Wish I could turn back time to the good old days (Nath & Silène)

Est-ce qu’il faisait n’importe quoi ? Peut-être. Sûrement. Il ne savait pas quoi faire d’autre pour oublier ce qui s’était passé. Il avait perdu en assiduité. Il avait perdu en motivation. A quoi bon continuer alors que tout finirait par leur échapper ? Après tout, les extrémistes l’avaient repéré non ? Ce n’était qu’une question de temps avant qu’il parte les pieds devant non ? Alors pourquoi essayer de se créer un avenir alors qu’il volerait sans doute bientôt en éclat ? Autant vivre comme si chaque jour était le dernier. C’était probablement le dernier. Alors autant se souvenir d’une fête, non ? Plutôt que des sensations de douleur qui revenaient alors qu’il n’y avait même plus beaucoup de cicatrices…

Il avait passé la nuit dehors. Dans le Londres moldu. Chez lui. Avec des gens qui ne viendraient pas le féliciter pour sa bravoure. Stupidité oui, avec le recul. Il n’avait pas réfléchi. Et maintenant, il avait peur pour ceux qui comptaient pour lui. Il se croyait seul en défiant la mort. Maintenant il veut que la mort le prenne lui seul. Que les autres soient épargnés. Il ne veut pas qu’ils le suivent dans sa connerie. Il regrette tellement cette bravade inconsciente. Il est tellement idiot. Tellement stupide.

“Je t’offre un verre ?”

“Ouais, même deux si tu veux…”

Il boit. Il boit trop. Il ne fait plus attention à rien. Plus rien n’a d’importance de toutes façons. Tant que ça efface les images. La douleur. Il danse avec ce mec. Il le suit. Après tout, pourquoi pas ? Quelques heures d’oubli par l’extase. Il ne lui trouve rien de particulier, mais rien qui ne le révulse non plus. Il se laisse entraîner dans des bras qui ne sont pas ceux qu’il aime. Pas ceux qu’il lui faudrait. C’est mieux comme ça. Pour protéger ceux qu’il aime. De toutes façons, il n’arrivera pas à se relever. Il se sent tellement brisé en dedans. Il avait la présomption d’être plus fort que la mort, il avait mangé sa prétention en pleine gueule. Il n’était rien face à la mort. Il avait tout à perdre. Il ne pouvait plus se croire intouchable. Il s’était endormi contre cet inconnu. Il ne savait même pas son nom. Il s’était réveillé en sursaut quelques heures plus tard. Il avait récupéré son bras comme un ninja sans réveiller son one-night-stand. Il s’était habillé en silence et avait disparu.

Il avait marché. Le jour se levait. Il avait faim. Il se sentait si vide. Combien de temps allait-il encore attendre ? Attendre qu’on vienne l’achever. Il n’en savait rien. Il se sentait si impuissant. Si fragile. Non, il ne pouvait pas se défendre face à tout ça. Il s’arrêta devant une pâtisserie. Les rues étaient vides, l’endroit encore désert. Pourquoi pas… Il avait envie de sucreries. De souvenirs d’enfance. Il poussa la porte du commerce. Avec ses cernes, son maquillage qui avait dégouliné le long de ses yeux, les effluves d’alcool et de stupre. S’il ne se faisait pas virer du magasin avec sa dégaine de fêtard aux lendemains plus que difficiles, il aurait de la chance.

“B…”

Oula, c’était quoi cette voix ? Il se racla la gorge, toussant un peu, s’excusant du regard.

“Pardon… Bonjour… On peut commander quelque chose ? Vous êtes ouvert ? J’aurai aimé… Vous prendre un café latte… Et une pâtisserie ? Quelque chose de réconfortant ? Je suis pas expert en pâtisseries de sorciers… Ni même en pâtisseries anglaises… Je ne jure que par les Paris-Brest depuis ma naissance alors… Je ne suis pas sûr que vous ayez ça…”

Il rigola un peu. Il avait l’impression de trop parler. D’être insupportable.

“Je suis sans doute un infâme client de si bon matin… Désolé…”

Le temps d’arrêt en le voyant n’échappa à Silène. Sans doute qu’il détonnait par rapport à la clientèle habituelle. Cela tenait sûrement à son débardeur un peu trop transparent et à son air fatigué. Il n’était probablement pas ce qu’on attendait comme client de bon matin. Il en était presque désolé d’importuner de sa présence ce pâtissier qui semblait fort charmant et sympathique sous des airs réservés. Il suit le regard du propriétaire. Et va s’installer au comptoir. Sans doute parce qu’il préfère être non loin de cet homme. De qui que ce soit en fait. Il ne veut pas être seul. La solitude lui fait plus peur que jamais. Il ne veut pas mourir seul. Il ne veut pas mourir. Pourtant il a cette épée de damoclès au dessus de la tête. Stupide provocateur.

