Histoire
Je m’appelle Bastet, j’ai 25 ans, et j'ai tué ma mère.
Ça en jette, cette intro, non ? Et en plus, elle est tout ce qu’il y a de plus véridique. Enfin, c’est facile de me prendre pour un monstre si on n’a pas tous les détails… Je dois dire que même moi, parfois, je ne me supporte plus. Alors asseyez-vous confortablement, prenez un plaid, un thé et des petits gâteaux, et je vais commencer.
Je suis née au Caire le 26 Décembre 1994. Mes deux parents étant Sang-Purs, j’ai été élevée dans la pure tradition anti-moldue. Ma mère est Anglaise et mon père Egyptien. J’ai un frère, Rê. Oui, vous avez bien lu, Rê. Comme le dieu Soleil de la mythologie égyptienne. Moi, je suis Bastet, la Déesse-chat. Mary, ma mère, était une employée de Gringotts, la Banque des sorciers. Elle a été envoyée en mission au Caire alors qu’elle avait 20 ans, au début de sa carrière. Elle n’est jamais retournée en Angleterre. En Egypte, elle a rencontré mon père, Path – dans la mythologie, c’est l’époux de Bastet – qui se battait contre des dragons. Elle l’a trouvé extrêmement viril, ils ont passé la nuit ensemble, et hop ! Mary est tombée enceinte. Les convenances - ils sont tous les deux issus de familles de sorciers sang-purs, donc forcément, les convenances se sont glissées entre eux – bref, les convenances voulaient qu’ils se marient, donc ils l’ont fait. Mais il s’avère que l’amour que tout le monde croyait qu’ils partageaient n’était qu’une attirance, un désir fugace, qui est passé aussitôt le mariage terminé.
Leur fils – et non, ce n’est pas moi, pas encore – a été nommé Rê, en honneur au dieu Soleil égyptien. Rê Amenhotep. Forcément, en portant le prénom d’un dieu et le nom de famille d’un roi, mon cher frère ne pouvait pas être autre chose que pourri gâté. Il avait huit ans quand je suis née. Moi, Bastet, nommé en l’honneur de la déesse- chat. J’ai hérité d’un collier, dont j’ignore la provenance. Une tête de chat stylisée, avec, à l’arrière, mon nom, gravé en minuscules lettres. Il a commencé à vouloir ma mort. Dit comme ça, rien d’anormal, tous les enfants, sentant l’attention de leurs parents leur échapper, détestent le nouveau-né. Le problème, c’est qu’il a commencé à mettre ses envies en action. La première fois, le petit garçon de huit ans qu’il était n’est arrivé à rien, il a juste versé un verre d’eau sur mon visage en espérant me noyer. Forcément, ça n’a pas marché. La deuxième fois, en revanche, notre père l’a surpris avec un couteau, penché sur mon berceau, en train de découper avec application, la langue tirée, la peau de mon crâne. J’ai encore les cicatrices.
Père a pris la menace au sérieux. Rê n’avait plus le droit de m’approcher et il a été envoyé en pension moldue jusqu'à ses onze ans, puis à Ouagadougou, l'école de magie la plus proche, avec un suivit psychologique permanent. J’ai grandi dans une ambiance tendue. Mon père blâmait ma mère pour le comportement de mon frère, mon frère me blâmait moi pour le comportement de nos deux parents et ma mère… Ne blâmait personne, puisqu’elle était toujours stone. Elle a découvert la drogue moldue peu après ma naissance, et parvenait, je ne sais pas comment, à en avoir toujours un stock à disposition.
