmement appréciable pour un homme comme lui, qui sait l'aimer à sa juste valeur et qui ne peut en jouir qu'assez rarement. Vivre dans un château hanté n'est pas toujours de tout repos. Et puis, n'oublions pas qu'avoir un enfant, c'est renoncer à jamais à avoir un instant pour soi.
Il se demande parfois comment il ferait sans Moira, sa cracmol de nounou.
C'est l'odeur qui avant toute chose le tire de sa rêverie. Ça sent délicieusement bon et, sans être un grand gourmand, Alistair ne dit jamais non à une douceur, sucrée ou salée. Il ne met longtemps à reconnaître la tarte, s'interroge intérieurement sur la façon dont Ellie a pu se procurer ces fruits hors saison,
“A Dhia… You shouldn't have, lass,” remercie-t-il à sa façon l'infirmière de ses attentions. “To be honest, it's been a busy month. Since the events at the ministry's ball, I think it's my first day off,”⁵ avoue-t-il alors.
Il a bien réussi à voler une soirée par ci, un moment par là, mais rien de bien folichon… Ou presque. Mais ça, c'est une autre histoire.
“I have barely been able to take care of dragons at all. International affairs do not await.”
Il trinque avec son amie, boit une gorgée d'hydromel, non sans un certain plaisir. “How about you ? Still morthering students ?⁶
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¹ Allez Lucàs. Recommence ta ligne de L.
² Mon Cousin, n'étiez-vous pas attendu quelque part cet après-midi ?
- En effet. Pourrais-tu amener Lucàs à Moira quand vous aurez fini la leçon ?
³ Bonjour, jeune fille. Merci. (lass/lassie = surnom affectueux donné en écosse pour désigner une jeune fille)
⁴ J'adorerais un verre d'hydromel.
⁵ A Dhia… Tu n'aurais pas dû, jeune fille. Pour être honnête, ça a été un mois chargé. Depuis les évènements au bal du ministère, je pense que c'est mon premier jour de congé.
⁶ J'ai à peine pu m'occuper de dragon. Les affaires internationales n'attendent pas. Et toi alors ? Toujours à materner des étudiants ?

“It looks brilliant,”¹ complimente Alistair en voyant la tarte.
Une tarte aux fruits et de l'hydromel. Magnifique. Il devrait venir la voir plus souvent, quand même.
Quand elle propose de ne pas parler travail, l'Ecossais ne peut qu'approuver d'un signe de tête. Lui-même préférait l'entendre parler de ses activités plutôt que de se confier sur les siennes – c'est qu'il n'est pas très bavard, le bonhomme – et si elle avait autre chose sur lequel l'entretenir, il y était plus qu'ouvert.
Il trinque avec elle, de quelques mots en gaélique, comme à son habitude.
Et à la question qu'elle lui pose, il ouvre grand les yeux.
Désarçonné.
Ce qui était assez rare.
Mais en fait, il se rend compte qu'il est bien incapable de répondre à sa question. Voici quinze ans, maintenant, qu'il vit exclusivement pour son clan – et aussi pour son fils, bien sûr. Depuis son adolescence. Et à l'époque, ses loisirs n'étaient pas nombreux… Et plutôt contestables : se battre, draguer les jeunes filles, se battre encore, faire quelques bêtises avec Eoin, rattraper ses idioties, reluquer l'arrière-train d'une jolie demoiselle…
Rien de bien flatteur, j'en ai peur.
Et puis, des bêtises, il en avait faites de toutes sortes ! Métamorphose, piège, corruption de Peeves, escalade dans les couloirs ou sur les murs du château…
L'escalade.
Oui, c'était sans doute l'une des choses qui lui manquait le plus. Non pas qu'il n'en fasse plus – sa stature et sa musculature laissent par ailleurs deviner qu'il est loin de se laisser aller. Mais désormais, il ne grimpe plus le long des parois pour le seul plaisir, le seul frisson. Il y va par obligation, pour aller explorer les nids des dragons, pour faire descendre une bête blessée dans le glen… Pour s'approcher sans être trahi par le bruit typique d'un transplanage, amplifié par l'écho des montagnes escarpées des îles.