“La tarte tatin, ce sera très bien… ça se voit tant que ça que je suis pas au mieux de ma forme ?” demande-t-il avec un sourire charmeur, un peu vide malgré ses efforts.

Il serre le café entre ses mains quand il est servi. Sa chaleur a le mérite de le rassurer un peu. Il se sent un peu mieux. Idiotement. L’ambiance des lieux est rassurante, l’odeur sucrée, le calme de cet homme. Tout apaise. Souvenir des bons moments de l’enfance. Les pâtisseries partagées avec son père dans Paris après la fermeture de leur boutique.

“Merci pour le café... “ souffle-t-il reconnaissant.

Il écoute l’homme. Réessayer une recette pour lui ? C’était une touchante attention qu’il ne méritait probablement pas. Et puis l’évocation du monde moldu lui arrache un regard très curieux. Il n’aurait pas cru que cet homme puisse être lié au monde moldu en voyant l’emplacement de sa boutique.

“Vous… Vous connaissez le monde moldu ? Je… J’ai grandi dans le monde moldu… Mon père était fleuriste à Paris… Alors, j’ai pas mal mangé de pâtisseries, vous voyez… Quand je l’agaçais trop à la boutique, il me donnait de quoi m’acheter à grignoter dans la pâtisserie d’en face… J’étais un grand habitué même haut comme trois pommes !”

Il rit un peu nostalgique. Cette époque lui manquait. Il sourit en voyant les attentions de l’homme à son égard. Il était adorable ce géant brun. Il était touché par sa gentillesse. Peut-être plus que de raison avec sa fragilité actuelle. Il trempa un peu la serviette dans l’eau, se débarbouillant un peu avec. Le frais après le passage de l’eau sur son visage lui donna un coup de pep’s. Il sourit à l’homme.

“Merci… Vous êtes un ange, vous savez… J’aurai jamais cru tomber sur quelqu’un comme vous aujourd’hui… C’est une sacrée bonne surprise…” avoua-t-il amusé.

Enfant du monde moldu lui aussi. C’était une bonne surprise. C’était probablement idiot de se sentir d’un coup plus proche d’un homme, seulement parce qu’ils avaient sans doute une jeunesse un peu similaire. C’était stupide. Pas beaucoup plus intelligent que les Sangs-Purs se regroupant. Sauf que Silène n’avait aucune animosité envers les Sangs Purs tant qu’ils ne lui pompaient pas le jonc comme sa mère.

“Hm… Et vous avez ouvert ici il y a longtemps ? C’est chouette comme endroit, c’est… chaleureux.” commenta-t-il doucement.

Il sourit quand l’homme lui certifia n’avoir pas fait grand chose. Peut-être. Peut-être qu’il n’avait pas besoin de grand chose pour se sentir un peu mieux. Il haussa les épaules. Il se sentait mieux ici avec cet inconnu qu’à la MUL à craindre de perdre ses proches à cause de ses conneries. C’était idiot. Sans doute qu’il l’était idiot. Il en était même sûr. Il but quelques gorgées de café. Relevant le nez vers le beau pâtissier. Parce que oui, c’était un beau pâtissier, il fallait bien le noter. Ce charisme qu’il dégageait.

“C’était ce qu’il me fallait pour me remonter le moral ? J’imagine… Ou je me contente de peu…” plaisanta-t-il amusé.

Il mangea avec appétit la tarte. Elle avait un peu le goût de celle de sa grand-mère. Il observa le grand brun. Il se complaisait un peu à le regarder, ce beau mâle. Il ne l’intéresserait probablement pas même s’il sortait le grand jeu de la séduction. Et puis, il risquait de perdre cette chaleureuse ambiance, ça ne valait pas le coup. Sans doute. Il verrait bien. Il avait une tarte à achever d’abord. Ce qui ne tarda pas. Seulement quelques coups de cuillères. Il termine son café. Il sourit à la question. Franchement, décrire Paris, c’est toujours compliqué pour lui. Il ne peut être vraiment objectif. Paris, c’est les belles années avec son père.

“Le monde sorcier, je le fréquentais pas trop à Paris… Mais c’est plus français. Vous savez les clichés sur la France sont pas tout à fait faux… C’est assez proche des photos, en plus odorant, avec des gens qui sourient pas dans le métro… J’adore cette ville alors… Je crois que j’arriverai pas à la décrire comme il faut. L’idéal, ce serait que vous preniez le temps d’y aller ! On ne découvre jamais mieux le monde que par soi-même…”

Il sourit, un peu pensif.

“Je peux vous donner quelques adresses à voir… Si ça a pas trop changé depuis que je suis parti…”

Il termina sa tasse et regarda le brun.