Leur couple se délitait peu à peu, et la bipolarité de Mère, dont j’ai hérité, a refait surface. Ajoutée à la drogue, et à son caractère pour le moins flamboyant, ça a donné un mauvais mélange. Jusqu'à présent, elle avait toujours été normale, malgré ses changements d'humeur. Mais là... Elle devenait littéralement folle. J’ai un souvenir extrêmement précis en mémoire d’un de ces accès de folie. J’avais à peu près 10 ans, et j’avais déjà commencé à manifester des pouvoirs. Ce jour-là, je m’amusais à faire voler mes poupées devant moi, quand Mère a déboulé dans la pièce qui me servait de salle de jeu. Elle s’est agenouillée à côté de moi et m’a demandé si elle pouvait jouer avec moi. J’ai dit oui, et elle a sorti sa baguette pour faire voler d’autres poupées, accompagnée par mes éclats de rire. Ça a duré une dizaine de minutes, et puis, tout à coup, elle a envoyé valser mes poupées à travers la pièce. Ses yeux étaient devenus noirs, et elle me regardait avec une haine farouche. Elle a commencé à hurler que mon frère et moi étions des enfants du diable, que nous n’aurions que du malheur dans nos vies. Elle n’a pas eu le temps de hurler d’autres insultes, car mon père est apparu derrière elle et l’a stupefixiée. Sans aucune explications, Père l’a chargée sur son épaule comme un sac de patates et a transplané. Je suis restée seule, entourée de mes poupées disloquées, la tête pleine de questions.
Rê avait commencé ses études avec succès. Meilleur élève de sa classe, il avait toujours les meilleures notes et tout le monde l’adorait. Quand il revenait à la maison pour les vacances, je me cachais. J’avais peur de lui. Mais, avec le temps, il avait évolué. Il a tenté de m’aider, même. Si, au début, j’étais méfiante – il avait rivalisé d’ingéniosité pour me tuer et j’étais déjà tombée dans le piège du « je suis désolé je ne recommencerais pas » - je me suis vite ouverte à lui. Les psys qui le suivaient disaient tous qu'avoir été à l'écart de l'ambiance familiale et de côtoyer d'autres enfants lui avaient fait comprendre que son envie de me tuer n'était pas normale pour un enfant. Il a eu des amis qui avaient aussi des frères et sœurs et s'est rendu compte qu'ils étaient proches les uns des autres. Alors, il a voulu ça aussi. Il savait, pour avoir baigné dedans, que l'ambiance familiale n'était pas bonne pour un enfant. Il a commencé à me protéger, et j'ai finis par lui faire confiance. Il n'a plus jamais trahi cette confiance. Je n’en ai pas l’air, mais j’étais une petite fille très solitaire. J’avais besoin d’une figure protectrice, que Rê incarnait à la perfection. Père avait toujours été distant – bienveillant, mais distant – et Mère n’avait jamais prêté réellement attention à ce que je pouvais ressentir. Rê a commencé à me protéger de l’influence de plus en plus néfaste de Mère, qui était de moins en moins gentille et beaucoup plus souvent violente. Au début, je pensais que c'était à cause de sa bipolarité, et ça me terrorisait. Parce que je l'étais aussi, bipolaire. Mais Rê m'a expliquer que le problème n'était pas la maladie, que l'on pouvait être parfaitement gentil et normal malgré cette maladie. Non, le problème de Mère, c'était que la drogue faisait d'elle ce monstre, ajouté à la bipolarité.
Sa baguette était son arme de prédilection. Je ne compte plus le nombre de fois où je me suis retrouvée suspendue en l'air, terrorisée, à me prendre les murs et à pleurer pour qu'elle me fasse descendre. Dans ses pires moments, les plus rares, heureusement, elle usait aussi de l'Endoloris, mais après, quand elle redevenait normale, elle pleurait en s'excusant, me suppliant de lui pardonner. Et je ne savais plus quoi croire.
Heureusement, Rê a fini par avoir dix-huit ans. Moi, j'en avais dix. Avec les années, nous nous étions rapprochés. Quand il était là, il me protégeait de la folie de Mère. A sa majorité, il est parti à Londres et m'a emmenée avec lui.
Il a trouvé un travail dans une des plus grandes entreprises de management sorcier, et a acheté une petite maison perdue dans la campagne londonienne.
Moi, dès que j'ai eu onze ans, j'ai intégré Poudlard. Je me suis épanouie dans cette école, libérée de la folie de ma mère et de l'indifférence de mon père.
La seule chose que je n'aimais pas, c'était la température. Venant d'Egypte, j'étais habituée aux chaleurs intenses, alors évidemment, l'humidité et le froid d'Angleterre m'ont fait un choc. J'ai commencé à dépérir comme une fleur sans soleil.
Je suis tombée malade. Mon frère a tout essayé, mais mon état empirait de jour en jour. Alors nous sommes rentrés en Egypte. Avec nos parents. Vous sentez les ennuis arriver ?
