Too late to apologize ? [Connor & Jesus]

Les semaines passaient et Jesus commençait doucement à avoir l'impression qu'il avait fait ça toute sa vie. En fin de compte, servir les clients n'était pas si compliqué, quand il suivait méticuleusement les conseils du pâtissier. Les assiettes étaient bien garnies, décorées, il savait faire les emballages et disposer les tartes pour qu'elles ne s'abiment pas lors du transport. Il avait même trouvé un petit sortilège de protection qu'il posait sur les parts afin qu'elles résistent mieux au transport. Celui qu'il avait testé en ramenant la tarte au citron meringué chez Loïs, quelques semaines plus tôt.

Comme souvent aux cuisines, il était vraiment content de lui. Et il espérait que Nate l'était aussi. Il lui avait fait savoir quelques semaines plus tôt qu'il était plutôt satisfait et qu'il pouvait rester un mois de plus. Mais la discussion allait s'imposer à nouveau sous peu pour le mois d'après. Et la rentrée...

Enfin, pour l'instant, il n'y pensait pas trop. La matinée battait son plein, les gens sortaient et venaient des boutiques alentours pour s'acheter un petit en-cas ou un petit déjeuner pour les lève-tard. Il prenait ses aises, avec les clients habituels. Emballant en avance un croissant, deux pains au chocolat ou une part de tarte à la cerise en voyant certaines têtes régulières arriver. Ça le faisait toujours tomber des nues, ces gens qui commandaient jour après jour la même chose. Est-ce que leurs journées étaient aussi monotones que leurs repas ? Il n'avait pas le temps de se poser la question bien longtemps, en tout cas. Il y avait toujours un petit quelque chose pour venir égayer les longues matinées.

Ce matin, c'est un renard qui pointa le bout de ses oreilles et qui le fit tiquer. Il aurait de loin préféré voir un certain chat. Jesus se crispa un peu, en apercevant sa crinière de feu dénoter dans la boutique. Il servir l'homme avant lui, lui tendit le pain aux noix et la monnaie et dévisagea le rouquin, qui visiblement ne l'avait pas calculé.

Leur "entrevue" lui était longtemps restée au travers de la gorge. Il regrettait qu'Isleen s'en soit mêlée, déjà. Et qu'ils n'aient pas pu vraiment régler les choses. Il lui en voulait encore pour toutes ses potions et ses galères financières. Mais il avait entre temps compris ses torts. En partie en tout cas.

"Bonjour, qu'est-ce que je vous sers ?"

Il prit la commande de Connor et remarqua exactement le moment où ce dernier le reconnut. Le teint qui vira au rouge colère, la lueur dans ses yeux... Il n'était pas loin de feuler, le renardeau.

"Hey ! C'est la première fois que je te vois ici ! Je... Il se mit à chuchoter, pour que Nate n'entende pas et ne lui fasse pas de remarques en s'imaginant des trucs déplacés. "Prends ce que tu veux, je te les fait gratuites. Pour... tu sais..."

Oh, ça allait encore le ruiner. Parce que comme la dernière fois, il était hors de question qu'il offre réellement quoi que ce soit sans demander à Nate. Il piocherait donc dans son portefeuille pour rembourser la caisse. C'était un beau geste de sa part, non ?

Honnêtement, il ne savait plus quoi faire. Connor avait rarement été aussi fatigué de sa vie, a part lors de ses derniers examens. Il savait qu'en suggérant a Pandora de prendre quelques jours, et en lui proposant de s'occuper de faire le Hibou voyageur, ça ne serait pas une mine affaire mais... Comment deviner qu'elle avait autant de gens a qui elle répondait en même temps ? Autant de sujet sur le feu ?? Au moins, il passait des nuits a peu près paisibles. C'est à dire seul dans son lit et non avec un félin squatteur. C'était a de demander ce qui lui était arrivé. Qu'il crève, hein. Il s'en fichait, il était pas inquiet il voulait juste savoir c'est tout.

C'était avant de décider d'aller voir cette fameuse conférence sur les différentes techniques et plantes médicinales qu'il s'était dit qu'il pouvait faire un geste pour sa patronne. Après tout, elle avait fait beaucoup pour lui. Il avait longtemps réfléchit a ce qu'il pouvait lui envoyer, il n'était vraiment pas doué pour ça mais... Une tarte de sa pâtisserie préférée, c'était une bonne idée non ? Elle qui passait son temps à vouloir lui en refourguer


Le nez plongé sur les vitrines, Connor considérait ses options. Tout avait l'air franchement bon, même pour lui qui n'était pas un fan de sucreries. Les prix par contre... Étaient moins appétissant. Il réfléchissait a juste lui prendre des viennoiseries mais en même temps, il n'était pas venu pour ça. Dans ses pensées, il n'avait pas reconnu la personne qui servait les clients et ne le vit que lorsqu'il avait pris sa décision, et s'était retrouvé nez à nez avec lui.