“Je peux vous en reprendre un autre et une autre part de tarte ? Pas la peine de me l’offrir, vous savez, je suis pas à la rue malgré ma dégaine…”

Nathanael vaquait à ses occupations et écoutait malgré tout le jeune homme. Depuis qu'il faisait ce métier c'était devenu comme une seconde nature pour lui. Et puis il sentait quand les gens avaient plus envie de parler que d'une pâtisseries, et il allait avec le flow. Quelque chose lui disait que le garçon ne se contentait pas de si peu, comme il le disait, sauf si peu était le minimum syndical de décence humaine auquel cas, Nate trouverait ça un peu triste. Mais la vie le surprenait parfois, et la dureté humaine aussi. 

« A peu près dix ans je dirais. »

Il dit d'une voix plus légère que la vérité n'aurais pu sonner. S'il n'avait rien contre discuter avec les clients, parler de choses bien plus personnelles par contre ce n'était pas dans ses habitudes. Pas même auprès de ses amis et proches... Pas même avec Hyacinthe. Il aurait sans doute du, pourtant. Son petit frère avait sans doute besoin de parler de tout ça de temps en temps mais Nate n'avait pas le courage de lancer le sujet lui même.

« Je n'ai pas beaucoup voyagé depuis. C'est pas mal de travail ce genre de boutique. Pas que ça me déplaise. »

Au contraire, il aimait se trouver occupé autant que possible. Et parce qu'il se sentait utile, de cette façon, et parce qu'il aimait cuisiner. Juste... Cette alchimie qu'il y avait dans la transformation des ingredients en quelque chose de beau, la patience récompensée, tout un tas de choses. Et quand c'était apprécié de la façon dont son client matinal appréciait, c'était encore mieux. Une petite dame, une sorcière d'un certain âge a en juger par son apparence, venait de passer la porte et une fois la surprise causée par l'apparence du garçon passée, elle salua Nathanael qui discuta un petit peu avec elle comme voulaient les convenances avant de la remercier et lui servir sa commande et la raccompagner a la porte.

Il ne s'arreta pas en si bon chemin et servit une nouvelle part de tarte, celles qui n'avaient pas de petit "plus" magique et qui était une recette de ses parents, et lança un nouveau café.

«  Ça n'etait pas de charité. Plutôt un cadeau de bienvenue de la maison. »

Il lui tendit la tasse avec un sourire entendu. Il croisa les bras sur son torse dans une posture qui le définissait bien, et il attendit en silence que l'autre envoie ses prochaines questions.

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Dix ans, et bien, ça faisait un bon moment qu’il tenait la boutique alors. Silène savait très bien ce que c’était la tenue d’un petit commerce. Ce n’était pas tout à fait la même chose que les fleurs de son père, mais il y avait quelques similitudes. Son père renâclait toujours à fermer boutique. Il aimait son travail et ses clients. Il en allait sans doute de même pour cet homme. Alors, Silène imaginait à peu près le genre de vie qu’il pouvait avoir.

“J’imagine… Mon père avait aussi un petit commerce. C’est beaucoup de travail, surtout quand on gère tout ça seul… Mais il disait toujours que l’indépendance et la liberté avaient pour coût le travail. Je crois qu’il n’a jamais regretté de s’être tué à la tâche.” Il se reprit et sourit à l’homme. “Mais vous êtes bien plus jeune, alors vous aurez le temps de voyager ! Je vous le souhaite, au moins un peu, c’est plaisant de voir du pays vous savez…”

Il aurait bien continué de parler, mais il ne voulait pas faire de tort au grand homme alors qu’une cliente passait le seuil de sa boutique. Sa simple présence en ce lieu semblait surprendre la dame. Il la rassura d’un poli bonjour et d’un très beau sourire. Le genre de sourire que son père lui avait appris à faire dès son plus jeune âge pour “amadouer” les clientes. Ce qui sembla détendre un peu la dame. Ne jugez pas un livre à sa couverture, madame, je suis un garçon absolument charmant. Paumé, mais charmant. Encore un sourire au moment où la dame sort du magasin.

Silène ne savait dire si le bel homme essayait juste d’être poli ou s’il pensait vraiment ce qu’il avançait. Un cadeau de bienvenu. Il allait s’en mordre les doigts s’il venait à passer tous ses lendemains de cuite ici. Quoique, ça lui ferait une clientèle régulière.

“Vous êtes sûr de vouloir me voir souvent ?” souffla-t-il avec un sourire taquin. “C’est risqué les cadeaux de bienvenue…”

Il sirote une gorgée du café trop chaud.