Ça ne lui ferait sans doute pas de mal de prendre un vrai congé. Seul, en tête à tête avec lui même. Disparaître, l'espace de quelques jours à peine.
Maintenant qu'il en pense, il se rend compte qu'il en meurt d'envie depuis bien longtemps. Il faudrait qu'il y songe. Une retraite, loin de tout, loin de tous, pour méditer, aussi. Ça lui ferait le plus grand bien.

Perdu dans ses pensées, il ne répond pas tout de suite, et préfère boire une gorgée d'hydromel. Il aurait peut-être dû, plutôt que de laisser la jeune femme l'emmener vers un terrain plus glissant.
Quand elle parle de voiture, il blêmit immédiatement.
Oui, bien sûr, en homme curieux, il avait toujours été fasciné par les voitures, dès le moment où il en avait vu une. Il rêvait d'en démonter une pièce par pièce pour en comprendre son fonctionnement, puis de la remonter pour voir comment tout s'imbriquait. Il aurait adoré passer son permis, apprendre à faire tourner la fragile mécanique. Il en avait parlé, des années plus tôt, avec sa femme moldue.
Et puis…
L'accident.
L'inquiétude.
Le chagrin.
Il déglutit difficilement et essaie de masquer son trouble en finissant d'une traite le verre d'hydromel. Il n'a pas envie de penser à ça. Il se rend compte, alors, qu'il n'a sans doute jamais expliqué à Ellie les circonstances de la mort de sa femme. Il faut dire que parler d'un carambolage sur l'autoroute à des sorciers n'était pas toujours simple. Et il n'avait jamais eu le coeur à entrer dans les détails.
Dire qu'il avait perdu Charlotte était déjà bien assez douloureux.
“I… ” tente-t-il de répondre, sans trop savoir ce qu'il allait bien pouvoir dire. “I can't, Ellie.”
Elle n'a pas vraiment proposé, encore, mais la proposition n'en était pas moins sous-jacente. Et lui préférait ne pas approcher de l'engin.
Il n'était pas prêt.
“I'm sorry, I…”² Le visage exangue, il bute sur les mots, cherche comment formuler sa pensée. Chose qui n'est pas simple quand on est aussi fermé qu'une huître.
Finalement, il opte pour une stratégie qu'il n'adopte pas souvent : la fuite. Il prend une profonde inspiration, et décide de faire comme si elle n'avait jamais parlé de la vieille Aston Martin de sa grand mère.
“If I had more free time, I think I would go in the moutains. On my own. Climbing, meditating… Seeking a quiet place to stay for a few days, maybe a few weeks.”³
Voilà un sujet bien moins brûlant.
“What would you do ? Take care fo your animals, like you usually do ?”⁴
Tiens, il s'autorise même une taquinerie, dis donc.
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¹ Ca a l'air délicieux.
² Je… Je ne peux pas, Ellie. Je suis désolé, je…
³ Si j'avais plus de temps libre, je pense que je me retirerais dans les montagnes. Seul. Faire de l'escalade, méditer… A la recherche d'un endroit calme où rester quelques jours, peut-être même quelques semaines.
⁴ Et toi, que ferais-tu ? T'occuperais-tu de tes animaux, comme à ton habitude ?

Quand même il tente de noyer le poisson, Alistair n'est pas à l'aise.
Pas du tout.
Après deux ans, on pourrait penser qu'il a tourné la page. C'est en partie vrai, d'ailleurs. Il s'est reconstruit, a réussi à dépasser l'envie de ne rien faire et de se morfondre en s'abrutissant de travail. Il a pansé ses plaies en compensant le manque par l'amour pour son fils unique, qui avait bien besoin de lui.
Mais la douleur est toujours là. Tapise dans l'ombre. N'attendant que le bon moment pour frapper comme un coup de poing.