Autant dire que oui, ses oreilles avaient pris un teint un peu plus que rosé. Et que l'idée de tourner les talons et de déguerpir d'ici lui avait plus que traversé l'esprit. Mais Pandora... RHA. Hey, d'où il lui parlait comme s'il était son pote, celui là ? Et quoi ?

« Je vais vous prendre la part de gâteau au chocolat, là. »

Il dit d'un ton drôlement sérieux et ferme pour quelqu'un qui veut du gâteau au chocolat. Il sorti les pièces qu'il fallait pour payer content, et les déposa avec un brin d'agressivité sur le comptoir. Le temps de service lui parut incroyablement long.

« Au revoir. »

Il dit tout aussi fermement. Et il prit le paquet et passa la porte comme une tornade. Il avait presque sué, dites donc. Il avait surtout fait de son mieux pour ne pas ajouter d'insulte a son échange. Bravo Connor.

Il s'en était fallu de peu, pour que les pièces déposées sur le comptoir ne volent pas dans la tronche du rouquin. Hé, déjà qu'il essayait de faire des efforts... C'était pas non plus la journée de la gentillesse et y'avait pas marqué pigeon ! Il était un peu agacé, lorsque le rouquin était reparti, embarquant avec lui l'amabilité et la politesse d'une porte d'Azkaban.

Heureusement, le client d'après, un vieux monsieur qui adorait faire des blagues pas tellement drôles ou malgré elles, lui avait rendu le moral -pas le sourire, n'allons pas jusqu'à là, ça n'était vraiment pas très drôle-. Il lui avait donné son pain et son éclair à la vanille.

~~

Quelques jours avaient passé. Heureusement, pas le moindre signe d'un renardeau à l'horizon. Pas de chat, non plus. Il avait un peu cogité, en rentrant chez lui, en regardant ses nouvelles potions en train d'incuber. Il lui en voulait toujours. Et ça durerait encore longtemps. C'était facile de mettre tous ses soucis d'argent sur le dos de quelqu'un d'autre. Et pour le coup, pas totalement injustifié. Mais ça le travaillait quand même. Prendre l'apparence de quelqu'un d'autre comme ça, il ne le referait pas. Pas pour aller à la licorne lubrique, en tout cas. Comme quoi, tout espoir n'était pas perdu, Jesus avançait, doucement mais sûrement. Et il comprenait de mieux en mieux la colère du rouquin. Même s'il ne validait pas du tout les manières.
Alors il lui avait fait expédier par hibou une petite tarte de Carrot cake, avec une simple carte.
Il avait voulu y joindre un mot, avait longuement cogité, raturé le parchemin dans tous les sens. Non, les trucs écrits, ça n'était définitivement pas son truc.
"Bon appétit"
Il avait fini par réduire sa lettre à ça. Sans même la signer. Comme ça, peut-être que le rouquin l'apprécierait et ne la jetterait pas par la fenêtre.

~~

Et puis il avait eu une autre brève discussion avec Nathanaël, entre le plat du jour et le café. Rien de bien marquant mais ça l'avait fait cogiter, à nouveau. Et ça tombait bien, aujourd'hui le pâtissier voulait bien qu'il parte plus tôt. Il comptait en profiter pour parfaire sa recette de tarte aux fraises. Et c'est ce qu'il fit. En soignant la présentation, un peu plus que lors de ses précédents essais surtout voués à trouver le bon temps de cuisson et à parfaire la crème pâtissière. Comble de la décoration, il avait écrit un gros Please forgive me : ) avec du coulis de framboise.
Cette fois, il ne l'avait pas donnée à ses voisins de chambre. Il l'avait soigneusement emballée, avait ensorcelé le paquet pour que la tarte ne s'abime pas pendant le transport et s'était rendu au domicile du rouquin. Heureusement, il avait ses sources à la MUL pour trouver ce genre de renseignements.

