Rufus Faraday | Dom Hance

Du temps. Pour réfléchir à ses actes irresponsables et dangereux. C'est sur ces bonnes paroles qu'on avait refermé son cachot, dans la prison d'Azkaban. C'était un comble, pour lui, d'être traité comme un dangereux sorcier. Alors que la magie était depuis le début seule et unique responsable de ses déboires. Il n'avait pas besoin de temps. Et encore moins au milieu de tout ce que la magie avait engendré de pire comme êtres vivants. Il voulait juste qu'on le laisse loin de tout ça...

Sa vie aurait pu être si différente. Ça n'avait pas été aisé mais il s'était tracé un chemin, dès son enfance, qui le mènerait vers la réussite et la richesse. Il avait été à bonne école. Son père, chef d'entreprise d'une multinationale de sécurité informatique, l'avait sensibilisé très jeune aux enjeux de ce monde. Sa vie aurait dû être tracée. Grandir dans les pas de son père, apprendre les ficelles avec lui et reprendre l'empire qu'il avait construit. Une première déconvenue était arrivée peu avant ses huit ans. Du nom de Isabel. La nouvelle conquête de son père. La rupture avait été difficile. Et devant tant de désaccord, on avait demandé à Rufus de choisir. Entre temps, une nouvelle donnée était entrée en jeu. Dario. Le fils de son père et de celle qui avait pris la place de sa mère. A contrecœur, Rufus choisit de s'éloigner de sa mère, pour s'assurer une place de choix auprès de son père. Hors de question de se faire remplacer par Dario.

Mais la lettre, porteuse de tous les malheurs, était arrivée chez eux. Naïvement, Rufus avait d'abord été ravi d'être choisi et d'être si particulier. Mais il avait vu la réaction de déception et de dégoût de son père. Il avait saisi que rien ne serait comme avant. Et lorsque le train l'emmena loin du Londres qui l'avait vu grandir, il comprit que c'était une malédiction. Il lui faudrait dire adieu au futur qu'il s'était construit. Adieu à tout ce qu'il connaissait. Et c'était hors de question.

La première année à Poudlard fut laborieuse. Rare né moldu à être envoyé à Serpentard, il se retrouva rapidement à être la risée de certains. Ce qui n'aida en rien son aversion à la magie. Il tenta de se faire renvoyer, d'abord diplomatiquement puis en cumulant les conneries. En vain. Sa magie était trop puissante et trop peu maîtrisée, disait-on, pour le laisser en cavale dans le monde des moldus. Il lui fallait apprendre.

Au fil des années, une autre idée germa dans son esprit. Il ne trouverait pas d'alliés chez les Serpentard mais il les trouverait ailleurs. En lançant un club. Pour une meilleure relation entre les moldus et les humains. Il commença en parlant d'actions pacifistes. Faire découvrir le monde des moldus aux sorciers curieux, par exemple. Mais ses ambitions étaient toutes autres. Puisqu'il ne pouvait pas simplement retrouver le monde des moldus comme avant, il fallait abattre cette barrière entre les deux. S'ils étaient réunis, si d'une façon ou d'une autre les deux pouvaient cohabiter, il pourrait retourner chez les moldus et reprendre l'entreprise et la fortune de son père. Un petit groupe se forma. Et il parvint à en entraîner cinq dans ses conneries. Ils firent une première démonstration de magie en public. Leur valant une interdiction de sortie et d'autres punitions. La deuxième fois, ils n'étaient plus que trois. Puis deux. Et c'est finalement seul qu'il commit celle qui lui valut de se faire offrir du temps derrière les barreaux pour réfléchir à ses actes. Cette fois-ci, il avait profité d'un reportage télévisé en direct dans l'entreprise de son père pour faire profiter le plus grand nombre de la magie. Ce n'était pas la première fois qu'il tentait ce genre de manœuvre. Mais cette fois, l'impact fut particulièrement large. Réparer cet affront demanda un nombre incalculable de sorciers et de sorts d'oubliette et deux d'entre eux manquèrent de perdre la vie dans cette difficile nuit.

On jugea qu'il était trop dangereux de le laisser en liberté tant qu'il aurait ces idées-là en tête. Et trop dangereux de le laisser simplement retourner chez ses parents vu ce qu'il s'était passé. Deux années derrière les barreaux suffiraient à lui remettre les idées en place, estima-t-on. Pour un temps, Azkaban devint sa nouvelle maison.

Les deux années furent longues et éprouvantes. Même s'il n'était pas dans les quartiers les plus sécurisés d'Azkaban, juste au milieu d'autres petites frappes comme lui qui n'intéressaient pas les détraqueurs, les conditions étaient rudes. Et puis il lui fallut faire définitivement le deuil de sa vie de moldu. Avec les années, il savait que son père préférerait confier son empire à Dario, qu'il avait vu grandir à ses côtés, qu'à son aîné qui avait fait de la prison. La confrontation simple qui l'avait animé lors de ses premières années à Poudlard ne le mènerait à rien. Il le comprit finalement. Il parviendrait à ses fins. Il l'espérait. Mais il faudrait employer des moyens plus détournés. Et ça tombait bien, il avait tout le temps d'y réfléchir.