“Vous n’avez pas peur que je fasse fuir votre clientèle habituelle ? Enfin… La prochaine fois, je ferai un effort sur la tenue si j'atterris chez vous le dimanche matin, ça m’embêterait de vous faire du tort alors que vous êtes carrément adorable…”

Il sourit, sincère. Il se sentait bien ici. Il aurait sans doute eu plaisir à bosser dans un endroit pareil. Mais bon, il vivait sur ses économies, pas trop besoin d’argent pour le moment. L’oisiveté étudiante avait ses bons côtés.

“Mais vous vivez pas en ermite ici, non ? Vous avez une famille non ? Un bambin qui adore goûter vos recettes, peut-être ? Vous devez être un super papa…”

Le garçon le rappelait a l'ordre de la façon la plus naturelle au monde et sans la moindre gêne, et c'était assez amusant pour Nath qui se sentait toujours plus vieux alors que toutes ses connaos le traitaient comme s'il était toujours le même adolescent. Un peu déstabilisant de se faire faire la leçon par bien plus jeune -quel âge avait-il d'ailleurs ? Il avait l'air a peine plus âgé que Hyacinthe. Pas que son cadet se soit privé de lui donner maints conseils lorsqu'il voyait son frère se tuer a la tâche en oubliant de vivre. Il avait essayé et s'était esquinté a rappeler a Nate qu'il avait le droit de penser a lui et pas seulement avoir le rôle de père et d'homme de la maison. A vrai dire, l'autre garçon tapait assez juste, en plus. Nathanael avait été tenté de voyager lorsqu'il avait fini ses études. Timides aspirations d'abord, et puis lorsqu'il avait entrepris de devenir médicomage pour le compte des Aurors du ministère, l'idée avait germé. Il n'y avait pas tellement repensé depuis. il n'avait jamais été amer a ce sujet, meme si c'était la vérité, il avait sacrifié cette liberté pour sa famille... Mais du coup il ne trouva rien a répondre qui n'en dévoilait pas trop, alors il se continua sa tâche silencieusement. Jusqu'à être pris sur le fait d'être un peu trop accueillant pour la moindre personne qui en ferait la demande, ouvertement ou non.


« C'est une façon de parler. » 


Il préférait préciser, même si ça pouvait être considéré comme blessant il avait dans l'idée que le garçon savait exactement ce qu'il avait voulu dire.


« Je ne pense pas que je regretterai une clientèle qui jugerait quelqu'un sur... Une fin de soirée difficile. »


Il essaya, incertain sur les mots a utiliser. Il n'allait pas aller jusqu'à dire qu'il était pour le mélange de sueur et d'alcool en dehors des lieux appropriés, mais il ne voyait pas en quoi ça empêchait quelqu'un de venir prendre un petit déjeuner, il ne sentait pas si mauvais, si on passait son apparence vraiment excentrique. Il avait beau avoir l'avantage de l'emplacement de l'allée de Traverse, lui amenant principalement des sorciers, il avait déjà eu une ou deux "discussions" avec certains sangs purs qui n'appreviaient pas le mélange d'inspirations pour Moldus et Sang mêlés que représentait sa boutique et ceux qui la fréquentaient. Il hésita un peu, puis lui expliqua ça exposa cette vision au garçon et fu un peu pris de surprise quand ce dernier le lança sur un tout autre sujet. S'il y avait bien quelque chose qu'il n'avait pas envie d'aborder, c'était ça. Un parent, il l'avait été d'une certaine façon, mais sa famille était bien trop fragile et précieuse pour lui pour en parler avec légèreté. Il rit silencieusement et remercia la cliente qui entra a ce moment là, lui évitant de répondre.


***


Le reste de la matinée passa rapidement et une fois le soleil définitivement haut dans le ciel d'hivers, la pâtisserie ne désemplissait pas. Nathanael encaissait les pièces de bronze et d'argent tout en préparant les sachets a emporter, servant les rares tables des sorciers et sorcières qui restaient consommer sur place, jusqu'à ce que le dernier s'en aille a son tour. Un coup d'œil vers le garçon lui fit comprendre qu'il n'était pas pres de rentrer chez lui, ni en état d'ailleurs. Nathanael se demandait quoi faire. Il avait généralement la patience et la manière de guider les gens a rentrer chez eux même ceux qui s'éternisaient mais celui ci était un défi différent. Il avait bien besoin d'une portion pour la gueule de bois... Et les ingrédients, s'il lui restait encore ce qu'il fallait, se trouvaient dans sa cuisine la haut. Nath soupira et tourna magiquement le panneau de la porte sur "fermé" avant de réveiller son client.