Et le voilà devant sa porte, tarte à la main. Ca faisait un drôle d'écho à une autre soirée. Et quelque chose lui disait que celle-ci n'allait pas être aussi agréable. Mais ce qui devait être fait... devait être fait. Alors il sonna. Posa le paquet devant la porte, sur le paillasson. Et se planqua dans les escaliers, pour espionner la scène. Allez savoir pourquoi, même la joueuse l'ignore... Peut-être que ça le faisait marrer, une tarte qui sonne aux portes.

Ce que Jésus ne savait pas, c'est que là, Connor avait été au summum de sa politesse avec lui. Le maximum dont il était capable vu les sentiments mitigés qu'il partageait a son égard. Et encore, mitigé, c'était sympa. La tarte en main, le rouquin avait tourné en rond dans sa tête son amertume et sa rancœur, justifiant parfaitement son attitude. Ce type était une crevure. Il ne regrettait absolument pas d'avoir tout explosé chez lui, d'ailleurs. Et il se foutait royalement du fait qu'il voulait s'excuser où se racheter, c'était pas son problème.


Le hibou qui s'était ramené a la fenêtre avec un cadeau s'était plus ou moins vu offrir le même traitement de méfiance. A cela près que le rouquin ne faisait pas de mal aux animaux. Quand il avait ouvert le paquet, après avoir donné quelques graines a la bestioles qui s'était renvoyée, il avait cru a une blague. Et puis, il s'était dit que peut être que Pandora lui envoyait ça pour le remercier. Et en même temps, elle avait beau avoir un côté bordélique... Ça ne ressemblait pas à la Métamorphomage de raturer et écrire comme ça. Il n'aimait pas gâcher la nourriture mais... C'était suspect. En bon petit potioniste qu'il était, il en prit un morceau pour le tester a plusieurs poisons avant de se dire que ça avait l'air safe et la manger. Connor ne pouvait pas se payer le luxe de faire le difficile sur la bouffe. Mais c'était plutôt bon.


Ce jour là, il était en train de bosser quand on avait sonné a sa porte. Il était tellement débordé de travail en ce moment que la limite travail et domicile avait été explosée, depuis bien longtemps. Aussi, ce n'était pas d'une excellente humeur qu'il ouvrit, et quand il reconnut le paquet, il se demanda si on se foutait de sa gueule, a force. Il n'avait pas encore fait le lien avec le connard de la dernière fois (déso Jésus) mais ça n'allait pas tarder quand il avait reconnu le paquet. Et quand il ajouta a cette réflexion que, si celui ci n'était pas arrivé par hibou, ça n'était pas un hasard....

« Hominum revelio. »

Lança le rouquin, la tarte dans une main et sa baguette levée dans l'air de l'autre. La sensation de la présence de l'intru dans son escalier ne fit pas de doute.

« J'ai pas de temps a perdre avec ces conneries. Sors de là. »

Il dit sans grande amabilité. Il aurait pu faire un concours avec un certain Aurore, limite. Son air renfrogné était du même niveau.

Est-ce qu'il regrettait déjà d'avoir fait ça ? Oui, un peu. Caché derrière le mur de l'escalier, Jesus jetait des coups d'oeil à la tarte, se demandant s'il avait choisi la meilleure approche. Probablement que non, hein. Celle-là n'avait absolument pas préméditée. Au point qu'il s'était déjà imaginé en train d'attendre comme une mandragore derrière la porte de l'autre renard enragé, là. Mais allez savoir pourquoi, il avait préféré ça. Peut-être qu'il s'était découragé en voyant le judas de la porte de l'autre.

Il guetta, le vit prendre la tarte sans ouvrir l'emballage. Et s'attendait à sortir, pour balancer un truc probablement très con. Mais l'autre le devança. Il sursauta. Quoi, il avait vu le bout de ses dreads dépasser ? Bon. Il était temps d'affronter la tornade, il n'allait pas reculer maintenant, hein ? Même si ça n'était déjà pas l'envie qui lui manquait de l'envoyer chier et de lui gueuler dessus pour toutes les potions qu'il avait perdues.
Non, il venait là pour la bonne cause. Un petit effort...
Levant les mains, Jesus sortit de la cage d'escalier, sans précipitation, pour ne pas effrayer l'autre animal sauvage.

"C'est pas des conneries, ok ? Est-ce que j'peux juste ..."

Il fit un pas en avant, se demandant combien de temps il aurait avant que l'autre ne lui claque la porte au nez. Ou la tarte. Ça serait vraiment dommage pour la tarte, il préférait encore la porte à ce stade ! La bouffe, c'était sacré...
Mais s'il pouvait éviter de se faire péter le nez alors qu'il venait en agitant le drapeau blanc, il aimait tout autant.