Il n'arrivait pas à oublier. Et n'y arriverait sans doute jamais.
Alors en un sens, il est reconnaissant envers Ellie de ne pas insister, de le laisser devier la conversation de la façon la plus grotesque qui soit. Il hoche la tête, encore assez inattentif, quand elle lui sert des paroles somme toute assez banales. Cela lui permet de refaire le point, reprendre le contrôle de ses nerfs, retrouver contenance. La bouteille d'hydromel arrive quand il parvient enfin à faire fi des battements douloureux de son pauvre petit coeur, et il ne résiste pas à ce qui devient, de plus en plus, un réflexe : boire.
Une gorgée d'hydromel plus tard, il se sent déjà mieux. Rien de tel pour se recomposer une attitude.
Il pourrait goûter à la tarte aussi. Le sucre a toujours un petit côté réconfortant, un peu comme une madeleine de Proust que chacun partage.
Mais non, on le lui déconseille. Il hausse les sourcils quand elle lui fait remarquer que la tarte a été trafiquée par…
Par un lutin ?
Le regard qu'il lui adresse alors en dit long : en effet, cette excuse est l'une des pires qu'on lui ait servi. Avait-elle tellement raté son coup qu'elle ne voulait pas qu'il s'en rende compte ? Ça ne devait pas être si terrible, si ?
Mais non, elle ne plaisante visiblement pas.
“Not since I finished school,” fait-il remarquer. Après trois ans d'étude en vétomagie, en revanche, il savait quelques petites choses sur ces facétieuses créatures. “It's weird you have one here. We usually find'em in Cornwall…”¹
Cornouailles où ils bénéficiaient d'un climat particulièrement bénéfique pour leur reproduction, s'il se souvenait bien. Les trouver ici, en plein comté du Hampshire, n'était pas anodin. Il n'était sans doute pas là seul… Si c'était encore un coup d'un petit malin qui avait voulu les revendre au marché noir et qui les avait laissé s'échapper dans la nature…
Il y avait tout à parier que c'était une histoire de ce genre.
Encore un inconscient. Non pas que les lutins soient de dangereuses créatures, mais ils pouvaient occasionner bien des dégâts avec leurs farces. Combien de moldus avaient finis en haut d'un arbre ou d'un immeuble juste parce que ces sales petites bêtes à la force incommensurable en avaient eu l'envie ?
Vivre avec ça sous son toit n'était pas de tout repos.
Et c'est à ce moment là qu'il est content de vivre dans le Nord, là où il fait trop froid pour ces farceurs.
Dans le cas d'Ellie, la problématique des chats n'était pas à écarter de l'équation. Curieux comme ils le sont…
“Have you tried a trap on higher ground ? They can fly, your cats can't.”²
C'est peut-être d'une banalité affligeante, mais il faut passer par là. Il doit être sûr de ce qu'elle a déjà tenté pour pouvoir proposer quelque chose d'efficace.
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¹ Pas depuis que j'ai arrêté mes études. C'est étrange d'en trouver ici. On les trouve généralement dans les Cornouailles…
² As-tu essayé un piège en hauteur ? Ils peuvent voler, pas tes chats.

Ah oui, il avait oublié ce détail. Il était vraiment qu'Ellie faisait dans l'animal de compagnie à plumes également. Bien moins impressionnant que ceux à écailles dont il s'efforçait de s'occuper. D'ailleurs, en parlant d'eux, une odeur toute familière vient lui chatouiller les narines. Il cherche alors son origine et se tourne tout naturellement vers la cheminée. Il sort également sa baguette, prêt à lancer un petit sort dont il a le secret pour maîtriser un feu qui devient hors de contrôle, mais est pris de court par la maîtresse de maison – ou bien est-ce parce que, bien élevé qu'il est, il lui laisse gérer sa maison comme elle l'entend ?
Et là, coup de théâtre : un ricanement s'élève de l'âtre, ou plutôt de son conduit. Ellie sort de l'âtre, avec cet air adorable que lui confère la suie étalée ça etlà sur son visage, l'air un peu plus agacée que jusqu'ici.