« J'ai de quoi faire une potion pour les matins difficiles, si vous voulez bien monter avec moi ? »


Autant l'idée de faire monter un inconnu dans l'appartement qui était un peu leur havre a Hyacinthe et a lui ne le réjouissait pas, autant il ne s'imaginait pas laisser le garçon seul dans la boutique non plus. Il éteint les lumières et aida se dernier, même s'il protestait, a monter les marches avec lui. Nate l'installa dans le canapé précautionneusement, et fit venir a lui une bassine juste au cas où, avant de chercher ses ingrédients. Il avait toujours été plutôt bon en potion, et quand on y réfléchissait bien la cuisine et la pâtisserie s'en rapprochait souvent, mais il avait laissé la partie médicinale de côte depuis plusieurs années... Cependant éduquer un adolescent lui avait fait piocher dans ses fioles assez souvent. Rapidement, et avec la bonne recette a portée de main, il avait préparé une concoction peu appétissante mais, il l'espérait, efficace. Il se rapprocha du garçon pour le lui donner en main propre. Il n'avait pas l'air frais.


« Ça devrait aller mieux après ça...»

Les minutes s’étaient égrainées. Puis les heures. En fait, Silène avait bien du mal à garder ses yeux ouverts. Son corps accusait les excès de la nuit, et des nuits précédentes. Il sommeillait à demi, réveillé par les vertiges parfois un peu violents. Il était incapable de bouger de son tabouret, et plus les minutes passaient plus cela devenait gênant. Il ne se voyait pas demander de l’aide au gérant qui avait mieux à faire, et surtout qui risquait de le virer à grands coups de pied dans le train -chose qu’il mériterait-. Il voyait les clients sortir… Il ne pouvait vraiment pas se lever sans risquer de se vautrer. A cause de l’alcool mais sans doute surtout à cause de la fatigue et… des autres substances qu’il avait vaguement souvenir d’avoir pris, mais c’était quand même très flou. N’empêche qu’il se sentait con à être là, incapable de transplaner, ou de bouger. Juste en équilibre précaire sur ce tabouret, affalé contre le bar. C’était… Pathétique. Il était en train de lutter et de tenter de réfléchir, quand il fut tirer de là par le grand pâtissier. Le charmant pâtissier. Quelle déveine d’être dans cet état face à un si beau mec. Vraiment.

“Je suis pas vraiment en état de refuser… Je crois…” avoua-t-il penaud.

Il se mit sur ses pattes… Et tenta de rester digne. Poussant la fierté jusqu’à essayer de repousser le propriétaire des lieux mais… Il n’avait pas assez de force et de conviction. Il se laissa à demi porter jusqu’à l’étage. Il ne put s’empêcher de lâcher un soupir d’aise quand son popotin atterrit sur le canapé. Il prit la bassine, même si la nausée ne semblait pas le pousser à vomir pour le moment. Il s’autorisa de fermer les yeux. Et ne les réouvrit qu’en sentant l’homme à nouveau près de lui. Il eut un regard un peu suspicieux pour la potion. Mais avait-il le droit d’être méfiant en cette situation ? Franchement… Non.

“Hm… Merci… De prendre soin de moi comme ça… Vous faites ça avec tous les nouveaux clients ?”

S’il ne s’amusait pas un peu de la situation, ce serait vraiment beaucoup trop déplorable comme moment à passer. Il prit le verre, et se força à le boire d’une traite. Il avait une meilleure descente pour la vodka, le gin, ou le rhum… Mais bon… C’était un sale moment à passer et ça allait l’aider rapidement… Il fallait vraiment qu’il se prévoit ce genre de potions pour ne plus subir de telles situations. Il rendit le verre avec une petite grimace.

“Le prochain verre que vous m’offrez, je préfère que ce soit alcoolisé… Ce sera meilleur…”

Il abusait peut-être… Il se mordit la lèvre.

“Vous méprenez pas, c’est adorable… Ce que vous faites… J’essaie… Juste que ce soit pas trop gênant pour vous… Sauf si c’est votre truc de faire monter chez vous les jeunes hommes dans mon genre…”

Ah c’est sûr que se mettre minable en début de matinée, ça ne doit pas être banal. Silène aimerait bien rigoler, mais s’il rigole, il le sent bien, il va vomir, et ce serait vraiment très peu courtois. Surtout quand un si beau mâle vous invite. Il n’allait pas saloper tous son intérieur.

“Ah ça, c’est mon grand talent de me flinguer en un temps record ! Mon super-pouvoir ! Captain Gueule de bois, c’est moi !”

Il sourit, à demi honteux sous ses airs de fanfarons. Captain Gueule de bois ferait mieux de trouver un sens à sa vie, de redresser le cap. Il ne s’imaginait pas mieux pourtant. C’était tellement le flou. Impossible d’imaginer quelque chose de bien. Quelque chose de beau. Pas pour lui. Même au côté d’un mec bien comme celui-là il s’imaginait pas. C’était juste improbable. Alors il y croyait pas quand il dragouillait le grand baraqué.