"J'sais que t'es vénère et t'as raison de l'être, ok ? Mais est-ce que j'peux te parler deux minutes ?"

Il s'attendait à se faire jeter, d'un instant à l'autre. C'est qu'il n'avait pas l'air du genre accommodant, celui-là. On aurait presque dit lui, en plus blanc et plus chiant encore. Point de vue personnel, bien sûr.

"J'peux rentrer ? Tes voisins vont nous mater chelou sinon..."

La lumière s'était allumée, sous l'une des portes du couloir. Il n'avait pas spécialement envie de faire ce genre de scène devant toutes les commères de l'immeuble. Même s'il ne les connaissait à priori pas..

Déjà que le rouquin n'avait pas beaucoup de patience, mais avec un type comme ça ? C'était demander à un lion de supporter une hyène. Un lion très très très énervé (et affamé). Avec peut être moins de griffes et de force de frappe mais le coffre qu'il fallait pour rugir en tout cas. Qu'est ce que ce type lui voulait encore. Pourquoi il le lâchait pas. Ça devenait inquiétant, a ce point.

« Si c'est du pognon que tu veux pour tes potions, j'en ai pas. »

Il répondit avec fermeté. Et ensuite l'autre lui demanda de rentrer. Genre quoi ?! Il était sérieux, là ? Connor allait justement lui dire ce qu'il pensait de son culot quand la porte du fond s'apprêta a s'ouvrir. En un rien de temps, le rouquin avait chopé Jésus par le col et l'avait poussé dans son appartement pour fermer derrière lui. Non. Clairement il n'avait pas envie que ses voisins le voient ENCORE avec un type louche. Parce qu'à force avec l'autre squatteur de Mthunzi... Qui ne passait pas toujours par la fenêtre. Comment est-ce qu'il passait ses sorts de protections, le rouquin n'en avait aucune idée. Mais il en avait ras le fion.

Il posa la boîte sans délicatesse sur le mini comptoir de sa mini cuisine qui donnait sur l'unique pièce de son studio. La seule autre pièce comportait une salle de douche lavabo WC minuscule elle aussi. Là, il y avait un lit, un mini bureau devant la fenêtre, et beaucoup de bazar, callepins et parchemins un peu partout étalés.

« T'as deux minutes. Et t'as intérêt à être clair, pourquoi tu me stalk et pourquoi tu le fous pas la paix. »

Il croisa les bras, toujours la baguette a la main prêt a en découdre. Il n'avait toujours pas digéré pourquoi cette enflure avait pris son apparence pour se taper des mecs. Et surtout, pourquoi la SIENNE. Comme si c'était un avantage. Mais là, en aller a lui offrir des gâteaux et le suivre jusque chez lui, ça devenait particulièrement... Glauque.

Bien sûr, il aurait aimé revoir ses potions. Et sa thune qui commençait cruellement à lui manquer. Mais non, il n'était pas là pour ça. Et avant qu'il n'aie eu le temps de justifier ça, une porte s'ouvrait, une main le chopait par les fringues sans qu'il ne puisse réagir et ils étaient à l'intérieur. Ok. C'était plus simple que ce qu'il pensait, de rentrer...
Le reste en revanche, ça allait être plus ardu.

"J'te stalke pas, ok ?"

Il s'avança vers le petit comptoir où était posée la tarte et défit l'emballage d'un geste de baguette. Son sort était au point. Les fraises n'avaient même pas bougé. Le coulis avait un peu glissé entre les fruits mais les lettres restaient bien visibles.
Il pointa sa tarte du bout de sa baguette, pour être certain que le rouquin la verrait bien. Le message était clair, non ?

Et il croisa les bras en retour. Qu'est-ce qui l'avait amené ici, franchement ? Quelle idée à la con, de vouloir s'excuser. C'est qui qui lui avait foutu ça dans le crâne ? On ne pouvait même pas vraiment dire que c'était Nathanaël. C'est lui qui avait fait germer l'idée dans sa tête mais il ne lui avait jamais dit tel quel de s'excuser. En partie parce que Jesus n'avait jamais avoué devant lui ce genre de conneries qu'il avait faites. Mais... il s'était presque excusé devant Loïs ... en quelques sortes... et il se sentait mieux de l'avoir fait -et pas du tout pour tout le plaisir que Loïs lui procurait, bien entendu-. Alors il s'était dit que...
Il fit quelques pas, dans un sens puis dans l'autre.

"Ça me saoule que tu m'en veuilles pour des conneries que j'ai pu faire, voilà."

