Ce n'est qu'un coup de main, après tout ► ft Isleen N. O'Healy

Gimme a hand

Bien qu’elle ne fréquente plus les couloirs de la MUL depuis plusieurs mois, Isleen y a toujours ses contacts. Alors quand elle a été jointe pour donner de l’aide à un étudiant en magie avancée, elle s’est dit why the hell not et a donc tout naturellement décidé que ce serait une opportunité en or pour aller flâner sur le campus. Les cheveux relevés en un chignon des plus flous, la jeune femme a profité de ses horaires flexibles pour abandonner sa blouse dans son laboratoire de filer sans plus demander son reste.
Elle travaille plus que de raison, et elle le sait. Elle a à peine pris le temps de voir Gunnar ces derniers temps, prise qu’elle était par ses recherches, pris qu’il devait l’être par ses études. Elle s’est dit, d’ailleurs, que ce petit détour par le campus serait l’occasion d’aller frapper à la porte de son petit-ami pour lui ôter le nez de ses révisions. Ça leur ferait du bien à tous les deux, non ?
Elle remarque qu’elle est largement en avance mais ne se laisse pas démonter. Elle va traîner sa carcasse du côté de son ancienne résidence, sans s’y infiltrer – bien que l’idée d’aller embêter Jesus directement chez lui soit forte. Boh, il n’est probablement pas chez lui à cette heure. Était-il chez le meilleur pâtissier du monde à faire le plus beau métier de la terre ? C’était une possibilité.
Alors comment allait-elle pouvoir rappeler à ce charmant jeune homme qu’elle veille toujours, tapie dans l’ombre, à l’affût du moindre mauvais coup ?
Vous vous posez vraiment la question ?
Il ne faut qu’un coup de hanche pour ouvrir la porte de la réserve des cuisines. La jeune femme, baguette à la main – sait-on jamais – vérifie que la voie est libre, puis se fait un plaisir de piller les réserves en sachant que ça rendrait son ami complètement fou. Oh, malgré le grand appétit de la potionniste, n’allez pas croire qu’elle fait un trou béant dans les réserves ! Elles sont telles que même elle n’est pas capable d’y causer tant de damages ! En revanche, elle ne se prive pas de piquer quelques fruits, deux ou trois muffins, et autres petites choses qui sauront combler son appétit en attendant le repas de ce soir.
Hm ? Bien sûr qu’elle a mangé à midi ! Et copieusement avec ça ! Et oui, elle avait aussi des scones faits maison au fond de son sac en bandoulière, amoureusement emballés dans un morceau de tissu, pour pouvoir grignoter tout au long de la journée.
Mais ils ne seront pas aussi bien que son larcin. Surtout qu’elle a bien pris la peine de laisser derrière elle des indices pour permettre à Jesus de reconnaître l’auteur du méfait. Et elle n’a pas fait dans la subtilité, avec cette petite enveloppe laissée à son attention, avec juste un thank you à l’intérieur, tracé dans cette écriture qu’elle a de si reconnaissable.
Ah ça, elle ne va pas se priver de l’embêter juste parce qu’elle n’habite plus sur le campus…

Elle est donc d’une humeur radieuse quand elle arrive à la bibliothèque.
Tel un rayon de soleil.
Rayonnante, elle fait son entrée avec une discrétion toute relative. Elle salue un étudiant qu’elle n’avait pas vu depuis sa soutenance de thèse, fait un clin d’oeil à un autre, se penche au dessus de l’épaule d’un troisième en lui faisant remarquer que s’il veut vraiment composer sur ce sujet, il devrait plutôt consulter cet autre ouvrage sur le noble art des potions, parce que celui-là c’est vraiment pas une référence.
Elle jette un oeil vers le bureau du bibliothécaire, prête à lui faire un grand sourire – et peut-être même un check, c’est qu’elle est vraiment de bonne humeur – mais n’y voit personne. Boh…? Tant pis, elle le croisera sans doute dans les rayonnages.
Elle aperçoit finalement celui qui l’a contactée pour bénéficier de son éminent savoir, lui adresse un signe de la main, un immense sourire, et pouf, un instant plus tard elle s’est installée en face de lui.
“Nathaniel, then ? Funny, you’re called almost like my favourite baker…”¹ fait-elle d’une voix moins forte qu’elle ne l’aimerait, désireuse de ne pas trop déranger les autres – chose parfaitement réussie, vous en conviendrez. Elle se défait de la veste jaune qu’elle portait jusqu’ici et fouille dans son sac. Elle en sort tout un tas de choses : carnets, plume, encrier, muffins, fruits préalablement piqués en cuisine, bref elle s’installe.
Il est interdit de manger dans la bibliothèque ?
Oui bon. Elle a ses arrangements avec le bibliothécaire et…
Hmmm ?
Elle lève les yeux en voyant une jeune femme passer à sa hauteur avec un regard qui se veut peu engageant. Isleen en a vu des plus réussis, il faut dire. Mais vu cette tentative de lui faire comprendre les choses, elle comprend : son pote le bibliothécaire s’est fait la malle et a été remplacé. Hm. Ce qui veut dire qu’elle devrait renoncer à son goûter.
Impensable !
Comment allait-elle se concentrer si elle n’avait pas sa dose de sucre ?
La solution est toute trouvée. L’irlandaise attrape un muffin aux myrtilles et le tend tout naturellement à la bibliothécaire, comme si elle mésinterprétait le regard qu’on lui avait lancé.
“Want some ?” Et toujours avec cet immense sourire presque candide. “I also have chocolate muffins if you enjoy them more…”²
Et c’est avec un muffin en moins qu’Isleen peut retourner à ses dragons, sans montrer le moindre remord d’avoir ainsi soudoyé la nouvelle bibliothécaire. Si elle acceptait quelques petits arrangements en échange d’offrandes, elles allaient vite s’entendre toutes les deux.
Elle se tourne donc vers Nathaniel, sans plus regarder le véritable garde-manger qu’elle a étalé sur la table, et mord déjà dans un muffin.
“Help yourself if you want some… So, tell me. What exactly d’you need me for ?”³ interroge-t-elle avec son fort accent de l’ouest irlandais. Elle hausse un sourcil en remarquant enfin tous les regards sur eux, comme si leur rencontre était absolument contre nature.
Il faut dire que le bonhomme a l’air vachement plus taciturne qu’elle.
“Why the hell are they looking at you like that ?”⁴
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¹Nathaniel c’est ça ? C’est marrant, tu t’appelles presque comme mon pâtissier préféré.
²Vous en voulez ? J’ai aussi des muffins au chocolat si vous préférez.
³Sers toi si tu en veux… Alors, dis moi. Pour quoi t’as besoin de moi, au juste ?
⁴Pourquoi diable ils te regardent comme ça ?