Bichette.
Il sourit, un peu amusé tout de même, alors qu'elle s'excuse et s'inquiète de la suite. Alistair, lui, est à mille lieues des inquiétudes de la jeune femme, de toute évidence embarrassée. Il a plus en tête de l'aider à venir à bout du lutin facétieux. Non seulement ça le sortira des tracas quotidiens, et en plus ça peut lui promettre moultes amusements.
Quand on fait face à un lutin, on n'a pas le temps de s'ennuyer. Ça pourrait même le mettre de bonne humeur.
“Dinna fash, lassie,” assure-t-il de sa voix grave. “Let me help you out.”¹
Il se lève du fauteuil dans lequel il avait trouvé place, et la suit à l'extérieur du cottage. Une fois dehors, il guette le toit, le nez levé, cherche déjà une prise pour lui mettre d'y monter facilement.
Ça faisait bien longtemps qu'il n'avait pas grimpé les murs d'un bâtiment. Depuis Poudlard, peut-être. C'était alors un de ces jeux favoris, pour épater la galerie, ses copains ou alors une jolie jeune fille qui l'intéressait. Il grimpait sur les murs du château, accrochait ses doigts aux prises les plus solides, avec l'assurance insolente de la jeunesse. Il montait alors sans difficulté apparente et s'amusait à retourner dans les couloirs en passant par une fenêtre ouverte. Combien de fois les professeurs l'avaient-ils attrapé à faire ce genre d'âneries ? Combien d'heures passées en retenue pour s'être mis en danger de la sorte ?
Ah doux souvenirs…
Mais revenons en au présent. Il y a bien d'autres problèmes à gérer dans l'immédiat. L'Ecossais trouve une prise qui lui semble plus sûre que les autres et, dans un très court laps de temps, se soulève à la force des bras et arrive sur le toit dans un geste souple. Une fois perché, il se tourne vers la jeune femme qui avait peut-être plus dans l'idée d'utiliser une échelle et lui tend la main pour l'aider à le rejoindre en hauteur.
Une fois les deux là-haut, ils s'approchent de la cheminée. Les ricanements se font toujours entendre à l'intérieur. Alistair lui lancerait bien un sortilège d'attraction, mais sait d'expérience que les créatures qui ont des pouvoirs magiques ont souvent des résistances naturelles à ce genre d'incantation.
Alors quoi ?
Il ne connaît d'incantations particulières pour maîtriser un lutin de Cornouailles.
“Ideally… I think we should find a way to stupefy it. Make it get out of there, stupefy it, and bring it back to Cornwall, where it belongs.”²
La proposition est sensée. Ça débarrasserait son amie d'une présence indésirable et la créature pourrait retrouver un environnement plus propice à son développement, ainsi que les siens. C'était tout de même ce qu'il y aurait de mieux pour tout le monde.
Maintenant, le tout était de le capturer sans le blesser, ni lui faire de mal. Et ça, c'était pas gagné, car il y avait tout à partier que la bestiole refuse de coopérer.
Surtout ce genre de bestiole.
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¹ Ne t'inquiète pas jeune fille. Laisse moi te donner un coup de main.
² Idéalement… Je pense qu'il faudrait trouver un moyen pour le stupéfixer. Le faire sortir, le stupéfixer, et le relâcher dans les Cornouailles, là où est sa place.

La saleté.
Alistair voit l'étendue des dégâts sur le toit en voyant les draps, qui avaient dû être d'un blanc immaculé, enfoncés dans la cheminée. Ce lutin avait de la suite dans les idées.
Ellie ne tarde pas à venir avec une stratégie d'attaque. L'écossais hoche la tête, baguette à la main, et guette la petite créature facétieuse qui s'amuse sur la girouette.