C'était pas si compliqué à dire... finalement. Bon, ce n'était pas vraiment des excuses, encore. Pour un peu, ça sonnerait comme des reproches, plutôt. Mais on y venait... Il essayait, en tout cas. Il regarda un calepin qui traînait là, l'aligna avec les autres. Et roula les parchemins, mettant nerveusement un peu d'ordre dans tout ce chaos pour s'occuper les mains. Il en passa une dans la poche arrière de son jeans, hésita à en sortir la petite surprise supplémentaire qu'il avait ramenée mais se ravisa. Pour l'instant.

"J'suis pas qu'un connard, t'sais ? J'voulais pas que ça s'retourne contre toi ou quoi... t'aurais même pas dû être au courant..."

Est-ce que c'était vraiment un truc à dire, ça ? Question de points de vue...

"J'l'ai fait qu'une fois et c'était débile, j'sais. Mais j'ai dit que j'le ferais plus et j'l'ai plus fait. Et ça m'fait chier que tu restes là dessus. Tu veux pas la goûter ? J'suis sûr qu'elle te plaira ! T'as pensé quoi du carrot cake ?"

Il pointa du doigt la tarte, encore entière, qui ne demandait qu'à être avalée.

La méfiance et l'agacement se lisaient dans le regard et l'attitude corporelle du rouquin, plus que sur la défensive. Enfin ça Jésus l'avait compris. Il ne voyait pas du tout ce que cet emmerdeur lui voulait, se racheter ? Ça sonnait plus égoïste que ça, quand l'autre s'exprimait. Il ne voulait pas être coupable. Il n'aimait pas culpabiliser. Et quoi, alors, c'était pas son problème a lui. Il ne le connaissait pas, et il n'était pas Helga Hufflepuff non plus.

« Ca reste a voir. »

Qu'il n'était pas qu'un connard. Il regarda la tarte qu'il désignait, toujours aussi peu impressionné.  Et en plus c'était lui qui lui avait envoyé le gâteau l'autre fois ?

« Et si j'ai pas envie de te pardonner, moi ? Tu vas faire quoi. »

Il demanda, sans agressivité supplémentaire mais plus comme un état de fait. S'il n'avait pas envie, c'était son problème et l'autre devrait faire avec. Connor alla ranger une pile de papiers qui traînait, des dossiers sur plus ou moins tous les sujets sur lesquels ils planchait en ce moment. Avec un œil sur les réactions de l'autre.

« Non parce que j'ai pas tellement l'impression que tu saches pourquoi tu t'excuses. »

Il se tourna, sérieux, le regardant droit dans les yeux.

« C'est pas seulement parce que tu t'es approprié mon identité, mon corps, bafouant comme ça les notions les plus basiques de respect de l'autre et de son intimité. Non. En plus tu t'es amusé à faire ce que tu ne ferais pas avec ton propre visage, avec une personne ? Arrête de mentir. »

Il serait avancé, prenant sur l'espace vital de Jésus, sans se démonter.

« J'ai des témoins qui m'ont vu, dans mon corps a moi, dans des lieux de débauches où tout le monde se tape tout le monde, à rouler des pelles a des inconnus. Tu te rends compte, en tant que journaliste et professionnel, ce que ça peut faire a une carrière ? Ou juste au niveau personnel ? Et si j'avais eu quelqu'un ? Et si j'avais eu des proches homophobes, tu te rends compte des conséquences ? Je pense pas. »

Il n'avait pas laissé les respirations énervées couper son plaidoyer. Il n'avait pas laissé Jésus en placer une, non plus. Il avait pointé sa baguette sur lui, accusatrice. Jusqu'à sous son nez pour le faire reculer. Il n'avait pas de ça pour lui donner une leçon. Des années a subir les brimades de petites teignes en primaire, à Poudlard et à la MUL ensuite, ça vous formait un sorcier. Il finit par la descendre. Est-ce que ce type était aussi con qu'il en avait l'air où est ce qu'il était capable d'un minimum de réflexion après ces nouvelles données ?

Pas étonnant qu'il se soit fritté avec un énergumène pareil. Il en fallait, du sang froid, pour rester calme face à tant de mauvaise foi et d'aigreur. Jesus haussa les épaules, triturant ses dreads, maintenant qu'il avait lâché les parchemins et que l'autre s'occupait de les ranger. Avait-il peur qu'il les fasse brûler en retour, pour se venger d'avoir foutu en vrac toutes ses potions ?  