“Oui, j’avoue qu’alcool et éclair au chocolat, ça va difficilement ensemble… Restez sur les gâteaux, ça vous va bien au teint !”

Il sourit. C’est si réconfortant quelqu’un qui a l’air droit dans ses bottes. Stable. Il lui faisait un peu penser à son père avec ce côté un peu taciturne. La mixture avait l’air de faire petit à petit effet, il se sentait déjà un peu moins nauséeux. C’était pas dommage. Il sourit un peu narquois en entendant qu’il n’y avait jamais grand monde à l’étage. Et poli dans sa façon de décliner les avances lourdaudes. Il était bien trop parfait ce jeune homme. Bien trop parfait. McDougall. Merde, ça lui disait un truc ça. OH MAIS OUI ! Il se redressa d’un bond sur le canapé.

“OH ! MCDOUGALL ! Votre frère ! Oh ! Un petit blond… Enfin plus grand que moi, mais tout timide ! Charmant comme tout ! C’est de famille d’être trop mignon ! Vous savez que votre frère est un vrai sucre d’orge ! Bien trop sous-estimé par ses pairs ! Je crois que moi j’lui fais peur parce qu’il fait souvent demi tour quand j’approche trop de lui… Mais il est adorable !”

Il se reprit.

“Ne croyez pas que j’en pince pour lui, c’est pas mon genre, il est un peu trop… Innocent pour moi. Mais… Il irait comme un gant avec un de mes amis. Seulement mon ami est pas fichu de voir quand on le dévore des yeux…”

Il se mordit la lèvre, se rendant compte qu’il était bien trop bavard.

“Merde, vous saviez peut-être pas… Pour votre frère ? Me dites pas que je l’ai outé par pitié…”

C'était fou comme on pouvait se sentir vieux, trop vieux, quand on comparait son mode de vie à celui d'une jeunesse endiablée. Alors que ces années n'étaient pas si loin de Nathanael pourtant. Mais c'était une vie qu'il n'avait pas connu non plus. Il ne savait pas quel âge le jeune homme avait, mais il n'était sans doute pas loin de celui qui avait marqué un tournant dans la vie du pâtissier et de sa famille. A l'époque, il était en fin d'études, en début de carrière, les sorties n'étaient peut être pas aussi folles que celles de "Captain Gueule de Bois" mais ses nuits aussi courtes pour sûr. Et puis s'occuper de Hyacinthe l'avait fait grandir d'un coup. Il était déjà plus mature que les autres garçons de son âge, mais les responsabilités avaient tout accéléré. Ce n'était pas un mal, la fête ça n'avait pas été son truc et... Sortir pour rencontrer des histoires d'une nuit ou deux non plus. Même s'il avait essayé, depuis.

Il sourit au garçon et se dit qu'en fait, il aurait pu tout aussi bien être barman. Il n'avait pas besoin de beaucoup de sommeil, aimait servir les gens et les écouter. Mais reprendre la pâtisserie avait été important pour lui à l'époque. Un moyen de garder un semblant de stabilité et ses parents en vie... Parfois, Hyacinthe lui demandait s'il n'avait pas envie de reprendre sa vie d'avant. Ou une autre carrière. Nathan avait du mal à imaginer ça possible, mais parfois, l'idée le titillait. Barman... avec des pâtisseries. Difficile à concilier mais un business intéressant ? Mais non, il s'imaginait plutôt revenir à la médecine. Aider les gens avec ce qu'il avait appris et ce pour quoi il avait été si motivé ces dernieres années. Il était par exemple heureux de voir le jeune homme reprendre des couleurs (autres que vertes). Il fut beaucoup plus surpris d'entendre ce qu'il avait à dire. Il resta même sans voix devant son enthousiasme. Il ne doutait pas de la qualité de son petit frère, mais c'était amusant, touchant d'entendre tout ça de la bouche de quelqu'un d'autre. Un peu... mal à l'aise sur les compliments qui le comparait à un sucre d'orge mais le reste le fit sourire.

« Oui... Hyacinthe est une perle. »

Ca n'était pas le genre de chose qu'on entendait beaucoup de grands frères dire, il le savait. Mais il n'avait jamais été autre chose qu'admiratif ou attendrit, même lorsqu'ils étaient plus petits. A part peut être les fois où il aurait aimé être seul avec leur voisin plus âgé et que son cadet le collait et voulait jouer... Ou les premieres années où ils avaient été seuls tous les deux, et que Nathanael ne savait pas comment faire pour l'élever, et qu'il avait été si difficile. Mais ces souvenirs s'effaçaient vite. Il rit un peu en imaginait Hyacinthe fuir l'autre garçon, il imaginait tout à fait pourquoi, du peu qu'il voyait. Pourtant il n'avait pas l'air méchant, il avait même l'air d'avoir le coeur au bon endroit. Sa langue par contre... Nathanael fronça les sourcils.