Ça, il n'était du tout sur son terrain de prédilection, contrairement aux apparences. Habituellement, les bêtes avec lesquelles il travaillait étaient bien plus massives et difficiles à rater. Viser un dragon et viser un lutin, on n'était pas vraiment sur le même niveau de difficulté niveau adresse. Il n'était pas certain d'être à la hauteur, mais il ferait son nécessaire.
Ils finiraient bien par réussir à le coincer d'une façon ou d'une autre. Il a confiance. Quand même, deux sorciers accomplis comme eux et habitués à bien plus coriace, ce serait un comble qu'ils ne parviennent pas à se débarrasser d'un bête mutin lutin malin pesti !
Alors le chef de clan se déplace souplement sur le toit, prenant garde à avoir des prises solides et à ne pas risquer de glisser sur une tuile. Il veut se mettre en place pour prendre le lutin à revers, dans un équilibre précaire.
Ils sont en place.
Tout est parfait et ne peut que bien se passer, non ?
C'est sans compter sur l'intelligence de la bestiole !
Flairant sans doute le coup fourré, et prenant certainement plaisir dans le jeu du chat et de la souris, la petite chose bleue anticipe les mouvements suivants et se glisse entre les jambes de l'infirmière.
Alistair ne voit pas la direction qu'il prend. Il voit, en revanche, la jeune femme perdre l'équilibre et s'apprêter à tomber. Habitué à l'escalade sur des hauteurs bien plus vertigineuses, il réagit très rapidement :
“Arresto momentum !”
Le sort part et frappe la sorcière de plein fouet, arrêtant sa chute en douceur. L'homme remonte alors jusqu'à elle et lui tend la main pour l'aider à se relever.
“Have you seen where it went to ?”¹ interroge-t-il alors.
Il risque un oeil vers le sol, au cas où il l'apercevrait. Le problème étant qu'Ellie n'avait pas ouvert qu'une seule fenêtre aujourd'hui – rien qu'entre celle de la chambre et celle de la cuisine … Il laisse une moue mécontente déchirer son visage, s'assure que la jeune femme n'ait rien et descend du toit avec la même agilité qu'il était grimpé. De ses mains ou d'un sort, il aide également Ellie à retrouver le plancher des vaches si elle en a besoin.
Bien.
Comment allaient-ils faire, maintenant ?
Il ne faut pas longtemps pour qu'on réponde à leur question. Un ricanement insupportable sort par la fenêtre de la chambre, suivi par un grand fracas.
“A Dhia…” soupire l'écossais. Il lève sa baguette, ferme la fenêtre de la chambre d'un tour de poignet.
Au moins, ainsi, le lutin ne pouvait plus s'enfuir.
“Will you allow me into your room ?”² demande-t-il alors alors qu'ils reprennent la direction de l'intérieur de la maison, pour pouvoir coincer cette saloperie de petit lutin.
Bien sûr qu'il demande l'autorisation à la maîtresse de maison, éducation oblige. Un homme n'entre pas comme ça dans la chambre d'une dame.
Certainement pas. C'est qu'il est un gentleman et qu'il est hors de question qu'il lui impose une irruption pareille dans son intimité, quand bien même serait-ce pour la bonne cause.
Mais là, s'ils voulaient déloger la salle bête… Il allait falloir se lancer.
Conventions, ou non.
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¹ Tu as vu où il s'est enfuit ?
² Tu m'autoriserais à entrer dans ta chambre ?

La décoration du cottage n'était pas des plus sympathiques. Un peu vieillotte, certes, mais ça, Alistair ne s'en rend pas forcément compte. Par contre, le glauque d'avoir le portrait de chats morts les uns à côté des autres dans l'escalier lui ne lui échappe pas. Et on ose lui faire remarquer, de temps à autres, que le fait qu'il vive avec certains de ses ancêtres était d'un lugubre tout particulier ! Au moins, les spectres avaient le sens de l'humour !
Et pas que.
Arrivé sur le palier de l'étage, il entend le plancher grincé sous son poids – c'est qu'il est loin d'être léger, l'animal ! Il grimace en se disant que, pour l'approche furtive, c'était quand même compromis. Il n'y avait pas à dire, le bois c'est chaleureux… Mais rien ne vaut la solidité de la pierre.