"Bah rien, j'vais pas t'foutre la baguette sous la gorge. Ni mettre le feu à tes parchemins là, hein. J'te demande juste d'écouter, ok ?"

Et voilà que le rouquin se mettait à juger la valeur de ses excuses, en plus du reste ? Vraiment, il se demandait de plus en plus ce qui l'avait pris de venir ici. Il voulait mettre les choses à plat, tirer au clair et réparer des conneries qu'il avait pu faire. Mais vraisemblablement, il aurait mieux fait de rester chez lui. Parce que ça ne l'empêchait pas de dormir, cette culpabilité, loin de là. Mais la colère qui était en train de monter et commençait à serrer ses poings pourrait bien le faire.

"Donc t'sais mieux que moi pourquoi j'veux te demander des excuses ?"

Restons. Calme. Ouais, c'était difficile. Il était déjà en train de tourner en rond entre la cuisine et la petite pièce dans laquelle le renardeau semblait vivre.
Il lui fit face, alors qu'il s'avançait vers lui. Le toisa. Pourquoi est-ce qu'il avait adopté cette allure là ? Il avait eu l'air aussi énervé et rouge, quand il avait emprunté cette tête ? Dire qu'il avait serré Loïs avec ça... L'animagus avait vraiment des goûts étranges..
Il essaya de le couper, de répliquer, mais l'autre balançait tout d'une traite sans même respirer. Alors il se contenta de le regarder, son visage se crispant de plus en plus, ses poings se glissant dans les poches de son pantalon pour ne pas partir dans sa gueule de monsieur je sais tout mieux que tout le monde. Il n'attendait qu'une accalmie pour laisser tout sortir. D'abord, ça devait être des excuses. Puis des justifications. Et c'était sans compter le jocker de l'homophobie, qui le fit bondir. Au diable les excuses mignonnes hein.

"Et SI t'avais eu ? T'sais, les proches homophobes, c'est pas une éventualité pour moi. J'lai pas fait pour t'humilier ou foutre en l'air ta carrière ou j'sais pas quelle connerie. J'savais même pas que t'étais journaliste, j'te pensais étudiant. Si j'l'ai fait sans revêtir ma propre gueule, c'est pas juste pour avoir la tienne ! Ca m'éclate pas vraiment. Et si j'pouvais en créer une de zéro comme toi sans avoir recours à ces conneries, j'l'aurais fait depuis longtemps tu vois !"

Oups, il s'emportait un peu.

"Et c'était qu'une fois. Dans une boite, pas un lieu de débauche ou j'sais pas ce que tu t'imagines. C'est pas parce que c'est un truc gay que c'est forcément tout le monde couche avec tout le monde, hein. J'ai pas roulé des pelles à "des" inconnus. Y'avait un mec. Et j't'ai dit que j'étais désolé et que j'aurais pas du l'faire. J'y ai plus foutu les pieds, ok ? Ni avec ta gueule, ni avec la mienne ni aucune autre. Tu veux quoi d'plus ? "

Parce que ouais, il avait compris, il n'y retournerait pas avec une autre tête. Et avec la sienne, il avait la boule au ventre rien que d'y penser. Non, il ne s'en sentait pas plus capable.

Clairement, les deux étaient bien campés dans leurs positions et ça allait être compliqué de les faire redescendre. Oui, Connor savait tout mieux que tout le monde. Et surtout cet énergumène qui comprenait pas la portée de ces actes. Ni de ses mots. Il ne comprenait rien a rien, en fait, c'était clair pour le rouquin.

« Sérieusement, t'en as d'autres des comme ça ? Tu crois que c'est quoi être Métamorphomage, en fait ? Non parce que c'est la pire excuses que j'ai jamais entendu. Tu peux pas créer ta propre gueule alors tu prends celle des autres ? »

Il avait repris une distance raisonnable mais il n'en était pas moins sur ses gardes, et tout aussi mécontent.

« Et il faudrait que tu commences par arrêter de mentir si tu veux qu'on croit à la sincérité de tes excuses. Ça sert a rien d'offrir des tartes si t'es pas capable d'être sincère. Une seule fois ? La seule ? Laisse moi rire. »

Il dit, un sourire dérisoire. Mais son ton était redescendu.

« Tu veux faire quoi. M'expliquer pourquoi ? Me dire que t'as eu tort mais que t'avais pas le choix c'est pas une bonne voie, si je peux me permettre. »

Il se permit, parce que monsieur je sais tout mieux que tout le monde donnait parfois (souvent, a l'école) des leçons.

