Encore un jour à oublier. Encore un jour épuisant, fatiguant, difficile à supporter. Encore un jour que Livio aurait préféré ne pas vivre, pas cette fois. Il y a des jours comme ça, où le métamorphomage n'en peut plus. Il n'en peut plus, de ces regards critiques sur chaque parcelle de sa peau, sur chaque ligne de son art. Il n'en peut plus de faire et refaire, encore et encore ce qu'il trouve déjà parfait. Il n'en peut plus de ces pensées qui l'accablent, ces souvenirs qui le torturent. Il n'en peut plus. Cette journée lui a coupé l'envie de s'amuser, et l'a coupé aussi des quelques personnes avec qui il parle de temps à autre. Une lettre échangée, un sms reçu, ce soir là il est seul, terriblement seul. Dans sa tête, dans son coeur, poursuivi par ses démons, la solitude le ronge autant qu'elle le libère. Dans son canapé, à fixer le plafond si haut de son appartement, la lueur faiblarde des lampadaires qui filtrent à travers les rideaux couvrant les larges fenêtres du troisième étage d'un bâtiment industriel. Son maquillage a coulé, a collé ses lèvres et ses cils. Ses larmes ont tracé des sillons ravageurs le long de ses joues. Et pourtant, rien ne suffit à calmer sa peine. La fatigue le ronge au moins tout autant que ces pensées sombres qui parasitent son esprit. Alors, dans un effort qui lui semble incommensurable, il se lève. Démaquillant et lingettes sont attrapées à la volée, agrippés par une main fatiguée qui aurait préféré ne pas les voir. Et il retire son travail gâché de ce visage qu'il ne veut plus voir pour ce soir. Il frotte, ôte, retire tout ce qu'il peut avant de passer sous la douche qu'il prend froide, presque glaciale. Son corps entier hurle face à cette torture qu'il s'inflige seul, mais bien moins douloureuse que ce qu'il revit là, dans sa tête, par des souvenirs édulcorés, aux couleurs délavées par le temps et les multiples tentatives d'oubli que les années ont vu défiler.
Le bruit est sourd, comme s'il l'écoutait la tête dans l'eau. Son regard brouillé suit vaguement les corps qui s’agitent sur la piste de danse. Il regarde ces âme sans les voir, supporte à peine l'idée qu'il ait pu, un jour, se glisser parmi cette foule. Il se sent sale, pourri jusqu'à la moelle. Et dans des jours comme ça, où il n'est plus assez fort pour repousser tout ce qui le hante, il se sait vulnérable. À tout ce qui pourrait le briser. À tout ce qui pourrait le hanter. Et pourtant, il est là, loin du confort de son appartement qu'il trouve tellement vide, vide de gens, de souvenirs, vide de sens. Un peu comme lui. Les basses, sourdes et puissantes, vibrent dans sa tête. Il sent son esprit s'engourdir, se noyer dans le bruit, la fête, les sourirs et les rires qui agitent ces âmes tout autour de lui. La vie qui pulse, la vie qui hurle sa joie et son bonheur. Et lui, il est là, au milieu de tout ça. Son corps fatigué se glisse entre les autres, évite de toucher qui que ce soit. Il est trop sale, il ne faudrait pas qu'on le sache. Son regard vide court un instant sur les bouteilles derrière le bar. Ce soir, pas de cocktail pour lui. Il s'approche et commande un verre d'alcool fort. Un grand verre. Quand on lui sert, il l'attrape entre ses doigts, manque presque de le laisser glisser au sol, avant de s'éloigner dans un coin sans lumière, et sans monde. Il reste là, à boire quelque chose qu'il n'aurait jamais prit d'ordinaire, à engourdir la douleur et ses sens, prêt à oublier, tout oublier. Le calme plat, juste une soirée. Anesthésié.
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Sujet: Cursed || Hauru 