Il hoche la tête pour faire savoir à son amie qu'il est prêt. À bien y regarder, on dirait deux adolescents essayant de jouer à une quelconque série policière, pour faire irruption dans une pièce en hurlant FBI ! et en mimant des pistolets avec leurs mains. Ils sont d'un sérieux incroyable, compte tenu de la situation… Rocambolesque.
La porte s'ouvre. Rien à signaler. Baguette à la main, l'écossais scanne les lieux avec une attention redoublé. Son sens de l'observation lui sera particulièrement utile aujourd'hui. Il ne fait pas attention à la photo, ou aux affaires sur la coiffeuse. Il est concentré sur la créature qu'il chasse, sur le qui-vive comme s'il s'apprêtait à approcher un dragon particulièrement agressif.
Et puis un ricanement.
Les deux adultes se tournent vers le lit. Alistair lève les yeux vers Ellie, fronce les sourcils en remarquant la teinte soutenue que son visage a pris. Hm ? Y avait-il quelque chose de gênant ici qu'il n'avait pas vu ? Il aurait remarqué, tout de même, si elle planquait un amant dans le placard, ou si elle avait laissé des dessous affriolants traîner. Peut-être l'embarras réside-t-il dans un détail, quelque chose de trop personnel pour qu'il l'identifie. C'était sans doute mieux ainsi, d'ailleurs.
Ils étaient amis, mais il y avait des choses qu'il valait souvent mieux ignorer.
Ses réflexions n'ont pas le temps d'être plus profondes. Ils sont interrompus par un nouvel arrivant à quatre pattes et ses miaulements… Qui part en chasse à son tour.
“A Dhia,” jure-t-il entre les dents, agitant sa baguette en direction de la porte, qui claque aussitôt.
Maintenant leur proie est piégée, ce qui leur donne l'avantage. Le problème étant qu'ils étaient à la merci du fieffé lutin… Et le chat aussi. Autant que lui voulait faire la petite créature bleue son quatre heures.
Petite créature bleue qui déboule de sous le lit, volant hors de portée du félin et des deux sorciers pour s'accrocher au luminaire suspendu au plafond. Il se balance alors dessus en lançant de petits cris ravis. Le chef de clan tourne autour du lustre, essaie de trouver un angle d'approche.
Le tout est de ne pas effrayer la bête. Ni de le louper. Il jette un regard vers l'infirmière, comme pour savoir ce qu'elle préférait faire. Difficile de communiquer. Perdre du temps alors que le lutin s'amuse lui semble dangereux. Il pourrait trouver une autre bêtise à faire, et autrement plus inquiétante qu'un simple rodéo sur un luminaire.
Finalement, arrivé à ce qui lui semble être le meilleur angle, Alistair s'arrête, les yeux braqués sur sa cible.
Trop réfléchir ne les mènerait à rien.
Il faut agir.
“Stupefy !”
Il a attendu d'être bien en position pour lancer le sort, sûr de lui.
Il ne suffit que d'une fraction de seconde. Le nuisible pressent l'attaque, lâche le lustre ; il esquive le maléfice qui frappe l'objet de plein fouet, manquant de le faire tomber – il ne tient au plafond plus que par une attache d'une finesse qui n'est pas sans rappeler celle de l'Epée de Damoclès.
En attentant, le lutin a filé. Il glisse entre les jambes des deux sorciers, contourne la gueule d'un chat qui veut l'attraper, saisit sa queue.
Mais que diable veut-il faire à Soquette ?
La suite au prochain post !

Et voici un chat dans les airs, un ! Chat qui n'est pas ravi de se retrouver, contre son gré, les quatre fers en l'air. Soquette, d'ailleurs, non comptant de se prendre un sort de sa maîtresse, s'en prend également un du chef de clan, qui avait dans l'idée de stupéfixer, tentative numéro deux, le lutin. Les deux sorts, visiblement, atteignent leur cible, et Alistair préfère rester en retrait pour laisser son amie infirmière exercer ses talents.