« Non. Enfin... »

Il reflechit un moment, et puis soupira. Ce n'était pas comme si c'était surprenant, même l'autre devait le savoir. Autant le concernant lui même, il était certain que personne n'était au courant, autant Hyacinthe...

« ...Il ne m'en a jamais parlé. Mais je ne suis pas aveugle. Je l'ai élevé. »

Il n'était peut être pas son père, mais il y avait bien peu de choses que Hyacinthe arrivait à lui cacher. Il jaugea ce que venait de lui dire l'autre garçon, qui ne lui avait toujours pas dit son nom, et décida de lui faire confiance.

« J'ai sous entendu des choses parfois. Pour qu'il sente... Je crois qu'il a peur de me décevoir. Il n'y a vraiment rien qu'il puisse faire qui me déçoive. »

Il dit doucement. Il n'avait pas regardé l'autre en disant ça, mais il dirigea ses yeux bleus si foncés sur lui.

« Ce garçon... votre ami. C'est quelqu'un de bien ? »

Ce ton qu’avait le pâtissier pour parler de son frère cadet, c’était absolument adorable. Il se dégageait de lui un tel amour. C’était beau, vraiment touchant. Il aurait aimé avoir un grand frère. Il n’en avait pas eu. Il était fils unique, et presque orphelin. Fallait s’y faire. Mais le blondinet, il avait vraiment du bol d’avoir un grand frère comme ça. C’était vraiment un chic type son frère.

“Vous aussi… Vous avez l’air d’en être une de perle !” se permit-il avec un grand sourire.

Mais l’idée d’avoir outé le pauvre timide lui vint et lui fit perdre son enthousiasme. Zut. Il parlait vraiment trop Capitaine Gueule de bois. C’était vraiment un sombre crétin, même quand il essayait d’être gentil, bon sang. Il grimaça en entendant Nathanael. Sa réponse n’était pas très franche, ce qui voulait sans doute dire qu’il n’était pas vraiment au courant. Mais il n’avait pas l’air non plus de tomber des nues. Alors… C’était qu’une demi bourde de sa part ? Il écouta le pâtissier, et il eut un sourire touché. C’était adorable. De la part des deux. Vraiment, ils étaient trop mignons. Les paroles du grand brun débordaient tellement d’amour. C’était vraiment beau comme relation fraternelle.

“Il a de la chance… De vous avoir…” murmura-t-il pour tout commentaire.

Il croisa le regard de Nathanael. Et… Oh. Si son ami était quelqu’un de bien ? Ce n’était pas simple comme question. Les gens ne sont ni tout blancs, ni tout noirs. Après, il ne pouvait clairement pas classer Finn dans la catégorie mauvaise personne. Mais un type bien… Il était un peu débile, mais ça l’empêchait pas d’être un chic type, non ? Il eut une petite moue.

“Oui, je pense… Il est gentil, un peu foufou mais vraiment gentil… Votre frère a bon goût… Après… Je peux pas garantir que ça marche, hein… C’est pas si simple l’amour, hein ? Vous devez savoir ce que c’est… On aime un gentil gars, mais au final il préfère les filles… Genre, un gars comme vous, c’est le parti parfait, et pourtant, je suis sûr que vous préférez les femmes, et elles ont bien de la chance !”

Il ponctua cette phrase d’un petit rire. Être gay, c’était pas toujours facile. C’était pas non plus une fatalité, mais c’était quand même plus simple de tomber amoureux quand on est hétéro que lorsqu’on est gay, question de statistiques. Et puis, le regard des autres, c’était pas toujours simple. Silène n’avait jamais réussi à s’ouvrir vraiment à son père. Son paternel devait le sentir depuis toujours mais ils n’en avaient jamais parlé. Un regret parmi tant d’autres.

“Mais… J’espère que ça ira pour votre frère… Et pour mon ami aussi… Ils seraient assez complémentaires… Votre frère…. Il a toujours été aussi réservé ? Quand je le regarde, j’ai l’impression qu’il a peur de trop vivre… C’est dommage…”

La franchise du garçon était peut être rafraîchissante, n'empêche qu'elle était aussi un peu embarrassante par moment pour le pâtissier. Oh, il avait l'habitude des compliments de clientes un peu trop bavardes sur son physique, il faisait jaser par moment et le fait qu'il ne soit jamais vu en compagnie d'une jolie femme encore plus. Mais de la part de quelqu'un qu'il ne connaissais pas du tout, ça aurait du avoir le même effet, c'est a dire pas grand chose. Mais la sincérité du garçon le déstabilisait un peu et il ne sut quoi répondre.