« Tu as besoin de quoi, en fait. Parce qu'on ne va pas devenir ami. Et si tu as arrêté de faire des conneries, il n'y a pas de raison que je te cherche non plus, j'ai autre chose à faire. Alors quoi ? »

Le rouquin avec l'aura en feu se tenait droit, attendant l'autre garçon au tournant. Il n'avait pas peur de lui. Il n'avait pas non plus de temps a perdre a tourner autour du pot. Alors si l'autre n'était pas plus clair, il le foutrait dehors en lui souhaitant bon vent. Sa vie était suffisamment compliquée pour qu'il ne s'encombre pas de problème supplémentaire comme ça...

Non, ils ne parviendraient pas à s'entendre. Jesus en était déjà venu à cette conclusion quand il avait commencé à hausser le ton. Rien ne valait cette bonne vieille façon de régler les conflits. Qu'est-ce qui lui avait pris de penser qu'il pouvait faire autrement ?
Il se foutait des trucs dans le crâne, à force de côtoyer Nathanaël, de le voir être gentil, souriant et patient avec tout le monde. Mais qui cherchait-il à leurrer ? Il n'était pas comme ça, lui.

"Ouais, la seule fois, ouais. Y'a eu un mec, c'est tout. J'sais pas ce que tu t'imagines, c'est peut-être ton truc et j'en ai rien à foutre mais c'est pas le mien, de me taper plein de mecs à la fois. Ou de meufs hein. Tu fais ce que tu veux. J'suis venu pour être sincère ouais."

Quoi, il remettait ses paroles en cause en plus ? Il était dans sa tête et dans son cul, ou quoi ?

"Et c'est quoi, la bonne voie alors ? Explique moi, j'suis venu pour ça."

Il croisa les bras, les poings toujours serrés, les ongles enfoncés dans ses paumes. Oh, un coup pourrait partir vite. Mais il se retenait. Si déjà il ne parvenait pas à ce qu'il voulait faire à la base -rappelons qu'il était venu là pour faire la paix, pas pour gueuler ou se faire crier dessus-, il allait éviter d'envenimer la situation. Quoi que, c'était peut-être déjà fait.

"T'sais, ton cul n'est pas le centre du monde hein. Personne n'en a rien à foutre j'suis sûr de ce qu'il s'est passé avec. Et c'est pas comme si le polynectar c'était rare.. J'suis loin d'être le seul à faire ça."

Il hésita. Parce que l'autre allait lui envoyer à la gueule et qu'il avait moyennement envie d'en connaître l'effet. Et puis peut-être parce que c'était une idée de merde. Mais hé, déjà qu'il avait fait tout ce chemin, autant le faire jusqu'au bout. Alors il glissa la main dans la poche arrière de son jeans, en sortit une petite fiole avec une étiquette. Jesus. Et une petite explosion dessinée à côté.

"Tiens. J'sais que t'es métamorphomage mais t'en feras ce que tu veux. C'est du polynectar. Si tu veux t'venger. Fais ce que tu veux avec."

Peut-être qu'il avait zappé que l'autre était métamorphomage, lorsqu'il l'avait confectionnée. Il la posa sur le comptoir, parce qu'il jugea ça plus sûr que de lui donner en main et de risquer de se la prendre dans la tronche.

"J'ai rien besoin. J'voulais t'expliquer, c'est tout. Et que t'arrêtes de te comporter comme un connard quand tu m'croises."

Visiblement, c'était trop demander. Au moins, il aurait essayé hein.. L'important, c'est de participer, comme disaient tous les losers.

"Et j'voulais que tu goutes la tarte. Pour qu'tu voies que j'fais pas de la merde. Peut-être que j'voulais ton avis, voir si tu savais faire autre chose que gueuler sur les gens."

Mais ça, c'était peine perdue, fallait se faire une raison.

Mais merde, où est-ce qu'il avait signé pour éduquer cet emmerdeur ? Il avait jamais promis son âme à qui que ce soit, si ? Ou bien c'était le karma, pour toutes les saloperies qu'il avait fait dans sa vie antérieur ou dans le passé... Et quand Jesus avait commencé à insulter son cul (enfin, sa personne, hein) Il avait failli en venir en main lui aussi. Mais MERLIN que ce typé était détestable. Heureusement que Connor était chez lui, ou il aurait laissé sa magie tout exploser encore fois. Sa crinière, par contre, était devenue rouge colère.

