I beg you feat. Alcyone

Cela faisait un mois que le gala et son fiasco étaient arrivés et depuis, plus rien n’était comme avant. Alcyone avait tué quelqu’un de sang froid. Cela paraissait complètement idiot à dire : Benjamin l’avait vu tuer des gens de nombreuses fois. Mais cette fois-ci, c’était différent. La sensation était différente. Le motif aussi. Le lueur dans les yeux de sa petite sœur… Tout était différent. Il la revoyait encore, baguette à la main, la folie luisant dans ces magnifiques yeux dans lesquelles Benjamin avait l’habitude d’entrevoir l’amour d’Alcyone. Elle était partie. Elle n’était plus la même. Keyser avait gagné et Benjamin avait perdu. Il avait tenté de la retenir. De la faire changer d’avis. Ce n’était pas comme tuer des criminels. Là, c’était une innocente. Une représentante de la loi. La meilleure amie d’Eurydice… Mon dieu, Eurydice. Ses doigts serrèrent automatiquement ses draps quand il repensa à elle. Il l’appréciait tellement et voilà que par sa faute, par la main de sa propre sœur, elle venait de perdre quelqu’un qu’elle aimait. Si elle devait apprendre la vérité un jour, découvrir le meurtrier, pourrait-elle lui pardonner le rôle qu’il a joué dans tout cela ? Peut-être que s’il avait ouvert les yeux plus tôt, peut-être aurait-il pu la sauver…

Il voulait tenter de lui parler, alors il était rentré au manoir en ce début de mois de février. La Saint-Valentin approchait mais son cœur n’était pas en fête. Il attendait patiemment dans sa chambre qu’Alcyone arrive. Il redoutait la confrontation qui allait suivre. Il espérait déjà qu’elle viendrait seule. Si Keyser ou quelqu’un d’autre était là… Non. Même en ayant changé, jamais Alcyone ne le trahirait, pas vrai ? Elle l’aimait. Tout comme lui l’aimait plus que tout. Qu’elle change d’avis ou non, Benjamin savait que cette vie ne serait plus pour lui. Mais comment s’en défaire ? Il savait très bien ce qui arrivait aux traîtres ou tout simplement à ceux qui souhaitaient quitter la famille Adaar. Il avait été blessé en mission. Il avait déjà été puni par leur père, son corps étant un rappel constant de ses erreurs. Mais ça… La torture qu’il subirait n’était pas faite pour que quiconque survive. Quand on entrait dans cette famille, on lui appartenait. Le tatouage qui ornait le corps de tous les membres en était la preuve formelle. Mais il trouverait bien une solution. Il reprendrait contact avec Eurydice, s’il le fallait. Il n’en vendrait pas sa sœur tant qu’il n’aura pas un deal. Sa protection à lui et sa protection à elle contre des informations.

On toqua soudainement à la porte. Elle était là. Il ferma les yeux quelques instants, prit une grosse inspiration et se leva pour aller lui ouvrir. Il avait du mal à sourire mais il s’y força. Il savait très bien qu’il devait renvoyer une image assez misérable : fatigué et anxieux, il en ressentait les effets sur son corps. « Alcy. Comment tu vas ? » souffla-t-il doucement. Depuis ce jour-là, depuis le gala, ils ne s’étaient pas vraiment reparlés. Lui s’était éloigné, prétextant être beaucoup trop occupé à cause de l’arrestation du directeur et elle… Elle, il ne savait pas. Elle devait encore traîner avec Keyser, passant ses journées aux côtés de cette folle furieuse. Il savait qu’il tournait autour du pot en lui demandant comment elle allait. D’ailleurs, il s’était préparé à plusieurs réponses possibles, même à ce qu’elle l’envoie un peu chier. Il était prêt. Ou du moins, c’est ce qu’il pensait...

       

Benjamin détestait être aussi anxieux à l’idée de parler avec Alcyone. C’était sa petite sœur quoi. Depuis quand on était sur ses gardes quand on devait rencontrer quelqu’un de de proche ? Ce n’était pas quelque chose de naturel mais dans sa situation, il savait très bien pourquoi il était comme ça. Devant Alcyone, ce qu’il s’est passé pendant le gala lui revient en pleine face. Le sang, les larmes, la douleur. Tout cela, Benjamin connaissait. Il aimait ça, même. Mais dans certaines circonstances. Il aimait faire souffrir ceux qui le méritaient mais là… Non. Si pendant longtemps il avait douté, maintenant il en était certain : cette famille n’était pas du bon côté de l’histoire. Leur début de conversation est presque froide. Comme deux inconnus qui se renvoyaient depuis longtemps. Un frère et une sœur qui ne se connaissaient plus. « C’est un peu compliqué en ce moment, oui. Il n’y a personne pour le moment pour diriger le navire et les élèves sont un peu paniqués. » Mais serait-elle compatissante ? Sûrement pas. Peut-être que sa sœur était en train de jubiler à l’intérieur en ce moment. Fière. Coupable.

« Alcy… Je…. Je suis content de te voir. Depuis… Depuis le gala, je me fais du soucis pour toi. Je sais, c’est inutile pas vrai ? Tu as l’air si… heureuse. » Heureuse d’avoir tué. Heureuse d’avoir pris la vie. D’habitude, elle l’était mais pas comme ça. Pas si fière. Pas si… libre, dans un sens. Parce que dans l’autre, ce n’était pas du tout de la liberté. Elle ne s’en rendait pas compte mais elle était manipulée. Comme ils l’étaient tous, d’ailleurs. Benjamin ne défendait pas l’autre côté ; chacun avait ses torts après tout, mais il ne pouvait plus rester ici sans rien faire. « Je vais partir, Alcy. Tout ça… Tout ça, ce n’est plus pour moi. Je t’en prie. Tu es sûre de toi ? De tout ça ? » demanda-t-il, sachant que ce serait la dernière fois. Ses affaires étaient préparées : il prendrait une partie maintenant et reviendrait chercher le reste dans les semaines suivantes. Mais il voulait être certain qu’il ne perdrait pas la personne la plus importante à ses yeux. Et ses frères. Et ses sœurs. Sa mère. Sa famille. Leur confiance. « On peut être heureux tous les deux, Alcy. Je te le promets. Pas besoin de tout ça pour qu’on soit bien. S’il te plaît. » implorait-il presque, aveugle face au futur tout tracé qui se trouvait devant eux, aveugle face à sa propre déchéance.