« Je ne suis pas si facile a vivre que ca. »

Il dit un peu ours, adossé au bras du canapé, les bras croisés sur son torse. C'était plus que vrai, il se savait difficile et parfois... Souvent borné et renfermé. Son frère avait beaucoup plus de qualités. Il avait la patience cela dit... Mais il avait aussi le côté sur protecteur du grand frère et du tuteur. Il écoutait très attentif le garçon lui d'écrire celui sur lequel son frère avait jeté son dévolu. Ils n'en avaient pas parlé, souvent, mais il avait consolé Hyacinthe d'une ou deux déception dont il se doutait qu'il s'agissait d'amour. Il n'était pas doué pour ces choses là. La preuve dans sa propre vie... Hey. Quand est-ce que la conversation s'était déplacée sur sa personne ? Il n'avait rien dit, et était resté aussi immobile que possible, aussi neutre mais c'était peut être trop. Erf. Si le blond savait le nombre de personnes qui attendaient de voir une jolie femme au bras de Nathanael...elles seraient surprises.

« Merci... Je ne crois pas avoir eu votre nom du coup ?»

Il essaya de changer de sujet.

« Et ...oui. J'aimerais qu'il s'inquiète moins et qu'il profite du temps qu'il a mais... Je suppose que c'est normal. Ça n'a pas toujours été facile. Mais il prend confiance. Petit a petit. J'ai confiance... »

Il sourit, simplement.

« Comment ça va, la tête ? »

Il demanda gentiment. Il n'avait vraiment pas souvent de compagnie ici et ne sortait pas plus souvent, mais comme le garçon connaissait son frère et il semblait familier avec lui au point de lui souhaiter du bien. C'était un peu différent sous ces conditions.

Il était trop mignon ce pâtissier à être modeste comme ça alors qu’il avait clairement l’air d’être l’homme parfait ! Il devait pas être aussi pénible que lui à vivre, ça c’était presque certain ! En même temps, c’était dur à faire plus casse-pieds que lui. Il en était bien conscient d’être insupportable en bien des manières. Il sourit à l’homme. Le sourire qui voulait dire “Mouais, sois pas trop modeste, chou”.Il continua de parler. Bavard comme une pie. Mais rarement apte à dire les civilités de rigueur. Il se mordit la lèvre quand l’autre lui demanda son prénom. Oups.

“Silène, Silène Beaumarchais ! Désolé, je parle trop e je suis même pas fichu d’être poli !”

Il lui dédia un sourire désolé. Il était attendri par le ton que cet homme avait en parlant de son petit frère. Sa pudeur laissait malgré tout transparaître de l’amour et c’était incroyablement touchant. Il comprenait mieux d’où venait la gentillesse de l’amoureux transit de Finn. Il avait été à bonne école visiblement.

“Il apprendra à profiter de la vie ! Vous inquiétez pas, je crois qu’il s’entoure des bonnes personnes. Même s’il est souvent seul, au moins quand il ne l’est pas, il est bien entouré ! Et puis, si vous voulez je pourrai jeter un oeil sur lui. Histoire qu’il se fasse pas embêter par des abrutis…. Non pas que je le pense pas capable de se défendre, hein, mais c’est toujours mieux d’avoir quelqu’un pour veiller sur ses arrières vous croyez pas ? Même quand on a l’air d’être un petit génie !”

C’était fou comme ce pâtissier réussissait à lui faire dire des choses aussi positives. Comme quoi, il n’était peut-être pas un cas si désespéré. Ou alors c’était ce type qui méritait l'appellation “anxiolytique”.

“Ça va mieux ! Votre recette est super efficace ! Vous me la donneriez ?”

Il lui fit un petit regard de châton. C’était quand même pas tous les jours qu’on tombe sur un si bon potioneur ! Il ne cracherait pas sur une bonne recette. Et puis , il en avait vraiment besoin d’une recette de ce type là.Il se redressa, s’étirant doucement. Il puait encore la sueur et l’alcool, mais il se sentait quand même un peu plus frais. Il s’empressa quand même de baisser ses bras en sentant sa propre fragrance. Beuh. Fallait qu’il revoit sa recette de déodorant.

“Je vais peut-être vous laisser profiter de votre week end….”

Il se leva, testant sa stabilité. Et… ça allait ! Vraiment top cette potion ! Il sourit au pâtissier, et se permit même de le serrer dans ses bras quand il fut debout. Il faisait plus grand-frère que potentiel amant, donc rien de déplacé à cela, ok ? Arrêtez de voir le mal partout !