Le chat est libéré, réanimé, écarté. Il n'est pas très content d'avoir été ainsi traité, que ce soit par la créature magique ou par les deux sorciers… Combien de temps boudera-t-il la jeune femme ?
Ellie a déjà, sans surprise, la suite en tête. Mettre le lutin en cage pour le transport, aller jusque dans une forêt des Cornouailles et l'y relâcher pour qu'il retrouve son milieu naturel. L'homme hoche la tête pour acquiescer ; ça lui semble être une idée parfaitement adéquate.
“I can go there on my own, if you like, on my way back. Dinna trouble yourself,” propose-t-il dans un sourire. “You wouldn't like to risk your life in Cornwall when so many cats and birds rely on you.”¹
Et un petit trait d'esprit de la part du chef de clan, de cet humour très particulier qui ne fait souvent rire que lui. Il hoche à nouveau la tête en l'entendant annoncer qu'elle partait à la recherche de la cage et reste donc seul dans cette chambre qui n'est pas la sienne. Pour un homme veuf et seul – enfin, dans sa tête – il finissait souvent dans les appartements de ces dames, ces derniers temps. D'abord celle d'Artémis, sa fiancée imposée, puis celle ci… Sans compter que, selon la décision d'Irina, il finirait peut-être dans la sienne. Il ne manquait plus qu'il s'introduise dans celle d'une certaine Irlandaise dont les yeux l'avaient complètement ensorcelés pour parfaire le tableau.
Coquinou.
Il observe les lieux autour de lui, d'un regard plus intéressé que précédemment. Après tout, il n'y avait personne pour le surprendre, dans l'immédiat. Il guette alors, sans bouger de son emplacement, la coiffeuse, le lit et les draps parfaitement faits, note la propreté et l'ordre qui règne. Il est un peu épaté de voir qu'elle réussit à maintenir ainsi l'ordre dans ce cottage, malgré ses multiples habitants. Lui a bien du mal à faire en sorte que sa propre chambre ne soit pas un bordel incroyable – et je ne vous parle pas de son bureau qui ploie sous le poids du travail qui l'y attend sans cesse. Et il semblerait, en plus, que Lucàs ait hérité du bordélisme latent de son père… Lui faire ranger sa chambre relevait parfois du parcours du combattant.
Il se redresse en entendant la jeune femme revenir, se tourne un peu trop rapidement vers elle. Elle a trouvé la cage qu'elle cherchait et lui attrape précautionneusement la créature immobilisée pour la glisser à l'intérieur.
“It's alright, I dinna mind,” rassure-t-il son amie en l'entendant s'excuser. “At least we didna get bored.”²
Difficile de savoir s'il plaisante ou pas, cette fois. Il faut dire qu'il est si peu bavard – et qu'il ne se force pas lorsqu'il est avec ses proches – que parfois, si on n'a pas l'habitude, on se retrouve destabilisé. Dans le cas d'Ellie, en outre, il sait qu'il n'a pas besoin de se plier aux conventions et donc qu'il peut se permettre de ne pas lui faire la conversation.
Un exercice pénible qu'il n'aime pas du tout.
Alors que là, ils ont pu prendre des nouvelles l'un de l'autre et partager une après-midi riche en émotions dont ils se souviendront longtemps.
Une après-midi parfaite, en somme.
Il garde la cage à la main, passe sa langue sur ses lèvres. Puis tend son bras à son amie.
“Shall we ? Except if you'd like to stay here, of course.”³
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¹ Je peux y aller seul, si tu préfères, sur le chemin du retour. Ne te dérange pas. Tu ne voudrais pas risquer ta vie dans les Cornouailles alors que tant de chats et d'oiseaux comptent sur toi.
² C'est bon, c'est pas grave. Au moins, on ne s'est pas ennuyés.
³ On y va ? Sauf si tu préfères rester ici, bien sûr.