Il a suffit de trois jours. Trois jours, pour que la folie de Mère resurgisse. Rê avait pris un congé pour veiller sur moi. Il avait bien fait. Les sautes d'humeur de Mère ont repris, plus fortes et destructrices que jamais. J'étais alitée toute la journée et j'aurais pu me remettre rapidement. J'aurais pu. Si ma mère n'avait pas recommencé ses tortures physiques. Et à la douleur physique s'ajoutait la mentale, quand elle me répétait que je n'étais qu'un poids, pour mon frère, pour elle, et qu'elle aurait dû me noyer quand je suis née. A douze ans, j'ai fait ma première "crise de bipolarité". C'est Rê qui les a surnommées comme ça. En plein milieu d'un repas, alors que nous mangions à peu près normalement, j'ai été prise d'un accès de colère. J'ai envoyé valser les assiettes et les couverts et ai hurlé des insultes à Mère. Aussitôt après, j'ai repris mes esprits et j'ai fondu en larmes.
Nous sommes finalement repartis en Angleterre, parce que j'étais plus mal en Egypte qu'à Londres. J'ai continué ma scolarité tant bien que mal, avec de fréquents accès de colère et des passages à l'infirmerie, puis à Sainte-Mangouste. Heureusement pour moi, je ne devenais pas violente. Je me contentais de hurler. S'il y avait bien une chose qui me terrifiait plus que Mère, c'était de devenir comme elle.
J'ai terminé mes études à Poudlard avec les honneurs. J'adorais travailler, apprendre de nouvelles choses. J'avais découvert un métier qui me plaisait énormément, juge. Alors, je me suis inscrite en Droit à la MUL. J'en suis à ma sixième année.
Nous sommes retournés dans la maison de la campagne londonienne, et avons eu une petite surprise l'année dernière, pour mes 24 ans. Les parents nous ont rendu visite. Le repas a été très étrange. Nous ne les avions pas vu depuis que nous sommes partis la deuxième fois. Depuis 12 ans, donc. Nous avons mangé sans parler, en nous regardant dans le blanc des yeux - enfin, Rê fusillait du regard Mère, Mère me fusillait moi du regard, Père ignorait tout le monde et je gardais les yeux baissés sur mon assiette.
Le repas s'est passé sans trop de soucis. Rê a installé mes parents dans les chambres d'amis, et nous sommes allés nous couchés. Je me suis réveillée au milieu de la nuit, suite à un cauchemar. J'avais l'habitude de ça, donc j'ai fait comme toujours. Je me suis levée, ai enfilé mes chaussons et suis allée me blottir contre mon frère pour me rendormir, apaisée. Et un peu plus tard, je me suis réveillée, une sensation de malaise m'étreignant. Je me suis tournée vers la porte et ai vu ma mère, debout dans l'embrasure, un air étrange sur le visage. Elle a brandi sa baguette, et j'ai eu le réflexe de saisir celle de Rê, posée sur la table de nuit. J'ai lancé un Stupéfix au moment où elle a ouvert la bouche, et elle a été projetée en arrière. Mais je n'avais pas prévu l'escalier. Mère est tombée et a dévalé les deux étages.
Quand elle est arrivée en bas, elle ressemblait à mes poupées après sa crise de rage, le corps disloqué. Officiellement, elle s'est enfuie de la maison pendant une crise de rage, et est tombée de la falaise non loin. C'est Père qui a eu l'idée, et qui est allé jeté le corps de la falaise. Officieusement... J'ai tué ma mère.
Aujourd'hui, je vais mieux. Je passe toujours autant de temps à Sainte-Mangouste, et ai droit à des séances de psy toutes les semaines. Mes accès de colère ont toujours lieu, mais ils s'espacent de plus en plus. J'ai un cursus avec horaires aménagées, je ne peux physiquement pas être toujours à la Mul. En gros, au lieu de faire 8 ans, j'en fais 10.
Rê est toujours à mes côtés. Il est toujours là pour moi. Son travail lui plaît énormément, et il a rencontré une fille adorable il y a peu.
Nous arrivons enfin à vivre. Père est rentré en Egypte. Nous ne lui avons plus reparlé depuis la mort de Mère. Et, honnêtement, je ne m'en porte pas plus mal.