« Je te préviens... »

La fiole l'arrêta immédiatement dans son élan. Hein ? Quoi ? Mais d'où il... Hein ? Connor ne comprenait plus rien. A moins qu'en plus du reste, il cherche à l'empoisonner ? Il n'avait pas essayé avec ses gâteaux, mais ça ne voulait pas dire que ce n'était pas un leurre. Ou deux. On ne savait jamais.

« Mais j'en veux pas de ton... »

Il avait foutu quoi dedans en plus. Un ongle de pied ? Un cheveux ? Un poil de... yurk. Et de QUOI il parlait encore avec cette tarte. Non mais vraiment, ce type avait un problème avec lui. Ou un problème tout court. Le jeune rouquin n'avait pas la moindre idée de ce que Jesus pouvait vouloir à insister comme ça. Que ce soit pour se faire pardonner, pour avoir la conscience tranquille, passe encore. Mais là ? Il cherchait des excuses au vol ou quoi ? D'où ça sortait cette histoire de tarte.

« Tu te rends compte que t'as rien expliqué du tout. Tu m'as donné une vague excuse de merde, et encore, tout ce que je vois c'est que tu fais une fixette et qu'on a rien à se dire et que tu m'insultes juste parce que je veux plus rien à voir avec toi. »

Il répondit à tout ce fatras. Non parce qu'il l'avait traîté de connard et de mec qui gueule tout le temps, il avait été poli à la pâtisserie, merde.

« Alors sois sympa, et laisse tomber. J'ai compris, t'es pas un connard, t'as juste fait une connerie et tu fais des bonnes tartes. On va juste retourner chacun à sa vie d'avant, et puis voilà. »

Il offrit comme porte de sortie. Connor était tout sauf un bon hypocrite, et ça devait se voir qu'il voulait juste avoir la paix, mais là, il n'en pouvait juste plus de tout ça. Il avait autre chose à faire, d'autres chats à fouetter et surtout, il était pas son père. Peut être qu'il garderait en tête que si un jour il recroise se type, il l'insultera pas. Mais il n'avait vraiment, mais alors vraiment aucune envie d'entendre ses excuses ou ses explications, et encore moins le revoir, si on lui laissait le choix.

Parfois, les idées de Jesus le dépassaient lui-même. Et sa joueuse. C'est le cas de ce polynectar, qu'il posa sur le comptoir. Ca lui avait semblé une bonne idée, lorsqu'il l'avait fait. Tout comme ça lui avait semblé avisé de venir ici, d'ailleurs. Avec une tarte. Et des excuses en coulis de framboise, écrites dessus. Là, alors qu'ils se gueulaient dessus, plus rien ne semblait vraiment faire sens. Nathanaël serait dépité, s'il apprenait. Et ça le désolait un peu plus...

On ne l'y reprendrait pas. A essayer d'être ce qu'il n'était pas. Par le polynectar mais surtout par les faits et gestes. Il se sentait con lui, même, en plus d'être énervé. Parce que manifestement, ça ne menait à rien. Il ne se sentait pas mieux qu'avant, au contraire. Il était encore plus agacé. Et Connie... Semblait ne rien vouloir entendre ni comprendre.

"Mais j't'insulte pas ! Si tu me laissais parler au lieu de me gueuler dessus aussi... J'étais venu pour discuter, hein !"

Même si ça ne paraissait plus tellement, là. A la base, il était calme. Et il avait essayé de le rester. Il avait même des arguments, en tête. Peut-être qu'il enverrait une lettre, à tête reposée, pour coucher tout ça sur papier. Même si lui et les mots... ouais. Non. Probablement qu'il n'enverrait rien. Il avait essayé, hein.

"J'fais pas de fixette. J'ai essayé d'expliquer. Visiblement, t'en as rien à foutre, c'pas grave, t'sais quoi."

Il prenait déjà le chemin de la sortie, refermant l'emballage de la tarte qui n'y était pour rien dans toute cette histoire.

"Garde la tarte. La fous pas en l'air ! Elle y est pour rien et j'me suis donné du mal. Promis, elle est bonne !"

Ça lui ferait mal au coeur, qu'il la jette, juste parce qu'il était énervé. On ne jouait pas avec la nourriture comme ça, c'était sacré ! Dépité, il prit le chemin de la porte. Ca le faisait bien chier que ça se passe comme ça. Mais il avait fait tout son possible, il trouvait. Et vraiment gardé son sang froid. Pour un Jesus...
Il se retourna vers lui, songea à lui dire un truc mais à part "à jamais, connard", il n'y a rien qui lui venait. Alors il fit un vague signe de la main et claqua la porte derrière lui. C'est encore ce qui lui semblait le mieux...